30 septembre 2017

Retour à l’Éden!

Je suis tombée dans les pommes : déjà un mois que je me régale. C’est tellement formidable de croquer dans des pommes bios, non cirées, non irradiées, non génétiquement modifiées, sans glyphosate, etc.

En passant, j’ai réfrigéré mes pommes dans des sacs de papier brun au lieu de sacs ou contenants en plastique. Elles restent croquantes et se conservent pas mal plus longtemps. Grosse différence. Je teste avec d’autres fruits et légumes. J’ai hâte de voir le résultat.

Cueillette au Mont Saint-Hilaire

Photo : Terroir & saveurs du Québec

Quelques-unes des variétés de pommes Qualité Québec : Ginger Gold, Jerseymac, Sunrise, Wolf river, Délicieuse rouge, Belle d’août, Red Cort, Melba, Paulared, Lobo, McIntosh, Spartan, Empire, Cortland, Golden Russet, Honeycrisp, Royal Gala, etc. 

Le rouge-gorge

Le rouge-gorge est au verger;
Ah! qu'il est joli, le voleur;
Il ne pèse pas plus que plume
Et le vent le balance à son gré
Comme une fleur;
Ah! qu'il est joli, le voleur de prunes.

Oiseau, bel oiseau d'automne,
Voici l'oseille qui rougit
Dans l'herbe,
Et la feuille du poirier jaune;
Tout se couvre de pourpre et de vieil or superbe
Avant l'hiver gris.

~ Tristan Klingsor  

28 septembre 2017

VIVE LES CHEVAUX... LIBRES!



Ces magnifiques chevaux en liberté me faisaient penser aux Catalans.

D’une réflexion à l’autre, sur le thème de la liberté, je me demandais si, aujourd’hui, Charles de Gaulle clamerait haut et fort du haut d'une tribune à Barcelone :
«Vive la Catalogne. Vive la Catalogne... liiiibre!» 

Photo : Josep Lago / Agence France-Presse. Une femme dépose des fleurs sur une voiture de la police catalane lors d'une manifestation pro-référendum, à Barcelone. 

Je souhaite de tout mon coeur que tout se déroule pacifiquement dimanche. Les quelques agressions isolées survenues ces derniers jours venaient de manifestants d’extrême droite anti-référendum. Depuis une semaine, les autorités ont multiplié les perquisitions et les menaces de sanctions. La Garde civile a saisi des millions de bulletins. Même si la population de la Catalogne est divisée sur l'indépendance, la majorité des habitants de cette région du nord-est de l'Espagne souhaite un référendum légal. Le ministère espagnol de l'Intérieur a affrété trois ferries pour loger les renforts policiers – deux à Barcelone et un à Tarragone – en prévision du référendum illégal du 1er octobre organisé par les dirigeants indépendantistes.

Peur et violence sont quasi inséparables : «Je dois dire un mot sur la peur. C'est le seul adversaire réel de la vie. Il n'y a que la peur qui puisse vaincre la vie. C'est une ennemie habile et perfide ... Elle n'a aucune décence, ne respecte ni lois ni conventions, ne manifeste aucune clémence.» (Yan Martel, L'histoire de Pi)

Si vous avez accès à la zone de tou.tv, je vous recommande chaudement le film du peintre et documentariste Alexandre Chartrand (non cadenassé dans l’Extra...).

L’auteur suit le processus d’autodétermination catalan depuis 2006. Un documentaire de grande beauté, sobre, humain, émouvant. On «ressent» l’amour qu’il éprouve envers les Catalans. Lors des manifestations, ils expriment leurs espoirs avec enthousiasme, mais sans hystérie ni débordement de colère, c’est plutôt joyeux. Les célébrations de la «Diada» des dernières années, sous la bannière de l’indépendance, ont parfois compté plus d’un million de personnes, et à ma connaissance, aucun incident violent n’a eu lieu.

Le peuple interdit (1/2) 

En 2014, un vote portant sur l’indépendance de la Catalogne a été déclaré nul par le Tribunal constitutionnel de l’Espagne. Ce documentaire nous transporte au cœur des plus grandes manifestations d’Europe et des activités de militants engagés défiant les interdictions pour exiger une démarche démocratique digne de leurs aspirations : la création d'un nouvel état européen.
Année de production : 2017
Date de diffusion : 22 septembre 2017
Production : Le Grand Imagier Inc.
Réalisateur : Alexandre Chartrand

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Retour sur l’origine du conflit entre Madrid et la Catalogne

Pourquoi autant de tension autour du référendum en Catalogne?
Radio-Canada avec Agence France-Presse
Un texte de Ximena Sampson

Des milliers de Catalans descendent quotidiennement dans les rues de Barcelone pour défendre leur droit à l'autodétermination, tandis que leurs dirigeants et le gouvernement espagnol multiplient les bravades. Jusqu'où ira la confrontation? Et d'où viennent ces tensions?


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Interview

Le documentariste québécois Alexandre Chartrand est aux premières loges de l'escalade des tensions entre Madrid et le gouvernement indépendantiste de la Catalogne, à quelques jours de la tenue d'un référendum sur l'autodétermination de la région. En attendant son prochain film, il fait part à Michel Désautels de ses observations et réflexions sur la situation qui règne en Espagne et qui semble se diriger vers une impasse.
Audiofil :

Site d’Alexandre Chartrand  https://chartrand.jimdo.com/
Sociofinancement :

24 septembre 2017

La mort des mots de passe

Nous sommes déjà soumis à la reconnaissance faciale (biométrie) puisque nous sommes filmés/surveillés partout à l’extérieur. Mais un jour il faudra sans doute fournir nos empreintes digitales comme de présumés assassins, un échantillon d’ADN, et porter une puce électronique comme les animaux. Tout ça au nom de la sécurité. La sécurité de qui et de quoi au juste?

