31 août 2018

Lao Tseu : une clarté d’esprit qui n’a pas ridé

«Si voter changeait quelque chose, il y a longtemps que ce serait interdit.»
~ Coluche

Les sujets de préoccupation ne manquent pas
- à l’heure des «beaux programmes» électoraux... burlesques
- à l’heure des frénétiques négociations de libre-échange avec un président américain agressif, lunatique et irresponsable  
- à l’heure où notre pétro sapiens d’Ottawa s’obstine à aligner les tuyaux de pipeline de Kinder Morgan jusqu’au Pacifique, connaissant les risques de pollution pour les côtes de la Colombie Britannique
- etc.

Collage: While we were making other plans, Joe Webb http://www.joewebbart.com/    

L’environnement passe en dernier. Selon les sondages de la Boussole électorale de Radio-Canada, il semble que le système de santé soit en tête des inquiétudes chez les électeurs. Qu’espèrent-ils dans un environnement de plus en plus toxique et pollué? Des miracles? Pour être en santé nous avons besoin d’un environnement sain. C’est pourtant limpide.

Je comprends le ministre français de la Transition écologique, Nicolas Huot, qui disait quitter son poste parce qu’il  ne voulait plus mentir (en premier lieu à lui-même, je suppose.)

Quand un chien grogne et montre les dents ou quand il bouge joyeusement la queue en vous voyant, vous savez à quoi vous attendre; il est prévisible. Les animaux humains, supposément supérieurs et plus futés, utilisent des mots pour exprimer leurs sentiments et leurs intentions. Or le langage est un outil efficace pour camoufler la vérité. Les animaux humains sont donc extrêmement imprévisibles.

Alors, il fait bon revenir au Tao Te King, «le livre de la voie et de la vertu». Peut-être qu’il s’agit d’un ouvrage collectif de différents sages auquel on attribué un nom unique. Un peu comme à l’Agana chez les bouddhistes ou la Bible chez les judéo-chrétiens. Pour moi, le Tao Te King n’a pas du tout de connotation religieuse, c’est plutôt une philosophie de vie.


«C'est seulement quand tu vois un moustique se poser sur tes testicules que tu réalises qu'il y a toujours moyen de résoudre des problèmes sans utiliser la violence.»

«Plus il y a d'interdits et de prohibition
plus le peuple s'appauvrit;
plus on possède d'armes tranchantes,
plus le désordre sévit;
plus se développe l'intelligence fabricatrice,
plus en découlent d'étranges produits;
plus se multiplient les lois et les ordonnances,
plus foisonnent les voleurs et les bandits.»

«Plus tu as d'armes, moins les gens seront en sécurité.»

«Les paroles vraies ne sont pas agréables;
les paroles agréables ne sont pas vraies.
Un homme de bien n'est pas un discoureur;
un discoureur n'est pas un homme de bien.
L'intelligence n'est pas l'érudition;
L'érudition n'est pas l'intelligence.»

«Emplis ton bol à ras bord
et il débordera,
Aiguise ton couteau sans relâche
et il s'émoussera,
Cours après l'argent et la sécurité
et ton coeur ne s'apaisera jamais,
Soucie-toi de l'approbation des gens
et tu seras leur prisonnier.
Fais ton travail. Puis retire-toi.
La seule voie vers la sérénité.»

«Il ne s'agit pas de se retrancher du monde, de s'enfermer dans une tour d'ivoire, il faut tout savoir, être informé de tout et pourtant rester critique comme si on ne savait rien.»  

«Celui qui excelle ne discute pas, il maîtrise sa science et se tait.»

Une foule de citations de Lao Tseu sur Babelio

En conclusion, je me rallie aux propos d’André Gide :

Le temps qui passe (extrait)

[...]
J’ai compté mes années et j’ai découvert que j’ai moins de temps à vivre ici que je n’en ai déjà vécu.

Je n’ai désormais pas le temps pour des réunions interminables, où on discute de statuts, de règles, de procédures et de règles internes, sachant qu’il ne se combinera rien...  

Je n’ai pas le temps de supporter des gens absurdes qui, en dépit de leur âge, n’ont pas grandi.

Je n’ai pas le temps de négocier avec la médiocrité.

Je ne veux pas être dans des réunions où les gens et leur ego défilent.

Les gens ne discutent pas du contenu, à peine des titres.

Mon temps est trop faible pour discuter de titres.

Je veux vivre à côté de gens humains, très humains.

Qui savent sourire de leurs erreurs.

Qui ne se glorifient pas de victoires.

Qui défendent la dignité humaine et qui ne souhaitent qu’être du côté de la vérité et de l’honnêteté.

L’essentiel est ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue.

Je veux m’entourer de gens qui savent arriver au cœur des gens.
[...]

28 août 2018

Déboulonner des statues ou non

«Et ces myriades de statues qui peuplaient tous les entre-colonnements de la nef et du choeur, à genoux, en pied, équestres, hommes, femmes, enfants, rois, évêques, gendarmes, en pierre, en marbre, en or, en argent, en cuivre, en cire même, qui les a brutalement balayées? Ce n'est pas le temps.» ~ Victor Hugo (Notre-Dame de Paris)

«L’histoire enseigne comment il faut falsifier.» ~ Stanislaw Jerzy Lec

Auteur de ce chef-d’œuvre pictural : Ricardo. Cueilli sur le site d’un journaliste américain vivant en Espagne https://twitter.com/David_Seaton 

Certaines personnalités historiques connaissent la disgrâce en ce moment au Canada. Voilà ce que disait l’historien Frédéric Bastien à Gravel le matin au sujet de Macdonald et Amherst :
«Des groupes militants sont responsables d’une certaine diabolisation de l’histoire du Canada. Ces groupes veulent criminaliser les personnages du passé, pour stimuler la honte et la culpabilité, pour faire passer [une ligne] diversitaire. On prend une figure, on la sort de son contexte et on lui applique des critères du 21e siècle pour la diaboliser. John A. Macdonald n’a pas été célébré pour ce qu’il a fait contre les Indiens. Ce n’est pas la raison pour laquelle on se souvient de lui. Il est un des Pères de la Confédération, et c’est pour ça qu’on voit autant son nom. Quant à Amherst, il a une rue à son nom parce qu’il est le fondateur du Montréal anglophone, non pas parce qu’il a voulu distribuer des couvertures infectées à la variole aux Amérindiens.»

