30 avril 2015

Le «toit du monde» s’écroule?

Certes, il y a toujours eu des catastrophes naturelles sur terre. Mais, l’extraction, la fracturation, le forage et les explosions en continu n’effritent-ils pas les fondations de la «maison»? Faut-il s’étonner qu’elle tremble?

Ce qu’on voit au Népal est si horrifiant qu’il n’y a pas de mots pour exprimer ce qu’on ressent.

Les restrictions budgétaires ne sont pas appliquées aux bons secteurs. Si c’était le cas, peut-être que le nombre de catastrophes diminuerait au lieu d’augmenter. Je pense qu’en bout de ligne, la multiplication des séismes d’origine artificielle finit par provoquer des séismes de grande magnitude : 
   Les séismes d'origine artificielle, ou «séismes» de faible à moyenne magnitude, sont dus à certaines activités humaines telles que barrages, pompages profonds, extraction minière, explosions souterraines ou nucléaires, ou même bombardements[]. Ils sont fréquents et bien documentés depuis les années 1960-1970. Par exemple, plusieurs séismes ont été clairement attribués à des remplissages de lacs-réservoirs, à l'exploitation de gisements pétrolifères ou aux mines.
   Les tremblements de terre engendrent parfois des tsunamis, dont la puissance destructrice menace une part croissante de l'humanité installée en bordure de mer. Ils peuvent aussi menacer les installations pétrolières et gazières offshore et disperser les décharges sous-marines contenant des déchets toxiques, déchets nucléaires et munitions immergées. (Wiki)

Le «toit du monde». La chaîne de l'Himalaya et le plateau tibétain. Photographie prise par l’astronaute Andre Kuipers depuis l’ISS le 23 mai 2012. Crédit image : ESA / NASA.

Citaquote du jour :

Le malheur des hommes vient toujours de ce qu'ils placent mal leur précaution et leur confiance. Ils sont tous comme les cerfs qui, pour éviter l'oiseau, qui menace de fondre sur eux, et cherchant à se mettre à couvert, tombent dans les filets où ils périssent. ~ Épictète (Entretiens, Livre II, III)


Que de fois, devant la majesté d'un couchant, ou la grâce d'un matin rose plein de lilas et de vols d'oiseaux, ne me suis-je pas senti meilleur, et tout à coup incapable de commettre les microscopiques ignominies dont se pique la toile journalière des plus honnêtes et des plus probes! ~ Pierre Aguétant

Tableau : http://mirylscrap.eklablog.com/recent/42

Sur la pointe d'une herbe
devant l'infini du ciel
une fourmi
~ Hôsai Ozaki (Haiku)

Le côté sale du nuage

Photo : carte du câblage web sous-marin, août 2013. Ahurissant, non? Et tout ça n’aurait aucun effet sur la santé physique de la faune marine et terrestre et des humains? Que dire de notre santé mentale? Il faut avoir la tête dans les nuages (noirs) pour penser que les conséquences environnementales puissent être bénignes.

On parle constamment des informations disponibles «dans le nuage», mais ces données auxquelles on accède peu importe où l'on se trouve ont besoin d'être logées physiquement quelque part. Avec l'explosion de l'infonuagique vient le besoin grandissant de centres de données pour les héberger. (La Sphère, ICI Radio Canada, Première, 25 avril 2015)

En effet, la question revient souvent parce que le web est un monstre énergivore sans équivalent. 
   Internet coûte extrêmement cher à la planète  en énergies sales. Nos communications magiques dévorent du charbon, du nucléaire...  et décapitent des montagnes. Les structures matérielles de routage et de stockage courent sous les océans, dans le sous-sol, dans les airs. 
   L’an dernier, le documentaire Internet, la pollution cachée m’a fait prendre conscience de cette réalité invisible. C’est effrayant, j’ai eu un choc. Tellement, que j’envisage un défi : un an sans Internet. Il est impossible de l’éliminer totalement car on nous l’impose dans divers secteurs essentiels (services gouvernementaux, etc.), mais je pensais à tout le reste... 
   Les visiteurs qui me lisent régulièrement savent que je n’ai ni téléphone intelligent ni tablette. On pourrait conclure que je suis contre mais ce n’est pas le cas, j’apprécie Internet. Néanmoins, je regrette la pollution, l’esclavage et l’abrutissement qu’entraînent les jouets électroniques dans leur sillage. Jeûner c’est bon pour la santé.

“How clean is your cloud?” ~ Gary Cook (Rapport Green Peace, 2012)

Photo : via ICI Radio-Canada

Internet, la pollution cachée
Documentaire 2013 © Camicas Productions

Résumé par Jean-Luc Goudet, Futura-Sciences 07/10/2013 

Au festival international du film scientifique Pariscience organisé par l’association Science Télévision : Internet. Question : que se passe-t-il lorsque je clique sur «envoyer» après la rédaction d’un courriel? Un étonnant reportage de Coline Tison et Laurent Lichtenstein nous l’explique et nous fait découvrir des millions de kilomètres de câbles, des data centers pompant autant d’électricité qu’une petite ville, et des serveurs qui pourraient chauffer des quartiers entiers… 
   Quelle quantité d'énergie absorbent nos activités sur le Web? Elle est énorme et croît très vite, comme le montre le documentaire Internet, la pollution cachée. Les deux réalisateurs ont interrogé ceux qui font transiter les données, ceux qui les stockent et ceux, collectivités locales ou industriels, qui cherchent à anticiper les besoins futurs. 
   Internet, c’est magique. Internet, c’est virtuel. Plus de papier pour écrire un courrier. Plus de support physique pour conserver une photographie. L’information est devenue immatérielle. C’est ce que beaucoup pensent. La journaliste Coline Tison et le documentariste Laurent Lichtenstein, les réalisateurs de Internet la pollution cachée ont suivi les câbles. Des millions de kilomètres, en cuivre ou en fibres optiques, qui transportent nos mails et nos téléchargements. Ils ont interrogé les acteurs de cette industrie discrète : fournisseurs d’accès, responsables de data centers, ou encore spécialistes de Greenpeace et ceux qui, déjà, investissent dans des technologies moins gourmandes et plus économiques. 
   Même pour le connaisseur, même pour le geek, ce que donne à voir Internet la pollution cachée, est étonnant. Humainement présentée, avec pour fil rouge Rebecca, nouveau-né dont les parents envoient dès sa naissance des dizaines de photos sur le Web, et qui se multiplieront chez la famille et chez les amis, l’histoire montre les coulisses d’Internet, avec sa tuyauterie et ses serveurs.

Trouver suffisamment d'électricité : un enjeu pour les data centers

En guise d’apéritif, une avalanche de chiffres donne la mesure de la planète Internet. Un courrier électronique parcourt en moyenne 15,000 km entre deux ordinateurs, car la ligne droite n’est pas le plus court chemin. La photo de la petite Rebecca transitera sans doute par les États-Unis, pour aller de l’ordinateur de ses parents à celui de leur voisin de quartier. En une heure, les Terriens expédient aujourd’hui dix milliards d’emails.
   La consommation électrique que ce transport induit représente la production de 15 centrales nucléaires pendant une heure. En équivalent-pétrole, le calcul amène à 4000 tonnes. C’est là où les réalisateurs veulent en venir : au pendant énergétique de notre activité sur les réseaux informatiques. «Nous avons retenu une énergie de 5 Wh pour un courrier simple et de 24 Wh pour un envoi avec une pièce jointe de 1 Mo», rapporte Coline Tison, interrogée par Futura-Sciences. 
   «Ce n’est pas le transport, avec les dizaines de milliers de kilomètres parcourus par un simple courrier, qui consomme le plus, nous explique-t-elle. De très loin, c’est le stockage dans les data centers, avec les serveurs et les disques durs, ainsi que les sauvegardes dans d’autres machines.» Et le courrier électronique n’est pas le seul générateur de données, un simple achat en ligne produit beaucoup d’octets.

