31 juillet 2012

Les athées sont-ils insensibles?


Je n’ai rencontré aucun parangon de vertu de ma vie, ni croyant ni athée. Nous faisons de notre mieux avec le bagage acquis – cet amalgame d’expériences, de connaissances, de conditionnements, d’apprentissages, d’intuitions, etcetera.

Athéisme et foi religieuse soulèvent encore bien des polémiques, et j’ai succombé plusieurs fois à la tentation d’en parler dans mes autres blogs. J’y reviens avec cet article de Sam Harris car je trouve la sagesse de cette mise au point fort pertinente en ce moment. Si seulement on pouvait croire et laisser croire, vivre et laisser vivre…

(Traduction maison – original en anglais : http://www.samharris.org/site/full_text/10-myths-and-10-truths-about-atheism1 )

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10 mythes – et 10 vérités – sur l'athéisme
Par Sam Harris
The Los Angeles Times

PLUSIEURS SONDAGES indiquent que le terme «athéisme» a acquis une stigmatisation tellement extraordinaire aux États-Unis que se dire athée est maintenant un obstacle majeur à toute carrière politique (tandis qu’être noir, musulman ou homosexuel ne l’est plus). Selon un récent sondage du Newsweek, seulement 37 % des Américains voterait pour un athée par ailleurs qualifié pour être président.

On imagine souvent que les athées sont intolérants, immoraux, déprimés, insensibles à la beauté de la nature, et dogmatiquement fermés à l’évidence du surnaturel.
      Même John Locke, l'un des grands patriarches du Siècle des Lumières, croyait que l'athéisme ne devrait «pas du tout être toléré» parce que, disait-il, «les promesses, les engagements et les serments, qui sont les liens des sociétés humaines, ne peuvent avoir aucune emprise sur un athée».
      C'était il y a plus de 300 ans. Mais aujourd'hui, aux États-Unis, pas grand-chose n’a changé. Un remarquable 87 % de la population déclare «ne jamais douter» de l'existence de Dieu; moins de 10 % se disent athées – et leur réputation semble se détériorer.
      Étant donné que nous savons que les athées sont souvent les gens les plus intelligents et les plus instruits en science, dans n’importe quelle société, il semble important de dégonfler les mythes qui les empêchent de jouer un rôle plus important dans notre discours national.

1) Les athées croient que la vie est vide de sens
Au contraire, les gens religieux croient souvent que la vie n’a pas de sens et imaginent qu’elle peut être rachetée uniquement par la promesse d’un bonheur éternel au-delà de la tombe. Les athées ont plutôt tendance à penser que la vie est précieuse. La vie est imprégnée de sens quand elle est vraiment et pleinement vécue. Nos relations avec ceux que nous aimons ont du sens maintenant; elles n’ont pas besoin de durer éternellement pour qu’il en soit ainsi. Les athées ont tendance à trouver cette peur du «non-sens»... eh bien... vide de sens.

2) L'athéisme est responsable des plus grands crimes de l'histoire humaine
Les croyants prétendent souvent que les crimes d’Hitler, de Staline, Mao et Pol Pot étaient la conséquence inévitable d’une absence de foi. Le problème avec le fascisme et le communisme, cependant, n'est pas qu'ils soient trop critiques par rapport à la religion; le problème est qu'ils sont trop comme les religions. De tels régimes sont fondamentalement dogmatiques et donnent généralement naissance à des cultes de la personnalité impossibles à différencier des cultes voués aux héros religieux. Auschwitz, le goulag et les champs de la mort ne sont pas des exemples de ce qui se passe lorsque les êtres humains rejettent les dogmes religieux; ce sont des exemples de dogme politique, racial et nationaliste donnant dans la folie furieuse. Aucune société dans l'histoire humaine n’a jamais souffert parce que son peuple était devenu trop raisonnable.

3) L’athéisme est dogmatique
Juifs, chrétiens et musulmans affirment que leurs écritures prescientes répondent tellement aux besoins de l'humanité qu’ils ne peuvent pas avoir été écrits autrement que sous la dictée d'un dieu omniscient. L’athée est simplement une personne qui a examiné cette affirmation, lu les livres et trouvé la prétention ridicule. On n'a pas besoin de donner foi à quoi que ce soit, ou encore d’être dogmatique, pour rejeter des croyances religieuses arbitraires. Le programmeur Stephen F. Roberts * a dit: «J'estime que nous sommes tous les deux athées. J’ai seulement un dieu de moins que vous. Lorsque vous comprendrez pourquoi vous rejetez tous les autres dieux possibles, vous comprendrez pourquoi je rejette le vôtre.»

4) Les athées pensent que tout est né du hasard dans l'univers
Personne ne sait pourquoi l'univers est apparu. En fait, il n'est pas du tout évident de parler avec cohérence de «début» ou de «création» de l'univers, car ces idées impliquent la notion de temps, et ici, nous parlons de l'origine de l'espace-temps lui-même.
      L'idée que les athées croient que tout a été créé par hasard est régulièrement soulevée pour critiquer la théorie darwinienne. Comme Richard Dawkins l’explique dans son merveilleux livre «The God Delusion», cela représente une totale incompréhension de la théorie de l'évolution. Bien que nous ne sachions pas précisément comment la chimie originelle de la Terre ait pu engendrer la biologie, nous savons que la diversité et la complexité de ce que nous voyons dans le monde vivant n'est pas le produit du hasard. L'évolution est une combinaison de mutations et de sélection naturelle. Darwin est arrivé à l'expression «sélection naturelle» par analogie à la «sélection artificielle» réalisée par les éleveurs de bétail. Dans les deux cas, la sélection exerce un effet hautement non aléatoire sur le développement de n’importe quelle espèce.

5) L'athéisme n'a aucune connexion à la science
Bien qu'il soit possible d'être un scientifique et de croire en Dieu – certains scientifiques semblent s’en accommoder – il ne fait aucun doute qu'un engagement dans la pensée scientifique tend à éroder la foi religieuse au lieu de la supporter. Prenons la population américaine comme exemple : la plupart des sondages montrent qu'environ 90 % de la population croit en un Dieu personnel; 93 % des membres de la National Academy of Sciences n’y croit pas. Cela suggère que certaines façons de penser sont moins agréables à la foi religieuse qu’à la science.