C’est un point de vue. Aucune raison valable de rendre hommage à des génocidaires colonialistes. Si j’étais autochtone, je ne voudrais pas voir la face de l’initiateur des pensionnats autochtones. 

Photo : Jacques Grenier / Le Devoir. À Montréal, en 2010, la statue de John A. Macdonald avait été descendue de son socle, mais c’était alors pour effacer les outrages du temps et des vandales.

Bye-bye Johnny! Photo: Megan Thomas / CBC. A statue of Sir John A. Macdonald was wrapped in foam and strapped to a flat-bed truck on Saturday morning to be placed in storage. City council voted to remove the statue as a gesture of reconciliation. Les conservateurs de l’Ontario veulent récupérer cette statue. Pf!

Que voulez-vous, les individus admirent des traits de personnalité s’accordant avec leur propre système idéologique. Qui déterminera le mérite ou le démérite? En vertu de quelles valeurs? Certains valorisent la violence et la guerre, d’autres préfèrent la bienveillance et la paix. «En enfer le Diable est un personnage positif.» (Stanislaw Jerzy Lec)

L’idéal serait de rassembler dans un musée d’histoire, doté d’un grand parc, les statues, monuments et autres objets commémoratifs déjà existants. Le guide du Musée devrait inclure des mises à jour historiques basées sur des faits réels maintenant reconnus.

Et, à l’avenir, il vaudrait mieux éviter de mettre des humains aussi ordinaires que vous et moi (malgré leur célébrité ou leur succès) sur des piédestaux dont ils tomberont peut-être un jour si l’on découvre des faits peu reluisants de leur vie personnelle et publique. Cela inclut les célébrités du milieu artistique, politique, religieux, et même autochtone. Pas de  statues, ainsi la prochaine génération n'aura pas besoin de les déboulonner dans 10 ou 20 ans.  

Cela dit, ne faisons pas en sorte que les artistes (sculpteurs, peintres, etc.) crèvent de faim. Je propose donc la création d’œuvres d’art rendant hommage aux espèces animales disparues depuis les trente dernières années ou en voie d’extinction, des grands mammifères aux insectes (pas taxidermisés, bien sûr!) en guise d'aide-mémoire. Pour ce qui est de la toponymie, oiseaux, fleurs et plantes seraient une source d’inspiration intarissable. Considérant la rapidité avec laquelle le vivant disparait, les artistes ne manqueraient pas de boulot.

Choix cornélien : John McCain vient de mourir et on le louange de tous bords et tous côtés – le Sénat érigera-t-il une statue à sa mémoire? À suivre...

Retenez vos applaudissements, la campagne de 2008 de John McCain a ouvert la voie à Donald Trump

Mehdi Hasan | The Intercept | August 27, 2018

Quelle belle complicité... Photo: Darren Hauck / Getty Images. Sen. John McCain, R-Ariz., and former Alaska Gov. Sarah Palin attend a campaign rally at Pima County Fairgrounds, March 26, 2010, in Tucson, Ariz.

Et si John McCain n'avait pas été candidat à la présidence en 2008?

Donald Trump ne serait peut-être pas à la Maison Blanche aujourd'hui.

À première vue, cela peut sembler bizarre. Le sénateur républicain de six mandats, qui est décédé samedi, a été reconnu comme un franc adversaire du président, tandis que Trump lui-même méprisait McCain et avait déclaré que l'ancien prisonnier du Viêt-Cong n’était «pas un héros de guerre».

Mccain a aussi été considéré, par la droite comme par la gauche, comme un modèle de civilité politique, d'intégrité et de décence; un républicain non raciste; l'anti-Trump. Bernie Sanders l'a appelé «un homme de décence et d'honneur»; Alexandria Ocasio-Cortez l'a louangé comme «un exemple sans précédent de décence humaine».  

Rien n'est plus faux. Même si vous ne tenez pas compte du fait que McCain a déjà traité sa femme de «salope» en public. Ou qu'il a qualifié deux de ses collègues sénateurs républicains de «connards» et de «trous-de-cul». Ou qu'il se moquait de Chelsea Clinton, alors adolescente, disant qu’elle était «laide». Ou qu'il a refusé de s'excuser pour avoir traité ses ravisseurs vietnamiens d’«idiots». Ou qu'il a traité les manifestants anti-guerre de «racaille».

Ignorez tout cela et il vous restera l’incitation à la haine et au racisme – en précurseur de Trump durant sa campagne présidentielle en 2008 contre le premier candidat démocrate noir à la Maison Blanche. Comment le vitriol et les diffamations d'il y a dix ans ont-ils été si facilement oubliés par ses panégyristes? Relégués avec tant de désinvolte au trou de mémoire des médias?

Souvenez-vous que McCain a présenté la détestable Palin au monde en août 2008, quand il l'a soustraite de l'obscurité de l'Alaska et fait d'elle sa colistière. Ce faisant, il accorda du prestige, de l'influence et de la crédibilité à une démagogue ignorante et à une théoricienne de la conspiration; une femme qui prospérait sur le ressentiment racial et culturel, et qui allait devenir plus tard une figure de proue du Tea party et du “birther movement” [ndlr : contestation de la citoyenneté américaine d’Obama]. C’est familier? «Palin, écrivait Dana Milbank du Washington Post en 2016, est politiquement, la mère de Trump.»

Article intégral en anglais :

24 août 2018

On ne sait pas l’heure

«La vie est précieuse et la vie peut être courte. Si vous aimez quelqu’un, si vous appréciez quelqu’un, prenez le temps de lui dire ce qu’il signifie pour vous. Plusieurs fois par jour, si c’est nécessaire.» Teresa (Mathai)

Photographe : John Phillips

Mis à part les personnes en phase terminale, ou qui bénéficient de l’aide médicale à mourir, ou qui choisissent de se suicider, peu de gens connaissent leur date d’expiration. On peut être victime d’un accident de la route, avoir une crise cardiaque, s’endormir le soir et ne pas se réveiller le matin.