Éviter la surchauffe et imaginer l’Internet écoresponsable?

De Google à Apple en passant Microsoft et les fournisseurs d’accès à Internet, ces centres de données sont devenus de véritables points névralgiques. Avec la sécurité, la consommation électrique est leur principal problème. Le reportage nous emmène en banlieue nord de Paris où se concentrent plusieurs installations de ce genre, qui accaparent parfois autant de courant électrique que le reste de la ville dans laquelle ils se trouvent. Aux États-Unis, le documentaire se promène dans les montagnes Appalaches de Virginie Occidentale. Là, plusieurs géants d’Internet, comme Facebook, ont établi leurs quartiers pour être au plus près de centrales thermiques, lesquelles creusent les sommets pour en extraire le charbon dans des mines à ciel ouvert
   La progression de cette orgie d’octets peut donner le vertige. «Entre 1990 et 2003, notre monde virtuel a produit cinq millions de giga-octets de données. En 2011, il fallait 48 h pour générer cette même quantité. En 2013, il faut seulement dix minutes.» Le documentaire n’est pas pour autant un film catastrophe. «Nous avons voulu désamorcer ce mythe de l’Internet virtuel et magique, et plutôt inviter à une prise de conscience», nous explique Laurent Lichtenstein, féru de vulgarisation scientifique et qui avait déjà filmé l’exploration... du mont Olympe sur Mars. Nous découvrons ainsi l’étonnant congrès de Green Grid, une organisation qui veut organiser le business de l’informatique moins consommatrice. Sans oublier cette entreprise française, Qarnot Computing, qui transforme les serveurs… en radiateurs pour chauffer les habitations ou les locaux professionnels.

Source :
http://www.futura-sciences.com/magazines/high-tech/infos/actu/d/informatique-festival-pariscience-internet-pollution-cachee-decouvrir-49381/  

28 avril 2015

De rouge et de jaune

Tableau : Zhu Yi Yong, Red Star

Made in China-Québec

Il est de plus en plus évident que le Québec a été vendu à divers méga investisseurs étrangers, incluant les Chinois. Probablement depuis un bon moment. Comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là? Mystère et boule de riz. Sortons nos baguettes.
   Ainsi, après le Cirque du Soleil, bientôt un méga sino-market, sur la Rive-Sud, destiné à devenir une plateforme internationale pour les riches investisseurs chinois. Rien de moins. La colonisation n’est même plus subtile.

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En ce moment, je lis Les barbares d’Alessandro Baricco – un must... 

«... [l’essai] Les barbares a beaucoup fait discuter, il y a eu de nombreuses polémiques. À l’évidence, il traitait d’un sujet qui intéressait tout le monde et dont il était urgent de débattre : l’impression que notre planète était victime d’une sorte d’apocalypse culturelle, d’une spectaculaire plongée dans une barbarie nouvelle. Face à un tel phénomène, le trouble, voire la terreur, était tel qu’il m’a fallu un certain temps pour faire comprendre que mon livre n’était pas une critique des barbares : patiemment, j’ai souvent dû expliquer que je l’avais écrit pour tenter de comprendre les barbares, au cas où ils aient en fait raison, eux.» (Préface à l’édition française, mai 2014; p. 9-10)

«Ils arrivent de partout, les barbares. Ce qui nous trouble un peu, si bien que nous avons du mal à réunir les pièces du puzzle, à constituer une image cohérente de l’invasion dans sa totalité. On se met à parler des grandes librairies, des fast-foods, de la téléréalité, de la politique à la télévision, des jeunes qui ne lisent pas et d’autres choses de cet ordre, mais ce que nous n’arrivons pas à faire, c’est regarder d’en haut et reconnaître le dessin que les innombrables villages saccagés tracent à la surface du monde. Nous voyons les saccages, mais nous ne voyons pas l’invasion. Et nous ne parvenons donc pas à la comprendre. 
   Croyez-moi, c’est d’en haut qu’il faudrait regarder. 
   C’est d’en haut que, peut-être, on peut reconnaître la mutation génétique, c’est-à-dire les mouvements que nous observons. Je vais essayer de le faire en isolant certaines opérations qui me semblent communes à bon nombre des actes barbares auxquels nous assistons depuis quelque temps. Des opérations qui suggèrent une logique précise, bien que difficile à comprendre, et une stratégie claire, bien qu’inédite. Je voudrais étudier ces saccages, moins pour expliquer comment c’est arrivé, que pour y déchiffrer la manière de penser des barbares. Et je voudrais étudier les mutants avec leurs branchies afin de voir se refléter en eux l’eau dont ils rêvent et qu’ils recherchent. 
   Partons d’une impression assez répandue, peut-être superficielle, mais légitime : loin d’agoniser, beaucoup de gestes qui ont fait partie pendant des années des habitudes élevées de l’humanité se multiplient aujourd’hui avec une vitalité surprenante. Le problème est que, dans cette régénérescence fertile, ils semblent perdre le trait le plus profond qui les caractérisait, la richesse à laquelle ils étaient arrivés dans le passé, et peut-être même leur plus intime raison d’être. Comme s’ils vivaient indépendamment de leur sens; celui qu’ils avaient, et bien défini, Mais qui semble être devenu inutile. Une perte de sens. 
   Ils n’ont pas d’âme, les mutants. Et les barbares n’en ont pas non plus. C’est ce qu’on dit. C’est ce qu’affirme le shérif de Cornac McCarthy en pensant à son tueur : ‘Quoi dire à un type qui de son propre aveu n’a pas d’âme?’ 
   Pourquoi ne pas étudier la question de plus près? ...nous ne sommes pas face à des gestes essentiels de notre civilisation. Mais c’est précisément ce qui me plaît : étudier les barbares à travers leur saccage des villages périphériques, pas à travers leur assaut contre la capitale. Il est possible que là où la bataille est plus simple, circonscrite, il soit plus facile de saisir la stratégie de l’invasion et les gestes fondateurs de la mutation.»
(p. 39-41)

«Dans les mots d’ordre des barbares résonne le doux diktat de l’Empire.» (p. 53)

«... ce qui se produit là, c’est aussi qu’une certaine masse de gens envahit un territoire auquel, jusqu’à présent, elle n’avait pas droit. Et, quand ces gens s’y installent, ils ne se contentent pas des derniers rangs; souvent, même ils changent le programme et passent le film qui leur plaît.» (p. 54-55)

«... Comprenez comment ils se battent et vous comprendrez peut-être qui ils sont.» (p. 55)

«... la commercialisation poussée, comme effet de l’instinct qui tend à occuper tout le marché possible, n’est pas une condition suffisante pour justifier le massacre de la qualité. Elle ne l’a jamais été. Donc, si nous continuons à sentir un air d’apocalypse et d’invasion barbare, nous devons plutôt nous demander ce qui l’a réellement engendré, et nous interdire la réponse facile qui consiste à dire que tout est la faute d’une mafia d’affairistes. Au fond, la question correcte à se poser est peut-être celle-ci : quel type de qualité est produit par le marché que nous voyons aujourd’hui à l’œuvre? Quelle idée de qualité ont imposée les barbares de la dernière vague...?» (p. 85)

LES BARBARES
Alessandro Baricco
ESSAI SUR LA MUTATION
Gallimard, 2014

Extrait du résumé : Que peut notre culture face aux assauts du monde actuel? ... Le village de la culture est-il mis à sac par les barbares? se demande Baricco. Oui, mais son but n’est pas de juger. Il s’agit au contraire de comprendre qui sont ces barbares et plus encore comment ils procèdent, quels sont leur logique, leur mode de fonctionnement, les dégâts qu’ils ont causés et les leçons qu’on peut en tirer. [...]

