21 novembre 2013

Lettre de Hannah Brencher

À quiconque trouvera cette lettre

Vous et moi, nous ne nous connaissons pas. (...) mais cela n'a vraiment pas d'importance pour moi. C’est tellement petit et insignifiant comparé à ce que j'aimerais que vous sachiez : vous êtes une personne charmante, vous avez de la valeur, vos mains ont été faites pour de grandes choses.

Vous pensez sans doute que je suis folle. Vous êtes probablement assis là avec cette lettre dans les mains, vous ne pouvez pas savoir que... vous ne me connaissez pas... vous ne savez pas rien de moi. Oui, vous avez raison. Mais je connais toutes les choses que je croyais ne pas mériter. Je me rappelle comme il était très difficile de m’aimer, et de m’apprécier, et même de regarder mon reflet dans le miroir. Et je sais que je ne suis pas la seul à avoir besoin d'un remontant certains jours, besoin de savoir que je compte pour quelqu'un quelque part.

Vous comptez pour moi. D'une certaine façon, je ne peux pas l’expliquer, mais vous comptez pour moi. Et vous êtes une merveilleuse personne ... tout ce que vous êtes est pure merveille. 

Amour,
Une fille qui essaie simplement de trouver son chemin



Transcription TED :

A l'université, j'étais une des seules élèves ayant une bonne raison d'aller à sa boîte aux lettres chaque soir, et cette bonne raison était principalement que ma mère n'a jamais cru aux emails, à Facebook, aux SMS, ou même simplement aux portables. Et donc, alors que tous les autres envoyaient des messages Blackberry à leurs parents, j'attendais littéralement à côté de ma boîte aux lettres une lettre de la maison qui me dirait comment le weekend s'était passé, ce qui était assez agaçant quand Mamie était à l'hôpital, mais j'attendais juste quelques gribouillages, quelques lettres griffonnées par ma mère.
       Et donc, quand j'ai déménagé à New York City à la fin de l'université, et qu'une dépression m'a violemment poignardée dans le dos j'ai fait la seule chose à laquelle je pouvais penser à ce moment-là: j'ai écrit le même genre de lettres que celles que ma mère m'envoyait; pour des étrangers. Je les ai disséminées dans la ville, des douzaines et des douzaines de lettres. Partout. Dans des cafés, dans des bibliothèques, à l'O.N.U, partout. Je tenais un blog à propos de ces lettres et des jours où je ressentais le besoin de les écrire, puis j'ai fait une promesse folle à Internet: j'ai promis qu'à quiconque me demanderait une lettre manuscrite j'en écrirai une, sans poser de question. En une nuit, ma boîte mail s'est métamorphosée en un asile pour les chagrins, d'une mère célibataire à Sacramento à une fille persécutée dans le Kansas rural, tous me demandaient à moi, une jeune femme de 22 ans même pas certaine de comment elle aimait son café, de leur écrire une lettre d'amour et de leur donner une raison d'attendre à côté de la boîte aux lettres.
       Aujourd'hui, j'alimente une ONG internationale elle-même alimentée par ces aller-retour à la boîte aux lettres, alimentée par la possibilité d'utiliser les réseaux sociaux de façon tout à fait nouvelle, pour écrire et envoyer des lettres à des étrangers, quand ils en ont le plus besoin, mais surtout, alimentée par des conteneurs de courrier comme celui-ci, mon gentil conteneur de courrier, rempli des écritures de gens ordinaires, d'étrangers écrivant des lettres à d'autres étrangers pas parce qu'ils se croiseront un jour pour prendre un café et se raconter des blagues, mais parce qu'ils se sont rencontrés grâce à une conversation épistolaire.
       Mais, vous savez, ce qui me surprend toujours au sujet de ces lettres, c'est que la plupart sont écrites par des gens qu'on n'a jamais aimé sur des feuilles de papier. Ils ne peuvent pas vous raconter l'encre de leurs propres lettres d'amour. Ce sont ceux de ma génération, ceux qui ont grandi dans un monde où tout est virtuel, et où nombre de nos meilleures conversations ont eu lieu par écrans interposés. Nous avons fait de Facebook notre journal intime, et sommes des as du discours en 140 caractères ou moins.
       Mais si le but n'était pas l'efficacité, cette fois? J'étais dans le métro hier, avec ce conteneur à lettres, qui est par ailleurs un excellent moyen d'engager une conversation; si vous ne savez pas par où commencer, prenez un de ces conteneurs avec vous (Rires) et un homme qui me dévisageait me demanda: "Pourquoi n'utilisez-vous pas Internet?" Et j'ai pensé : "Monsieur, je ne suis ni stratège ni spécialiste. Je suis à peine une conteuse." Ainsi, je pourrais vous parler d'une femme dont le mari vient de rentrer d'Afghanistan, et qui peine à déterrer cette chose qu'on nomme "conversation", alors elle dissémine des lettres d'amour partout dans la maison comme pour dire "Reviens vers moi. Trouve-moi quand tu le pourras." Je pourrais vous parler d'une fille qui décide de poser des lettres d'amour partout dans son campus de Dubuque, Iowa, pour découvrir son oeuvre décuplée le lendemain en sortant dans la cour où elle voit des lettres d'amour suspendues aux arbres, coincées dans les buissons, posées sur les bancs. Je pourrais vous parler d'un homme qui décide de se suicider, qui utilise Facebook comme medium pour dire au revoir à ses amis et sa famille. Eh bien, ce soir il dort paisiblement avec une pile de lettres juste comme celles-ci cachées sous son oreiller, écrites par des étrangers qui furent là pour lui quand il en eût besoin.
       Ce sont ces histoires qui m'ont convaincue que les lettres manuscrites n'auront jamais besoin d'un lifting ou de se mettre à parler d'efficacité, parce que ce sont désormais une forme d'art. Tout en elles, la signature, l'écriture, l'envoi, les gribouillis dans les marges, le simple fait que quelqu'un s'asseye, prenne une feuille et pense à quelqu'un tout au long de la rédaction, avec un dévouement qui est tellement plus difficile à trouver devant son navigateur, pendant que l'iPhone bippe et qu'on a six conversations qui apparaissent en même temps, tout cela est une forme d'art qui ne se soumet pas au Goliath "Toujours plus vite", peu importe le nombre de réseaux sociaux qu'on rejoint. On presse toujours ces lettres tout contre sa poitrine, ces mots qui parlent plus fort que fort alors que nous changeons les pages en palettes pour dire ce que nous avons besoin de dire, dire les mots que nous avons besoin d'écrire à nos soeurs et nos frères, et même à des inconnus, depuis bien trop longtemps. Merci. (Applaudissements)

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