Personne ne soupçonnait que les tours du WWC allaient s’écrouler le 11 septembre 2001. Oui, c’était un événement terrifiant et tragique. Mais, au Moyen-Orient, les populations civiles sont toujours sur le qui-vive car elles savent que des drones peuvent frapper à tout moment. Ce qui faisait dire à un civil syrien : «Recevoir des bombes fait partie de la vie quotidienne, c’est comme se faire frapper par une voiture.» Il ne voulait surtout pas banaliser, mais plutôt rendre compte de la fréquence des bombardements.

Lettre de Teresa à son conjoint Joseph Mathai décédé lors de l'attentat

Date inconnue

Mon cher Joseph,

En ce mardi matin fatidique, je revenais à la maison après avoir déposé les enfants à l’école. La radio nous a informés qu’un avion s’était écrasé sur le World Trade Center. J’étais inquiète pour toi, je savais que tu étais à une conférence à New York : tout allait être plus chaotique encore. Je voulais t’appeler pour te prévenir, mais je ne voulais pas te déranger au milieu de ta conférence. Quand je suis arrivée à la maison et que j’ai allumé la télévision, j’ai décidé de t’appeler malgré tout et j’ai réussi à te joindre sur ton portable à 9h11 précises. Mon appel est le seul auquel tu as pu répondre ce matin-là.

Tu m’as dit que ta conférence se déroulait chez «Windows on the World» au 107ème étage de la tour Nord et qu’un avion venait de s’écraser sur le bâtiment. Je ne voulais pas t’inquiéter en te disant qu’un deuxième avion avait frappé la tour Sud, juste après le premier. En silence, nous avons tous les deux réalisé qu’il s’agissait de quelque chose de bien plus grave qu’un malheureux accident d’avion. Tu m’as dit qu’il y avait de la fumée blanche partout, que ça devenait difficile de respirer, et qu’on annonçait des plans d’évacuation via les haut-parleurs. Je t’ai dit d’appeler ton bureau pour leur dire que tu étais en sécurité et qu’on se reparlerait ensuite. À ce moment-là, il y a eu une lourde pause dans la conversation. Je me suis rendue compte que tu voulais me dire que tu m’aimais mais tu hésitais. Tu as toujours été l’homme fort de la famille. Tu ne voulais pas que je pense que tu avais peur de mourir, que tu n’étais pas sûr de t’en sortir; tu ne voulais pas m’inquiéter.

Je t’ai dit que je prierais pour ta sécurité. Je voulais te dire que je t’aimais, mais je me suis mordu les lèvres. Je ne voulais pas que tu penses que c’était la dernière fois qu’on se parlait, que c’était notre dernière chance de se dire au revoir, que c’étaient nos derniers mots.

Dès que j’ai posé le téléphone, j’ai changé d’avis. J’ai essayé de te rappeler mais le réseau était saturé. J’ai essayé encore et encore... Mais je tombais toujours sur ta messagerie. Je n’arrêtais pas d’appuyer sur bis... Puis, paralysée par l’horreur, j’ai regardé la tour Nord exploser et s’effondrer comme quelque chose d’irréel sorti d’un film catastrophe.

Ce jour-là, je n’ai pas eu la chance de te dire que je t’aimais. Nous t’aimons tous! Nous n’avons pas eu la chance de te dire au revoir. Des années plus tard, tu nous manques toujours, nous t’aimerons toujours, même si ces mots n’ont pas été exprimés en ce jour funeste.

Depuis j’ai évoqué ce moment avec les enfants, qui sont maintenant de jeunes adultes. Je leur ai dit : «La vie est précieuse et la vie peut être courte. Si vous aimez quelqu’un, si vous appréciez quelqu’un, prenez le temps de lui dire ce qu’il signifie pour vous. Plusieurs fois par jour, si c’est nécessaire.» Et c’est ce que nous faisons encore aujourd’hui.

Avec tout notre amour... Jusqu’à ce qu’on se rencontre à nouveau... De l’autre côté de l’arc-en-ciel.

À toi,

Teresa.

17 août 2018

Avoir 20 ans de moins, je postulerais!

Je transmets au cas où il y aurait des intéressé/e/s. Des chats à profusion, une maisonnette avec vue sur la mer Égée... Il ne manque qu’un copié/collé du «Grand bleu» pour les nostalgiques de la Grèce de l'époque. Quand je vois des images du Pirée envahi de containers asiatiques, je déprime ben raide. Remarquez que le fleuve Saint-Laurent est de plus en plus hideux et déprimant, pour les mêmes raisons.

Un sanctuaire de chats en Grèce recherche un gardien de minous
Source : sympatico.ca


Photos : Facebook de God's Little People Cat Rescue  
https://www.facebook.com/godslittlepeople/

Avis à tous les mordus de chats!  Si publier des photos de chats 15 fois par jour sur les réseaux sociaux ne vous suffit plus, voici l’occasion rêvée de vivre pleinement de votre passion féline. Un sanctuaire pour chats, situé en Grèce, a récemment lancé un appel à tous pour combler un emploi des plus insolites : être le gardien des chats vivant sur l’île de Syros.

Pas moins de 55 individus félins demeurent dans le sanctuaire God’s Little People Cat Rescue : ça fait donc pas mal de litière à changer!


L'heureux élu devra cependant faire preuve de maturité pour obtenir ce poste sur cette île paradisiaque en compagnie de toutes ces petites boules de poils, car ce n'est pas qu'une partie de plaisir (mais ça en est une quand même...)

Vous devrez surveiller les animaux et leur donner les soins appropriés. Si vous avez de l’expérience en soins vétérinaires, c’est un plus! Vous vivrez dans une petite maison moderne (l’eau et l’électricité sont incluses) avec une vue splendide sur la mer Égée.

