31 janvier 2015

Says it all...

 (Auteur inconnu)
 
Nous pourrions tous tirer une leçon de la météo : elle se fiche de la critique.
 
Ne vous en faites pas avec le vieil âge, ça ne dure pas si longtemps.
(Quoique de nos jours... on prolonge.)  


29 janvier 2015

Un brin nostalgique

Photo : Nina Leen, 1953 

L’âge des vinyles : étiez-vous ado?
Si oui, vous souvenez-vous de Neal Young et James Taylor?


Ils comptaient parmi mes préférés des années 60-70 – côté anglo.
Les textes de leurs chansons n’ont pas pris une ride.
J’espère que vous aimerez ces classiques... vintages

Neal Young – Old Man & Heart of Gold
(Farm Aid; Tweeter Center, Tinley Park, Illinois, 3 October 1998)



James Taylor – You’ve Got a Friend
(Live on North Sea Jazz Festival 2009)

27 janvier 2015

Les démonstrations d’affection du chat

Dix façons dont le chat exprime son amour
Arden Moore (Vetstreet.com)

Il est facile de savoir si votre chat est de mauvais poil. Mais comment démontre-t-il sa véritable affection? À quoi ça ressemble?

«J'ai eu la chance de partager ma vie avec des chats très doux et affectueux. Lorsqu'ils entrent en contact avec nous, ils font consciemment une connexion inter-espèces.»
~ Allen Schoen

Les vétérinaires Allen Schoen (auteur de Kindred Spirits) et Marty Becker (auteur de Your Cat: The Owner’s Manual, Vetstreet), tous deux chercheurs en comportement animal, nous font part de dix façons dont les chats expriment leur amour et leur affection. Le truc est de les reconnaître et de savoir ce qu’ils signifient.

 
1. Il presse sa tête contre vous
Il baisse la tête et se penche en avant pour que le dessus de sa tête touche votre front, votre visage ou une autre partie du corps. Souvent, ce contact affectueux libère des hormones de bien-être (endorphines) à la fois chez le chat et chez vous.

2. Il se frotte les joues sur vous
Pensez à votre chat comme à un graffiteur félin. Pour se sentir vraiment chez lui, il se frotte les joues contre les coins de meubles et possiblement contre vos jambes ou vos mains quand vous le caressez. Ce geste sécrète l’huile de ses glandes buccales. C'est sa façon de signifier que vous lui appartenez. Comptez-vous chanceux qu'il se frotte les joues au lieu de vous arroser...

3. Il bouge le bout de sa queue
La queue du chat est le baromètre de son humeur. Quand il hérisse la queue c’est qu’il est effrayé ou agité. Inversement, votre chat exprime son affection quand il s’approche, la queue en l'air avec le bout qui oscille doucement. En langage de chat ça signifie : «T’es mon meilleur!»

4. Il cligne des yeux en vous fixant
Le chat ne regarde pas fixement de nouveaux contacts humains. Il ne regarde fixement que les gens qu'il connait et en qui il a confiance, comme vous. Le lien est accentué lorsqu'il cligne doucement des yeux. C'est l'équivalent d'un bisou. Répondez-lui de la même façon.

5. Il ronronne à plein régime 
Le ronronnement constant et rythmé du chat est souvent associé au contentement. Mais les chats ronronnent aussi quand ils ont besoin de se calmer ou pendant l'allaitement; toutefois, votre chat réserve son ronronnement à plein régime comme pour vous sourire – c'est sa façon de vous dire : «Je t'aime».

6. Il s’assoit à côté ou sur vous
Les chats recherchent des endroits chaleureux pour sommeiller. Mais, quand il délaisse leur coussin favori ou votre oreiller pour se percher sur vos genoux, vous devriez vous sentir honoré. Votre chat vous dit qu'il préfère être en votre compagnie plutôt que seul.

7. Il vous pétrit avec ses pattes
Vous savez s’il est temps de tailler ses griffes lorsqu’il se perche sur vos genoux, ronronne et commence à vous pétrir les cuisses avec ses pattes avant. C'est un autre signe d'affection. Les experts disent que ce geste chez le chat adulte lui rappelle le réconfort ressenti lorsqu’il têtait sa mère. C’est affectueux et un peu nostalgique.


8. Il lèche vos poils et vos lobes d’oreille
D’accord, ni l'un ni l'autre ne peut se classer en haut de la liste des démonstrations d’affection. Néanmoins cela signifie que votre chat vous considère comme un autre chat – bien qu’énorme –, comme un membre de son cercle. Seuls les « chats » spéciaux sont dignes de toilettage. Dans un ménage à plusieurs chats, le toilettage mutuel est un signe de confiance et d'amitié. Prêter attention aux chats qui, le cas échéant, se toilettent mutuellement dans votre ménagerie. Vous êtes peut-être le seul à mériter un tel cadeau!

9. Il vous apporte des cadeaux
L’évolution et la domestication n’ont pas dépouillé votre chat de son instinct de chasseur. Après une chasse fructueuse, il peut déposer une tête souris ou une queue de lézard dans un endroit qu'il sait que vous visiterez – comme votre oreiller. Beurk? Oui, mais votre chat partage son trophée avec vous, c’est un véritable signe de confiance et d’amitié.

10. Il roucoule
Les chats sont capables d’émettre plus d'une douzaine de vocalisations entre les sifflements et les miaulements. Écoutez attentivement ses roucoulements ou ses gazouillis. Ces sons traduisent son affection et son attention – non pas une requête pour une seconde portion de nourriture. Répondez-lui par des roucoulements, observez sa réaction et engagez un vrai chat avec votre chat.

Source : Care2
-------


À voir : le reportage sur Misao et son chat (photo ci-dessus)
http://artdanstout.blogspot.ca/2013/07/le-bonheur-durable-de-misao.html

---
Si vous avez envie de rire : Le chat fait le mort parce qu’il ne veut pas aller marcher dehors. Ne ratez pas le dénouement. Adorable ce chat. Ceux qui croient que les animaux ne sont pas intelligents ni astucieux sont vraiment dans le champ.
https://www.youtube.com/watch?v=5sy1MDHZ27M&feature=youtu.be

---
Pensées du jour :

Les gens qui ont des chats sont plus calmes et se situent plus bas sur l’échelle de la dépression. En outre, le ronronnement est très bénéfique pour la santé mentale. 

Il est préférable d’investir votre temps et votre argent dans des choses qui comptent vraiment, comme passer du temps avec la famille ou votre animal de compagnie, sortir avec vos amis, ou faire ce voyage que vous reportez depuis des lunes. Les expériences l’emportent toujours sur les objets.

24 janvier 2015

Longue vie aux plumes fontaine!

