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En passant, une superbe définition de l’amour :
Aimer
c’est prendre soin de la solitude de l’autre sans jamais prétendre la combler et
même sans la connaitre.
~ Christian
Bobin
En introduction au site, quelques extraits à
propos de l’amitié/amour de deux auteurs que j’aime beaucoup.
Les âmes
sœurs
Par Thomas Moore
La
famille de l’âme
L’âme a besoin d’une authentique expérience de
la vie familiale, que nous soyons des enfants vivant encore dans le cocon
familial ou des adultes à la recherche d’une famille au travail ou dans notre
communauté. Au sens large, le mot «famille» n’est pas une simple métaphore; c’est
aussi une relation qui peut revêtir maintes formes. Elle offre toujours la
possibilité d’un lien fondamental qui ne dépend ni de l’attirance ni de la
compatibilité. Des gens qui collaborent à un projet, par exemple, peuvent
sentir la présence de la famille de l’âme tandis qu’ils parlent, qu’ils travaillent
et apprennent à se connaitre. Lorsque nous espérons que notre nation pourra demeurer
unie, comme une famille, ou que la famille des nations pourra vivre en paix, il
ne s’agit pas de simples métaphores, mais de l’expression d’un besoin profond de
l’âme, d’un moyen particulier, bien enraciné, de nouer les uns avec les autres
un lien qui offre une sécurité profonde, inconditionnelle et durable.
Amitié
et communauté
Lorsque nous faisons l’effort de placer l’âme
au centre de nos préoccupations, comme Marsilio Ficino le fait dans sa
reconstruction de la culture, les valeurs se déplacent de manière
significative. Dans chaque regroupement de gens, d’une entreprise à un parti
politique, le sens de la communauté pourrait être jugé plus important que l’organisation,
et l’amitié plus précieuse que la productivité. Si cette idée semble
anachronique ou impossible à concrétiser dans notre culture, c’est parce que
nous avons une longue route à parcourir avant de pouvoir intégrer l’âme à notre
vie.
L’amitié
– Il n’est pas surprenant que nous soyons si touchés par la mort d’un ami. Des
relations aussi profondes font partie de nous. Chaque ami est véritablement un
monde, une sphère particulière qui renferme certaines émotions, expériences et
qualités, certains souvenirs communs. Chaque ami nous entraine dans un monde
qui est aussi nous-mêmes. Nous sommes tous composés de nombreux mondes et
chaque amitié réveille l’un ou plusieurs mondes. L’amitié constelle (une constellation est une réunion d’étoiles) notre univers de sens et de valeur.
Nous partageons avec un ami une conception et une expérience uniques de la vie,
c’est pourquoi notre amitié exécute une sorte d’opération astrologique sur l’âme,
nous ouvrant des univers planétaires, donnant à notre vie une culture et le
moyen de s’exprimer. Perdre un ami, c’est perdre ces mondes. Ne pas avoir d’amis
du tout, c’est gravement être privé d’une riche définition de nous-mêmes par
rapport au reste du monde.
L’amitié,
creuset de l’âme – En sus de tous les univers de l’imagination, l’amitié
offre à l’âme l’intimité et le rapprochement. Bien des aspects de notre vie
peuvent se passer de relations intimes. Mais une âme privée de toute intimité
finit par mourir d’inanition, car le rapprochement engendré par une relation
intime est sa principale nourriture. Lors des crises émotives, notre premier
réflexe est peut-être d’aller nous confier à des amis, car nous savons que la
matière la plus délicate de notre vie est en sécurité entre leurs mains, que l’amitié
peut renfermer nos pensées et nos sentiments, aussi douloureux, aussi bizarres
soient-ils, tandis que nous nous efforçons de les trier et de les regarder se
développer.
Un ami qui souhaite se confier à nous sera
heureux de constater que nous savons garder un secret. Il est fréquent,
également, que ce qui se passe entre deux personnes doive être tenu à l’écart
des autres amis. Un ami peut également retenir notre confiance en recevant nos
pensées et nos sentiments sans éprouver le besoin de les interpréter ou de les
commenter.
En amitié, il est parfois préférable de ne rien
faire. Ce n’est pas l’activité qui compte, plutôt la loyauté et la présence.