Vous travaillerez environ 4 heures par jour, et vous pourrez bénéficier d’un train de vie relaxant, entouré par la tranquillité de la nature. Idéalement, ce sanctuaire privé recherche quelqu’un de responsable, fiable, honnête et qui a un cœur en or! En plus de nourrir les chats, vous devrez aussi leur donner de l’affection et en héberger quelques-uns avec vous dans votre petite maison. Rien de trop difficile pour un amoureux des félins qui veut leur bien.


Si vos amis vous considèrent comme quelqu’un qui murmure à l’oreille des chats, et que vous avez un don pour la psychologie animale, vous avez ce qu'il faut! Vous devrez parfois attraper des minous peu sociables en usant d’astuces pour les amadouer en douceur...


Il s'agit d'un emploi de longue durée, mais on demande de garantir au minimum 6 mois pour être considéré. Le contrat débute en octobre (attendez-vous à être bénévole pour les premières semaines, avec le logement gratuit) et votre rémunération commencera le 1er novembre 2018.


Si vous avez la tête de l’emploi, vous pouvez envoyer votre candidature par courriel, accompagnée d’une photo de vous. Ne manquez pas votre chance!

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Ça me rappelle l’Agenda 2000 Les chats des Cyclades du photographe Hans Silvester (Éditions de La Martinière) : un formidable panorama de chats domestiques – ou chats de gouttière comme on dit communément. Silvester disait en entrevue : «Je ne suis pas heureux si je n’ai pas de chats autour de moi. Je les ai suivis pendant sept ans – le fou qui courre derrière les chats!» Pour réaliser des photos aussi parfaites, je crois qu’il faut aimer son sujet et faire preuve de persévérance. Il est vrai aussi que lorsqu’on se donne totalement à une passion on ne compte jamais les heures...

Pourquoi les chats de gouttière sont-ils si attrayants?   

Premièrement, ils sont robustes, c'est dans leurs gènes. Lorsque les animaux se reproduisent sans contraintes, la nature sélectionne spontanément les gènes qui renforceront le mieux l’espèce. Conséquemment, les chats de gouttière sont génétiquement équipés pour jouir d’une meilleure santé, et ils sont souvent plus intelligents et résistants que leurs cousins de race pure. Les races génétiquement modifiées ont des tares génétiques, notamment à cause de la consanguinité ou des malformations «esthétiques» – comme le museau trop court qu’on trouve chez les persans. Et certains modèles récents sont d’une laideur – aïe!

Tous les chats sont gréés d’un cycle de lavage automatique. Néanmoins, les chats de gouttière requièrent moins de toilettage que les races à poils longs. De plus, l’accumulation des fameuses boules de poils est moins dramatique. Le chat de gouttière nécessite un minimum d’entretien – un avantage appréciable.

Les chats de gouttière sont souvent plus «brillants». On entend parfois les propriétaires de chats de race dire : «Il est magnifique mais pas très intelligent.» Une réflexion peu fréquente à propos des chats de gouttière. Ils sont généralement très intelligents.

Ils sont imprévisibles, certes, mais ça fait partie de leur charme. Les éleveurs ont génétiquement prédéfini ou accentué des traits de personnalité chez certaines races pures, mais pas nécessairement les plus intéressantes. Le chat de gouttière n’en a pas; on ne sait pas d’avance comment il sera.

En fait, les chats sont des créatures extraordinaires. Chaque chat a sa personnalité, quelle que soit sa race, et même s’il appartient à l’une des plus haïssables... que je ne nommerai pas.

S’entourer de beauté est bon pour le cœur et l’esprit, encore plus si cette beauté est vivante.

Comme vous le voyez, je vends ma salade : un prêche en faveur de l’adoption de chats domestiques abandonnés – et il n’en manque pas – au lieu de chats génétiquement modifiés et usinés.

15 août 2018

Le plus chaleureux salut aux Acadiens!

Le 15 août marque leur fête nationale et ils célèbrent partout pendant une semaine, aux Maritimes, au Québec et sans doute en Louisiane.

Photo : Barrett & MacKay Maison décorée en drapeau acadien, Grande-Anse, N.-B..

J’ai choisi La ballade du Irving Whale, diffusée par Zachary Richard en 2017, en mémoire du déversement de mazout aux Îles-de-la-Madeleine survenu en 1970. Ce n’est pas festif, mais c’est touchant. Cette vidéo nous montre des visages humains qui doivent composer avec l’indifférence, l’irresponsabilité, l’inconscience et les crimes environnementaux de l’industrie pétrolière/gazière qui méprise les gens et l’environnement.



En 1995, à l’Île-du-Prince-Édouard, on a retrouvé tous les poissons des rivières adjacentes aux cultures de pommes de terre sur le dos, morts. Le gros producteur de patates IRVING (la pollution au pétrole ne lui suffit pas!) utilisait le «Roundup Ready» de Monsanto à base de glyphosate. Notre gouvernement fédéral vient de répéter que le glyphosate n’était pas cancérigène, en dépit des nombreuses poursuites à cet effet qui se déroulent partout dans le monde.

«En permettant l’homme, la nature a commis beaucoup plus qu’une erreur de calcul : un attentat contre elle-même.» ~ Emil Cioran, philosophe et écrivain roumain

Sacs imbibés d'hydrocarbures : le cauchemar récurrent des Madelinots

ICI Radio-Canada | Publié le lundi 16 mai 2016

Photo : Pêches et Océans Canada. Travaux de décontamination entrepris par la Garde côtière après la découverte de sacs de sable sali par le mazout de l'Irving Whale.

Aux Îles, au printemps, à l'automne ou à la suite d'une forte tempête, des sacs remplis de sable souillé par les hydrocarbures ressurgissent sur les dunes comme une vilaine poussée d'acné qui n'en finit pas de guérir.
   À nouveau cette année, un Madelinot rapporte la découverte d'un lot de sacs de sable imbibé par le mazout échappé de l'Irving Whale. Le citoyen qui marchait sur la Dune du Nord, a communiqué avec le regroupement écologiste Attention Frag'Îles pour signaler la découverte d'un des sacs pleins de sable imbibé de pétrole, enterrés en 1970 par la Garde côtière canadienne à la suite du naufrage de l'Irving Whale au large de l'archipel.

