Introduction / contact

N’hésitez pas à commenter les messages ou bien à m’écrire, je serai heureuse de vous répondre : artdanstout@gmail.com

***

En passant, une superbe définition de l’amour :
Aimer c’est prendre soin de la solitude de l’autre sans jamais prétendre la combler et même sans la connaitre
~ Christian Bobin

En introduction au site, quelques extraits à propos de l’amitié/amour de deux auteurs que j’aime beaucoup.


Les âmes sœurs
Par Thomas Moore

La famille de l’âme

L’âme a besoin d’une authentique expérience de la vie familiale, que nous soyons des enfants vivant encore dans le cocon familial ou des adultes à la recherche d’une famille au travail ou dans notre communauté. Au sens large, le mot «famille» n’est pas une simple métaphore; c’est aussi une relation qui peut revêtir maintes formes. Elle offre toujours la possibilité d’un lien fondamental qui ne dépend ni de l’attirance ni de la compatibilité. Des gens qui collaborent à un projet, par exemple, peuvent sentir la présence de la famille de l’âme tandis qu’ils parlent, qu’ils travaillent et apprennent à se connaitre. Lorsque nous espérons que notre nation pourra demeurer unie, comme une famille, ou que la famille des nations pourra vivre en paix, il ne s’agit pas de simples métaphores, mais de l’expression d’un besoin profond de l’âme, d’un moyen particulier, bien enraciné, de nouer les uns avec les autres un lien qui offre une sécurité profonde, inconditionnelle et durable.

Amitié et communauté

Lorsque nous faisons l’effort de placer l’âme au centre de nos préoccupations, comme Marsilio Ficino le fait dans sa reconstruction de la culture, les valeurs se déplacent de manière significative. Dans chaque regroupement de gens, d’une entreprise à un parti politique, le sens de la communauté pourrait être jugé plus important que l’organisation, et l’amitié plus précieuse que la productivité. Si cette idée semble anachronique ou impossible à concrétiser dans notre culture, c’est parce que nous avons une longue route à parcourir avant de pouvoir intégrer l’âme à notre vie.

L’amitié – Il n’est pas surprenant que nous soyons si touchés par la mort d’un ami. Des relations aussi profondes font partie de nous. Chaque ami est véritablement un monde, une sphère particulière qui renferme certaines émotions, expériences et qualités, certains souvenirs communs. Chaque ami nous entraine dans un monde qui est aussi nous-mêmes. Nous sommes tous composés de nombreux mondes et chaque amitié réveille l’un ou plusieurs mondes. L’amitié constelle (une constellation est une réunion d’étoiles) notre univers de sens et de valeur. Nous partageons avec un ami une conception et une expérience uniques de la vie, c’est pourquoi notre amitié exécute une sorte d’opération astrologique sur l’âme, nous ouvrant des univers planétaires, donnant à notre vie une culture et le moyen de s’exprimer. Perdre un ami, c’est perdre ces mondes. Ne pas avoir d’amis du tout, c’est gravement être privé d’une riche définition de nous-mêmes par rapport au reste du monde.

L’amitié, creuset de l’âme – En sus de tous les univers de l’imagination, l’amitié offre à l’âme l’intimité et le rapprochement. Bien des aspects de notre vie peuvent se passer de relations intimes. Mais une âme privée de toute intimité finit par mourir d’inanition, car le rapprochement engendré par une relation intime est sa principale nourriture. Lors des crises émotives, notre premier réflexe est peut-être d’aller nous confier à des amis, car nous savons que la matière la plus délicate de notre vie est en sécurité entre leurs mains, que l’amitié peut renfermer nos pensées et nos sentiments, aussi douloureux, aussi bizarres soient-ils, tandis que nous nous efforçons de les trier et de les regarder se développer.

Un ami qui souhaite se confier à nous sera heureux de constater que nous savons garder un secret. Il est fréquent, également, que ce qui se passe entre deux personnes doive être tenu à l’écart des autres amis. Un ami peut également retenir notre confiance en recevant nos pensées et nos sentiments sans éprouver le besoin de les interpréter ou de les commenter.