25 avril 2015

Réalité ou fiction?

Photo : Syweiyi (?)

Il n’est ni possible ni souhaitable d’éliminer les fictions de la vie humaine. Elles nous sont vitales, consubstantielles. Elles créent notre réalité et nous aident à la supporter. Elles sont unificatrices, rassurantes, indispensables. On a vu qu’elles servaient au meilleur comme au pire. Aux génocides comme à la Chaconne en sol mineur pour violon seul de Johann Sebastian Bach.

Tout ce que l’on peut faire, c’est essayer d’en choisir des riches et belles, des complexes et des nuancées, par opposition aux simples et brutales.

Schopenhauer et les nombreux écrivains de l’Europe moderne qui, ouvertement ou non, ont adopté sa philosophie nihiliste, de Cioran à Bernhard et de Houellebecq à Jelinek, ont tous vécu, jeunes, dans une fiction forte et contraignante (religieuse ou politique). Ayant compris plus tard que le Paradis, Enfer et Avenir radieux étaient des sornettes, que le Sens de l’existence humaine n’était déterminé ni par Dieu ni par l’Histoire, ils en ont conclu qu’elle n’en avait pas, qu’elle n’était que tragédie, horreur et dérision, et se sont mis à déblatérer contre la vie en tant que telle.

Cela est absurde.

La vie a des Sens infiniment multiples et variés : tous ceux que nous lui prêtons. [1]

Notre condition, c’est la fiction; ce n’est pas une raison de cracher dessus.

À nous de la rendre intéressante.

~ Nancy Huston
(L’espèce fabulatrice, p. 191; Actes Sud / Leméac, 2008)

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[1] Voilà exactement ce que suggérait Joseph Campbell (1904-1987) :
Life is without meaning. You bring the meaning to it. The meaning of life is whatever you ascribe to it to be. Being alive is the meaning.

Si la pensée de Campbell attire un aussi grand nombre de lecteurs et lectrices, c’est à notre avis, parce qu’elle est à la fois traditionnelle et innovatrice et rejoint chez les gens des aspirations spirituelles qu’elle éveille et nourrit par le biais des contes, des légendes et des mythes. Rares sont ceux ou celles qui ne sont pas sensibles à la magie des contes : la popularité du roman moderne n’en est-elle pas la preuve? Par l’intermédiaire du mythe, Campbell ouvre une dimension profonde, celle de l’accès à la sagesse millénaire qui a permis à d’innombrables générations de survivre. ... Pour Campbell, les mythes témoignent du fait que le monde n’est pas fermé sur lui-même mais le reflet, la manifestation, d’une réalité plus grande, plus englobante. 
   Des premières étincelles mythologiques jusqu’aux expressions religieuses contemporaines, les figures divines des diverses traditions religieuses sont pour Campbell des «masques de Dieu», de pures créations de l’esprit humain, qu’il faut savoir dépasser si l’on veut respecter le mystère ineffable, qui se situe au-delà de toutes ces formes. Campbell cite Maître Eckart, un grand mystique du XIIIe siècle, selon lequel «le pas ultime sur la voie du détachement consiste à renoncer à l’idée de Dieu pour Dieu». C’est aussi le point de vue de Campbell, pour qui «tous les dieux sont nous», habitant au plus profond de notre être sous forme de puissances psychologiques et spirituelles. [...] 
   Le discours de Campbell est souvent très négatif à l’égard de la Bible. Il rejette, par exemple, le concept de «peuple choisi», y voyant une notion mythologique tribale ... archaïque et dépassée car, dit-il, tous les peuples sont choisis et aimés de Dieu. Selon lui, l’idée de «peuple choisi» signifie que chaque peuple, comme chaque individu, étant l’expression d’un fondement mystérieux et transcendant, tous sont égaux devant l’Éternel et se doivent un respect mutuel. 
   À son avis, les mythes traditionnels ont perdu leur efficacité, et les plus grandes religions pourraient bien disparaître, ou du moins perdre de plus en plus d’adhérents, à plus ou moins brève échéance. Une des causes de la désaffectation viendrait du fait que les religions ont négligé l’expérience intérieure pour mettre l’accent sur les dimensions sociale et éthique. Or, le besoin de spiritualité est toujours présent dans la conscience moderne et il revient à chacun de trouver les sources pour l’alimenter. 
   Ce voyage intérieur, le « voyage du héros » que Campbell décrit avec perspicacité, peut paraître une manifestation d’égoïsme mais il n’en est rien car le but ultime du voyage héroïque ne se limite pas à l’épanouissement personnel mais implique aussi une exploration «vers ces profondeurs de l’être» ... où le héros est celui qui dépasse ses limites personnelles et ouvre la voie pour tous à de nouvelles visions, à de nouveaux symboles.

Joseph Campbell : le jeu de l’éternité dans le temps
Anne-Marie Bilodeau, UQAM (Commentaire sur Les héros sont éternels

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COMMENTAIRE

C’est bizarre, mais j’ai remarqué que les nihilistes, à la Schopenhauer par exemple, démontraient souvent plus de compassion et de respect envers les humains, les animaux et la nature que les croyants qui prêchent l’Amour – armés jusqu’aux dents! (toutes religions confondues).

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CITAQUOTE DU JOUR : Milan Kundera (1929 - )

[...] toute la valeur de l'être humain tient à cette faculté de se surpasser, d'être en dehors de soi, d'être en autrui et pour autrui.
(Risibles amours, trad. François Kérel, p.195, Folio n°1702)

Les histoires personnelles, outre qu'elles se passent, disent-elles aussi quelque chose ? Malgré tout mon scepticisme, il m'est resté un peu de superstition irrationnelle, telle cette curieuse conviction que tout événement qui m'advient comporte en plus un sens, qu'il signifie quelque chose; que par sa propre aventure la vie nous parle, nous révèle graduellement un secret, qu'elle s'offre comme un rébus à déchiffrer, que les histoires que nous vivons forment en même temps une mythologie de notre vie et que cette mythologie détient la clé de la vérité et du mystère. Est-ce une illusion? C'est possible, c'est même vraisemblable, mais je ne peux réprimer ce besoin de continuellement déchiffrer ma propre vie.
(La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.247, Folio n°638)

Une foi trop ardente est le pire des alliés. [...] Dès que l'on prend une chose à la lettre, la foi pousse cette chose à l'absurde.
(Risibles amours, trad. François Kérel, p.79, Folio n°1702)

On crie qu'on veut façonner un avenir meilleur, mais ce n'est pas vrai. L'avenir n'est qu'un vide indifférent qui n'intéresse personne, mais le passé est plein de vie et son visage irrite, révolte, blesse, au point que nous voulons le détruire ou le repeindre. On ne veut être maître de l'avenir que pour pouvoir changer le passé.
(Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.41, Folio n°1831)

Je pense, donc je suis est un propos d'intellectuel qui sous-estime les maux de dents. Je sens, donc je suis est une vérité de portée beaucoup plus générale et qui concerne tout être vivant. [...] Le fondement du moi n'est pas la pensée mais la souffrance, sentiment le plus élémentaire de tous. Dans la souffrance, même un chat ne peut douter de son moi unique et non interchangeable. Quand la souffrance se fait aiguë, le monde s'évanouit et chacun de nous reste seul avec lui-même. La souffrance est la Grande École de l'égocentrisme.
(L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.299, Folio n°2447)

Source de la sélection : http://www.gilles-jobin.org/citations/?au=203

24 avril 2015

«Éternels nous sommes» ~ Missak Manouchian

Le génocide arménien... 100 ans de solitude
Près d’un million et demi d’Arméniens sont morts aux mains de l’Empire ottoman.
100 ans plus tard, ce crime n’est toujours pas reconnu par la Turquie. Pourquoi?