6) Les athées sont arrogants
Quand les scientifiques ne savent quelque chose – par exemple pourquoi l'univers est apparu ou comment se sont formées les premières molécules autoreproductrices – ils l'admettent. Ne pas prétendre connaitre une chose qu’on ne connait pas est une responsabilité basique en science. Or, l’arrogance est le fondement de la religion basée sur la foi.
      L’une des ironies monumentales du discours religieux est que fréquemment les croyants, qui se louent de leur humilité, prétendent connaitre de la cosmologie, de la chimie et de la biologie ce qu’aucun scientifique ne connait. Lorsqu’il est question de la nature de l'univers et de la place que nous y occupons, les athées ont plutôt tendance à appuyer leurs opinions sur la science. Ce n'est pas de l'arrogance; c'est de l'honnêteté intellectuelle.

7) Les athées sont fermées à l’expérience spirituelle
Il n'y a rien qui empêche l’athée d’expérimenter l’amour, l’extase, le ravissement et la révérence; les athées peuvent apprécier ces expériences et les recherchent régulièrement. Ce que les athées n’ont pas tendance à faire, c’est d’émettre des revendications arbitraires (et injustifiables) sur la nature de la réalité basées sur de telles expériences. Il n'y a aucun doute que certains chrétiens ont transformé leur vie pour le mieux en lisant la Bible et en priant Jésus. Qu’est-ce que cela prouve? Cela prouve que certaines disciplines et certains codes de conduite peuvent avoir un effet notable sur l'esprit humain. L'expérience positive des chrétiens suggère-t-elle que Jésus est le seul Sauveur de l'humanité? Pas même un peu – parce que les hindous, les bouddhistes, les musulmans et même les athées ont régulièrement des expériences semblables.
      Il n’y a, en fait, aucun chrétien sur cette terre qui peut être certain que Jésus portait une barbe, encore moins qu'il soit né d'une vierge ou ressuscité des morts. Ce ne sont tout simplement pas des affirmations que l'expérience spirituelle peut authentifier.

8) Les athées croient qu'il n'y a rien au-delà de la vie humaine et de la compréhension humaine 
Les athées sont libres d'admettre les limites de la compréhension humaine, d’une façon qui est impossible aux croyants. Il est évident que nous ne comprenons pas entièrement l'univers; mais il est encore plus évident que ni la Bible ni le Coran n’en fournit une meilleure compréhension. Nous ne savons pas s’il existe une vie complexe ailleurs dans le cosmos, mais c’est possible. S'il y en a, ces êtres pourraient avoir développé une compréhension des lois de la nature qui dépasse largement la nôtre. Les athées peuvent librement contempler de telles possibilités. Ils peuvent également admettre que si des extraterrestres intelligents existent, le contenu de la Bible et du Coran serait encore moins impressionnant pour eux que pour des humains athées.
      Du point de vue athéiste, les religions du monde banalisent totalement la véritable beauté et l'immensité de l'univers. Pour faire cette observation, on n’a pas à accepter à n’importe quoi sans preuve suffisante.

9) Les athées font abstraction du fait que la religion est extrêmement bénéfique pour la société
Ceux qui mettent l'accent sur les effets positifs de la religion ne semblent jamais se rendre compte que ces effets n’arrivent pas à démontrer la véracité de n’importe quelle doctrine religieuse. C'est pourquoi nous avons des termes tels que «vœux pieux» et «illusion». Il y a une grande différence entre l'illusion rassurante et la vérité.
      En tout cas, les effets positifs de la religion peuvent certainement être contestés. Dans la plupart des cas, il semble que la religion donne aux gens de mauvaises raisons pour bien se conduire, tandis que de bonnes raisons sont réellement disponibles. Demandez-vous ce qui est le plus vertueux : aider les pauvres parce que vous vous souciez de leur souffrance, ou les aider parce que vous pensez que le créateur de l'univers vous le demande, et qu’il vous récompensera si vous le faites ou vous punira si vous ne le faites pas?

10) L'athéisme ne fournit aucune base de moralité
Si quelqu’un n’a pas encore compris que la cruauté est injustifiable [wrong], ce n’est pas en lisant la Bible ou le Coran qu’il le découvrira – puisque ces livres célèbrent abondamment la cruauté à la fois humaine et divine. Nous n'obtenons pas notre morale par la religion. Nous décidons de ce qui est bon dans nos bons livres en recourant à des intuitions éthiques qui sont (à un certain niveau) implantées en nous et qui ont été affinées par des milliers d'années de réflexion sur les causes et les possibilités de bonheur humain.
      Nous avons fait des progrès considérables en éthique au cours des années, et ce progrès ne s’est pas accompli en lisant plus attentivement la Bible ou le Coran. Ces deux livres ferment les yeux sur la pratique de l'esclavage, et pourtant chaque être humain civilisé reconnait maintenant que l'esclavage est une abomination. Tout ce qui est valide dans les écritures – comme la règle d'or – peut être apprécié pour sa sagesse éthique sans qu’on soit obligé de croire qu'il nous a été livré par le créateur de l'univers.

24 décembre 2006

* Malheureusement, la version originale de cet article a crédité à tort «Stephen Roberts» pour cette superbe citation. Désolé Stephen! – SH

Notes biographiques : http://www.samharris.org/about
Sam Harris est un auteur américain, co-fondateur de Project Reason, une fondation sans but lucratif vouée à la connaissance scientifique, à la sécularisation de l'État et à la liberté de religion. Ses bestsellers ont été traduits en 15 langues. Il publie également des articles dans Huffington Post, Los Angeles Times, Washington Post, New York Times, Newsweek, Nature et plusieurs autres médias.

COMMENTAIRE

Quand on va droit à l’essence, on comprend mieux les mécanismes de l’égo. La connaissance ouvre des portes, tandis que l’ignorance les verrouille. La connaissance, confirmée par l’intuition, est peut-être la seule parcelle de libre-arbitre que nous ayons pour prendre conscience de nos comportements robotisés.