Autrefois les esclaves portaient des chaînes, aujourd’hui ils portent des iPhones.

Face ID 

Les «révolutions» d'Apple rencontrent toujours des sceptiques en chemin. Ce 12 septembre, la toute dernière innovation de l'entreprise fondée par Steve Jobs, Face ID une technique de déverrouillage de l'iPhone X au moyen de la reconnaissance faciale, en a fait l'expérience. Dès la fin de la keynote, de nombreux internautes s'en sont ainsi donné à cœur joie pour imaginer sur Twitter les situations les plus loufoques qui pourraient naître de l'utilisation de Face ID. (HuffPost FR)
La vidéo est trop drôle :

Supposons que vous marchez dans la rue en textant et que vous vous pétez la face en tombant. Est-ce que votre iPhone X vous reconnaîtra (s’il n’est pas brisé!) avec un œil au beurre noir, le nez cassé et des égratignures? Hum...


Identification réussie :

Hitler et son Mac. Auteur inconnu (dommage, c’est astucieux à divers degrés d’entendement).

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Reconnaissance faciale : pas si anodin. La reconnaissance faciale a été présentée comme la grande innovation du nouvel iPhone X. Catherine Mathys explique que ce n'est pourtant pas nouveau. Malgré les failles et les erreurs fréquentes, en Chine, on utilise déjà cette technologie pour poursuivre les piétons indisciplinés. En Russie, on l'utilise pour identifier des manifestants. Bientôt, un inconnu pourrait prendre une photo de vous à votre insu et en apprendre beaucoup sur vous.
Audiofil :

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L’art de dévisager... Quand j’étais jeune, on nous demandait de ne pas dévisager les gens en public, c’était considéré impoli. Les temps ont changé! 

La reconnaissance faciale est une technologie très efficace qui est utilisée dans de nombreuses applications liées à la sécurité. Elle est un outil très fiable pour aider les forces de police à identifier des criminels, ou bien pour permettre aux services de douanes de vérifier l’identité des voyageurs. Utilisée dans des applications commerciales, elle permet de sécuriser des transactions en ligne. La reconnaissance faciale est sans contact et son utilisation ne nécessite aucun outil spécifique, ce qui en fait la solution idéale pour l’identification de personnes dans une foule ou dans des espaces publics.
   Le système tente-t-il de faire la distinction entre des sujets coopérants et non coopérants? Les sujets coopérants sont ceux qui autorisent volontairement que leur image faciale soit capturée. Les sujets non coopérants sont ceux dont le visage est capturé par des caméras de surveillance ou par des témoins utilisant leur Smartphone.
   Un logiciel de reconnaissance faciale installé sur un dispositif mobile (tel que Smartphone, tablette ou ordinateur) équipé d'une caméra, permet à un utilisateur d'accéder à un compte, et remplace ainsi l'utilisation d'un mot de passe pour s'authentifier. Cette technologie permet d'identifier des suspects. Pour le contrôle aux frontières, elle permet d'alléger les procédures tout en renforçant la sécurité. Un autre cas d'usage de la reconnaissance faciale est le contrôle d'accès à des sites sensibles. Dans le secteur commercial, les analystes adoptent cette technologie dans le but de recueillir des données démographiques stratégiques.
(Texte piqué sur le site d’un vendeur de technologies de reconnaissance dont je ne veux pas faire la publicité...)

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Les inquiétudes de la vie privée

Même si elle est précise, la reconnaissance faciale soulève des problèmes importants sur la vie privée. Le principal souci est similaire aux bases de données ADN.
Les caractéristiques faciales et les photos sont stockées par des agences gouvernementales qui peuvent surveiller une personne n’importe où ce qui supprime le concept d’anonymat et de vie privée. Et de nouveaux problèmes de la vie privée continuent d’apparaitre. Une nouvelle application, FindFace, permet de prendre la photo d’une personne et d’utiliser la reconnaissance faciale pour trouver ses comptes de réseaux sociaux. Comme l’enfer est pavé de bonnes intentions, les développeurs estiment que c’est pour “mieux se connecter avec ses proches”, mais on peut l’utiliser pour révéler l’identité réelle derrière un pseudo ou harceler des personnes.
   On a également des utilisations abusives potentielles sur les images publiques. Quand la police publie la photo d’un enfant disparu, on n’a aucune législation qui encadre cette pratique. Et on ignore si ces images publiques sont utilisées par la reconnaissance faciale.
   Et on ne parle même pas de la combinaison de la reconnaissance faciale avec d’autres technologies telles que les scanners corporels de la police, les logiciels de géolocalisation ou le machine learning pour avoir une surveillance de masse en temps réel.
   Cela va bien au-delà de la simple identification, car la combinaison de ces technologies nous mène dans le royaume de la prédiction où on pourra prédire les comportements futurs d’une personne. Cela offre de nouvelles perspectives pour le combat contre le crime et approfondit les fissures de la vie privée.
   La technologie offre des outils puissants et la loi est souvent en retard pour gérer ces nouveaux développements. Mais si nous utilisons la reconnaissance faciale dans l’immigration et les forces de l’ordre, alors nous devons comprendre ses possibilités et ses abus avec les problèmes dans la précision, la vie privée et l’éthique.

Source : Comment fonctionne la reconnaissance faciale, et quels sont les risques qu’elle représente pour la vie privée? Jacqueline Charpentier, 5 avril 2017

Un brin d’humour pour les internautes encore à l’âge des mots de passe.