Je ne sais pas si c’est la menace de disparition qui pèse sur l’écriture manuscrite, mais on dirait que les gens redécouvrent la plume fontaine. Un de ses avantages non négligeable : moins de pollution, c’est-à-dire moins de stylos jetables en plastique au dépotoir...

J’ai toujours aimé les plumes fontaine... j’en utilise deux (pointes fine et moyenne) depuis plusieurs années. Les designs et les prix varient énormément, mais il n’est pas nécessaire de payer une fortune pour avoir de la qualité. L’important c’est qu’elle glisse bien et ne bave pas...

Dans la même veine :
http://artdanstout.blogspot.fr/2015/01/lecriture-cursive-encore-une-fois-sur.html

La fascinante plume fontaine

National Geographic, 15 janvier 2015 – Seulement quelques personnes à travers le monde pratiquent le même art que Richard Binder. Avec grande fierté et savoir-faire, il répare des plumes fontaine (intérieur et extérieur) pour leur redonner leur efficacité originelle. Il fait ce travail depuis 15 ans, chez lui, à Nashua, New Hampshire.
(Mise à jour : il prend retraire...)



Transcription de la vidéo 

«Les gens qui pensent que l’entretien, la réparation et la personnalisation d’une plume fontaine est quelque chose d’ennuyeux, n'ont tout simplement pas assez joué avec les plumes.

Les plumes fontaine sont comme les gens, chacune possède une personnalité unique.

Je répare des plumes fontaine professionnellement depuis 2000. Il y a peut-être une demi-douzaine de personnes dans le monde qui font ce que je fais. Pendant les deux derniers siècles, la recherche technologique a consacré beaucoup de temps au développement de la plume fontaine.

La plume fontaine est vraiment un accessoire personnel, c'est l’accessoire le plus personnel vous puissiez avoir. Aucun autre instrument ne peut mieux servir votre écriture manuscrite.

Le monde semble penser que l'écriture est un art perdu, pourtant, de plus en plus de gens semblent s'éloigner de l'isolement, de l'informatisation de l'internet, des ordinateurs et des téléphones, etc. Ils veulent quelque chose d'un peu plus personnel, d’un peu plus profond dans leur vie, et les plumes fontaine sont un moyen d’y arriver.

La plume fontaine est en réalité une fuite d’encre contrôlée. Le contrôle dépend de la conception des pièces qui empêche l’encre de couler quand il ne faut pas.

Vous pouvez faire quelque chose sur les plumes jour après jour, et puis soudain vous tombez sur une plume qui ne fait pas ce que vous attendiez. Vous devez développer de nouvelles techniques, vous devez élargir vos horizons. Il y a toujours quelque chose à apprendre. Je ne passe pas une journée sans apprendre quelque chose de nouveau sur les plumes fontaine, et comment travailler avec.»

Quelques liens d’appoint :

Best fountain pens
http://www.bestfountainpen.com/fountain-pen-experts/

Les grandes marques (site de John Mottishaw, lui aussi restaurateur de plumes) :  
http://www.nibs.com/

Aurora 88

J’aime beaucoup les plumes de Faber-Castel :
http://www.faber-castell.fr/produits/stylos-plume

Ambition

-------

En complément

À voir : à l’occasion de la journée nationale de l’écriture manuscrite (23 janvier), des lecteurs ont écrit/photographié des citations d’auteurs connus (publié par The Guardian)

Handwritten on the heart: readers' favourite quotes – in pictures
To celebrate National handwriting day (January, 23): a look at these inspiring literary quotations, handwritten by our readers
http://www.theguardian.com/books/booksblog/gallery/2015/jan/23/handwritten-on-the-heart-readers-favourite-quotes-in-pictures

22 janvier 2015

Inspiration du jour : Paul Smith


Il y a des gens en pleine possession de leurs moyens – physiques, intellectuels, etc. – qui se sentent inutiles, s’ennuient, se tournent les pouces, passent leur temps au placotoir à ragots et se demandent quoi faire de leur vie...

Je vante régulièrement le pouvoir de l’expression créative – écriture, peinture, musique, etc. Voici une nouvelle preuve qu’elle peut donner un sens à la vie et apporter de la joie, notamment aux gens dont les conditions d'existence sont pénibles.

Cet homme handicapé à plusieurs niveaux, s’est trouvé une passion qu’il a pratiquée toute sa vie pour son plus grand bonheur :
L’artiste exceptionnel Paul Smith est né le 21 septembre 1921. Atteint d’une paralysie cérébrale spasmodique qui entravait son élocution et sa mobilité, il a cependant déjoué ses handicaps. Bien qu’il n’ait reçu aucune éducation formelle durant son enfance, il a néanmoins appris par lui-même à devenir un artiste ainsi qu'un excellent joueur d'échecs. 


«Quand il appuyait sur une touche, Paul utilisait sa main gauche pour stabiliser sa main droite. Étant donné qu'il ne pouvait pas appuyer sur deux touches simultanément, il verrouillait presque toujours la touche maj et faisait ses dessins en utilisant les symboles sur les touches des chiffres. Autrement dit, il créait donc ses illustrations à l’aide de ces dix symboles : @ # $ % ^ & * ( ) _. Pendant sept décennies, il a réalisé des centaines de dessins. Il donnait souvent ses originaux. Parfois, mais pas toujours, il gardait (ou recevait) des copies pour ses propres archives. Sa maîtrise de la machine à écrire ayant progressé avec le temps, il a trouvé des techniques pour créer des ombrages, des couleurs et des textures, de sorte que son travail ressemblait à du dessin au crayon ou à l’anthracite. Ce grand homme est décédé le 25 juin 2009, laissant derrière lui un recueil de magnifiques oeuvres qui resteront une source d'inspiration pour plusieurs.» (Texte accompagnant une vidéo.)
 


Comment faisait-il pour imaginer et planifier le résultat final? Mystère.
Je suis béate d’admiration.


«La critique a beau bâtir des théories de l'art, l'artiste n'obéira jamais qu'à une esthétique instinctive et personnelle. Il travaille sur un modèle intérieur, sorte d'idéal individuel qui n'a rien à démêler avec les règles préconçues.»
~ Louise Ackermann

21 janvier 2015

Journée des câlins : pour tous!


«Un jour, quelqu’un va te serrer si fort
que tous les morceaux vont se recoller.»
(Auteur inconnu)
 

 

20 janvier 2015

Ah, les clips d’Asap Science...


Géniales ces mini-vidéos de vulgarisation scientifique.
J’adore -- démystification, pas de superstitions; ça fait du bien de remettre les pendules à l'heure... https://www.youtube.com/user/AsapSCIENCE 

Sous-titrage français 
The Scientific Power of Thought (Asap Science)


 
Aussi :
Why it’s hard to control your thoughts (New scientist) anglais seulement :
https://www.youtube.com/watch?v=Zpi62TJs2W0

17 janvier 2015

L’écriture cursive : encore une fois sur la tablette!