29 juillet 2012

La juste part, et Free Will

Autres lectures d'été 

La juste part
Repenser les inégalités, la richesse et la fabrication des grille-pains
Co-auteurs :
David Robichaud et Patrick Turmel, tous deux professeurs de philosophie.

Versions électronique et papier disponibles.

Clarté, simplicité, humour, et accessible à Monsieur et Madame Tout-le-monde.
Un fascicule de 100 pages que j'ai lu d’une traite.

Résumé 
Les indignés d'Occupy et d'ailleurs ont-ils raison de se plaindre des inégalités croissantes? Sont-elles plutôt le prix à payer pour les grands bénéfices de l'économie de marché? Dans quelle mesure peut-on intervenir dans la distribution de la richesse, et peut-on le faire sans brimer les libertés individuelles? Les riches et les pauvres méritent-ils leur sort? Qu'est-ce que la «juste part», au juste? C'est à ces questions pressantes que répond La juste part. À la fois accessible, érudit et brulant d'actualité, ce court essai jette un éclairage original sur ce débat qui secoue notre époque.

Possible de lire l'introduction sur ce site :
http://www.archambault.ca/david-robichaud-la-juste-part-JLI3541167-fr-pr

Articles :
http://www.lapresse.ca/arts/livres/critiques-de-livres/201206/22/01-4537435-la-juste-part-du-grille-pain-et-de-la-repartition-des-richesses-.php

http://www.ledevoir.com/culture/livres/353480/quelle-est-votre-juste-part

L’art de philosopher sans que «raison et humanisme ne s’opposent» 

Le dernier livre de Sam Harris  :

FREE WILL

http://www.samharris.org/blog

From the Free Press:  

A belief in free will touches nearly everything that human beings value. It is difficult to think about law, politics, religion, public policy, intimate relationships, morality — as well as feelings of remorse or personal achievement — without first imagining that every person is the true source of his or her thoughts and actions. And yet the facts tell us that free will is an illusion.
      In this enlightening book, Sam Harris argues that this truth about the human mind does not undermine morality or diminish the importance of social and political freedom, but it can and should change the way we think about some of the most important questions in life.

In this elegant and provocative book, Sam Harris demonstrates — with great intellectual ferocity and panache — that free will is an inherently flawed and incoherent concept, even in subjective terms. If he is right, the book will radically change the way we view ourselves as human beings.
~ V.S. Ramachandran, Director of the Center for Brain and Cognition, UCSD, and author of The Tell-Tale Brain.

Brilliant and witty — and never less than incisive — Free Will shows that Sam Harris can say more in 13,000 words than most people do in 100,000.
~ Oliver Sacks

Free will is an illusion so convincing that people simply refuse to believe that we don’t have it. In Free Will, Sam Harris combines neuroscience and psychology to lay this illusion to rest at last. Like all of Harris’s books, this one will not only unsettle you but make you think deeply. Read it: you have no choice.
~ Jerry A. Coyne, Professor of Ecology and Evolution at The University of Chicago, and author of Why Evolution is True.

Many say that believing that there is no free will is impossible — or, if possible, will cause nihilism and despair. In this feisty and personal essay, Harris offers himself as an example of a heart made less self-absorbed, and more morally sensitive and creative, because this particular wicked witch is dead.
~ Owen Flanagan, Professor of Philosophy, Duke University, and author of The Really Hard Problem: Meaning in the Material World.

If you believe in free will, or know someone who does, here is the perfect antidote. In this smart, engaging, and extremely readable little book, Sam Harris argues that free will doesn’t exist, that we’re better off knowing that it doesn’t exist, and that — once we think about it in the right way — we can appreciate from our own experience that it doesn’t exist. This is a delightful discussion by one of the sharpest scholars around.
~ Paul Bloom, Professor of Psychology, Yale University, and author of How Pleasure Works.

26 juillet 2012

Pause vacances

Musique, lecture, méditation, réflexion… cure de silence, loin du tumulte  
Je suis un peu à sec, comme le fleuve, les rivières et les lacs en certains endroits; et j’ai besoin de recul. 

Puis, j’ai envie de tenir la résolution de mon premier message. Or ces derniers jours, je réalisais à quel point je donne encore dans le transfert de culpabilité – les objets de critique ne manquant pas en ce moment, en politique et autres. Et mon égo reste le fin-finaud qu’il a toujours été; il suffit de peu pour que je retombe dans ses pièges.

Donc, ma principale lecture de vacances sera : A Course in Miracles – de A à Z. Je refais mes classes «Égo 101» pour me rafraichir la mémoire. Il y a une quinzaine d’années ce livre avait porté des fruits en abondance, et j’y découvrirai certainement plein de choses qui m’avaient alors échappé.

Somme toute, je crois que ce sera plus efficace pour débrider ma pensée linéaire que de suivre la campagne électorale au galop – yeeeeeeeehaw!

À bientôt…

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Prenez courage, vous qui êtes nés dans la captivité d’une situation difficile fixée d’avance; et tremblez, vous les rois de la certitude : votre fer a pris l’aspect du verre et le mot qui le fera voler en éclat a été prononcé.  
~ Leonard Cohen, Le livre de miséricorde, 1985

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For fear you will be alone
you do so many things
that aren’t you at all.  
~ Richard Brautigan, Loading Mercury with a Pitchfork, 1971

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Anglais / sous-titrage français, durée 1h40 – le dernier 30 minutes à ne pas manquer. 

Un documentaire sur la construction des pyramides (Égypte, Mexique, Pérou, Chine, monolithes de l'Ile de Pâques) scrutée sous l’angle des mathématiques, de l’ingénierie et des technologies modernes. Il est étonnant que certains scientifiques affirment encore qu’elles ont été fabriquées de main d’homme avec des outils primitifs, et que le résultat relève du pur hasard. 

Quelques commentaires de scientifiques :
«Il faut garder l’esprit ouvert. La pensée circulaire ne mène nulle part.»
«Plus les pyramides sont anciennes, plus la précision est extrême.»
«Il nous est impossible d’atteindre cette précision avec tous nos outils modernes.» 