Les mots de passe sont comme les sous-vêtements...
Changez souvent.

Les mots de passe sont comme les sous-vêtements...
Ne les partagez pas avec vos amis.

Les mots de passe sont comme les sous-vêtements...
Plus ils sont longs, mieux c’est.

Les mots de passe sont comme les sous-vêtements...
Soyez mystérieux.

Les mots de passe sont comme les sous-vêtements...
Ne laissez pas trainer les vôtres.

21 septembre 2017

Ballet de papillons

Je suis sortie très tôt ce matin. Ce qui m’a valu l’immense joie d’observer une farandole de monarques. Assise dans l’herbe au soleil je les ai regardés voler en silence. Des années que je n’avais pas vu un tel rassemblement. Peut-être que les campagnes de sensibilisation ont porté fruit, que les gens ont fait pousser de l’asclépiade dans leurs cours et qu’on n’a pas pulvérisé d’insecticides/pesticides sur les plants qui bordent les champs et les routes.

Mais leur sort dépend de tellement de facteurs, qu’il est difficile de prédire leur espérance de vie. Les monarques passent l’hiver au Mexique – comme beaucoup de Québécois! Or ce pays vit de très durs moments à bien des points de vue. Alors, on peut supposer et comprendre que la survie des monarques soit sans doute le dernier de leurs soucis...


Le monarque en voie de disparition?
Par Daphné Laurier Montpetit
Mission papillon

Le Comité sur la survie des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a publié la semaine dernière sa plus récente liste des espèces sauvages jugées en danger. Parmi la liste figure le monarque, que le Comité recommande de qualifier «en voie de disparition». Quel impact peut avoir cette nouvelle désignation sur la population de l’emblématique papillon? Nouvelle inquiétante ou source d’espoir?
[...]

Suite à la plus récente évaluation, le COSEPAC recommande de faire passer le statut du monarque de «préoccupante» à «en voie de disparition» au Canada, ce qui représente un saut important.

Plusieurs menaces pèsent sur le monarque : les pesticides, les changements climatiques, la destruction de leurs habitats de reproduction… Mais ce qui justifie ce drastique changement de statut, selon le comité, c’est la réduction continuelle de la taille des aires d’hivernage, au Mexique. En effet, les forêts de sapins oyamels ont connu une recrudescence de coupe illégale de bois, malgré les efforts de protection du gouvernement mexicain. Puisque toute la population migratrice de l’est de l’Amérique du Nord se retrouve à cet endroit durant l’hiver, la région est névralgique pour la survie du monarque.

Piedra Herrada, Mexique. Photo : Maxim Larivée 

Bonne ou mauvaise nouvelle?

Plusieurs sont attristés par ces recommandations, mais est-ce réellement une mauvaise nouvelle? La situation du papillon, qu’on savait déjà précaire, n’a pas empirée de ce fait. Même si le constat nous met face à une dure réalité, on peut y voir une source d’espoir.
[...]  

Une aide en marche

La bonne nouvelle, c’est qu’on n’a pas besoin d’attendre les procédures officielles pour donner un coup de main au monarque : Mission monarque est là pour ça! [...]  


Au revoir!

Alors que l’orangé des ailes de monarque est remplacé par celui des feuilles d’arbres, brandissons nos mouchoirs et souhaitons bonne chance à nos chers papillons! Depuis déjà quelques semaines, ces monarques que vous avez observés en fin d’été (peut-être même à l’étape de chenille), entreprennent le grand voyage vers les montagnes du centre du Mexique, où ils passeront l’hiver.

Une migration unique

Peu d’espèces peuvent se vanter d’un tel exploit. Parcourir 4000 km à coup d’ailes de papillons n’est pas une mince affaire. Comment les monarques surmontent-ils ce défi titanesque? Ils ont plus d’un tour dans leur sac!

Alors que les générations précédentes vivent environ un mois au stade d’adulte, les papillons de la génération migratrice, eux, peuvent vivre plus de neuf mois. Ils mettent en pause le développement de leurs organes reproducteurs, au moment de l’émergence (à la sortie de la chrysalide), et terminent le développement au printemps suivant. Cette pause permet aux papillons d’investir plus d’énergie dans l’accumulation de réserves pour la migration. Les papillons utilisent les grands vents des corridors migratoires pour se déplacer sur d’immenses distances. En cours de route, ils arrêtent lorsque les conditions ne sont pas favorables, ou lorsqu’ils arrivent à un grand point d’eau, où ils se ravitaillent en eau et en nectar. Année après année, les foules de papillons en migration sont observés sur les mêmes sites de repos, le long des grands lacs.

Comment savent-ils où arrêter? Qu’est-ce qui les guide  vers les aires d’hivernage que leurs arrière grands-parents avaient visité? Quels autres trucs utilisent-ils pour réussir un si grand voyage? Mystère! L’impressionnante migration des monarques, inimitée dans le monde, préserve son lot de secrets. Si les monarques disparaissent, la migration disparaît aussi, emportant avec elle les réponses aux questions que se posent de nombreux scientifiques.
[...]


MISSION MONARQUE

À chaque année, les citoyens sont invités à prendre part à la recherche de plants d’asclépiades, la plante essentielle à la survie des monarques, et à vérifier la présence de chenilles de monarques sur cette plante. Vous pouvez colliger les données dès l’apparition des asclépiades au printemps jusqu’au départ des monarques, à l’automne.

http://espacepourlavie.ca/actualites/le-blitz-mission-monarque-vous-connaissez  

Asclépiade 

Chenille monarque 

Belle-dame ou Monarque?