J’étais plutôt étonnée d’apprendre que la Finlande emboîtait le pas pour éliminer l’apprentissage de l’écriture manuscrite dans ses écoles primaires :

24.11.2014 – La Finlande abandonne des cours d’écriture au profit de la dactylographie
(...) La raison? «Posséder de bonnes compétences en dactylographie» serait devenu indispensable à l’échelle nationale. À partir de l’automne 2016, à la place de l’écriture cursive, les élèves se verront enseigner la dactylographie (capacité à écrire sur un clavier), comme le rapportait la semaine dernière le quotidien finlandais Savon Sanomat. C’est du moins l’opinion de Minna Harmanen, membre du Conseil national de l’éducation finlandais. Si cette dernière convient que ce changement constitue une «évolution culturelle majeure», elle demeure intransigeante sur le fait que dans la vie de tous les jours, «posséder la capacité de bien écrire sur un clavier présente bien plus d’avantages que de savoir écrire à la main».
(...) Si au sein de certaines d’entre-elles [écoles] l’enseignement sur tablette est une réalité depuis déjà plusieurs années, c’est loin d’être le cas de tous les établissements du pays.
(...) Un certain nombre d’études laissent à penser que la pratique de l’écriture cursive contribue au bon développement de certaines fonctions cérébrales chez les enfants.
Article complet :
http://8e-etage.fr/2014/11/24/la-finlande-abandonnera-lecriture-cursive-lautomne-2016/

Depuis quelques années, le phénomène se répand partout en Occident. Vraiment dommage. Dans cette veine : http://artdanstout.blogspot.fr/2013_04_01_archive.html

--------

L’autre jour, je suis tombée sur ce savoureux billet (traduction maison) :

Regardez à l’intérieur
Par Joberry4

29.03.2014
Ce sont mes pages du matin : trois pages par jour, sans réfléchir ni planifier. Cet exercice m’a sauvé la vie quand la source de tous les mots semblait se tarir. Je publie une série de ces réflexions et effusions subconscientes – pas selon un ordre particulier.

12.10.2013
Voici les trois prochaines pages – simplement écrites à la main, sur papier. C'est soit une affectation archaïque, ou un art en train de se perdre. Est-ce que les petites filles avec des tablettes et des mobiles continuent de pratiquer leur signature? À la fois leur propre nom et celui des personnes pour qui elles ont le béguin?

Réalisons-nous le temps qu’il a fallu à notre espèce pour apprendre à écrire à la main – à transformer des sons incompréhensibles en mots qui signifiaient la même chose pour tout un chacun? Puis de concevoir des symboles pour transmettre ces sons sur des surfaces : pour ne pas avoir à les répéter, à être là pour les dire en personne, pour qu'ils existent toujours et parlent à notre place, longtemps après notre disparition?

Nous avons appris à dessiner des sons pour que les gens ne déforment pas nos mots, et qu’ils soient ainsi archivés. Alors, bien sûr, je devrais me sentir archaïque de ne pas les cliquer sur un ordinateur portable, mais non : j'adore la façon dont les mots sortent de ma main, une ligne ininterrompue sur une page propre, vide – où je peux biffer une erreur, mais pas la supprimer.

Peut-être que mes premiers brouillons sont les choses les plus permanentes à mon sujet.

https://joberry4.wordpress.com/

-------

Main
Par Bernard Pivot


[…] Les nouvelles générations ne connaissent plus cet autre très vieux plaisir duquel sont nés tant de chefs-d’œuvre : l’écriture à la main. Tandis que je trace ces mots, ma main droite glisse sur le papier. J’en éprouve le lissé qui, si je caresse la feuille, laisse apparaître un infime grain. Bonheur de la peau et de la chair. Ça n’est pas rien, oh! non, la sensualité de la main qui écrit.

Le stylo? Serviteur! Il m’obéit au doigt et à l’œil. Il avance, il s’arrête, il se retire, il revient, il rature, il biffe, il voyage au-dessus des lignes, il ponctue ici, il corrige là, il retourne à la phrase, il écrit… C’est un furet, c’est un lézard. Avec la main, les lettres qui constituent les mots sont liées; sur l’ordinateur, les lettres ne sont jamais en contact les unes avec les autres. J’écris le mot amour : les lettres sont unies, mariées, fusionnées. Si je tape le mot amour, les lettres ne se touchent pas.

Je suis pour une écriture charnelle de la main.

Les mots de ma vie
Albin Michel, 2011

15 janvier 2015

Où sommes-nous?


Ainsi fonctionne le monde
Par Anthony de Mello*

Lorsque vous vous réveillez, lorsque vous comprenez, lorsque vous voyez, le monde apparaît exactement comme il est. Le problème du mal nous préoccupe sans cesse. Voici une fable intéressante à ce sujet.