En conclusion, ces analyses rouvrent le vieux débat : des civilisations beaucoup plus avancées que la nôtre ont-elles construit ces chefs-d’œuvre architecturaux? Par ailleurs, ce documentaire rend à l'homme sa juste proportion dans l'univers - si infime, qu'on se demande bien pourquoi nous nous croyons au faîte de l'évolution...

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The discovery that changed the world

Mystery has surrounded these epic structures for centuries with theories varying from the scientific to the bizarre. However with over thirty-seven years of in depth research taking in sites from China, Peru, Mexico and Egypt, one scientist has as at last managed first to understand and then to reveal what lies behind this greatest of archeological mysteries: a message of paramount importance for all mankind, through time and space.

Narrated by Brian Cox, and based from the book of Jacques Grimault.

24 juillet 2012

Nous avons perdu la boule



Largement diffusée en 2003, cette vidéo avait disparu du web. Quel plaisir de retrouver ce savoureux clip montrant la folle course de l’humanité vers la poubelle. 

Ce clip me faisait aussi penser aux gens qui cherchent à définir Dieu, et à prouver son existence ou inexistence. En ce qui me concerne, il m’apparait comme une forme de Conscience globale, de réservoir à créations/projections cosmique d’une ampleur qu’on ne peut se figurer. Cette Conscience inclusive n’a pas l’air de craindre l’ombre ni la lumière, on pourrait même dire qu’elle expérimente indifféremment les deux à travers ses fragments, dont nous faisons partie. Comme Internet, elle voit tout ce qui se passe, tout ce qui existe, accueille  tout ça, et est tout ça. Il est probable qu’elle prend la dualité pour ce qu’elle est : une illusion; et qu'elle a le sens de l'humour.  

Bref, tout se joue à l’intérieur de cette Conscience globale (Créateur universel?) qui expérimente, produit et observe des versions de la réalité. Ainsi, explore-t-elle toutes sortes de voies d’expression. Lorsqu’une option n’offre plus d’intérêt, elle se tourne vers d’autres avenues. C’est ainsi que des réalités entières disparaissent soudainement tandis que d’autres naissent spontanément.

Création/destruction/création/destruction/création………………..  

2012 + : un cul-de-sac? On fige, on se lamente, on recule ou on escalade le mur?

Il existe donc d’infinies réalités physiques (plus ou moins denses), et la nôtre n’est pas plus réelle ou solide que les autres. La matière terrestre nous parait solide parce que nous sommes dedans, parce que nous vibrons à sa fréquence. Et c’est la même chose pour toutes les réalités parallèles, astrales et autres; elles semblent solides quand nous sommes dedans. Nous ne percevons pas les réalités parallèles simplement parce que nous ne vibrons pas à leurs fréquences.

Le cap 2012 + pourrait se présenter comme une fracture résultant de l’extrême énergie de polarisation du moment – ça passe ou ça casse... Mais je ne pense pas que ça arrivera le 31décembre, à 23h59 :o)

Lorsque de vastes majorités d’individus vivent des réalités extrêmement divergentes dans une même dimension, au point de ne plus pouvoir coexister, il se produit une séparation; c’est arrivé plusieurs fois dans le passé, sur terre et ailleurs. Le chaos sert à créer une scission, un apparent vide générateur de changement, contraignant les masses à choisir de nouveaux modèles d’expression.

Chacun a le droit d’explorer sa version préférée de la réalité. Le Créateur universel ne juge pas, alors, je ne vois pas pourquoi nous le ferions – ce serait de l’usurpation de pouvoir, non? Cependant, plusieurs humains n’ont plus envie de jouer, s’intéressent à autre chose qu’à l’évolution des espèces!, ne souhaitent plus causer de tort à autrui, et préfèreraient sortir de la roue des incarnations/karmas terrestres.

Deux principales options s’offriront donc à nous :  
1. continuer d’évoluer dans la peur, le contrôle, le désespoir, la victimisation, la guerre, la souffrance, la maladie, la dualité, etc.

OU

2. poursuivre notre évolution dans la coopération, la confiance, l’union, le partage, la sagesse, la compassion, la joie, la paix, etc.

Il n’est pas nécessaire d’être désincarné pour intégrer les fréquences de la deuxième option; mais c’est un fichu bon challenge ici-bas.

COMMENTAIRE

Note : Il m’a fallu 70 pages (Air Karma) pour décrire ce que Bruno Bozzetto a condensé et imagé en 96 secondes. Chapeau!

Vous aimerez peut-être :
Changement de fréquence

22 juillet 2012

Musique du dimanche 1



Très amusante cette vidéo de Glenn Gould en train de plancher sur le clavier tandis que les mouettes piaillent et le chien baille… 

Ah que je le comprends : on buche, on bute, et puis tout à coup ça y est!

JS Bach

Mon prof de piano ne jurait que par Bach, ou à peu près... À cinq ans, j’ai spontanément donné dans cette fascination sans savoir pourquoi. Ce n’est que 30 ans plus tard, en étudiant les fréquences vibratoires de la musique, que j’ai compris. C’est un aspect habituellement ignoré par les analystes officiels davantage préoccupés par la mécanique de la musique, la technique et la rectitude de l’interprétation. Par contre, l’arrivée de nouvelles technologies ont permis aux chercheurs de mettre en lumière les effets de la musique sur notre corps et nos états émotionnels.

Selon ma perception, JS Bach nous relie au plan mental supérieur, au Soi, à la conscience universelle, à l’intuition, et non pas au plan émotionnel astral. Sa musique facilite la concentration et l’inspiration. Certaines de ses séries comme les Préludes et Fugues, les Variations Goldberg, les Inventions à deux et trois voix et les Partitas sont littéralement agencées comme des mantras qui nous branchent directement sur notre septième chakra – ce relais énergétique de notre aura orienté vers les plans supérieurs ou universels de la conscience.

Bien sûr, JS Bach est associé à la religion en raison de ses nombreuses œuvres reliées aux fêtes et rituels chrétiens. Au-delà de cette étiquette, pour moi sa musique est avant tout spirituelle. Départir le spirituel de la religion reste toujours ambigu.