Par Daphné Laurier Montpetit
Coordonatrice du projet Mission monarque

On l’appelle la belle-dame (vanessa cardui), et c’est l’espèce de papillon la plus répandue au monde. Au Canada, elle semble suivre un cycle : rare certaines années, elle revient en nombre d’autres étés. Cette année, les observations de cette espèce foisonnent. Avec ses ailes orangées, elle peut rappeler le monarque et tromper l’œil de plusieurs observateurs.

Savez-vous la différencier du monarque?

Des ressemblances…
Comme le monarque, la belle-dame appartient à la famille des nymphalidés. Il s’agit aussi d’une espèce migratrice qui, après avoir volé au Canada d’avril à octobre, migre vers le sud des États-Unis ou au Mexique pour l’hiver. On peut observer deux ou trois générations au cours de l’été.

… et des différences!
Si ses couleurs peuvent rappeler celles du monarque, les patrons affichés sur ses ailes sont bien différents. La belle-dame ne présente pas de nervures noires, comme celles du monarque, mais plutôt des taches brunes. Sur le revers de ses ailes postérieures, visible lorsque le papillon a les ailes fermées, on distingue quatre ocelles – taches rondes rappelant des yeux.

D’une envergure d’environ 6 cm, la belle-dame est aussi plus petite que le monarque, qui, peut atteindre jusqu’à 10 cm d’envergure. Le vol de la belle-dame est rapide et erratique, contrairement au flottement lent du monarque.

Vous avez vu des belles-dames?
À première vue, on peut facilement confondre les deux papillons orangés. Pour vous assurer de rapporter la bonne espèce de papillon, prenez des photos de vos trouvailles. Les clichés sont d’une grande aide pour confirmer les identifications. Fiez-vous aux fiches d’identification du monarque et à la fiche “À ne pas confondre” pour valider vos observations.

Pensez à rapporter vos observations de monarques sur le site de Mission monarque. Et s’il s’agit de belles-dames? Contribuez à la recherche sur les papillons, en rapportant vos observations sur le site iPapillon! Vos informations de connexion de Mission monarque fonctionnent aussi sur ce site.

Belle-dame

Monarque (photo André Sarrazin)

18 septembre 2017

Qui prend le temps de sentir les fleurs?

Beaucoup de gens passent quatre heures et plus par jour le nez dans leurs smartphones. S’abaisseraient-ils à humer des fleurs? Mais non, c’est une perte de temps.

Les enfants imitent les adultes  

À l’ère du smartphone, nos mains et notre cerveau sont en permanence accaparés par l’envoi de textos, la rédaction de e-mails, les «like», les tweets, les vidéos sur YouTube ou une partie de Candy Crush. Les Américains passent en moyenne cinq heures et demie par jour sur les médias numériques, dont la moitié à partir d’un appareil mobile, selon le cabinet d’études eMarketer. Et les chiffres sont encore plus élevés pour certaines catégories. Les étudiantes de l’université Baylor, à Waco (Texas), déclarent utiliser leur portable en moyenne dix heures par jour. Les trois-quarts des 18-24 ans affirment consulter leur téléphone dès le réveil. Les Britanniques vérifient leur appareil 221 fois dans la journée – une fois toutes les 4,3 minutes en moyenne. Et ce chiffre est sans doute en dessous de la réalité, car nous avons tendance à sous-estimer notre usage du mobile : selon une enquête réalisée par l’institut Gallup en 2015, 61 % des Américains interrogés assuraient regarder leur téléphone moins souvent que leur entourage. La rapidité avec laquelle nous nous sommes transformés en un peuple connecté est sans précédent. [...]
~ Jacob Weisterberg (Le nez sur sa machine; Books, octobre 2016)

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Une étude menée par l’Anglia Ruskin University dévoile que l’utilisation des smartphones transforme considérablement notre attitude corporelle, et notamment la façon dont nous marchons. Nos téléphones mobiles nous rendent dangereux pour nous-mêmes et pour ceux qui nous côtoient.

Depuis l’avènement de l’ère des smartphones, il n’est pas rare de voir des individus se heurter à des lampadaires, trébucher dans les escaliers ou manquer de se faire renverser par une voiture, le nez collé à leur smartphone. Ce genre de situation vous est peut-être même déjà arrivé, notamment depuis la sortie de jeux comme Pokémon Go. Même lorsque nous marchons, nous ne quittons plus vraiment le royaume numérique. Les smartphones nous empêchent de détecter et d’éviter les obstacles.
~ Bastien Lépine (Les smartphones auraient totalement modifié la façon dont nous marchons; Deal Buzz, juillet 2017)


Alors, qui sent les fleurs?  
(Source : diaporama, photographes non identifiés)   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

15 septembre 2017

Parcours du combattant

Coincée dans un bouchon de circulation autoroutier (détour imposé en raison des travaux de construction), j’observais tout autour les centaines de gros véhicules à un seul passager (le conducteur), cuisant au soleil.
   De l’asphalte, de la puanteur de gaz, de la pollution atmosphérique et de la laideur! J’évite les autoroutes autant que possible – ça me déprime.
   Quand j’arrive dans mon patelin vert rempli d’arbres, je respire enfin.  Il y a encore des oiseaux... Pour combien de temps, ça, on l’sait pas!  

La moitié des espèces canadiennes sont menacées, prévient le WWF
Bob Weber, La Presse Canadienne | 14 septembre 2017

La population de la moitié de 903 espèces canadiennes d'oiseaux, de poissons, de mammifères, de reptiles et d'amphibiens s'est effondrée au cours des 40 dernières années, prévient une nouvelle étude.