En amitié, il est parfois préférable de ne rien faire. Ce n’est pas l’activité qui compte, plutôt la loyauté et la présence. Par conséquent, comme toutes les formes de vie qui ont une âme, l’amitié exige l’attention. Nous pouvons manifester notre présence par des visites, des appels téléphoniques, des lettres ou des cartes postales. Quelle que soit la méthode dont nous disposons, nous pouvons entretenir une amitié par des gestes simples et sincères.

Nous faisons la connaissance de bien des gens au cours des années, mais seulement quelques-uns d’entre eux deviennent nos amis et, sur toute une vie, nous pourrons compter le nombre d’amis vraiment intimes, d’âmes sœurs, sur les doigts d’une seule main.

Il est impossible d’expliquer ce qui fait naitre une amitié durable entre deux personnes. Le fait que nous ne puissions appliquer de formule figée à la découverte de véritables amis révèle qu’il s’agit d’un processus profond et dépourvu d’intention. C’est comme si notre âme reconnaissait les trésors cachés dans l’âme de quelqu’un d’autre et décidait de nouer une alliance, tandis que l’esprit conscient s’affaire à vivre ses intentions, ses espérances et ses attentes. Nous avons parfois l’impression que l’amitié s’installe en dépit de notre volonté et de nos attentes. Il arrive que les amitiés fleurissent en un instant.

L’éternité se fait sentir à la fois dans les relations durables et dans les relations éphémères. Car l’âme ne se préoccupe pas du temps absolu, mais plutôt de l’esprit du moment. Si elle évoque l’éternité, cela signifie que l’amitié doit demeurer à tout jamais dans l’imagination, même si tel n’est pas le cas de la relation personnelle. Pour illustrer cette nature à la fois éphémère et éternelle de l’amitié, je mentionnerai la profonde relation qui a uni pendant neuf ou dix ans Lou Andreas-Salomé et le poète Rainer Maria Rilke. Après leur deuxième importante rupture, elle lui écrivait : «Je suis fidèle à jamais à mes souvenirs; mais je ne serais jamais fidèle aux gens.» Nous pourrions interpréter cela comme un témoignage de liberté sexuelle, mais à un niveau plus profond, c’est une réflexion sur les relations de l’âme. Ses émotions demeurent à tout jamais, bien après que la relation visible a cessé d’être.

***

L’espèce fabulatrice
Par Nancy Huston

Fables intimes

Un très grand amour, ce sont deux êtres qui se rencontrent et, complices, échappent jusqu’au bout à la réalité. Vous avez ainsi des couples merveilleux qui vivent côte à côte sans cesser de s’inventer et qui restent fidèles à cette œuvre d’art, malgré tous les pièges du tel quel… 
~ Romain Gary 

      Les fictions sont violentes; elles engendrent la mort. 
      Mais elles sont aussi fécondes et belles; elles engendrent l’amour.
      C’est parce que nous concevons, pensons, rêvons, inventons, racontons inlassablement amour et haine que nous sommes humains.
      Ainsi l’amour existe-t-il aussi réellement que la haine : parce que l’imagination existe réellement.
      Aimer et se sentir aimé nous transforme. Cela nous améliore, et cela améliore nos performances.
      Sur ce plan, que l’amour nous unisse à Dieu ou à l’un de nos congénères ne fait pas de différence.
      La bonne amie du tennisman français lui lance un regard doux au moment décisif : il remporte le match. Le tennisman brésilien tripote sa croix en or qu’il porte autour du cou : il remporte le match.
      L’amour a gagné.
      Sous toutes ses formes, l’amour est une histoire que l’on se raconte pour rendre la vie vivable.
      Une fois de plus, dire que c’est une histoire ne veut pas dire que cela n’existe pas (les histoires existent), ni que c’est un mensonge (puisqu’on y croit).
      Comme tant d’autres fictions humaines, l’amour est une source de récits qui deviennent notre réalité.
      Dans l’amour comme dans la guerre, mythes et réalités sont parfaitement inextricables.

Amitié
 
      Dans l’amitié humaine, je t’aime, c’est : je veux que nos histoires s’imbriquent l’une dans l’autre.
      Aimer quelqu’un c’est reconnaitre, valoriser, activer ses histoires.
      Il est beau de voir un être se détendre et s’épanouir sous l’effet de l’intérêt que nous lui portons. Notre intérêt est comme un soleil : la fleur s’ouvre peu à peu et offre ses couleurs.