Un petit garçon marchait sur les bords d'une rivière quand il vit un crocodile piégé dans un filet. Le crocodile lui dit : «Peux-tu avoir pitié de moi et me libérer? Je suis laid, mais ce n'est pas de ma faute, tu le sais. J'ai été créé de cette façon. Mais, quelle que soit mon apparence extérieure, j'ai le coeur tendre. Je suis venu chercher de la nourriture pour mes plus jeunes ce matin et j’ai été piégé!» 
   Le garçon répondit : «Ah, mais si je t’aide à sortir du piège, tu me captureras et me tueras.» 
   Le crocodile lui dit : «Penses-tu que je ferais ça à mon bienfaiteur et libérateur?» 
   Il réussit à convaincre le garçon qui enleva le filet. Mais le crocodile l’attrapa.
   Coincé entre les mâchoires du crocodile, le garçon lui dit : «Voilà donc ce que j'obtiens pour mes bonnes actions.» Et le crocodile répondit : «Eh bien, ne le prends pas personnellement, mon fils, le monde est comme ça, c'est la loi de la vie.»
   Le garçon protesta. Alors le crocodile lui dit : «Veux-tu demander à quelqu'un si c'est vrai?» 
   Le garçon vit un oiseau sur une branche et lui demanda : «Oiseau, le crocodile a-t-il raison?» L'oiseau répondit : «Le crocodile a raison. Regarde-moi. Un jour je retournais au nid avec de la nourriture pour mes oisillons. Imaginez mon horreur de voir un serpent ramper dans l’arbre, droit vers mon nid. J'étais totalement impuissant. Il dévorait mes petits, l'un après l'autre. Je criais et hurlais, mais c'était inutile. Le crocodile a raison, c'est la loi de la vie, le monde est ainsi.» 
   «Tu vois?», dit le crocodile. Mais le garçon insista : «Laisse-moi demander à quelqu'un d'autre.» Le crocodile répondit : «Très bien, vas-y.» Il y avait un vieil âne qui passait sur la rive. «Âne, dit le garçon, voici ce que m’a raconté le crocodile... a-t-il raison?» L'âne répondit : «Le crocodile a tout à fait raison. Regarde-moi. J'ai travaillé et été l’esclave de mon maître toute ma vie et c’est à peine s’il me donnait suffisamment à manger. Comme je suis vieux et inutile, il m’a libéré et j’erre dans la jungle en attendant qu’'une bête sauvage bondisse sur moi et mette fin à ma vie. Le crocodile a raison, c'est la loi de la vie, le monde fonctionne de cette façon.» 
   «Tu vois?, dit le crocodile. Allons!» Le garçon dit alors : «Donne-moi une chance de plus, une dernière chance. Permets-moi de demander à quelqu’un d’autre. Tu te souviens que j’ai été bon avec toi?» Alors, le crocodile répondit : «D’accord, c’est ta dernière chance.» 
   Le garçon vit un lapin qui passait par là, et lui demanda : «Lapin, le crocodile a-t-il raison?»  Le lapin s’assit et demanda au crocodile : «Tu as dit ça à ce garçon?» Le crocodile dit : «Oui, c’est ce que j’ai dit.» «Attends une minute, dit le lapin, nous devons en discuter.» «D’accord», dit le crocodile. Mais le lapin lui dit : «Comment pouvons-nous discuter si gardes ce garçon dans ta gueule? Libère-le; il doit prendre part à la discussion, lui aussi.» Le crocodile répondit : «Tus es habile, tu es futé. Si je le libère il s’enfuira immédiatement.» Le lapin lui dit : «Je croyais que tu avais plus de bon sens que ça. S'il tentait de s'enfuir, tu pourrais le tuer d’un seul coup de queue.» 
   «C’est juste», dit le crocodile et il libéra le garçon. Au moment où le garçon fut relâché, le lapin lui cria : «Sauve-toi!» Et le garçon s'échappa. Puis le lapin dit au garçon : «N’aimes-tu pas la chair de crocodile? Les gens de ton village n’en feraient-ils pas un bon repas? Tu n’as pas vraiment libéré le crocodile; une bonne partie de son corps est toujours pris dans le filet. Pourquoi ne pas aller chercher tout le monde au village et faire un banquet?» 
   C'est exactement ce que le garçon fit. Il courut au village et appela tous les hommes. Ils arrivèrent avec haches, bâtons et lances et tuèrent le crocodile. Le chien du garçon vint aussi, et quand il vit le lapin, il le chassa, le captura et l’étrangla. Le garçon arriva sur la scène trop tard, et tandis qu’il regardait le lapin mourir, il dit : «Le crocodile avait raison, c'est ainsi qu’est le monde, c'est la loi de la vie.»

Il n'y a rien qui puisse expliquer toutes les souffrances, le mal, la torture, la destruction et la faim dans le monde! Vous ne pouvez pas l’expliquer. Vous pouvez jouer avec vos formules religieuses et autres, mais vous ne serez jamais capable de l’expliquer. Parce que la vie est un mystère, ce qui signifie que votre mental rationnel ne pourra jamais y trouver de sens. Pour cela, vous devez vous réveiller et ensuite réaliser que la réalité n'est pas problématique, que vous êtes le problème.

* À propos de l'auteur
La plupart des gens sont endormis soutenait Anthony de Mello. Ils ont besoin de se réveiller, de s'ouvrir les yeux et de voir ce qui est réel, à la fois à l'intérieur et à l'extérieur d'eux-mêmes.

Source (anglais seulement) : http://www.demellospirituality.com/

-------

Vision lucide des choses telles qu’elles sont
Par Charlotte Joko Beck

Il n’y a nulle part où aller, nous y sommes déjà. On ne peut pas être ailleurs que là où l’on est.

Nous partons du principe que ce que nous voyons est la réalité, et que cette réalité est une donnée fixe et immuable. Quand vous regardez par la fenêtre, par exemple, et que vous voyez des arbres, de la verdure et des voitures, vous estimez que ce que vous voyez correspond à la réalité des choses. Or, il ne s’agit que d’un aspect des choses : celui que vous apercevez à partir de votre point d’observation actuel – au ras du sol, en l’occurrence. Mais si vous étiez dans un avion qui vole à plusieurs kilomètres d’altitude, par temps clair, vous ne verriez plus ni les voitures, ni les gens. Vue d’avion, la réalité n’a plus rien d’un paysage urbain peuplé d’êtres humains; elle épouse le relief des montagnes, le contour des plaines, le cours des rivières, la forme des lacs et des mers. Cependant, cette vision change dès que l’avion atterrit et qu’on retrouve le paysage humain qui nous est familier, avec des gens, des maisons, des voitures. (...) 
   Notre comportement est en partie fonction des exigences de la réalité dans laquelle nous nous mouvons. Chacun fonctionne d’une manière qui lui est propre et qui le différencie des autres et de son environnement. Je ne suis pas pareille que vous ou que le tapis. Ça, c’est ce que nous voyons à l’œil nu mais, avec un microscope très puissant, on se rendrait compte que cette différenciation, cette séparation des éléments de la réalité n’est qu’apparente. Nous découvririons que nous ne sommes que des configurations complexes et toujours changeantes d’atomes et de particules subatomiques, animées d’un mouvement constant et très rapide. 
   Autrement dit, la réalité est un ensemble homogène, un immense champ d’énergie qui nous englobe tous – nous, les autres et tout le reste. (...) 
   À la différence ... de toutes les autres créatures qui peuplent la Terre, nous sommes les seuls êtres à ne pas savoir ce qu’ils ont à faire, bien que la ait plus richement dotés que n’importe quelle autre créature, en faisant de nous des roseaux pensants
   Pendant que nous nous interrogeons sur le sens de la vie et que nous ne savons pas par quel bout l’empoigner, le reste de l’existence s’active et vaque à ses occupations. (...) 
   ... L’ennui, c’est que nous ne savons pas faire bon usage de ce don exceptionnel qu’est la pensée et qu’au contraire, nous nous en servons pour faire toutes sortes de bêtises et nous empoisonner la vie au maximum. Nous n’avons pas été chassés de l’Éden, c’est nous-mêmes qui nous en sommes expulsés. Peu importe la vie et la contribution qu’on pourrait y apporter; tout ce qui nous intéresse, c’est de promouvoir les intérêts de notre petite personne, cette individualité distincte et autonome que nous croyons être. Une telle finalité ne viendrait jamais à l’idée d’un globule blanc : il ne vit pas longtemps et il a beaucoup à faire. Quand il ne sera plus là, un autre lui succédera pour faire la même chose. Le globule blanc ne s’interroge pas sur ce qu’il doit faire; il ne réfléchit pas, il agit.
   ... Nous ne nous rendons pas compte que nous ne sommes pas faits pour vivre éternellement mais dans l’instant, et nous gaspillons notre énergie – en vain – à essayer d’assurer le confort, la sécurité et la pérennité de notre individualité, ce petit moi qui se croit unique et séparé du reste de l’existence. Le corps humain, lui, possède une certaine sagesse naturelle; ce qui nous empoisonne la vie, ce sont toutes les complications que crée notre cerveau dualiste. (...) 
   On ferait tout et n’importe que, plutôt que de fonctionner spontanément en vivant la simplicité de la vie telle qu’elle est. ... Nous n’aurions en fait aucun problème si nous ne voulions pas toujours affirmer notre individualité et notre altérité. L’ennui, c’est que toute notre vie tourne autour du désir de satisfaire le moi; et les autres n’ont de place dans ce petit jeu que dans la mesure où ils sont prêts à le jouer selon nos propres règles. Ce qui n’est jamais le cas, cela va de soi, car ils sont bien trop occupés à faire la même chose de leur côté! Si bien que ça ne marche jamais pour personne. (...) 
   Nous n’avons pas appris à vivre pleinement notre condition humaine. Nous n’avons fait que créer un monde artificiel – un monde de pensées et d’idées – que nous avons plaqué par-dessus la réalité. Si bien que le réel disparaît derrière sa représentation fictive, et nous prenons la carte pour le vrai paysage. 
   (...) L’éveil spirituel n’est autre que la vision lucide des choses telles qu’elles sont, tout simplement. 
   Mes étudiants viennent souvent se plaindre à moi : ils n’ont pas les idées très claires et ils trouvent que leur pratique ne semble pas les rendre plus lucides. Mais, que voulez-vous, c’est la vie qui est comme ça! Chaque jour, il y a forcément des hauts et des bas, des moments de confusion et de perplexité. L’important, c’est de ne pas paniquer, et, au lieu d’essayer d’analyser la confusion dans l’espoir d’en sortir, il faut savoir rester au cœur même de cette zone d’ombre, l’expérimenter et la vivre à fond. Détendez-vous, restez attentifs à votre corps et à vos sensations et goûtez la saveur spécifique de la confusion, tout en observant les pensées qui continuent à surgir dans votre esprit. Vous pouvez être sûrs qu’en procédant de la sorte, vous aurez vite fait de retrouver la simplicité de l’expérience immédiate de la vie. 
   Faites confiance à votre intelligence innée et cessez de la faire disparaître sous des tonnes de pensées : elle sait parfaitement qui vous êtes et ce que vous faites.