Ces espèces ont perdu 83 % de leurs individus entre 1970 et 2014, selon le rapport dévoilé jeudi par le Fonds mondial pour la nature (WWF). Le déclin des espèces protégées par une loi fédérale a été comparable à celui des espèces non protégées.
   Le président du WWF, David Miller, a dit que, règle générale, la Loi canadienne sur les espèces en péril ne semble avoir eu aucun effet et qu'il est maintenant «incroyablement urgent» de renverser le déclin.
   L'étude explique que les déclins de population sont causés par des facteurs qui commencent à être bien connus: la perte d'habitat, les changements climatiques, les espèces envahissantes et la pollution.
   M. Miller s'est dit surpris de constater que des lois comme la Loi canadienne sur les espèces en péril, qui a été adoptée en 2014, n'ont en rien ralenti le déclin.
   «La science nous démontre que cela n'a fait aucune différence concrète pour les espèces», a-t-il expliqué.
   Les populations des espèces mentionnées par la loi se sont écroulées de 63 % pendant la durée de l'étude. Le rapport laisse même entendre que le déclin s'est potentiellement accéléré depuis son adoption. ...
   Les populations d'oiseaux des prairies se sont effondrées de 69 %, celles des insectivores de 51 % et celles des oiseaux de rivage de 43 %.

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Nous n’avons pas appris à vivre et laisser vivre.

Maman et bébé Red Knot (photos Gerrit Vyn) : 



Quand je lis ce genre de nouvelles, je regarde des vidéos. Ça ne me console pas, mais au moins je me rince l’œil. La vidéo Birds of the Yellow Sea publiée par CornelLab of Ornithology est magnifique. J’ai l’impression que les photographes spécialisés s’empressent de filmer et photographier toutes les espèces menacées ou les derniers spécimens de celles qui sont sur le bord de l’extinction. C’est le parcours du combattant et une course contre la montre.

Info sur les espèces :

Vidéos :

Et bien sûr, le blogue de Laura Erickson :

Birds of the Yellow Sea

LabofOrnithology October 31, 2016

The intertidal mudflats of the Yellow Sea contain the most important stopover sites for migratory shorebirds in the East Asian-Australasian Flyway - a flyway that has transported birds from breeding grounds in the Russian and Alaskan Arctic to wintering areas in Southern Asia, Australia and New Zealand for hundreds of thousands of years. The productivity of the Yellow Sea’s mudflats and the food they provide to migratory birds are critical to the survival of many species.

This film provides a primer on the basic biological principles of migratory shorebird ecology and why the Yellow Sea is a critical international hub for bird migration.

Filmed and narrated by Gerrit Vyn, a Seattle-based photographer who is passionate about conservation and connecting humans with the animals. He mainly photographs birds and has been featured in National Geographic, Audubon, Living Bird, BBC Wildlife, Natural History. 

13 septembre 2017

Stress chronique : le corps paie la facture

Nous sommes plus stressés que jamais. Si par hasard, nous sommes plutôt sereins, nous regardons le stress que vivent nos semblables. Notre cerveau compile les mauvaises nouvelles et les images et se dit «prépare-toi au pire!». De sorte que l’inquiétude peut nous éroder sans raison valable. Étonnamment, au début du premier millénaire judéo-chrétien, Sénèque nous en avisait (1).

Une récente recherche de l’American Psychological Association (APA) a constaté que le niveau de stress chez l'ensemble des Américains était en hausse. Sur une échelle de 1 (peu ou aucun) à 10 (beaucoup), le niveau de stress global est passé de 4,8 à 5,1 entre août 2016 et janvier 2017. (Peut-être à cause de Donald Trump...) Non seulement le stress chronique influe sur notre capacité de mémoriser et d’apprendre, mais les scientifiques ont découvert qu’il endommageait et tuait les cellules du cerveau. D’un autre côté, les recherches en neurobiologie et neuroplasticité tendent à démontrer que le cerveau est malléable et qu’il peut changer (à n’importe quel âge) avec un training adéquat et soutenu. Modifier les codes peut, semble-t-il, rétablir certaines connexions et réduire le stress chronique et ses effets physiologiques, caractérisés par la douleur. En tout cas, c’est à explorer.


Quand la peur prend les commandes
Source : Le cerveau à tous les niveaux, blogue de l’université McGill

D'un point de vue psychologique, la peur, l'anxiété et l'angoisse désignent trois réalités distinctes. Elles sont toutefois apparentées et peuvent aussi être considérées comme trois degrés d'un même état : la mise en jeu du système nerveux sympathique qui pousse à l'action, alors qu’en réalité celle-ci est impossible.

La peur est une émotion forte et intense éprouvée en présence d'une menace réelle et immédiate. Elle origine d'un système qui détecte les dangers et produit des réactions qui augmentent nos chances de survie face à cette situation dangereuse. Autrement dit, elle met en branle une séquence comportementale défensive. Chez l'être humain, elle peut aussi surgir à la pensée d'un danger potentiel. Les principales voies nerveuses à l'origine de cette réaction défensive qu'est la peur sont bien connues, ainsi que les circuits du cœur de ce système d'alarme, l'amygdale.

L'anxiété est une émotion vague et déplaisante qui traduit de l'appréhension, de la détresse, une crainte diffuse et sans objet. L'anxiété peut être produite par diverses situations : une surabondance d'information qu'on ne parvient pas à traiter, la difficulté d'admettre certaines choses (comme la mort d'un proche), le manque d'information qui fait nous sentir impuissant, des événements imprévisibles ou incontrôlables dans notre vie, le sentiment de ne pas pouvoir faire face à un événement, etc.