Par conséquent, comme toutes les formes de vie qui ont une âme, l’amitié exige
l’attention. Nous pouvons manifester notre présence par des visites, des appels
téléphoniques, des lettres ou des cartes postales. Quelle que soit la méthode
dont nous disposons, nous pouvons entretenir une amitié par des gestes simples
et sincères.
Nous faisons la connaissance de bien des gens
au cours des années, mais seulement quelques-uns d’entre eux deviennent nos
amis et, sur toute une vie, nous pourrons compter le nombre d’amis vraiment
intimes, d’âmes sœurs, sur les doigts d’une seule main.
Il est impossible d’expliquer ce qui fait
naitre une amitié durable entre deux personnes. Le fait que nous ne puissions
appliquer de formule figée à la découverte de véritables amis révèle qu’il s’agit
d’un processus profond et dépourvu d’intention. C’est comme si notre âme
reconnaissait les trésors cachés dans l’âme de quelqu’un d’autre et décidait de
nouer une alliance, tandis que l’esprit conscient s’affaire à vivre ses
intentions, ses espérances et ses attentes. Nous avons parfois l’impression que
l’amitié s’installe en dépit de notre volonté et de nos attentes. Il arrive que
les amitiés fleurissent en un instant.
L’éternité se fait sentir à la fois dans les
relations durables et dans les relations éphémères. Car l’âme ne se préoccupe
pas du temps absolu, mais plutôt de l’esprit du moment. Si elle évoque l’éternité,
cela signifie que l’amitié doit demeurer à tout jamais dans l’imagination, même
si tel n’est pas le cas de la relation personnelle. Pour illustrer cette nature
à la fois éphémère et éternelle de l’amitié, je mentionnerai la profonde
relation qui a uni pendant neuf ou dix ans Lou Andreas-Salomé et le poète
Rainer Maria Rilke. Après leur deuxième importante rupture, elle lui écrivait :
«Je suis fidèle à jamais à mes souvenirs; mais je ne serais jamais fidèle aux
gens.» Nous pourrions interpréter cela comme un témoignage de liberté sexuelle,
mais à un niveau plus profond, c’est une réflexion sur les relations de l’âme.
Ses émotions demeurent à tout jamais, bien après que la relation visible a
cessé d’être.
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L’espèce
fabulatrice
Par Nancy Huston
Fables
intimes
Un très
grand amour, ce sont deux êtres qui se rencontrent et, complices, échappent
jusqu’au bout à la réalité. Vous avez ainsi des couples merveilleux qui vivent
côte à côte sans cesser de s’inventer et qui restent fidèles à cette œuvre d’art,
malgré tous les pièges du tel quel…
~
Romain Gary
Les
fictions sont violentes; elles engendrent la mort.
Mais elles sont aussi fécondes et belles; elles engendrent l’amour.
C’est parce que nous concevons, pensons, rêvons, inventons, racontons
inlassablement amour et haine que nous sommes humains. Ainsi l’amour existe-t-il aussi réellement que la haine : parce que l’imagination existe réellement.
Aimer et se sentir aimé nous transforme. Cela nous améliore, et cela améliore nos performances.
Sur ce plan, que l’amour nous unisse à Dieu ou à l’un de nos congénères ne fait pas de différence.
La bonne amie du tennisman français lui lance un regard doux au moment décisif : il remporte le match. Le tennisman brésilien tripote sa croix en or qu’il porte autour du cou : il remporte le match.
L’amour a gagné.
Sous toutes ses formes, l’amour est une histoire que l’on se raconte pour rendre la vie vivable.
Une fois de plus, dire que c’est une histoire ne veut pas dire que cela n’existe pas (les histoires existent), ni que c’est un mensonge (puisqu’on y croit).
Comme tant d’autres fictions humaines, l’amour est une source de récits qui deviennent notre réalité.
Dans l’amour comme dans la guerre, mythes et réalités sont parfaitement inextricables.
Amitié
Dans l’amitié humaine, je t’aime, c’est : je veux que nos histoires s’imbriquent l’une dans l’autre.
Aimer quelqu’un c’est reconnaitre, valoriser, activer ses histoires.
Il est beau de voir un être se détendre et s’épanouir sous l’effet de l’intérêt que nous lui portons. Notre intérêt est comme un soleil : la fleur s’ouvre peu à peu et offre ses couleurs.