Source : Soyez zen... en donnant un sens à chaque acte et à chaque instant

14 janvier 2015

Sénèque n’est pas mort

Ironiquement, deux mille ans après sa mort, Sénèque a beaucoup à dire sur notre façon de vivre contemporaine.

Le hijacking mental permanent dont nous sommes l'objet fait de nous de véritables abrutis. Il ne faut surtout pas nous arrêter pour réfléchir, car cela pourrait menacer le système dont le principal intérêt est de nous garder ignorants pour mieux nous manipuler.

Néron accusa Sénèque de complot et le contraignit à se suicider... la sagesse dérange. Mais, ne craignons rien, ce n’est pas la sagesse qui poussera l’espèce humaine vers l’extinction définitive.

Tableau : Identity par Maroe Susti 

Si l’on pouvait enseigner ces principes aux jeunes et leur apprendre à penser par eux-mêmes, ce serait une vraie révolution! Je rêve en couleurs là...

[Extraits]

De la brièveté de la vie
SÉNÈQUE
Trad. de M. Charpentier, Paris, 1860

La plupart des mortels, Paulin, se plaignent de l'injuste rigueur de la nature, de ce que nous naissons pour une vie si courte, de ce que la mesure de temps qui nous est donnée fuit avec tant de vitesse, tarit de rapidité, qu'à l'exception d'un très-petit nombre, la vie délaisse le reste des hommes, au moment où ils s'apprêtaient à vivre. Cette disgrâce commune, à ce qu'on pense, n'a point fait gémir la foule seulement et le vulgaire insensé : même à d'illustres personnages ce sentiment a arraché des plaintes.

Nous n'avons pas trop peu de temps, mais nous en perdons beaucoup. La vie est assez longue; elle suffirait, et au delà, à l'accomplissement des plus grandes entreprises, si tous les moments en étaient bien employés. Mais quand elle s'est écoulée dans les plaisirs et dans l'indolence, sans que rien d'utile en ait marqué l'emploi, le dernier, l'inévitable moment vient enfin nous presser : et cette vie que nous n'avions pas vue marcher, nous sentons qu'elle est passée.

Voilà la vérité : nous n'avons point reçu une vie courte, c'est nous qui l'avons rendue telle : nous ne sommes pas indigents, mais prodigues. ... Notre vie a beaucoup d'étendue pour qui sait en disposer sagement.

... Pour qui sait l'employer, la vie est assez longue. Mais l'un est dominé par une insatiable avarice; l'autre s'applique laborieusement à des travaux frivoles; un autre se plonge dans le vin; un autre s'endort dans l'inertie; un autre nourrit une ambition toujours soumise aux jugements d'autrui; un autre témérairement passionné pour le négoce est poussé par l'espoir du gain sur toutes les terres, par toutes les mers; quelques-uns, tourmentés de l'ardeur des combats, ne sont jamais sans être occupés ou du soin de mettre les autres en péril ou de la crainte d'y tomber eux-mêmes. On en voit qui, dévoués à d'illustres ingrats, se consument dans une servitude volontaire.

Plusieurs convoitent la fortune d'autrui ou maudissent leur destinée; la plupart des hommes, n'ayant point de but certain, cédant à une légèreté vague, inconstante, importune à elle-même, sont ballottés sans cesse en de nouveaux desseins; quelques-uns ne trouvent rien qui les attire ni qui leur plaise : et la mort les surprend dans leur langueur et leur incertitude.

Aussi cette sentence sortie comme un oracle de la bouche d'un grand poète me parait-elle incontestable : «Nous ne vivons que la moindre partie du temps de notre vie; car tout le reste de sa durée n'est point de la vie, mais du temps.»