L'anxiété peut aussi résulter, et cela est proprement humain - donc issu d'un processus néocortical - de la construction imaginaire d'une situation qui n'existe pas mais qui est redoutée. C'est cette anxiété d'origine corticale qui peut être apaisée par des médicaments comme les benzodiazépines qui potentialisent l'effet du principal neurotransmetteur inhibiteur du cortex, le GABA.

Alors que l'anxiété passagère est normale et sans conséquence, l'inhibition de l'action dans laquelle nous met souvent une anxiété persistante peut mener rapidement à des états pathologiques. L'anxiété chronique peut aussi perturber les performances de plusieurs fonctions cognitives comme l'attention, la mémoire ou la résolution de problèmes.

Bien qu'elles aient une origine linguistique commune (angh de racine indo-européenne signifie serrer, comprimer), l'anxiété se différencie de l'angoisse par l'absence de modifications physiologiques (sensation d'étouffement, sueurs, accélération du pouls) qui ne manquent jamais dans l'angoisse.

L'angoisse se caractérise par l'intensité du malaise psychique ressenti qui résulte d'une extrême inquiétude, d'un danger vague mais imminent devant lequel on serait désarmé et impuissant. L'angoisse survient souvent sous forme de crises très difficiles à contrôler. L'individu a alors du mal à analyser l'origine de son angoisse, et s'affole d'autant plus qu'il sent les palpitations, les sueurs et les tremblements l'envahir. L'angoissé se concentre alors sur le présent et ne peut plus assumer qu'une tâche à la fois. Il présente des signes de tension musculaire et respire avec peine et digère mal.


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(1) Stoïcisme et recul pour limiter l’emprise des anticipations...

Lettre de Sénèque à Lucilius (extraits)

[2,13] LETTRE XIII.
Sur la force d'âme qui convient au sage.
Ne pas trop craindre l'avenir.

II y a, ô Lucilius, plus de choses qui font peur qu'il n'y en a qui font mal, et nos peines sont plus souvent d'opinion que de réalité.

...Ce que je te recommande, c'est de ne pas te faire malheureux avant le temps; car ces maux, dont l'imminence apparente te fait pâlir, peut-être ne seront jamais, à coup sûr ne sont point encore.

Nos angoisses parfois vont plus loin, parfois viennent plus tôt qu'elles ne doivent; souvent elles naissent d'où elles ne devraient jamais naître. Elles sont ou excessives, ou chimériques, ou prématurées.

Il est vraisemblable que tel mal arrivera, mais est-ce là une certitude? Que de choses surviennent sans être attendues, que de choses attendues ne se produisent jamais! Dût-il même arriver, à quoi bon courir au-devant du chagrin? Il se fera sentir assez tôt quand il sera venu : d'ici là promets-toi meilleure chance. Qu'y gagneras-tu? Du temps. Mille incidents peuvent faire que le péril le plus prochain, le plus imminent, s'arrête ou se dissipe ou aille fondre sur une autre tête. Des incendies ont ouvert passage à la fuite; il est des hommes que la chute d'une maison a mollement déposés à terre; des têtes déjà courbées sous le glaive l'ont vu s'éloigner, et le condamné a survécu à son bourreau. La mauvaise fortune aussi a son inconstance. Elle peut venir comme ne pas venir : jusqu'ici elle n'est pas venue. Vois le côté plus doux des choses.

Quelquefois, sans qu'il apparaisse aucun signe qui annonce le moindre malheur, l'imagination se crée des fantômes; ou c'est une parole de signification douteuse qu'on interprète en mal, ou l'on exagère la portée d'une offense, songeant moins au degré d'irritation de son auteur qu'à tout ce que pourrait sa colère. Or la vie n'est plus d'aucun prix, nos misères n'ont plus de terme, si l'on craint tout ce qui en fait de maux est possible. Que ta prudence te vienne en aide, emploie ta force d'âme à repousser la peur du mal même le plus évident; sinon, combats une faiblesse par une autre, balance la crainte par l'espoir. Si certains que soient les motifs qui effraient, il est plus certain encore que la chose redoutée peut s'évanouir, comme celle qu'on espère peut nous décevoir. Pèse donc ton espoir et ta crainte, et si l'équilibre en somme est incertain, penche en ta faveur et crois ce qui te flatte le plus. As-tu plus de probabilités pour craindre, n'en incline pas moins dans l'autre sens et coupe court à tes perplexités. Représente-toi souvent combien la majeure partie des hommes, alors qu'ils n'éprouvent aucun mal, qu'il n'est pas même sûr s'ils en éprouveront, s'agitent et courent par tous chemins. C'est que nul ne sait se résister une fois l'impulsion donnée, et ne réduit ses craintes à leur vraie valeur. Nul ne dit : Voilà une autorité vaine, vaine de tout point : cet homme est fourbe ou crédule. On se laisse aller aux rapports; où il y a doute, l'épouvante voit la certitude; on ne garde aucune mesure, soudain le soupçon grandit en terreur.


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9 septembre 2017

Changer de rue ne suffit plus

Ni changer de village, de ville, de région, de pays ou de continent. Désastres, guerres et saccages industriels font réfléchir à la fragilité du vivant.

Étant donné l’ampleur de notre impuissance, et puisque nous ne disposons pas de «villes spatiales» pour fuir la terre quand tout se déglingue, relire Sénèque (De la brièveté de la vie) nous aide à réfléchir sur la façon dont nous gérons le temps.