Albert Einstein, dont la spiritualité s’exprimait souvent à travers son amour de la musique, affirmait être libre de toute croyance en un Dieu personnel, n’acceptait aucune théologie ni ne croyait en une forme d’immortalité individuelle, et il considérait l’éthique comme une préoccupation exclusivement humaine libre de toute autorité surhumaine :
« Ressentir que derrière tout ce que nous vivons il y a quelque chose d’une grande beauté qui nous atteint comme un reflet indirect et subtil que notre esprit ne peut saisir, c’est cela la dévotion. En ce sens, je suis religieux. Je pense souvent à la musique, je rêve en musique, et je vois ma vie sous forme de musique. » Il aimait particulièrement JS Bach : « Je dois dire ceci à propos de Bach : écoutez, jouez, aimez, révérez – et taisez-vous. »

Musique du dimanche 2



On a toujours dit que Bach était en « avant de son temps ». La première  fois que j’ai entendu Jacques Loussier, j’ai eu le coup de foudre. À l’époque, j’étais plus jazz et swing que yé-yé et je trouvais que les arrangements du jazzman ne trahissaient pas du tout l’essence de Bach. Sur le coup, j’ai cru que Glenn Gould allait le fustiger. Mais non, il déclara que l’album Play Bach était une excellente façon de faire revivre JS Bach.

Loussier n’est pas le seul à avoir « tripatouillé » JS Bach; Keith Jarrett, Rick Van Der Linden et Keith Emerson, pour ne nommer que ceux-là, ont trouvé inspiration dans ses fugues, cantates et variations. 

Nous n’inventons rien, nous transformons, adaptons, etc. Encore faut-il avoir le talent pour ce faire...

Keith Jarrett est un claveciniste hors pair qui a aussi joué Bach de façon classique. Vous aimerez peut-être son improvisation réalisée à Tokyo en 2002 - je cherche un qualificatif adéquat : apaisante? touchante? vibrante? aux couleurs de l'âme? Un crescendo/décrescendo, comme si l'âme sortait des limites de sa cage corporelle pour y revenir doucement? ...

21 juillet 2012

Vitesse et flou mental

Superbe flou artistique au flash de Guillaume Fürst

Je tiens à souligner que le texte suivant date de 1962
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Où l’invraisemblable commence

Les créations logiques de l’homme actuel et son entrée téméraire dans le monde de l’énergie l’ont confronté si brusquement avec les notions de temps et d’espace qu’il en est devenu le prisonnier incompréhensif.
      Rien n’est plus amusant, de ce point de vue, que l’étonnement stupéfait des canards mécaniciens qui se sont découvert des ailes de cygnes.
      L’homme logique n’est pas au bout de ses étonnements et de vastes surprises lui sont réservées s’il persiste à considérer la Vie en impénitent cartésien.
      Là aussi on peut dire de l’espace et du temps que ce sont des hypothèses utiles tant qu’on ne sort pas du théâtre que l’homme a fabriqué.
      Mais on devient très vite le prisonnier de ses notions, quand on a un esprit logique et il sied de reconnaitre que la plupart des humains s’arrangent fort bien d’une existence conçue comme un théorème ou un problème d’arithmétique et qui comporte une invariable solution. C’est pourquoi aussi tant d’hommes sont déçus par la Vie qui ne pose à aucun homme le même problème qu’à un autre, et qui ne pose jamais au même le même problème tant la diversité de ses données est infinie et innombrable la variété de ses solutions.

L’erreur psychologique de la vitesse

Nos contemporains sont présentement la proie d’un des monstres les plus avides de notre époque : la vitesse. Pour mieux s’y user ils emploient les ressources de leurs mains et de leur esprit. Ils accroissent la vitesse de leur marche, de leur parole, de leur travail, de leur plaisir. Ils croient se multiplier par leurs déplacements alors que leurs déplacements les divisent par eux-mêmes.
      J’ai vu des gens tenter de se faire écraser par le portillon automatique du métro comme si leur vie dépendait de son franchissement immédiat et qui, une fois de l’autre côté, prenaient un pas de promenade et laissaient au besoin, partir la rame entrante pour attendre le convoi suivant.

André Siegfried n’hésite pas à attribuer à la vitesse un rôle destructeur, par voie de dissociation des valeurs morales.
      « C’est dans le domaine de l’esprit que la vitesse fait le plus de ravages. Elle met à la disposition des humains trop d’éléments divers, qu’ils n’ont pas le temps de digérer. Par la radio, le cinéma, le journal aux éditions multiples le cerveau de nos contemporains se trouve encombré de notions disparates qui demeurent inassimilées. Il arrive alors plusieurs choses. Ou bien ces notions glissent sur une carapace d’insensibilité, comme la pluie sur un waterproof par l’effet d’une sorte de saturation, et l’on n’en retire rien, et ce n’est pas le plus grave. Ou bien elles viennent s’entasser dans un estomac intellectuel engorgé, qui ne les absorbe pas. L’esprit, alors, se dérègle, finissant pas croire que l’abondance d’informations est synonyme de progrès. »
      Je ne sais quel explorateur a raconté, je ne sais où, comment dans le Grand Nord il pressait son vieux conducteur esquimau de bruler les étapes et comment Ohudlerk, incapable de comprendre sa hâte insensée, se contentait de lui répondre avec un bon sourire : « Mon traineau n’est-il pas bon ? »
      Voilà bien le sens d’un temps qui veut pénétrer l’espace et qui se noie dans la logique de l’espace et du temps.
     Nous pourrions être confortablement assis dans le traineau de la Vie et nous imprimons à celui-ci une vitesse de plus en plus folle comme si nous étions pourchassés par une bande de loups. Un œil en arrière, un œil en avant, cœur battant et gorge serrée, dans l’air qui siffle et qui griffe nous crions : « Plus vite ! Plus vite ! » Et la Vie illogique murmure calmement à nos oreilles : « Mon traineau n’est-il pas bon ? » (1)

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(1) Qu’on se rappelle l’explication donnée par des sauvages du Haut-Amazone à ce voyageur blanc qui, traversant les Ilanos à marches forcées, eut la surprise, au troisième matin, de trouver ses guides, naguère si diligents, immobiles et affaissés. « Qu’ont-ils donc ? » demanda-t-il au chef. Et celui-ci lui répondit par cette phrase étonnante : « Ils attendent que leur âme ait rattrapé leur corps. »

COMMENTAIRE

L’infoboulimie doit être aussi difficile à digérer qu’un repas gastronomique 10 services... enfin, je suppose.