(Production : Telimagin, 2015; pays : Canada; réalisateur : Yves Bernard; animateur : Patrick Masbourian; journalistes : Yves bernard, Ines Faro)
Si vous accès à la zone : http://ici.tou.tv/les-grands-reportages

En commémoration

Extraits d’un article de Serge Venturini, Paris, mai 2007 via : http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/manouchian.html

Missak Manouchian
Résistant et poète arménien


Missak Manouchian ne nous est connu que par l'ignoble et infamante affiche rouge, placardée à Paris au printemps 1944 et stigmatisant les 23 résistants du FTP-MOI (Main d'œuvre Ouvrière Immigrée). Cette affiche tirée à 15 000 exemplaires voulait dresser la France contre les juifs (douze étaient juifs), et en fait tous les étrangers. Le groupe Manouchian fut l'un des fers de lance de la résistance, il fut l'honneur de la France.

Un charmant petit enfant
A songé toute une nuit durant
Qu’il fera à l’aube pourpre et douce
Des bouquets de roses.
(Missak Manouchian, Premiers vers)

Je suis passé hier au 11 rue de Plaisance, son dernier domicile connu, tout près d’ici, entre la rue Didot et la rue Losserand. Son itinéraire a été celui d’un errant entre le génocideur turc et le bourreau nazi, d’un orphelin déchiré certes, mais sans cesse entreprenant, intrépide et déterminé, et ceci dès l’enfance, en raison du génocide arménien perpétré par le gouvernement des Jeunes-Turcs en 1915. Si son dernier regard s’est tourné vers l’Arménie car il était Arménien, il mourut pour son pays d’accueil, en vrai patriote. «Bonheur à ceux qui vont nous survivre, a-t-il écrit, et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain.»

Même si «la mort n’éblouit pas les yeux des partisans», je le vois, je l’entends crier, ce 21 février à midi, au Mont Valérien, à l’ultime instant de quitter ce monde, avec ses camarades : «Vive la France!» La France était selon Missak la «Terre de la Révolution et de la Liberté.»

1915-1918, le génocide des Arméniens

Les massacres des Arméniens se répétaient en raison des relations conflictuelles de la Turquie musulmane avec l’Occident chrétien. Le 1er septembre 1906, Missak voit le jour dans le petit village de Adyaman, au bord de l’Euphrate, hier partie arménienne de l’Empire ottoman, pays kurde de la Turquie aujourd’hui. Ses parents sont des paysans et il fut élevé dans le deuil et le souvenir de ces massacres. Son père meurt dans une action de défense, pendant un massacre organisé par les militaires turcs. Sa mère meurt aussi quelques années plus tard d’une maladie due à la famine, aux privations, au chagrin qui affectaient les populations de ces réfugiés apatrides.

Témoin de ces massacres, le jeune Missak, âgé de neuf ans, devient introverti et timide. Il commence à écrire des poèmes à douze ans. Accueilli par des Kurdes, il n’oubliera pas les victimes d’un autre génocide quand il rencontrera d’autres martyrs, les juifs dans la résistance. Orphelin comme des milliers d’autres enfants, il fut recueilli dans une institution chrétienne à Djounié, sous le protectorat français de Syrie, dans un orphelinat où il apprendra des rudiments de culture.

Dans un poème, Privation, Manouchian révélait ceci :
Quand j’erre dans les rues d’une grande ville,
Ah! Toutes les misères, tous les manques,
Lamentation et révolte, de l’une à l’autre,
Mes yeux les rassemblent, mon âme les recueille.
(...)

Le 22 juin 1941 Manouchian écrivit : «L’atmosphère est sombre, nous entrons dans une période d’affrontements. Notre génération va avoir à combattre le nazisme. Cela risque d’être terrible, mais nous en sortirons victorieux…»
   Nous étions en paix comme nos montagnes
Vous êtes venus comme des vents fous.
   Nous avons fait front comme nos montagnes
Vous avez hurlé comme les vents fous.
   Éternels nous sommes comme nos montagnes
Et vous passerez comme des vents fous.

Dernière lettre de Missak Manouchian à sa femme Mélinée Assadourian, le 19 février 1944 :

Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée,

Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.

Que puis-je t'écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps.

Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n'ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu'il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous... J'ai un regret profond de ne t'avoir pas rendue heureuse, j'aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d'avoir un enfant pour mon bonheur, et pour accomplir ma dernière volonté, marie-toi avec quelqu'un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi à ta sœur et à mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l'armée française de la libération.

Avec l'aide des amis qui voudront bien m'honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d'être lus. Tu apporteras mes souvenirs si possible à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l'heure avec le courage et la sérénité d'un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement, je n'ai fait de mal à personne et si je l'ai fait, je l'ai fait sans haine. Aujourd'hui, il y a du soleil. C'est en regardant le soleil et la belle nature que j'ai tant aimée que je dirai adieu à la vie et à vous tous, ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne à tous ceux qui m'ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous ont vendus. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis qui me connaissent de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu. Ton ami, ton camarade, ton mari.

Manouchian Michel.

P.S. J'ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M. M.

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Ma chère mère avait pour nom Sophie.
Ils saccagèrent le verger, le potager.
L'armée fit irruption, me vouant au malheur.
Saluez de ma part les nôtres au pays!  

~ Horomsimé Agoulisti
(adolescente arménienne, prisonnière des Perses au XVIIe siècle)

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Mon coeur se crispe et je pleure d'amères plaintes,
Vers les rangs épuisés et muets de l'exil,
Vers les villages sombres, les maisons désertes.
Avec amour, je me tourne vers toi,
Ma patrie déchirée,
Ma patrie dans les ruines.

~ Hovhannes Toumanian
(écrivain arménien réputé, début XXe siècle) 


Photo : Sebastião Salgado, Éthiopie (Le sel de la terre). Depuis quarante ans, le photographe parcourt les continents sur les traces d’une humanité en pleine mutation, témoignant des événements majeurs qui ont marqué notre histoire récente.

À voir – dans la veine de l’esclavage, des «génocides», famines et exodes, résultant des conflits internationaux (présenté en ce moment au Québec) :

«Le Sel de la Terre [2014] est un de ces rares films qui nourrit à la fois l’esprit, le cœur et l’âme. En effet, ce documentaire cosigné Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado est à la fois instructif, émouvant et d’une splendeur remarquable.
   D’abord, le film se veut une étude de la carrière du photographe Sebastião Salgado. De ses études en économie avant de se lancer en photographie, jusqu’à son plus récent (et ambitieux) projet Genesis, Wim Wenders retrace son parcours atypique. Or, même si vous êtes familiers avec la vie de cet artiste de renom, le film regorge de détails et d’anecdotes peu ou pas connues. Salgado raconte à sa façon les histoires fascinantes qui ont mené à ses plus célèbres clichés. Il décrit les personnes qui les habitent, révélant l’envers de l’image.» (...)

~ David Lamarre, le 22 avril 2015 (via cinéma Excentris)

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Mark Twain, décédé en 1910, n’a pas été témoin de la guerre 14-18 ni du génocide Arménien. Je crois qu’il aurait sauté au plafond et n’en serait jamais descendu, lui qui ne ratait jamais une occasion de souligner la futilité et la stupidité des guerres...  