Tableau : Flood par Pawel Kuczynski

«Seuls les morts peuvent ressusciter. Pour les vivants, c’est plus difficile.»
«Le fait qu’il soit mort ne prouve absolument pas qu’il ait vécu.»
~ Stanislaw Jerzy Lec (écrivain polonais; 1909-1966)  

Extrait de «Sénèque n’est pas mort» :

Nous n'avons pas trop peu de temps, mais nous en perdons beaucoup. La vie est assez longue; elle suffirait, et au delà, à l'accomplissement des plus grandes entreprises, si tous les moments en étaient bien employés. Mais quand elle s'est écoulée dans les plaisirs et dans l'indolence, sans que rien d'utile en ait marqué l'emploi, le dernier, l'inévitable moment vient enfin nous presser : et cette vie que nous n'avions pas vue marcher, nous sentons qu'elle est passée.

Voilà la vérité : nous n'avons point reçu une vie courte, c'est nous qui l'avons rendue telle : nous ne sommes pas indigents, mais prodigues. ... Notre vie a beaucoup d'étendue pour qui sait en disposer sagement. Tels s'appliquent à conserver leur patrimoine, qui, vienne l'occasion de perdre leur temps, s'en montrent prodigues, alors seulement que l'avarice serait une vertu.

... Mortels vous vivez comme si vous deviez toujours vivre. Il ne vous souvient jamais de la fragilité de votre existence; vous ne remarquez pas combien de temps a déjà passé; et vous le perdez comme s'il coulait d'une source intarissable, tandis que ce jour, que vous donnez à un tiers ou à quelque affaire, est peut-être le dernier de vos jours. Vos craintes sont de mortels; à vos désirs on vous dirait immortels.

La plupart des hommes disent : à cinquante ans, j'irai vivre dans la retraite; à soixante ans, je renoncerai aux emplois. Et qui vous a donné caution d'une vie plus longue? Qui permettra que tout se passe comme vous l'arrangez? N'avez-vous pas honte de ne vous réserver que les restes de votre vie, et de destiner à la culture de votre esprit le seul temps qui n'est plus bon à rien?  N'est-il pas trop tard de commencer à vivre lorsqu'il faut sortir de la vie? Quel fol oubli de notre condition mortelle, que de remettre à cinquante ou soixante ans les sages entreprises, et de vouloir commencer la vie à une époque où peu de personnes peuvent parvenir!

Enfin tout le monde convient qu'un homme trop occupé ne peut rien faire de bien : il ne peut cultiver ni l'éloquence ni les arts libéraux; un esprit tiraillé, distrait n'approfondit rien; il rejette tout comme si on l'eût fait entrer de force; l'homme occupé ne songe à rien moins qu'à vivre : cependant aucune science n'est plus difficile que celle de la vie. ... L'art de vivre, il faut toute la vie pour l'apprendre; et ce qui vous surprendra peut-être davantage, toute la vie il faut apprendre à mourir.

Mais celui qui n'emploie son temps que pour son propre usage, qui règle chacun de ses jours comme sa vie, ne désire ni ne craint le lendemain : car quelle heure pourrait lui apporter quelque nouveau plaisir? Il a tout connu, tout goûté jusqu'à satiété : que l'aveugle fortune décide du reste comme il lui plaira, déjà sa vie est en sûreté. On peut y ajouter, mais non en retrancher; et encore, si l'on y ajoute, c'est comme, quand un homme dont l'estomac est rassasié, mais non rempli, prend encore quelques aliments, qu'il mange sans appétit.

Ce n'est donc pas à ses rides et à ses cheveux blancs, qu'il faut croire qu'un homme a longtemps vécu : il n'a pas longtemps vécu, il est longtemps resté sur la terre. Quoi donc! Pensez-vous qu'un homme a beaucoup navigué, lorsque, surpris dès le port par une tempête cruelle, il a été çà et là ballotté par les vagues, et qu'en butte à des vents déchaînés en sens contraire, il a toujours tourné autour du même espace? Il n'a pas beaucoup navigué, il a été longtemps battu par la mer.

Je ne puis contenir ma surprise, quand je vois certaines gens demander aux autres leur temps, et ceux à qui on le demande se montrer si complaisants. Les uns et les autres ne s'occupent que de l'affaire pour laquelle on a demandé le temps; mais le temps même, aucun n'y songe. On dirait que ce qu'on demande, ce qu'on accorde n'est rien; on se joue de la chose la plus précieuse qui existe. Ce qui les trompe, c'est que le temps est une chose incorporelle, et qui ne frappe point les yeux : voilà pourquoi on l'estime à si bas prix, bien plus comme étant presque de nulle valeur.

Que si l'on pouvait leur faire connaître d'avance le nombre de leurs années à venir, comme celui de leurs années écoulées, quel serait l'effroi de ceux qui verraient qu'il ne leur en reste plus qu'un petit nombre! Comme ils en deviendraient économes! Rien ne s'oppose à ce qu'on use d'un bien qui nous est assuré, quelque petit qu'il soit; mais on ne saurait ménager avec trop de soin le bien qui d'un moment à l'autre peut nous manquer.

Personne ne vous restituera vos années, personne ne vous rendra à vous-même. La vie marchera comme elle a commencé, sans retourner sur ses pas ni suspendre son cours; et cela sans tumulte, sans que rien vous avertisse de sa rapidité; elle s'écoulera d'une manière insensible. Ni l'ordre d'un monarque ni la faveur du peuple ne pourront la prolonger; elle suivra l'impulsion qu'elle a d'abord reçue; elle ne se détournera, elle ne s'arrêtera nulle part. Qu'arrivera-t-il? Tandis que vous êtes occupé, la vie se hâte, la mort cependant arrivera, et bon gré mal gré il faudra la recevoir.

Ce qui nous empêche le plus de vivre, c'est l'attente qui se fie au lendemain. Vous perdez le jour présent : ce qui est encore dans les mains de la fortune, vous en disposez; ce qui est dans les vôtres, vous le laissez échapper. Quel est donc votre but? Jusqu'où s'étendent vos espérances? Tout ce qui est dans l'avenir est incertain : vivez dès à cette heure.