Carte : archives de Radio-Canada, 1970

– Le 7 septembre 1970, le pétrolier Irving Whale de la compagnie Irving coule à 100 km au large des îles de la Madeleine avec à son bord 4200 tonnes de mazout lourd.
La marée noire s'étend sur 400 km carrés dans le golfe du Saint-Laurent.
– Entre 125 et 200 tonnes de mazout lourd se répandent sur 35 km de littoral des Îles-de-la-Madeleine.
– En 1970, aucune loi n'oblige la compagnie à reprendre possession de sa barge ni à prendre des mesures environnementales.
– La barge sera renflouée par le gouvernement canadien en 1996. Irving indiquera alors que le navire contenait aussi 7 tonnes de BPC.
– À l'époque, la Garde côtière récupère les hydrocarbures sur les plages des Îles et enterre environ 200 000 sacs contaminés dans les dunes madeliniennes sans noter où sont enfouis les sacs. Dès l'hiver suivant, les premiers sacs seront mis à découvert.
– La saga se poursuit depuis 46 ans.

Encore des milliers de sacs enfouis

Photo : Pêches et Océans Canada. Travaux en cours sur la Dune-du-Nord 

Le responsable de l'Aménagement du territoire des Îles, Serge Bourgeois, explique que d'une année à l'autre, le vent, les marées poussent le sable de la dune dont la configuration change. «Ce sont des milieux extrêmement mobiles», commente M. Bourgeois.
   C'est souvent à ce moment-là qu'une personne découvre un sac qui sort de la dune. «Quand on y va et qu'on creuse, raconte le porte-parole de la Municipalité, on en trouve un 2e et ainsi de suite. Ils n'ont pas enterré un sac, ils en mettaient plusieurs centaines probablement.»
   Depuis une semaine, la Garde côtière est à nouveau à pied d'œuvre, avec Lavages industriels Vigneau des Îles, pour récupérer de nouveaux sacs. Vendredi dernier, c'est 327 nouveaux sacs qui avaient été découverts. Ils s'ajoutent aux 8200 autres déterrés à ce jour.
   En 2010, la Garde Côtière a indiqué qu'elle n'entreprendrait pas de recherches particulières pour retrouver les sacs contaminés. La Municipalité pressait alors l'organisme d'agir dans le dossier.
   Attention Frag'Îles s'occupera de la restauration de la dune à la fin des travaux en cours.


Les oiseaux et la pollution par les hydrocarbures

– Les hydrocarbures peuvent s’échapper de bateaux, soit par suite d’accidents ou par le déversement délibéré.

Chaque année, plus de 300 000 oiseaux de mer meurent au large de la côte sud de l’île de Terre-Neuve.

De nombreux oiseaux mazoutés qui s’échouent sur la rive doivent être tués de façon humaine, puisque le nettoyage de ces oiseaux est presque inutile.

Les hydrocarbures et les oiseaux ne font pas bon ménage. Le superpétrolier naufragé, crachant une marée noire d’hydrocarbures, est devenu un symbole très évocateur de la pollution des océans et de la manière dont les humains détruisent le milieu naturel. Les oiseaux de mer, trempés et noirs, retrouvés sur les plages et mourants évoquent ce drame.

Photo :Faune et flore du pays. Les hydrocarbures tuent les oiseaux de diverses façons. Le premier effet est la perte de l’imperméabilité de leur plumage.

Suite :

14 août 2018

Le méprisable mépris...

Depuis cinq ans, le 12 août est la journée «J’achète un livre québécois». Je participe avec grand plaisir. J’ai attendu ce jour pour acheter Un dimanche à ma fenêtre de Christian Vézina (publié en mai dernier), comme un cadeau d’anniversaire.  

«J’ai connu Christian Vézina à l’émission Dessine-moi un dimanche, de Radio-Canada...», nous dit Normand Baillargeon dans la préface. «Christian était, et il est toujours, le poète de cette émission, de cette émission dont quelqu’un, quelque part, quelque jour, avait eu la riche idée qu’il lui fallait un poète. Un poète de la cité», poursuit le préfacier. «Son moment arrivé, Christian nous lisait son texte de sa belle et chaude voix. Et nous, nous en studio comme les auditeurs qui l’écoutaient et qui nous l’ont si souvent avoué, étions transportés. Ailleurs. Instantanément. Pour de vrai et par de beau. Sur les ailes de mots et d’images qui parlent juste.»

Moi, à chaque fois que je l’entendais, je me demandais pourquoi Radio-Canada ne vendait pas un DVD/Blu-Ray de ses textes. Ou pourquoi un éditeur ne publiait pas un recueil? Je n’étais pas la seule à le désirer. Alors c’est arrivé.
   Ses textes sont émouvants, colorés, vivants et souvent teintés d’humour. J’ai sélectionné Le mépris parce que la campagne électorale arrive en bulldozeur et que nous risquons de voir des pages et des pages de commentaires méprisants sinon vitrioliques sur le web.

«Les gens exigent la liberté d’expression pour compenser la liberté de pensée qu’ils préfèrent éviter.» ~ Søren Kierkegaard (1813-1855)


LE MÉPRIS
Christian Vézina 

Notre obsession de l’actualité et notre culte du buzz médiatique sont pour moi de l’ordre de l’acouphène intellectuel et sociétal. Tout ce qu’il veut, le buzz, c’est être liké, retweeté, relayé. Il ne cherche pas tant «de quoi il s’agit», définit rarement ce dont on parle et ne nomme pas vraiment, à la limite il prénomme : Éric, Gilbert, Sylvain, Éric. Gilbert... Vraiment? Certainement. Mais il doit pourtant y avoir un nom propre, au sens de proprement malpropre, et commun, au sens vulgaire, à cette famille de gestes largement dénoncés (enfin!) cet automne... Permettez-moi ici d’essayer le mot mépris. Oui je veux parler un instant de ce monstre ordinaire qui traverse nos quotidiens à tous et à toutes, de cette infection de la conscience qui fait qu’abus de pouvoir est devenu un pléonasme.