La Prière de la Guerre
Par Mark Twain (dictée en 1904-1905)

(The War Prayer – traduction Utopia)

C’était une époque d’enthousiasme grandiose et exaltant. Le pays était en armes, la guerre était déclarée, en chaque poitrine brûlait le feu sacré du patriotisme; on faisait battre les tambours, résonner les fanfares, détoner les pistolets-jouets, siffler et crépiter les chaînes de pétards; de tout côté, tout au long des successions fuyantes des toits et des balcons, ondulait une masse confuse de drapeaux qui brillaient au soleil; chaque jour, les jeunes volontaires descendaient la grande avenue, joyeux et beaux dans leur nouvel uniforme, acclamés à leur passage, d’une voix étranglée de bonheur et de fierté, par leurs pères, leurs mères, leurs sœurs et leurs bien-aimées; la nuit, une masse compacte de gens se réunissait pour écouter, hors d’haleine, les discours patriotiques qui les remuaient au plus profond d’eux-mêmes et qu’ils interrompaient, à brefs intervalles, par des tonnerres d’applaudissements, les joues inondées de larmes; dans les églises, les pasteurs prêchaient la dévotion au drapeau et au pays, et invoquaient le Dieu des Batailles, en implorant Son aide pour notre juste cause par des effusions d’une ferveur éloquente qui émouvaient tous les auditeurs. C’était vraiment une époque heureuse et charmante, et la demi-douzaine d’esprits téméraires qui s’aventurèrent à désapprouver la guerre et à jeter le doute sur sa légitimité-même reçurent de si sérieuses et furieuses menaces que, pour leur sécurité personnelle, ils firent rapidement profil bas et ne tinrent plus ce genre de propos offensants. 
       Le dimanche matin arriva – le lendemain, les bataillons partiraient pour le front; l’église était comble; les volontaires étaient là, leurs jeunes visages rayonnants de rêves martiaux – visions de progressions difficiles, de charges pressées, de sabres étincelants, de la fuite de l’ennemi, du tumulte, de la fumée enveloppante, de la poursuite acharnée, de la capitulation! – Puis, retour de la guerre, héros bronzés, adorés, bien accueillis, submergés par des océans dorés de gloire! Près des volontaires étaient assis les êtres chers à leurs cœurs, fiers, heureux et enviés par leurs voisins et amis qui n’avaient pas de fils ou de frères à envoyer au champ d’honneur, pour vaincre au nom du drapeau ou pour tomber et mourir de la plus noble des nobles morts. On procéda à l’office; on lut un chapitre belliqueux de l’Ancien Testament; on récita la première prière; elle fut suivie par l’explosion de l’orgue qui ébranla l’édifice, et, comme un seul homme, l’auditoire se leva, les yeux étincelants et le cœur battant, entonnant cette formidable invocation : «Dieu terrible! Toi qui ordonnes, Fais retentir ta trompette et étinceler ton épée!» 
       Puis vint la «longue» prière. Personne ne se souvenait d’une plaidoirie semblablement passionnée et d’un langage pareillement émouvant et merveilleux. Le refrain de cette supplication était que notre Père à tous, éternellement miséricordieux et bienveillant, veillerait sur nos nobles et jeunes soldats, et les aiderait, les réconforterait et les encouragerait dans leur œuvre patriotique; il les bénirait, les protègerait le jour du combat et à l’heure du péril, les porterait en Sa puissante main, les rendrait forts et confiants, invincibles dans l’assaut sanglant; il les aiderait à écraser l’ennemi, leur accorderait, à eux, à leur drapeau et à leur pays, un honneur et une gloire impérissables.

Un vieil étranger entra et s’avança à pas lents et silencieux dans l’allée principale, les yeux fixés sur le pasteur, son long corps vêtu d’une robe qui lui allait jusqu’aux pieds, la tête nue, les cheveux blancs lui descendant jusqu’aux épaules en une cascade d’écume, le visage ridé et anormalement pâle, d’une pâleur glaçante et fantomatique. Alors que tous les yeux le suivaient d’un air interrogateur, il poursuivait sa marche silencieuse; sans s’arrêter, il monta à côté du prédicateur et se tint là, attendant. Les paupières closes, le prédicateur, inconscient de sa présence, continuait son émouvante prière et la termina enfin par ces mots, prononcés avec ferveur : «Bénis nos bras, accorde-nous la victoire, Ô Seigneur notre Dieu, Père et Protecteur de notre pays et de notre drapeau!»

L’étranger lui toucha le bras, lui fit signe de s’écarter – ce que fit le pasteur surpris – et il prit sa place. Pendant quelques instants, il examina l’auditoire envouté d’un œil solennel, dans lequel brûlait une lumière troublante; puis, d’une voix profonde, il dit : «Je viens du Trône – portant un message de Dieu Tout-Puissant!»

Ces mots frappèrent vivement l’auditoire; si l’étranger s’en aperçut, il n’y prêta pas attention. 
       «Il a entendu la prière de Son serviteur, votre berger, et l’accordera si tel est votre désir, après que moi, Son messager, je vous en aurai expliqué la signification – je veux dire son entière signification. Car elle est comme bien des prières des hommes, en ce qu’elle demande plus que ce dont est conscient celui qui la prononce – à moins qu’il ne s’arrête et réfléchisse. 
       Le serviteur de Dieu, le vôtre, a formulé sa prière. S’est-il arrêté et a-t-il réfléchi? Est-ce une prière? Non, il y en a deux – l’une a été prononcée, l’autre non. Les deux sont parvenues aux oreilles de Celui Qui entend toutes les suppliques, celles qui sont exprimées et celles qui ne sont pas exprimées. Méditez cela – gardez-le à l’esprit. Si vous voulez implorer une bénédiction pour vous-mêmes, prenez garde! de peur que, sans en avoir l’intention, vous appeliez dans le même temps une malédiction sur un voisin. Si vous priez pour la bénédiction d’une pluie dont a besoin votre récolte, par cet acte vous priez peut-être pour la malédiction de la récolte de votre voisin qui peut n’avoir pas besoin de la pluie et qui peut s’en trouver endommagée.
       Vous avez entendu la prière de votre serviteur – la partie qu’il en a prononcée. Je suis mandaté par Dieu pour mettre en mots l’autre partie – cette partie que le pasteur – et vous aussi en vos cœurs – avez formulée avec ferveur, silencieusement. En toute ignorance et sans réflexion? Plaise à Dieu qu’il en fût ainsi! Vous avez entendu ces mots «Accorde-nous la victoire, Ô Seigneur notre Dieu!» 
       Cela suffit. La totalité de la prière prononcée est ramassée dans ces mots lourds de sens. Il n’est pas besoin d’élaborations. Quand vous avez prié pour la victoire, vous avez prié pour de nombreux résultats qui ne sont pas mentionnés et qui suivent la victoire – qui doivent la suivre, qui ne peuvent faire autrement que de la suivre. Dans l’esprit de Dieu est aussi tombée la partie non prononcée de la prière. Il m’a ordonné de la mettre en mots. Écoutez!
       «Ô Seigneur notre Père, nos jeunes patriotes, idoles de nos cœurs, s’en vont au combat – sois près d’eux ! Avec eux – en esprit – nous quittons la douce paix de nos chers foyers pour frapper l’ennemi. Ô Seigneur notre Dieu, aide-nous à tailler à coups d’obus leurs soldats en lambeaux sanglants; aide-nous à couvrir leurs champs souriants des pâles formes de leurs défunts patriotes; aide-nous à noyer le fracas des canons sous les cris de leurs blessés se tordant de douleur; aide-nous à dévaster leurs humbles demeures d’un ouragan de feu; aide-nous à tourmenter le cœur de leurs veuves inoffensives de chagrins inutiles; aide-nous à les priver de toits, avec leurs petits enfants, pour qu’ils errent, dépourvus d’amis, par les étendues désolées de leur pays, en haillons, affamés et assoiffés, supportant les flammes du soleil et les vents glacés de l’hiver, l’âme brisée, usés par le travail, t’implorant de leur donner le refuge de la tombe qui leur est refusé – pour nous qui T’adorons, Seigneur, anéantis leurs espoirs, détruis leur vie, fais durer leur amer pèlerinage, alourdis leurs pas, abreuve leur chemin de leurs propres larmes, souille la neige blanche du sang de leurs pieds blessés! Nous le demandons, au nom de l’Amour, à Lui Qui est la Source de l’Amour, et Qui est le refuge de tous ceux qui sont accablés de maux et cherchent Son aide d’un cœur humble et contrit. Amen.»
       Après une pause : «C’est pour cela que vous avez prié; si c’est encore ce que vous désirez, parlez! Le messager du Tout-Puissant attend.»