... Le poète ne dit point, la vie la plus précieuse, mais le jour le plus précieux. ... Le poète ne vous parle que d'un jour, et d'un jour qui fuit. Il ne faut donc pas en douter : le jour le plus précieux est celui qui le premier échappe aux mortels malheureux, c'est-à-dire occupés; et qui, enfants encore même dans la vieillesse, y arrivent sans préparation et désarmés. En effet, ils n'ont rien prévu; ils sont tombés dans la vieillesse subitement, sans s'y attendre; ils ne la voient point chaque jour plus proche.

Un récit, une lecture ou la distraction intérieure de leurs pensées, trompe les voyageurs sur la longueur du chemin; et ils s'aperçoivent qu'ils sont arrivés, avant d'avoir songé qu'ils approchaient : il en est ainsi du chemin continuel et rapide de la vie; dans la veille comme dans le sommeil, nous le parcourons d'un pas égal, et, occupés que nous sommes, nous ne nous en apercevons qu'à son terme.

La vie se divise en trois temps: le présent, le passé et l'avenir. Le présent est court, l'avenir incertain; le passé seul est assuré : car sur lui la fortune a perdu ses droits; et il n'est au pouvoir de personne d'en disposer de nouveau.

Les hommes occupés d'affaires n'en tirent aucun parti, car ils n'ont pas le loisir de porter un regard en arrière; et quand ils l'auraient, des souvenirs mêlés de regrets ne leur sont point agréables. C'est malgré eux qu'ils se rappellent le temps mal employé;  ils n'osent se retracer des vices dont la laideur s'effaçait devant la séduction du plaisir présent, mais qui, au souvenir, se montrent à découvert. Nul homme ne se reporte volontiers dans le passé, si ce n'est celui qui a toujours soumis ses actions à la censure de sa conscience, qui jamais ne s'égare.

Le présent est très court, si court, que quelques hommes ont nié son existence. En effet, il est toujours en marche, il vole et se précipite : il a cessé d'être, avant d'être arrivé; il ne s'arrête pas plus que le monde ou les astres, dont la révolution est éternelle, et qui ne restent jamais dans la même position. Le présent seul appartient donc aux hommes occupés : il est si court, qu'on ne peut le saisir; et, cependant qu'ils sont tiraillés, distraits par mille affaires, ce temps même leur échappe.

Ceux-là seuls jouissent du repos, qui se consacrent à l'étude de la sagesse. Seuls ils vivent; car non seulement ils mettent à profit leur existence, mais ils y ajoutent celle de toutes les générations. Toutes les années qui ont précédé leur naissance leur sont acquises. À moins d'être tout à fait ingrats, nous ne pouvons nier que les illustres fondateurs de ces opinions sublimes ne soient nés pour nous, et ne nous aient préparé la vie. Ces admirables connaissances qu'ils ont tirées des ténèbres et mises au grand jour, c'est grâce à leurs travaux que nous y sommes initiés.
   On dit souvent qu'il n'a pas été en notre pouvoir de choisir nos parents; que le sort nous les a donnés. Il est pourtant une naissance qui dépend de nous. Il existe plusieurs familles d'illustres génies; choisissez celle où vous désirez être admis, vous y serez adopté, non seulement pour en prendre le nom, mais les biens, et vous ne serez point tenu de les conserver en homme avare et sordide; ils s'augmenteront au fur et à mesure que vous en ferez part à plus de monde.
   Mais combien est courte et agitée la vie de ceux qui oublient le passé, négligent le présent, craignent pour l'avenir! Arrivés au dernier moment, les malheureux comprennent trop tard qu'ils ont été si longtemps occupés à ne rien faire.
   Ces grands hommes vous ouvriront le chemin de l'éternité, et vous élèveront à une hauteur d'où personne ne pourra vous faire tomber. Tel est le seul moyen d'étendre une vie mortelle, et même de la changer en immortalité. Les honneurs, les monuments, tout ce que l'ambition obtient par des décrets, tous les trophées qu'elle peut élever, s'écroulent promptement : le temps ruine tout, et renverse en un moment ce qu'il a consacré.
   Mais la sagesse est au-dessus de ses atteintes. Aucun siècle ne pourra ni la détruire, ni l'altérer. L'âge suivant et ceux qui lui succéderont, ne feront qu'ajouter, à la vénération qu'elle inspire; car l'envie s'attache à ce qui est proche, et plus volontiers l'on admire ce qui est éloigné.

De la brièveté de la vie SÉNÈQUE. Trad. de M. Charpentier, Paris, 1860
Source (essai complet) :

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Nous avons tous tendance à consacrer un peu trop de temps au smartphone. Étonnamment, avec quelques compromis, nous pourrions rapidement passer à travers notre liste de livres «en attente».

Combien de romans pourrions-nous lire en réduisant le temps alloué aux activités smartphoniques?

Médias sociaux : en moyenne 23,06 heures par mois
Messagerie instantanée : en moyenne 24,51 heures par mois
Courriels : en moyenne 30,47 heures par mois
Texto : en moyenne 10,56 heures par mois
Messagerie photo/vidéo : en moyenne 4,51 heures par mois
Appels : en moyenne 14,03 heures par mois
Appels vidéo : en moyenne 8,33 heures par mois

Quelque 115,47 heures par mois donnant la possibilité de lire plus ou moins 24 livres (selon l’épaisseur bien sûr).

Graphique : musicMagpie, une entreprise de vente/achat d’appareils électroniques, livres, etc.