Les vices nous entourent et nous pressent de tous côtés : ils ne nous permettent ni de nous relever, ni de reporter nos yeux vers la contemplation de la vérité; ils nous tiennent plongés abîmés dans la fange des passions. Il ne nous est jamais permis de revenir à nous, même lorsque le hasard nous amène quelque relâche. Nous flottons comme sur une mer, profonde où, même après le vent, on sent encore le roulis des vagues; et jamais à la tourmente de nos passions on ne voit succéder le calme. 
   Enfin parcourez tous les rangs de la société, depuis les plus humbles jusqu'aux plus élevés : l'un réclame votre appui en justice, l'autre vous y assiste; celui-ci voit sa vie en péril, celui-là le défend, cet autre est juge : nul ne s'appartient; chacun se consume contre un autre. 
   Informez-vous de ces clients  dont les noms s'apprennent par coeur, vous verrez a quels signes on les reconnaît : celui-ci rend ses devoirs à un tel, celui-là à tel autre, personne ne s'en rend à soi-même.

Vous n'êtes donc pas en droit de reprocher à personne ces bons offices; car, vous les rendiez moins par le désir d'être avec un autre, que par impuissance de rester avec vous-même. 
   Quand tous les génies qui ont jamais brillé se réuniraient pour méditer sur cet objet, ils ne pourraient s'étonner assez de cet aveuglement de l'esprit humain.
   Aucun homme ne souffre qu'on s'empare de ses propriétés; et, pour le plus léger différend sur les limites, on a recours aux pierres et aux armes. Et pourtant la plupart permettent qu'on empiète sur leur vie; on les voit même en livrer d'avance à d'autres la possession pleine et entière. Ou ne trouve personne qui vous fasse part de son argent, et chacun dissipe sa vie à tous venants. 
   Tels s'appliquent à conserver leur patrimoine, qui, vienne l'occasion de perdre leur temps, s'en montrent prodigues, alors seulement que l'avarice serait une vertu.

Je m'adresserai volontiers ici à quelque homme de la foule des vieillards : «Tu es arrivé, je le vois, au terme le plus reculé de la vie humaine; tu as cent ans ou plus sur la tête; eh bien, calcule l'emploi de ton temps; dis-nous combien t'en ont enlevé un créancier, une maîtresse, un accusé, un client; combien tes querelles avec ta femme, la correction de tes esclaves, tes démarches officieuses dans la ville. Ajoute les maladies que nos excès ont faites; ajoute le temps qui s'est perdu dans l'inaction, et tu verras que tu as beaucoup moins d'années que tu n'en comptes. 
   Rappelle-toi combien de fois tu as persisté dans un projet; combien de jours ont eu l'emploi que tu leur destinais; quels avantages tu as retirés de toi-même; quand ton visage a été calme et ton coeur intrépide; quels travaux utiles ont rempli une si longue suite d'années; combien d'hommes ont mis ta vie au pillage, sans que tu sentisses le prix de ce que tu perdais; combien de temps t'ont dérobé des chagrins sans objet, des joies insensées, l'âpre convoitise, les charmes de la conversation : vois alors combien peu il t'est resté de ce temps qui t'appartenait, et tu reconnaîtras que ta mort est prématurée.»

Quelle en est donc la cause? mortels vous vivez comme si vous deviez toujours vivre. Il ne vous souvient jamais de la fragilité de votre existence; vous ne remarquez pas combien de temps a déjà passé; et vous le perdez comme s'il coulait d'une source intarissable, tandis que ce jour, que vous donnez à un tiers ou à quelque affaire, est peut-être le dernier de vos jours. Vos craintes sont de mortels; à vos désirs on vous dirait immortels.

Entendez les paroles qui échappent aux hommes les plus puissants, les plus élevés en dignité; ils désirent le repos, ils vantent ses douceurs, ils le mettent au-dessus de tous les autres biens dont ils jouissent, ils n'aspirent qu'à descendre du faîte des grandeurs, pourvu qu'ils puissent le faire sans danger; car bien que rien au dehors ne l'attaque ni ne l'ébranle, la fortune est sujette à s'écrouler sur elle-même.

Enfin tout le monde convient qu'un homme trop occupé ne peut rien faire de bien : il ne peut cultiver ni l'éloquence ni les arts libéraux;  un esprit tiraillé, distrait n'approfondit rien; il rejette tout comme si on l'eût fait entrer de force; l'homme occupé ne songe à rien moins qu'à vivre : cependant aucune science n'est plus difficile que celle de la vie. 
   Des maîtres en toutes autres sciences se trouvent partout et en grand nombre : on a vu même des enfants en posséder si bien quelques-unes qu'ils auraient pu les professer.
   Mais l'art de vivre, il faut toute la vie pour l'apprendre; et ce qui vous surprendra peut-être davantage, toute la vie il faut apprendre à mourir.

Il appartient, croyez-moi, à un grand homme, élevé au-dessus des erreurs humaines, de ne se point laisser dérober la plus petite partie de son temps : car celui-là a joui d'une très longue vie qui a su n'employer qu'à vivre tout le temps de sa durée; il n'en a rien laissé d'oiseux ni de stérile; il n'en a rien mis à la disposition d'un autre; il n'a rien trouvé qui fût digne d'être échangé contre son temps, dont il est le gardien économe : aussi la vie a-t-elle été suffisante pour lui, mais nécessairement doit-elle manquer à ceux qui la laissent gaspiller par tout le monde. 
   Et ne croyez pas qu'ils soient sans s'apercevoir de ce qu'ils perdent: vous entendrez souvent la plupart de ceux qu'une grande prospérité accable, au milieu de la foule de leurs clients, du conflit des procès, et des autres honorables misères, s'écrier : «Je n'ai pas le temps de vivre!» 
   Pourquoi donc? parce que tous ceux qui vous attirent à eux, vous enlèvent à vous-même. Combien de jours ne vous ont pas dérobés cet accusé, ce candidat, cette vieille fatiguée d'enterrer ses héritiers, et cet homme riche, qui fait le malade pour irriter la cupidité des coureurs de successions!  et ce puissant ami qui vous recherche, non par amitié, mais par ostentation! Supputez dis-je, un à un et passez en revue tous les jours de votre vie, et vous verrez qu'il n'en est resté pour vous qu'un très petit nombre, et de ceux qui ne valent pas la peine d'en parler.

... Chacun anticipe sur sa vie, tourmenté qu'il est de l'impatience de l'avenir et de l'ennui du présent. ... Mais celui qui n'emploie son temps que pour son propre usage, qui règle chacun de ses jours comme sa vie, ne désire ni ne craint le lendemain : car quelle heure pourrait lui apporter quelque nouveau plaisir? il a tout connu, tout goûté jusqu'à satiété : que l'aveugle fortune décide du reste comme il lui plaira, déjà sa vie est en sûreté. On peut y ajouter, mais non en retrancher. ...  