On estima par la suite que cet homme était fou, car ce qu’il avait dit n’avait aucun sens.

22 avril 2015

Réflexions sur l’éco-responsabilité

1970 à 2015 : les Jours de la terre sont comptés  

Pour pousser les plus grands pollueurs (entre autres, l’industrie pétrochimique et l’agrobusiness) à devenir éco-responsables, tout ce que nous pouvons faire c’est changer nos propres habitudes de consommation, nos comportements. Sinon, ils continueront à détruire la terre sans se faire de souci.

Quand on sait, on peut choisir.
Choisir d’aller d’un côté ou de l’autre selon sa propre conscience.
Non pas selon celle de Joe Blow à Radio-Poubelle.
L’ignorance n’offre aucun choix.

Avant :

Photographe inconnu

Après :
Photo : AP Photo/Dave Martin (Golfe du Mexique)

Un bilan édulcoré par DHPB

Je n’ai pas oublié : ni le golfe du Mexique ni Lac-Mégantic. Impossible.

La Louisiane de Zachary Richard, 5 ans après la marée noire
(Explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon de BP, golfe du Mexique) 

Extraits d’une entrevue diffusée le 19 avril à l'émission Désautels le dimanche sur ICI Radio-Canada Première 

On a la capacité quand on n'est pas au milieu de l'ouragan, pour utiliser une métaphore, d'oublier très vite. Cependant, les problèmes perdurent. Le 16 mars, BP a publié son rapport, qui prétend que le golfe du Mexique est complètement retourné à son état d'avant. Ce qui n'est pas du tout le cas
       Je veux juste rappeler qu'il y a eu 800 millions de litres déversés, 1600 km du littoral touchés et 20 millions d'hectares du golfe du Mexique fermés à la pêche. 
       Même les pêcheurs de crevettes ont été très très bien traités pendant la marée noire, et ça a créé ce qu'on appelle les spillionnaires. Il y a une partie de la communauté qui a bénéficié très très largement de la marée noire. Et qui espère que ça arrive encore, parce qu'ils se sont vraiment enrichis grâce à ça. 
       Depuis les années 30, l'industrie pétrolière a creusé plus de 8000 kilomètres de canaux d'exploration. À partir du golfe du Mexique, ils sont allés dans les marécages. L'intrusion d'eaux salines a fait qu'il y a une érosion spectaculaire. Depuis les années 30, on a perdu l'équivalent de l'État du Delaware. Le temps de cette conversation, nous aurons perdu l'équivalent d'un terrain de football. C'est un problème qui perdure depuis très longtemps et qui est très grave. 
       Je pense que le meilleur symbole, c'est l'île aux Chats, qui se trouvait dans la baie de Barataria. C'était, avant la marée noire, un territoire de nidification des pélicans bruns et de plusieurs espèces de pélicans. 
       Aujourd'hui, l'île aux Chats a 20 pieds carrés. Il y a quelques vestiges des mangroves. Le reste a complètement disparu, parce que la marée noire a détruit les mangroves et qu'il n'y a plus de racines pour garder la terre en place. Mais aussi parce que l'ouragan Isaac nous a frappés durement, et aussi à cause de la hausse du niveau de la mer. Tous ces éléments ensemble font que l'île aux Chats, qui était un endroit spectaculaire d'un point de vue naturel, n'existe plus. 
       Les pélicans bruns ont perdu 12 % de leur population après l'ouragan. C'est une pilule très difficile à avaler, car tout est associé à l'incapacité de l'homme de décrocher des combustibles fossiles. On a un niveau de la mer qui augmente, on a une marée noire qui détruit la végétation et on a une perte du littoral qui fait qu'en Louisiane, on est de plus en plus en danger. 
       Il y a quand même une réalité difficile en Louisiane. L'année passée, on a mené une bataille qu'on a perdue, mais qui était désolante. Le New Orleans Levee Board, l'organisme du gouvernement qui est censé nous protéger et maintenir les digues, à lancé une poursuite contre 97 compagnies pétrolières pour la perte du littoral.
       En réponse à ça, les compagnies n'ont pas décidé d'aller en cour défendre la cause. Elles ont décidé d'acheter la législature et de créer un projet de loi qui était le Senate bill 469. Celui-ci, qui a fini par passer, disait simplement que le Levee Board n'avait pas le pouvoir de poursuivre une compagnie pétrolière. Et ça c'est fait à coût de contributions politiques à la législature, qui ont commencé à 20 000 $ et qui ont fini au-dessus de 200 000 $ par tête.

http://ici.radio-canada.ca/emissions/desautels_le_dimanche/2014-2015/chronique.asp?idChronique=369892


QUAND ON ACHÈTE, C’EST LA MER QUI PAIE

En mars dernier, Initiatives Océanes faisait campagne (excellente en passant) pour faire prendre conscience de la pollution aquatique. À chaque seconde, 206 kg de déchets plastiques finissent à la mer, soit 26 millions de tonnes de packaging par année! Un déchet dans la mer, c’est d’abord un déchet que nous avons acheté. Les emballages et leurs composés se retrouvent dans les océans et polluent irrémédiablement la chaîne biologique.

L’agence Young & Rubicam Paris a créé un visuel choc "You Buy, the Sea Pays" pour la Surfrider Foundation Europe. Le code barre pointé sur l’animal nous incite à réfléchir sur les conséquences de notre manière de consommer.

JETER PAR TERRE, C'EST JETER EN MER

80% des déchets aquatiques proviennent des terres.

[On voit encore quantité de sacs plastiques accrochés aux arbres, des gobelets rouler sur les autoroutes, des bouteilles d’eau en plastique, des canettes en aluminium, des jouets McDo et des briquets Bic, des mégots traîner dans les parcs, etc. C’est pourtant pas compliqué de garder ses propres déchets pour les mettre aux ordures ou au recyclage. Ignorance? Insouciance? Mauvaise volonté? Manque d’éducation? Toutes les réponses sont bonnes.]

INITIATIVES OCÉANES :
Programme de lutte contre les déchets aquatiques depuis 1996

Les Initiatives Océanes ont pour but d’impulser une dynamique de changement comportemental des citoyens et par extension d’évolution sociétale afin de réduire la pollution à la source. La mobilisation citoyenne est l’axe central du programme. Les citoyens organisent et participent à des actions de collectes de déchets, assurent des temps pédagogiques et collaborent à la recherche participative. Pour cela, Surfrider Foundation Europe met à disposition des outils d’éducation et de sensibilisation, du matériel logistique et des supports de communication.

http://initiativesoceanes.org/

Les cerises sur la slush...