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L’excès de logique aboutit à l’illogisme 

Connaissez-vous la cybernétique ?
      On commence à en mettre un peu partout. Ce nom d’apparence barbare vient du grec kubernésis, qui veut dire gouvernement, direction, manœuvre. On l’applique à une science récente mais déjà fort évoluée et qui a pour objet l’étude du comportement intérieur et des relations entre les machines, les créatures vivantes et les collectivités.
      Une analyse, disons logique, des fonctions nerveuses de l’être humain, appliquée à la construction des machines ultrasensibles a permis en quelques années de mettre au point des organismes mécaniques et électriques capables non seulement de rivaliser avec le cerveau de l’homme mais encore de le surclasser.

La mémoire et le discernement de la machine

De si prodigieux résultats ne sont rien cependant qu’un miracle moderne de précision et de vitesse. La logique humaine a fait plus : elle a doté la nouvelle machine de mémoire et de discernement.
      Que dire des problèmes où l’on n’est pas sûr exactement de la marche qu’il faut suivre et où c’est à la machine, non pas à l’homme, de décider de ce qu’il convient ? Tel est cependant ce que l’on peut obtenir de la machine électronique, dont on peut dire qu’elle a « de l’ordre dans les idées », puisqu’elle peut recevoir d’avance une série d’instructions, les exécuter sans s’embrouiller, en tirer les conséquences et en quelque sorte les interpréter.
      Cela suppose dans la machine un pouvoir de décision indépendant du cerveau de l’homme qui l’a fabriquée, et par suite, aussi énorme que paraisse ce que je vais dire, une manière de libre-arbitre et de self-détermination. « La plupart des régulations de l’organisme vivant fonctionnent sur le mode des appareils autogouvernés », dit le professeur André Lemaire.
      N’y a-t-il pas déjà quelque chose d’humiliant pour la logique humaine dans le fait que c’est le créateur qui semble à l’image du créé?

Psychopathologie de la machine

Les machines électroniques se comportent à la façon du système nerveux humain. Il en résulte que, dans une certaine proportion, elles sont justiciables des mêmes anomalies, conditionnées, bien entendu, par leurs nouvelles et étonnantes possibilités.
      C’est ce qu’a montré P. Dubarle en insistant sur l’analogie organique, fonctionnelle et même quasi-mentale des deux organismes machiniste et humain. « Les machines, dit-il, ont pour ainsi dire, comme leurs réflexes, leur troubles nerveux, leur logique, leur psychologie et même leur psychopathologie. Un claquage de circuit se traduit par un résultat erroné, des erreurs dans les circuits de contrôle peuvent désorganiser tout le fonctionnement d’un organisme partiel de calcul, des failles dans le programme peuvent retentir sous forme d’une véritable folie de la part de la machine, s’emportant alors dans un travail absurde jusqu’à ce qu’on y remédie. On devine quelles perspectives de pareils faits peuvent ouvrir à ceux qui étudient d’une part le fonctionnement du système nerveux, d’autre part les possibilités de réaliser des machines à exécuter les tâches de la pensée. »
      On peut considérer une machine du type Maniac comme une sorte de cerveau génial dont la rapidité et l’infatigabilité sont également prodigieuses, mais en raison même des possibilités surhumaines qu’il comporte ce monstrueux complexe est sujet à défaillance en dépit ou à cause de ses extraordinaires facultés de coordination.
      Le dépannage de tels organismes artificiels est singulièrement difficile. Aussi a-t-on songé à faire porter par la machine électronique elle-même son propre diagnostic. On est déjà arrivé à un résultat avec Eniac qui s’arrête net plutôt que de fournir des résultats faux et ne se remet en marche qu’après que son fonctionnement normal est rétabli.
      Comme l’audace humaine n’est jamais à court on a envisagé la construction de machines psychanalytiques propres à repérer, au moyen de détections mécaniques, le mal dont d’autres machines seraient atteintes, car l’inanimé serait, lui aussi, capable de refoulement.
      Nous ne sommes pas au bout de nos constations. Le propre de la logique humaine est d’aller si loin qu’elle devient illogique et inhumaine dans ses conclusions. L’homme, pour le moment, est le maitre objectif de mécanismes qui le dépassent dans certaines voies subjectives, mais leur contrôle lui échappera certainement quand ils auront dépassé un certain stade d’intelligence ou de grandeur. On peut appliquer ce dernier facteur, dès maintenant, à la bombe à hydrogène dont les auteurs ne savent absolument pas à quels cataclysmes généralisés son emploi peut aboutir. On sent, dès maintenant, que certaines limites anormales ont été franchies. La démarcation n’est plus aussi nette entre l’animé et l’inanimé. On assiste à un chevauchement des virtualités de l’un et de l’autre. On entre, en somme, dans un domaine ou rien ne va plus être rationnel.
      Si la fonction crée l’organe on peut tout aussi bien admettre que l’organe crée la fonction. Nous ne savons pas du tout dans quelle proportion la machine ne s’humanisera pas au fur et à mesure que l’homme se mécanisera davantage.
      Les prouesses calculatrices de l’électronisme ne sont que du super-mécanisme et du super-mental, c’est-à-dire, par l’accouplement contre nature de l’homme et de la machine, une juxtaposition atomique et cellulaire. Or il y a un abime entre ce plan, si complexe et étendu soit-il, et le plan supérieur du sentiment, apanage inviolable de la créature humaine. Le cerveau humain pense à trois dimensions; le cerveau de la machine issu de lui ne saurait penser à quatre.
     C’est sur le terrain de la conscience supérieure que se réalise l’écart. Aussi l’homme est bien à l’aise pour lancer le défi suivant au mécanisme. Que les Neumann de l’avenir nous montrent la machine-artiste, la machine-poète, la machine-philosophe, la machine à fabriquer le dévouement et la machine à propager l’Amour!