Mais qu’est-ce que le mépris? Vaste question. Étymologiquement parlant, c’est se méprendre, c’est une erreur de jugement. On se méprend sur le prix des choses ou des êtres. D’ailleurs, mettre un prix sur les êtres c’est toujours se méprendre et les mépriser.

Tiens, quand on parle du loup...

Regardez-le, drapé dans son indifférence ostentatoire. Et feignant maintenant de sourire, mais nous montrant simplement le mur de ses dents, blanchies comme un sépulcre, un sépulcre qui pue des oreilles. Mais non, ne vous inquiétez pas, mes paroles ne le dérangent pas! J’existe si peu pour lui. Écoutez bien son rire; on dirait... un rot de satisfaction de soi-même. Ou bien d’avoir digéré l’autre.

Le mépris est un meurtre tranquille qui se fait à petits coups d’alibis, d’oublis, de froideur, de brutalité ou simplement d’indélicatesses répétées. Il est hypocrite, souvent, le mépris. Il est à la haine ce que le poison est au poignard. Insidieux, il te jette un mauvais sort qui te percera l’ego comme une poupée vaudou. C’est ce court silence humide qui précède phrase assassine faisant semblant d’être banale. Ce regard qui te rend transparent. La grimace que la vanité fait à celui qui n’est pas complaisant. C’est parfois l’amertume montée sur des échasses, le mépris. C’est la bile noire de celui qui a tout mais que rien ne saura satisfaire. C’est souvent un snob, étymologiquement «sine nobile» : un «sans noblesse», qui craint d’être démasqué et lève donc le nez sur le géant dont il ne voit que les chaussettes. Et le voilà qui prend sa marche en bottes à cap sur un trottoir de pieds nus. Une façon de s’élever vraiment pleine de finesse... Tu passes devant les autres dans la file, tu les passes tous au cash, tu passes dans le journal, tu passes à la télé, tu passes à la caisse, tu passes à la radio, tu passes ta main entre les cuisses de chose, c’est bête t’as oublié son nom, tu te passes de leur avis, tu te passes leur poignet, tu passes tout droit devant la chaise où quelqu’un t’attendait, tu renverses le café des conversations. Ce n’est pas de ta faute, tu existes tellement plus que les autres, ces irritants de ton monde schizo et rectangulaire où ce qui est dans l’écran passe pour plus réel que ceux qui sont devant.

Mais tout ça, chose, ne change rien à la réalité. Ni à la vérité. On t’as vu. On te voit. Très bien.

Le mépris, c’est le craquement de ta façade ridiculement démesurée que tu tiens à bout de bras, secondé par tes employés, tes collègues, voire tes proches, tous et toutes bientôt méprisés de s’abaisser à te servir ainsi de porteurs de façade. Quelle réussite! Penses-tu que l’on ne te voit pas malgré le crépitement des flashs, malgré ton show de boucane, petit magicien d’Oz que tu es, manipulateur et terrorisé d’être découvert pour ce qu’il est?

Qu’est-ce que tu dis? JE te méprise? Bien essayé. Non tu me mets en maudit, chose, parce que c’est contagieux, ton affaire. Ça crée des réactions en chaîne, c’est une sournoise moisissure du tissu social, une gangrène émotionnelle qui s’en va vers la guerre, le mépris. Alors je te sers ta propre médecine, je nous soigne à la bave de cobra. Ben oui, j’ai dit «nous». Tu penses peut-être que le mépris est une chose qui t’appartient, te distingue? Que c’est ta légion de déshonneur? Ben voyons, à la première occasion, le moindre frustré, l’amère, l’isolé, l’effrayé, la découragée sautent tous et toutes désespérément sur cette triste joie de seconde main, que dis-je, de dernière main. Le mépris c’est un règlement de comptes avec soi-même en forme de soustraction de l’autre. Veux-tu que je la répète? Tu te méprends, chose, reprends-toi. Le papa du syndicaliste Michel Chartrand lui a dit un jour : «Mon p’tit gars, tu n’vaux pas plus que personne pis personne vaut plus que toi.»

J’ajoute :

Quand tu touches à la peau de quelqu’un, tu touches à sa solitude.

Quand tu parles à quelqu’un, tu le nommes.

Quand tu poses les yeux sur quelqu’un, tu peux le faire disparaître.

Parfois sous un train de banlieue. C’est sérieux.

Le mépris c’est pas une nouvelle. C’est un fléau.

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Quand les Québécois appellent quelqu’un «chose»... Sens : 1° Sert à interpeller un Québécois pour bien lui signifier qu’on le méprise souverainement. 2° Sert à interpeller un immigrant qui a un nom compliqué à dire ou retenir. 3° Un pas grand-chose : un bon-à-rien. (Dictionnaire des Injures québécoises; Yvon Dulude et Jean-Claude Trait; Stanké 1996)
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Christian Vézina est poète, comédien et metteur en scène.
Avant-propos, p. 13 : 
«Depuis trente ans, je dis de la poésie et je la mets en scène. Car il m’apparaît que la poésie est un trésor de l’humanité et je le veux offert à tous. Depuis trente ans, j'amène le littéraire vers l'oralité; aujourd'hui, je fais le chemin inverse. Mais surtout, je prends la parole. Je n’ai rien publié de plus authentique ni de plus personnel que ce petit recueil de textes écrits dans l’urgence de dire.
   Attiser l’attention, aviver le désir, promouvoir la rêverie, convoquer la réflexion, militer pour l’instant, célébrer l’unique, souligner l’éphémère, se moquer du snobisme, se méfier du réalisme, s’émerveiller du réel, frémir du miraculeux, de l’éblouissant mystère d’être là, d’en être conscient et d’y être ensemble... Voilà à peu près le propos de ces quelques pages.» (C. V.)

Photo cueillie sur le site de l'auteur

Un dimanche à ma fenêtre
Christian Vézina
Préface de Normand Baillargeon
Éditions SOMME TOUTE 2018


Site de l’auteur : vous y trouverez les liens de ses segments à Dessine-moi un dimanche et Dessine-moi un été. J’espère qu’en l’écoutant vous courrez acheter son recueil (cette pub est gratuite, je ne le connais pas personnellement).