Je ne puis contenir ma surprise, quand je vois certaines gens demander aux autres leur temps, et ceux à qui on le demande se montrer si complaisants. Les uns et les autres ne s'occupent que de l'affaire pour laquelle on a demandé le temps; mais le temps même, aucun n'y songe. On dirait que ce qu'on demande, ce qu'on accorde n'est rien; on se joue de la chose la plus précieuse qui existe. Ce qui les trompe, c'est que le temps est une chose incorporelle, et qui ne frappe point les yeux : voilà pourquoi on l'estime à si bas prix, bien plus comme n'étant presque de nulle valeur. 
   De nobles sénateurs reçoivent des pensions annuelles, et donnent en échange leurs travaux, leurs services, leurs soins: mais personne ne met à prix son temps; chacun le prodigue comme s'il ne coûtait rien. Voyez les mêmes hommes quand ils sont malades: si le danger de la mort les menace, ils embrassent les genoux des médecins; s'ils craignent le dernier supplice, ils sont prêts à tout sacrifier pourvu qu'ils vivent : tant il y a d'inconséquence dans leurs sentiments! 
   Que si l'on pouvait leur faire connaître d'avance le nombre de leurs années à venir, comme celui de leurs années écoulées, quel serait l'effroi de ceux qui verraient qu'il ne leur en reste plus qu'un petit nombre! comme ils en deviendraient économes! Rien ne s'oppose à ce qu'on use d'un bien qui nous est assuré, quelque petit qu'il soit; mais on ne saurait ménager avec trop de soin le bien qui d'un moment à l'autre peut nous manquer.

Toutefois ne croyez pas que les hommes dont nous parlons ignorent combien le temps est chose précieuse: ils ont coutume de dire à ceux qu'ils aiment passionnément, qu'ils sont prêts à leur sacrifier une partie de leurs années; ils les donnent en effet, mais de façon à se dépouiller eux-mêmes, sans profit pour les autres : c'est tout au plus s'ils savent qu'ils s'en dépouillent; aussi supportent-ils aisément cette perte dont ils ignorent l'importance.

Personne ne vous restituera vos années, personne ne vous rendra à vous-même. La vie marchera comme elle a commencé, sans retourner sur ses pas ni suspendre son cours; et cela sans tumulte, sans que rien vous avertisse de sa rapidité; elle s'écoulera d'une manière insensible. Ni l'ordre d'un monarque ni la faveur du peuple ne pourront la prolonger; elle suivra l'impulsion qu'elle a d'abord reçue; elle ne se détournera, elle ne s'arrêtera nulle part. Qu'arrivera-t-il? tandis que vous êtes occupé, la vie se hâte, la mort cependant arrivera, et bon gré mal gré il faudra la recevoir.

Peut-il y avoir pour les hommes (je dis ceux qui se piquent de prudence, et qui sont le plus laborieusement occupés) de soin plus important que d'améliorer leur existence? Ils arrangent leur vie aux dépens de leur vie même; ils s'occupent d'un avenir éloigné : or, différer c'est perdre une grande portion de la vie; tout délai commence par nous dérober le jour actuel, il nous enlève le présent en nous promettant l'avenir. Ce qui nous empêche le plus de vivre, c'est l'attente qui se fie au lendemain. Vous perdez le jour présent : ce qui est encore dans les mains de la fortune, vous en disposez; ce qui est dans les vôtres, vous le laissez échapper. Quel est donc votre but? jusqu'où s'étendent vos espérances? Tout ce qui est dans l'avenir est incertain : vivez dès à cette heure.

Admirez comment, pour vous reprocher vos pensées infinies, le poète ne dit point, la vie la plus précieuse, mais le jour le plus précieux. ... Le poète ne vous parle que d'un jour, et d'un jour qui fuit. Il ne faut donc pas en douter : le jour le plus précieux est celui qui le premier échappe aux mortels malheureux, c'est-à-dire occupés; et qui, enfants encore même dans la vieillesse, y arrivent sans préparation et désarmés. En effet, ils n'ont rien prévu; ils sont tombés dans la vieillesse subitement, sans s'y attendre; ils ne la voient point chaque jour plus proche.

Ceux-là seuls jouissent du repos, qui se consacrent à l'étude de la sagesse. Seuls ils vivent; car non seulement ils mettent à profit leur existence, mais ils y ajoutent celle de toutes les générations. Toutes les années qui ont précédé leur naissance leur sont acquises. À moins d'être tout à fait ingrats, nous ne pouvons nier que les illustres fondateurs de ces opinions sublimes ne soient nés pour nous, et ne nous aient préparé la vie. Ces admirables connaissances qu'ils ont tirées des ténèbres et mises au grand jour, c'est grâce à leurs travaux que nous y sommes initiés. Aucun siècle ne nous est interdit : tous noirs sont ouverts; et si la grandeur de notre esprit nous porte à sortir des entraves de la faiblesse humaine, grand est l'espace de temps que nous pouvons parcourir.

On dit souvent qu'il n'a pas été en notre pouvoir de choisir nos parents; que le sort nous les a donnés. Il est pourtant une naissance qui dépend de nous. Il existe plusieurs familles d'illustres génies; choisissez celle où vous désirez être admis, vous y serez adopté, non seulement pour en prendre le nom, mais les biens, et vous ne serez point tenu de les conserver en homme avare et sordide; ils s'augmenteront au fur et à mesure que vous en ferez part à plus de monde. 
   Ces grands hommes vous ouvriront le chemin de l'éternité, et vous élèveront à une hauteur d'où personne ne pourra vous faire tomber. Tel est le seul moyen d'étendre une vie mortelle, et même de la changer en immortalité. Les honneurs, les monuments, tout ce que l'ambition obtient par des décrets, tous les trophées qu'elle peut élever, s'écroulent promptement : le temps ruine tout, et renverse en un moment ce qu'il a consacré. 
   Mais la sagesse est au-dessus de ses atteintes. Aucun siècle ne pourra ni la détruire, ni l'altérer. L'âge suivant et ceux qui lui succéderont, ne feront qu'ajouter, à la vénération qu'elle inspire; car l'envie s'attache à ce qui est proche, et plus volontiers l'on admire ce qui est éloigné.

Source (essai complet) :
http://www.dmoz.org/search?q=S%C3%A9n%C3%A8que&cat=all&all=no

10 janvier 2015

Ça suffit, non?

Overdose.

Mise à jour 12 janvier 2015

Peut-être le massacre le plus meurtrier de l'histoire de Boko Haram
«Il semble que l'attaque contre Baga et les localités alentour pourrait être la plus meurtrière à ce jour d'une série d'actions de plus en plus haineuses menées par le groupe, a déclaré Daniel Eyre, chercheur sur le Nigeria à Amnistie internationale. Si les informations indiquant que la ville a été en grande partie rasée et que des centaines de civils (peut-être même 2 000) ont été tués sont exactes, nous sommes en présence d'une escalade sanglante très inquiétante des actions de Boko Haram contre la population civile.»
Suite :
http://www.amnistie.ca/sinformer/communiques/international/2015/nigeria/peut-etre-massacre-plus-meurtrier-lhistoire-boko

-------

10 janvier 2015 -- S’ajoutant au reste : des psychopathes «ont attaché des engins explosifs autour du corps d’une fillette de 10 ans utilisée comme bombe humaine dans un marché public de Maiduguri au Nigeria.»