George Barbarin
Voyage au bout de la raison
La déroute des logiciens
Éditions de l’âge d’or; 1962 (épuisé) 

Vous aimerez peut-être Delirium Roboticum http://situationplanetaire.blogspot.ca/2012/04/delirium-roboticum.html 

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50 ans plus tard… 

Tout comme l'ordinateur, l'humain devient lui aussi multitâche
Fabien Deglise  
Les mutations tranquilles, 18 juillet 2012; Le Devoir

La symbiose entre l'homme et la machine se confirme. Après avoir mis au point des environnements informatiques multitâches, qui permettent de mener plusieurs activités simultanément, l'humain est en train de se laisser emporter lui même par cette logique du tout, tout de suite et en même temps, surtout lorsqu'il se trouve devant la télévision.
      C'est le Pew Research Center aux États-Unis qui le dit. Dans une étude dévoilée hier, le groupe de recherche estime en effet que plus de la moitié des Américains – 52% pour être précis – n'est plus capable aujourd'hui de regarder la télévision sans faire autre chose au même moment avec un autre écran, celui d'une tablette, d'un ordinateur ou d'un téléphone dit intelligent.
      Suite : http://www.ledevoir.com/opinion/blogues/les-mutations-tranquilles

COMMENTAIRE

Ça me fait vraiment penser au flou photographique. Avec une vitesse d’obturation très lente, si le sujet bouge ou si nous bougeons la caméra devant un sujet immobile, nous perdons tout focus.

Si notre mental court dans toutes les directions à la fois, et vu sa vitesse d'obturation/intégration, nous pouvons douter de la qualité du flou artistique qui en résultera :o)

19 juillet 2012

Aimer sans posséder

Wang-Fô : magnifique illustration de Georges Lemoine

Le vieux peintre Wang-Fô et son disciple erraient le long des routes du royaume des Han. Ils avançaient lentement car Wang-Fô s’arrêtait la nuit pour contempler les astres et le jour pour regarder les libellules. Ils étaient peu chargés car Wang-Fô aimait l’image des choses et non les choses elles-mêmes; pour lui aucun objet au monde ne valait la peine d’être possédé excepté quelques brosses, des pots de laque et d’encre, des rouleaux de soie et du papier.  
~ Marguerite Yourcenar, Contes d’Orient

Je n’irais pas jusque-là… à moins qu’une catastrophe m’y contraigne. Par contre, je me considère déjà fortunée de pouvoir aimer de beaux objets sans avoir besoin de les posséder (cette capacité s’étend aux personnes que j’aime…).

Chose certaine, lorsqu’on se libère du passé, au plan mental/émotionnel, on désire refléter notre nouvel état d’esprit dans la vie matérielle. Désencombrer notre espace physique du superflu et de l’inutile devient soudain prioritaire. Étonnamment, ce vide nous comble 

Bizarre comme nous oublions les «au cas où», souvenirs, cadeaux, bibelots et autres qui encombrent nos caissons… jusqu’au jour où nous les ouvrons. Parfois l’on accumule des objets en raison d’héritages ou parce qu’on collectionne sans le réaliser. Un objet par ici, un objet par là, et sournoisement, la maison se remplit. J’ai hâte de gouter au gain d’espace et de liberté qui résultera du nettoyage que je suis en train de faire – tout y passe.

«Nous ne possédons pas les choses; ce sont les choses qui nous possèdent.»
~ Guy Finley  

«Choisissez vos possessions, ne les subissez pas. Comment apprécier des objets en multitude, dénués d’âme et de beauté, morts? Les Japonais sont nos maitres à ce propos. () Chaque objet est bien fait, esthétique, utile, léger, compact, pliable, mobile, et avec le pouvoir de disparaitre, avant et après usage, dans un sac, une poche, ou impeccablement replié dans un carré de soie. Les choses sont appréciées pendant l’usage qui leur est réservé, et respectées autant que des objets sacrés.»
~ Dominique Loreau, auteur de L’Art de la simplicité 

En effet, un seul objet bien pensé, de qualité, résistant, aux formes simples – et qui fonctionne! – vaut mieux que dix autres qui se déglinguent facilement ou brisent à tout bout de champ; surtout que plus personne ne les répare car ça coute plus cher que de remplacer…

Dominique Loreau dit aussi :
«Pour mieux vieillir, c’est-à-dire aller en s’allégeant, peut-être pourrions-nous nous inspirer de ce peuple et de ses coutumes et opter pour un style de vie orienté vers le strict nécessaire, ce qui n’exclut pas le confort et le raffinement. Nos possessions matérielles ne devraient être que celles qui servent notre corps et qui nourrissent notre âme. ()
      Tout ce que possède une personne devrait tenir dans un ou deux sacs de voyage. Le reste, c’est-à-dire tout ce qu’on peut trouver dans une maison (literie, vaisselle, télévision, meubles) ne devrait pas être considéré comme possession.
      Les Japonais étaient obligés de vivre ainsi à cause des fréquents incendies, des voleurs et des catastrophes naturelles. Ils choisissaient leurs biens toujours avec l’idée de pouvoir les emporter en s’enfuyant.
      Notre culture s’accommode mal de ceux qui choisissent de vivre frugalement, car ces derniers représentent un danger pour l’économie et la société de consommation. Ils sont considérés comme des marginaux, des individus inquiétants.
      Nous gaspillons, détruisons tout. Nous utilisons des couverts, stylos, briquets, appareils photo jetables… dont la fabrication génère la pollution de l’eau, de l’air, et donc de la nature. Renoncez dès aujourd’hui à tout ce gâchis avant d’y être forcé demain.»