10 août 2018

Quand on meurt par le feu

À chaque fois que des incendies font rage, je suis infiniment bouleversée et peinée pour les victimes qui perdent des êtres chers et se retrouvent parfois les mains vides. Le pire c’est que la plupart du temps, ces incendies sont dus à la négligence humaine – au Québec, en 2012, l’humain était derrière 80 % des incendies de forêt. 2018 sera probablement une année record en incendies et sinistres de tous genres.

Mais, je suis aussi profondément peinée quand je songe à tous les animaux qui périssent dans ces incendies. Je ne peux imaginer pire supplice que de brûler vif tandis qu’on est encore conscient. Je ne veux pas être sadique, mais je pense qu’il est important de comprendre ce qui se passe dans le corps d’un être vivant – humain et animal : 
   Si le brasier est énorme et très dense, on peut mourir empoisonné au monoxyde de carbone avant que les flammes ne carbonisent le corps – ce qui est une bénédiction puisqu’on ne sentira plus rien. Cependant, si le brasier est de moindre intensité, si les flammes carbonisent le corps graduellement, alors on peut mourir d'hypovolémie (le corps se vide de ses fluides, notamment du plasma sanguin cherchant à «traiter» les brûlures), ou bien simplement d'une «décomposition thermique» durant laquelle la chaleur provoque la rupture des molécules. Ce qui rejoint la description d’une femme qui a vu quelqu’un brûler sans pouvoir intervenir : «Je ne savais pas qu’on saignait quand on meurt par le feu. Je pensais que le sang s’asséchait tout d’un coup dans cette effroyable chaleur. Il s’est mis à saigner abondamment; le sang se répandait à flots en sifflant dans les flammes. Le pire était les yeux. Il essayait de fermer les paupières, mais il ne pouvait pas. Alors les flammes ont commencé à lui arracher les yeux... Je n’ai rien vu de plus terrifiant de ma vie.»

Et puis, la cruauté humaine n’a aucune limite : la tauromachie a été abolie en Espagne, et c'est heureux, mais certains villageois pratiquent encore une coutume qui consiste à incendier des taureaux vivants et à les laisser brûler jusqu’à ce qu’ils expirent...

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La poète Élyane Rejony sur les oubliés des catastrophes


Incendies en Catalogne en juillet 2012
Samedi, 4 août 2012 

Photo : AFP / Lluis Gene. Troupeaux décimés en Catalogne.  

[...] Je pense beaucoup à ces gens morts, poursuivis par les flammes, sans issue. Je pense à ces gens qui ont vu brûler leur maison. A ceux qui ont eu très peur, qui s'en sont sortis, qui ont abandonné leur véhicule pour fuir. La douleur humaine se partage «naturellement», surtout lorsqu'elle est servie en spectacle sur un plateau au moment de l'apéritif.
   Je crois que l'empathie réelle ne doit pas se contenter de notre anthropocentrisme culturel. Mes pensées empathiques se tournent aussi vers les êtres les plus humbles, les plus oubliés. Les animaux souffrent autant que nous en brûlant. Je pense à leur détresse et à leur douleur : comme nous ils ont peur, ils essaient de fuir mais parfois ils sont attachés ou enfermés. Et ils ont mal, et ils hurlent, comme les humains qui se consument.
   On nous parlera peut-être, en passant, des milliers de «bêtes» qui rapportent de l'argent (et encore), et je comprends bien l'intérêt légitime des hommes.
   Dans notre monde où la sensiblerie est bien plus vilipendée que le cynisme ou la cruauté, il ne me paraîtrait pas superflu d'évoquer, en passant, le fait que de nombreux êtres vivants sont morts dans les incendies. Juste pour rappeler que les êtres humains ne sont pas les seuls êtres vivants de la planète. Mais que vaut un être vivant s'il n'est pas un humain? Rien du tout. Notre société se moque déjà de la vie humaine, alors pensez, les animaux…
   On nous répète en boucle que la prise de conscience écologique avance, que l'humain comprend enfin l'importance du reste de la nature en dehors de lui. L'environnement, les biotopes, la faune, la flore... Tu parles!
   Mon avis de poète paraîtra peut-être étrange à ceux qui oublient que les animaux ont un cerveau, un système nerveux, et qu'ils souffrent, qu'ils ont peur, comme nous. Dans le regard éperdu d'un chien ou d'un chat recueilli, on peut lire la reconnaissance et l'affection, que l'on ne voit d'ailleurs pas briller dans les yeux de tous les humains. Alors?
Les poètes sont là pour faire penser à ce qui s'oublie facilement. Je n'aime ni le racisme, ni le sexisme, ni l'espécisme.

J'ai écrit, il y a des années, ce petit texte, pour ne pas oublier les détails «inutiles».

Flammes

Dans le grand incendie des collines, dévoreur de sève et de sang,
Sous les hurlements sauvages du feu
personne n'entend
crépiter les souris, les musaraignes au fin minois,
brûler vivants les petits lézards, les orvets et les salamandres,
les biches, les marcassins, les blaireaux, les furets,
s'étouffer les oisillons au nid,
craquer les tortues calcinées, les fourmis consumées,
les coccinelles carbonisées,
Suffoquer les petits lapins épouvantés dans leur abri,
personne n'entend
Milliers de victimes minuscules,
vivantes, muettes
Humbles vies palpitantes d'espoir
comme nous,
effacées du monde sans ménagement
effacées de la vie
et du monde vivant
sans empathie
oubliées des journalistes et des bilans
niées
effacées
ignorées des braves gens.
Braves gens.


D'après les premières enquêtes, le feu serait parti d'un mégot... Un mégot. Un humain serait donc responsable du désastre. Mas il a droit, lui, par sa seule nature d'humain, à l'empathie humaine. Pourtant les animaux, que nous méprisons officiellement, puisqu'ils n'ont juridiquement que le statut d'objet, ne jettent jamais de mégot. 