On ne peut même pas imaginer que des gestes aussi odieux, diaboliques, ignobles, puissent se commettre!


Je dédie ces poèmes à la petite -- et à tous les autres civils massacrés 
 
Vous parler?
 
Vous parler? Non. Je ne peux pas.
Je préfère souffrir comme une plante,
Comme l'oiseau qui ne dit rien sur le tilleul.
Ils attendent. C'est bien. Puisqu'ils ne sont pas las
D'attendre, j'attendrai, de cette même attente.
 
Ils souffrent seuls. On doit apprendre à souffrir seul.
Je ne veux pas d'indifférents prêts à sourire
Ni d'amis gémissants. Que nul ne vienne.
 
La plante ne dit rien. L'oiseau se tait. Que dire?
Cette douleur est seule au monde, quoi qu'on veuille.
Elle n'est pas celle des autres, c'est la mienne.
 
Une feuille a son mal qu'ignore l'autre feuille.
Et le mal de l'oiseau, l'autre oiseau n'en sait rien.
 
On ne sait pas. On ne sait pas. Qui se ressemble?
Et se ressemblât-on, qu'importe. Il me convient
De n'entendre ce soir nulle parole vaine.
 
J'attends - comme le font derrière la fenêtre
Le vieil arbre sans geste et le pinson muet...
Une goutte d'eau pure, un peu de vent, qui sait?
Qu'attendent-ils? Nous l'attendrons ensemble.
Le soleil leur a dit qu'il reviendrait, peut-être...
 
Le chemin de crève-coeur
 
Un seul coeur? Impossible
Si c'est par lui qu'on souffre et que l'on est heureux.
On dit : coeur douloureux,
Coeur torturé, coeur en lambeaux -
Puis : joyeux et léger comme un oiseau des Îles,
Un coeur si grand, si lourd, si gros
Qu'il n'y a plus de place
Pour rien d'autre que lui dans notre corps humain.
Puis évadé, baigné d'une grâce divine?
Un coeur si plein
De tout le sang du monde et ne gardant la trace
Que d'une cicatrice fine qui s'efface?
Impossible! Il me faut plusieurs coeurs.
Le même ne peut pas oublier dans la joie
Tout ce qu'il a connu de détresse une fois
- Une fois ou plusieurs, chaque fois pour toujours -
Mon coeur se souviendrait qu'il fut un coeur trop lourd
Et ne serait jamais un coeur neuf, sans patrie,
Sans bagage à porter de vie en vie.
 
~ Sabine Sicaud (1913-1928)
 
Recueil  Douleur, je vous déteste
Les poèmes de Sabine Sicaud (Stock)

---
Sabine Sicaud, poétesse française née le 23 février 1913 et morte le 12 juillet 1928. Elle a vécu à Villeneuve-sur-Lot, dans la maison de ses parents, appelée La Solitude. Ses Poèmes d'enfant, préfacés par Anna de Noailles, ont été publiés lorsqu'elle avait treize ans. Après les chants émerveillés de l'enfance et de l'éveil au monde, est venue la souffrance, insupportable. Atteinte d'ostéomyélite, appelée aussi gangrène des os, elle écrit 
Aux médecins qui viennent me voir :
Faites-moi donc mourir, comme on est foudroyé
D'un seul coup de couteau, d'un coup de poing
Ou d'un de ces poisons de fakir, vert et or...

Vous aimerez peut-être (même auteur) :
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2012/03/du-tout-beau.html

-------


Freedom = Criticism of ALL Religions Is a Fundamental Right
By Gad Saad, Ph.D. in Homo Consumericus
Published on March 23, 2012; Addendum (January 7, 2015)

Excerpt
(Les passages en gras sont de mon initiative)

(...)
I repeatedly read Facebook posts on my wall wherein individuals are perfectly willing to acerbically criticize some religions, but bend over backwards to protect one "untouchable" religion. This is the height of cowardice and hypocrisy. ... No one dares to proclaim that Sharia Law is antithetical to the most fundamental tenets of the American constitution. Apparently only redneck tea party members would believe that Sharia Law is dangerous. Nothing could be further from the truth. I should know. I grew up in the Middle East. It is impossible to imagine anything more antithetical to the Equal Protection Clause than many of the foundational precepts of Sharia Law. If you are rightly put off by the Jewish prayer in which males thank God for not having made them a woman (this does not make you anti-semitic by the way) then you should have no difficulty finding Sharia Law contrary to our liberal democratic values (and it does not make you "Islamophobic"). Most contemporary people would have little hesitation to reject religious beliefs that call for human sacrifices. Similarly, few people today would accept the ordeal by water associated with witch-hunts. Yet some religious doctrines that we face today are astonishingly more malignant than the latter antiquated practices, and yet we are supposed to bow in deference and respect to grotesque religious views lest we be accused of being toothless hillbillies.
 
All individuals have the right to practice their religion in the privacy of their homes, and in the sanctity of their hearts. However, once one enters the public sphere, religious beliefs are not protected from scrutiny, debate, criticism, and ridicule. Either all religions should be protected from any criticism (welcome to the Dark Ages) or else ALL religions are equally open to full criticism.

http://www.psychologytoday.com/collections/201501/when-religion-spurs-violence?tr=HomeColSmallTitle

--------
Mise à jour 12 janvier 2015

Le débat n'est pas un crime! Libérons Raif Badawi


Raif Badawi est un jeune bloggeur qui a été incarcéré le 17 juin 2012 et condamné à sept ans de prison et 600 coups de fouet en juillet 2013 pour les propos tenus sur son site Web «Jeunes libéraux saoudiens». En appel, sa sentence a été annulée mais il est toujours à risque de torture. Il est toujours en prison car on refuse de le libérer. Il a été rejugé le 7 mai dernier par le tribunal pénal de Djedda à 1 000 coups de fouets, à 10 ans d'emprisonnement et à une amende d'un million de riyals saoudiens (près de 290 000$ Can). Sa sentence a été confirmée en appel.
       La famille de Raif Badawi vit maintenant au Canada. Sa femme et ses trois enfants sont terriblement inquiets. Demandons la libération de Raif Badawi et son rapatriement au Canada!

http://www.amnistie.ca/sinformer/communiques/international/2015/arabie-saoudite/flagellation-raif-badawi-en-arabie-saoudite

Tous les dossiers d’Amnistie
http://www.amnistie.ca/