Illustration: Aaron McConomy/Colagene

Les eaux dopées
Par Binh An Vu Van 
Québec Science, 31/03/2015

Les Québécois ont une drogue de prédilection: la cocaïne. Dans une ville de la taille de Montréal, il s’en consommerait environ 25 000 doses par jour, soit 15 doses par 1 000 habitants. Ces données ne proviennent pas des services d’enquête de la police. Elles ont été calculées par des chimistes et sont, par conséquent, beaucoup plus fiables. 
       Étudiant au baccalauréat en chimie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Nicolas Gilbert s’est immiscé dans le monde interlope de la consommation de drogues illicites armé d’un spectromètre de masse, un appareil de chimie analytique qui permet de détecter la présence d’à peu près n’importe quelle molécule dans un échantillon d’eau. Au sein de l’équipe d’André Lajeunesse, professeur au département de chimie-biochimie et physique de l’UQTR, et de Sébastien Sauvé, professeur au département de chimie de l’Université de Montréal, l’étudiant a entrepris d’analyser les eaux usées de deux villes québécoises (les chercheurs refusent de révéler lesquelles, pour ne pas nuire à l’image de ces municipalités). 
       Les «eaux usées», ce sont ces eaux provenant de nos toilettes, nos lavabos ou nos baignoires. Elles s’engouffrent dans les immenses canalisations du réseau d’égouts et cheminent vers une station d’épuration, où elles sont «nettoyées» dans la mesure du possible, avant d’être relâchées dans l’environnement – souvent, au Québec, quelque part le long du fleuve Saint-Laurent. 
       L’équipe d’André Lajeunesse a collecté des échantillons d’eaux usées juste avant qu’elles n’atteignent la station d’épuration. Pendant six mois, à raison d’une fois par semaine, les chercheurs ont mesuré la concentration d’une trentaine de molécules – produits pharmaceutiques, polluants ou autres. Dans la liste de ces substances figuraient trois drogues illicites: la cocaïne, l’ecstasy et le Fentanyl, ce dernier étant un médicament d’ordonnance de 80 à 100 fois plus puissant que la morphine, parfois détourné pour un usage récréatif. 
       La détection des résidus de drogues présents dans les urines des résidants des deux villes québécoises a révélé quelques faits inusités. Un exemple: alors que la consommation de la cocaïne est plutôt constante de jour en jour, celle de l’ecstasy augmente les week-ends.

Source : http://quebecscience.qc.ca/reportage_qs/Les-eaux-dopees


Il n’y a pas que la dope qui voyage des urines à l'eau. On retrouve aussi les ingrédients des pilules contraceptives qui affectent la reproduction des poissons... et peut-être la nôtre, puisqu’il est impossible de filtrer toutes ces choses. 

Autre exemple : les microbilles, ces petits morceaux de plastique que les entreprises mettent dans tout, des cosmétiques à la pâte dentifrice. Ces billes de plastique échappent à la plupart des systèmes de traitement de l'eau usée, et les scientifiques croient que les toxines sont absorbées et s’accumulent dans les organes des poissons, des mammifères marins et des humains. Énorme, non? Les microbilles, bien que minuscules, sont au centre d’une histoire que certaines des plus grandes sociétés du monde ne veulent pas que les gens comme vous et moi sachent.
       Pendant des décennies, ces entreprises nous ont dit que nous étions responsables de la pollution plastique, que c’était de notre faute, non pas la leur : «vous devriez recycler!», mais, le malheur est que les microbilles ont été conçues pour aller directement dans l'évier!

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Comment expliquer la présence de polluants chimiques dans notre sang?

- Jean-François Narbonne : «Notre environnement est contaminé par de nombreuses substances qui se retrouvent dans les aliments que nous consommons, dans l’air que nous respirons, et finalement dans notre sang. Durant les 30 Glorieuses, des substances toxiques faiblement biodégradables et capables de s’accumuler dans les organismes vivants (PCB, pesticides organochlorés, dioxines…) ont été déversées massivement dans l’environnement. Des règlementations ont beau avoir été mises en place pour limiter leur dispersion dans la nature, on les retrouve encore dans le sang et les graisses des individus. Aujourd’hui, les progrès de la chimie on permis l’arrivée dans notre quotidien d’une multitude de nouveaux produits : peintures, détergents, parfums, cosmétiques, plastiques, revêtements anti-tâche, meubles traités aux retardateurs de flamme, insecticides… dont la fabrication et/ou l’utilisation relarguent des substances comme les phtalates, les parabènes, le bisphénol A, les retardateurs de flamme, les composés perfluorés. Or, les effets sur la santé de ces substances toxiques sont de plus en plus inquiétants.»

Ouvrage : Sang pour sang toxique : des substances aux effets inquiétants par Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie et expert à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa); Thierry Souccar Éditions

21 avril 2015

L’histoire ne se répète pas, elle continue

Autre temps, autres protagonistes, mêmes religions, et même arrière-plan : luttes pour l’appropriation du pouvoir et des richesses ou pour la liberté, la coopération et l’harmonie. 

Lors du Sac de Béziers en 1209, les légats, craignant que les soldats hésitent à égorger pêle-mêle les catholiques avec les Cathares, auraient dit : «Tuez-les tous, Dieu saura bien reconnaître les siens!» Bien sûr les historiens catholiques ont contesté cette exhortation, l’attribuant à des protestants ou à des libres-penseurs de mauvaise foi plus soucieux de leur passion que de la probité historique : «La vérité, c’est que si le vicomte de Béziers, protecteur avéré des Cathares, ne s’était point obstiné follement dans sa résistance, la croisade eût pu se terminer là, sans effusion de sang, par le seul effet de l’intimidation des rebelles et par la répression des hérétiques anarchistes, sous l’action normale des tribunaux.» 
   Il est difficile d’assigner une date précise à la fondation de l’Inquisition. «À la mort d’Innocent III, l’organisme judiciaire que mit sur pied Grégoire IX était déjà ébauché. L’Inquisition n’a pas été arbitrairement conçue ni imposée par l’ambition de l’Église; mais elle était l’aboutissement normal et naturel et presque nécessaire des forces en action au XIIIe siècle. Au milieu de ces efforts confus et irréguliers pour supprimer l’hérésie, il était naturel que le Saint-Siège intervînt et cherchât à établir un système uniforme en vue de l’accomplissement de cette grande tâche. On a seulement lieu de s’étonner qu’il ait tellement tardé à le faire et qu’il l’ait fait d’abord si timidement.» (H. Ch. Lea in L’Inquisition, Les Temps, Les Causes, Les Faits, par Mgr M. Landrieux, évêque de Dijon; P. Lethielleux, Libraire-Éditeur, 1929) 
   Le bon Mgr conclut à la fin de son ouvrage : «Si les catholiques n’ont pas à être fiers de l’Inquisition, parce que l’acuité du mal n’empêche pas de déplorer la rigueur du traitement, ils n’ont pas davantage à en rougir, car le masque hideux dont on l’a affublée est usé. L’Histoire ne ratifie pas ces jugements passionnés de la rancune, et, tous les jours, la révision se fait, par la force des choses, au bénéfice de l’Église.»

Hallucinant!


Donc, plus de huit cents ans après l’Inquisition, et treize ans après sa parution en 2002, The Treasure of Montségur est d’une actualité poignante : croyants contre croyants, croyants contre apostats...