«Cinq minutes suffisent à un Japonais pour se préparer à un long voyage. Il a peu de besoins. Sa capacité à vivre sans entraves, sans meubles, avec un minimum de vêtements fait sa supériorité dans cette lutte constante qu’est la vie.»
~ Lafcadio Hearn, Kokoro 

Si le minimalisme vous intéresse, voyez « Refonte 1 et 2 » :
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2012/06/refonte-1.html
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2012/06/refonte-2.html

COMMENTAIRE

Les Japonais ont peut-être abandonné cette sage coutume ancestrale car on peut dire qu'ils sont passés maitres en fabrication de gadgets jetables... comme bien d'autres cultures d'ailleurs. Je ne leur jette pas la pierre puisque nous étions/sommes preneurs.  

Quoiqu’il en soit, tâchons de minimaliser de sorte que nous ne laisserons que des biens de réelle valeur aux héritiers – ce qui en outre leur évitera le fastidieux triage/recyclage de notre bazar.

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Vous aimerez peut-être les photoreportages d’Antonio Pagnotta sur Mediapart :
http://www.mediapart.fr/portfolios/fukushima-17-le-dernier-homme
Série de sept portfolios.

Pendant plus de neuf mois, le photojournaliste est régulièrement entré dans la zone interdite autour de la centrale de Fukushima au Japon. Il y a rencontré un homme qui a refusé d'évacuer les lieux. Il vit sans eau, sans électricité.

Photo : Antonio Pagnotta
Matsumura refuse d’abandonner les animaux qui ont survécu à une agonie certaine. Chaque matin, il va de maison en maison pour nourrir les chats et les chiens restés sur place parce que trop sauvages pour être capturés ou trop agressifs pour être emmenés dans les refuges. Il nourrit aussi ses sangliers et ses cochons qui cohabitent avec une bande de chats.

17 juillet 2012

Disparition du silence


Chante plus fort, on n’entend rien!

Le monde artificiel que nous avons créé, excessivement métallique et bruyant, a des effets singuliers sur les oiseaux urbains tels que les moineaux.

De la même manière que nous élevons la voix pour être entendus en ville à cause des bruits de klaxons, de moteurs vrombissants et de construction, les oiseaux sont obligés de «tweeter» plus fort.

Le chant est leur moyen de communication – comment pourraient-ils couvrir cette cacophonie?!

Selon le chercheur David Luther, plusieurs espèces d’oiseaux ont dû modifier leurs chants et leurs registres. Les mâles ne font plus leur cour de la même manière. Le côté dramatique de l’histoire est que les femelles n’entendent pas leurs oisillons piailler quand ils ont faim, pas plus qu’elles n’entendent les prédateurs…

Entre 1977 et 2008, au Royaume-Uni, la population de moineaux a donc décliné de 71%, avec un déclin nettement plus marqué dans les villes*.

En 2007, des chercheurs ont noté que les rouges-gorges communiquaient désormais la nuit pour éviter une vaine compétition avec le bruit urbain.

Série d’articles sur le sujet :
http://www.bbc.co.uk/news/science-environment-18784607   
* The findings have been published in the journal Plus One.

COMMENTAIRE

Je rêve de vrai silence pour entendre la nature.

Vous aimerez peut-être :
Petit éloge des amoureux du silence
Jean-Michel Delacomptée
Gallimard 2011

Mot de l’éditeur :
Qui n’est pas un jour devenu fou en entendant son voisin d’à côté tondre le gazon systématiquement tous les dimanches au moment de la sieste ? Qui n’est pas devenu obsédé par le sifflotement anodin du voisin d’en face ? Comme si la vie prêtait toujours à siffloter ? Pamphlet contre le bruit environnant sur toutes ses formes, sur le bruit qui vous empêche de penser, coup de gueule contre tous ces bruits qui nous atteignent et nous gênent, mais surtout hymne au silence.

Biographie de l'auteur :
Jean-Michel Delacomptée est maître de conférences en littérature française à l’université Paris 8. Sa production d’écrivain consiste principalement en des portraits littéraires de personnages historiques et de gens de lettres. Il s’agit bien de portraits littéraires, non de biographies. Ces portraits usent en effet d’une écriture narrative qui, sans aucun recours à la fiction, tend à effacer la frontière conventionnelle entre le récit romanesque, l’érudition biographique et l’esprit d’analyse propre à l’essai. Extérieurs à tout genre spécifique, ne rentrant dans aucun classement prédéfini, ils relèvent de la littérature générale tant par la liberté de leur composition que par la grande attention apportée au style.

Commentaires sur Babelio :
http://www.babelio.com/livres/Delacomptee-Petit-eloge-des-amoureux-du-silence/298646

Ceux qui ont des voisins bruyants, ceux qui ne supportent pas les conversations sur portable en public, ceux qui vivent le bruit comme une agression trouveront dans cet ouvrage compréhension et compassion de l'auteur. J'ai lu avec bcp d'intérêt cet ouvrage qui est un hommage vibrant au silence et non une attaque en règle contre le bruit. Mais il y a des bruits insidieux qui minent votre existence et contre lesquels on ne peut pas lutter et il y a les bruits qu'on tolère et qui font partie "du paysage". L'auteur voit dans le silence un espace propice à la réflexion et à la concentration. L'écriture est claire, les références fort bien choisies et le propos fort bien étayé.
      La vie, le plaisir de vivre, ce n'est pas entendre la télévision du voisin malgré les deux étages qui nous séparent, ni les flonflons de la fête foraine pendant des mois, ni le rap ou les airs d'opéra à toute heure dans l'appartement du dessus, ni le babil hurlé des téléphones mobiles. Rien de vivant dans le bruit, seulement de la violence.
~ Letitbe

On traite de mal embouchés ceux qui détestent le bruit. On se gausse des vieux qui s’en plaignent, voire on les méprise. Mais c’est oublier qu’il faut beaucoup d’énergie pour vivre, et beaucoup d’énergie encore pour supporter les sons abusifs. Le lent retrait de la vie offre une réponse à l’angoisse du néant, tout comme dans les siècles passés, les libertins accueillaient la foi dont ils ricanaient jusqu’alors. En me noyant dans l’ici et le maintenant de l’agitation, le bruit m’inflige une leçon de réalité que je voudrais méconnaître. C’est plus qu’une gêne : une souffrance.
~ Corboland78