Résumé 

Le roman se déroule en France au début du XIIIe siècle durant l'Inquisition catholique, une période de terreur et de génocide durant laquelle voisins et amis vivaient dans la peur constante d'être déclarés hérétiques. L’héroïne Jeanne de Béziers n’est qu’un bébé lorsqu’on la trouve après un massacre mené par l'Église catholique; elle est alors adoptée par des Cathares, une secte chrétienne dont les infractions contre le catholicisme incluaient la traduction de la Bible en dialecte, le refus de payer la dîme à l'Église et le rejet de l'autorité du pape.
   Jeanne et sa meilleure amie Baiona passent leur enfance sous la tutelle de Lady Esclarmonde, une cathare qui enseigne que «Dieu se trouve dans le silence, la tranquillité et la prière». Baiona est un modèle de jeune femme cathare, Jeanne est une rêveuse passionnée – qui aimerait même se lancer dans le vide et... «voler». 
   À l'âge adulte, Jeanne tombe amoureuse de William, un homme qui milite pour la liberté. Il la trahit en épousant Baiona parce qu’elle est plus riche. Mais il revient bientôt dans les bras de Jeanne. Ils se retrouvent tous les trois piégés dans la forteresse de Montségur lors du siège. Jeanne s'échappe dans l’espoir de sauver le trésor cathare. Elle découvre éventuellement que son destin sera de le perpétuer.

Point de vue de l’auteur Sophy Burnham 

De tous mes romans, c’est mon préféré. Il a pris vie dans ce sentiment d'horreur que j’ai éprouvé en voyant éclater une nouvelle guerre sectaire, religion contre religion, tout cela au nom d’un Dieu d'amour et de paix. Ma question était la suivante : comment trouve-t-on espoir et courage au milieu du véritable désespoir?
   J'ai choisi la période historique de1200-1250, alors que l'Église catholique livrait une guerre féroce de ‘chrétiens contre chrétiens’, de ‘catholiques contre hérétiques’. C'est une histoire que tous les écoliers français connaissent mais que la plupart des Américains ignorent. L'Inquisition voulut au cours de cette période éradiquer l'église de l'amour, les amis de Dieu; et c’est seulement après avoir exterminé trois millions de chrétiens protestants, que l'Inquisition tourna son attention vers les Juifs et autres dissidents.
   Mon histoire – basée sur des faits historiques – commence en 1244, lorsque 220 Parfaits ou Purs (les perfecti, hommes et femmes) furent piégés dans la forteresse de Montségur, dans le sud-ouest de la France. Quand il fut évident qu'ils ne pourraient pas tenir bon contre l'armée française, quelques Cathares traversèrent les lignes ennemies avec leur trésor («pecuniam infinitam», aux dires de l'Inquisition) et l’enterrèrent. Dans la nuit précédant la capitulation, où 220 hérétiques seraient brûlés sur le bûcher, trois parfaits descendirent des falaises et s’échappèrent afin de poursuivre l’œuvre de l'église de l'amour. C’est là que le roman débute, avec mon héroïne Jeanne, leur guide. Jeanne perd de vue les trois parfaits et part à leur recherche. Les Inquisiteurs la recherche, et tout le monde est à la recherche du trésor. 
   Une histoire d'amour physique et spirituelle, d'horreurs terrestres, et de recherche de Dieu.

Mon commentaire favori est venu d'une femme musulmane originaire d’Arabie Saoudite. Elle n'a pas révélé son nom. Elle disait n’avoir jamais lu sur d'autres religions auparavant. Mais, se disant profondément touchée par The Treasure of Montségur, elle avait décidé d'en apprendre plus sur le christianisme et le judaïsme.

Croire en Dieu ou en une source de guidance parce que quelqu'un vous le dit est le comble de la stupidité. On nous donne des sens pour recevoir notre information à l'intérieur. Avec nos propres yeux, nous voyons, et avec notre propre peau nous ressentons. Avec notre propre intelligence, nous sommes supposés comprendre. Mais, chaque personne doit résoudre le puzzle par elle-même.

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Selon le point d’observation, les humains peuvent ressembler aux lilliputiens de J. Swift ou encore aux mouches de Shakespeare à la merci des dieux.


Dans un monde de perception différent, l’auteur observe l’observatrice :

Maintenant, elle pouvait mieux regarder la manière dont ils vivaient; ce qui la faisait rire encore plus. Or cette fois, elle nota à quel point ils lui étaient chers. Ils erraient partout, des hordes courant dans les rues entre les structures. Et c’était hilarant de les voir vivre à l'intérieur de structures sombres, avec de petits trous pour laisser passer l’air et la lumière auxquels ils essayaient d’échapper. Cette absurdité la saisit. Mais tout à propos de ces êtres là était attachant : leur préoccupation autour de problèmes qui n'étaient pas du tout des problèmes. C’est ainsi qu’ils passaient leur temps à courir partout, à discuter de ragots sans importance et à se fâcher ou s’impatienter les uns contre les autres, ou à être jaloux ou blessés, ou temporairement soucieux des autres, avant que leur attention de courte durée ne soit balayée par la prochaine émotion ou préoccupation. Elle ressentit une bouffée d'amour envers eux : comme ils lui étaient chers, comme ils étaient touchants dans leur incapacité de distinguer ce qui est réel. Pleins d’appétits et de bonnes intentions – et ces dernières tournaient mal parce qu'ils n’arrivaient pas à se concentrer longtemps sur quoi que ce soit, mais ils aimaient (ils appréciaient vraiment!) la sensation que procurent la peur et le deuil. 
   Comme elle aimait ces êtres! (...) Sa tâche consistait à les aider, à la condition qu’ils le demandent. Elle ne pouvait pas intervenir, par exemple, s’ils se battaient ou commençaient une guerre, puisque c'était ce qu'ils voulaient. Alors elle se contentait d’attendre joyeusement et d’observer leurs futiles va-et-vient; sans arrêt, ils sortaient et retournaient dans leurs trous. (...) «Les chers!» s'écria-t-elle, soudain envahie par un sentiment d’amour et de sollicitude. 

~ Sophy Burnham (A Book of Angels; Ballantine, 1990) 

Citaquote du jour 

- Un jour, quand nous aurons maîtrisé l’espace, les vents, les marées et la pesanteur, nous maîtriserons l'énergie de l'amour. Et ce jour-là, pour la seconde fois de l’histoire du monde, nous aurons découvert le feu.

- Exercez-vous à voir large, net et simple, et allez tout droit, paisiblement, sans vous inquiéter de ce qui se dit.

- Depuis quand nos désirs seraient-ils devenus la mesure du réel? Et du reste comment ferait le réel pour se plier à la multiplicité contradictoire de nos désirs?

- La terre est ronde pour que l'amitié en fasse le tour.

~ Pierre Teilhard de Chardin

20 avril 2015

"Il était trop bien pour toi"


Tu n’as pas honte? Tu ne le méritais pas. Il était trop bien pour toi. Il y avait de la bonté et de l’intelligence dans ses yeux. Dans les tiens,  il n’y a rien. Ton regard est vide.

Pour toi il était prêt à tout. Pour toi il se serait fait tuer. Toi, tu n’as pas été capable de lui trouver une petite place à l’arrière de ton 4X4 pour l’emmener en vacances. Tu as préféré emporter le poste de télévision pour ne pas louper Vidéo Gag sur TF1.

Je pense à ton gamin. Il l’aimait bien, le chien. Fais attention, tu lui as peut-être donné une idée. Un jour, il aura envie de t’abandonner dans la forêt avec une bouteille d’eau minérale et un morceau de pain.

Je te joins une lettre, c’est pour ton chien, tu la feras suivre.

Cher chien,

Ce petit mot pour te souhaiter bon courage. Avec ton flair, tu es capable de retrouver ton chemin. Si tu retrouves ta maison, n’y entre surtout pas. Un maître comme celui-là, vaut mieux pas de maître du tout. Va voir ailleurs.

Pense quand même que les hommes ne sont pas tous comme lui.

~ Jean-Louis Fournier (Le chien abandonné, p. 57)

Ça m’agace!
Éditions Anne Carrière; 2012