 

5 août 2018

L'impact émotionnel du viol de notre habitat

J’ignorais jusqu’à hier, qu’il existait un néologisme, la solastalgie, pour décrire ce désarroi et cette tristesse que je ressens face à la destruction de notre environnement individuel et planétaire, que j’exprimais ainsi récemment : «C’est dur, dur, dur pour les gens de mon âge de voir la terre se salir, s’enlaidir et se déglinguer de telle sorte. Alors en effet, il faut se faire un «cœur de bois», sinon de pierre, pour ne pas pleurer tout l’temps. C’était un monde d’une immense beauté. Et je ne dis pas ça par romantisme nostalgique, c’est un fait.» (La mer qu’on «voyait» danser, publié le 4 juillet 2018)

La solastalgie est un concept développé par le philosophe Glenn Albrecht pour donner plus de sens et de clarté à la détresse provoquée les changements environnementaux. Contrairement à la nostalgie – la mélancolie ou le mal du pays vécu par les individus lorsqu'ils sont séparés de leur lieu d’origine – c’est être privé de l’essence même de son environnement dans la réalité présente, dont s’ensuit un sentiment de ne plus se sentir chez soi sur son propre territoire.

Close-up d’un tableau de Léon Cogniet (1794-1880), Le Massacre des Innocents.  

Souffrez-vous de «solastalgia»?
Isabelle Paré | Le Devoir | 18 avril 2015

Pour la première fois de son histoire, l’humanité fait face à la destruction potentielle de son unique habitat : la planète. Cette menace altère non seulement nos comportements, nos interactions sociales, mais la psyché même des individus, affirme Glenn Albrecht, philosophe de l’environnement et professeur au Département d’études environnementales de l’Université de Murdoch, en Australie. L’instigateur du concept de «solastalgia» nous parle de ce nouveau mal-être, à l’aube des changements climatiques. Entrevue.

Les changements climatiques ont des impacts connus sur la santé mentale et physique des populations. En inventant le concept de «solastalgia», vous avez poussé plus loin cette réflexion, pour décrire l’impact psychologique causé par la détérioration de l’environnement sur la conscience et le bien-être des collectivités et des individus. De quoi s’agit-il?
   Glenn Albrecht : Comme philosophe de l’environnement, mon travail m’a amené à travailler avec des fermiers qui vivaient dans une vallée luxuriante du sud de l’Australie, qui pourrait être décrite comme la Toscane des antipodes. Depuis 20 ans, l’exploitation effrénée de mines de charbon à ciel ouvert dans la vallée de Hunter, dans New South Wales, a transformé leur vie en enfer. Des explosions ponctuent leurs journées, les cours d’eau ont été pollués et d’immenses projecteurs éclairent les sites d’extraction nuit et jour. Ces gens sont venus me voir. Ils étaient en détresse, habités par une sorte de nostalgie permanente. Ils n’étaient pas privés de leur habitat, mais avaient le mal du pays. Or il n’existait pas de mot pour décrire cet état d’impuissance et de détresse profonde causé par le bouleversement d’un écosystème. Pour cette raison, j’ai développé le concept de «solastalgia», qui signifie «être privé de l’essence même de son environnement».

Comment est né ce néologisme, aujourd’hui cité et repris par de nombreux scientifiques et chercheurs concentrés sur l’impact psychologique des changements climatiques?
   Ce sentiment se rapproche de la nostalgie ou de la mélancolie, qui, jusqu’au début du siècle, était considérée comme un trouble médical. Mais je ne suis pas médecin. Je décris plutôt un état, un sentiment profond vécu par des gens qui souffrent du mal du pays, en raison des mutations de leur habitat, même si, paradoxalement, ils sont encore chez eux. Je me suis inspiré du terme anglais «solace», qui renvoie au sentiment de réconfort et de soulagement, pour créer la solastalgia. Cet état décrit la détresse causée par la perte lente mais chronique des paramètres familiers liés à l’environnement d’un individu. Le rapport à l’environnement fait partie des éléments essentiels à l’équilibre mental humain. En ce sens, la perte de notre environnement a un impact direct sur l’état de notre conscience.

S’agit-il d’un état ou d’un trouble psychologique, pouvant aller jusqu’à affecter la santé mentale?
   Je suis un philosophe, un existentialiste, j’analyse le rapport de l’humain à la Terre et ne prétends pas contribuer à la science médicale. L’humain est un animal qui peut être rationnel et scientifique, mais aussi un animal émotif. J’ai voyagé à d’autres endroits dans le monde où l’on observe des populations affectées par cet état de solastalgia, cette détresse liée au bouleversement de leur environnement. Ces conditions, que j’appelle «psychoterratiques», renvoient à toutes les émotions et tous les sentiments découlant du lien entre la psyché et la Terre. Les concepts d’écoanxiété et d’écoparalysie ont aussi été décrits dans la littérature, mais ces termes ne font pas référence à des pathologies médicales qui peuvent être guéries par la médecine. Ce sont des états, des émotions.

Si les gens souffrent émotivement de l’impact des changements climatiques, comment expliquer l’absence d’actions et de réactions de la majorité des gens, et surtout des dirigeants, face à la menace causée par le réchauffement climatique?
   Certaines personnes vivent directement l’impact des changements climatiques. Parlez-en aux habitants de La Nouvelle-Orléans qui ont vécu l’ouragan Katrina. Le taux de détresse psychologique y a bondi, notamment chez les plus démunis. Le problème est que la majorité des gens en Occident ne sont pas encore touchés par les impacts du réchauffement climatique. Ce danger est encore perçu comme une menace lointaine. En plus de l’ignorance, la surabondance d’information et la désinformation sur les changements climatiques finissent par entraîner chez le commun des mortels aussi une sorte d’écoparalysie. On parle même d’écoconfusion, un sentiment qui survient quand les gens se sentent impuissants et incertains face à une menace réelle, surtout quand leurs propres dirigeants, notamment le vôtre au Canada, répondent par le déni ou tout simplement par la stupidité.

Photographe : Serge Horta, Shanghaï Fog. https://www.saatchiart.com/sergehorta

L’instinct de survie propre à l’homme, observé lors de cataclysmes naturels ou d’autres catastrophes causées par l’homme comme les guerres, ne finira-t-il pas par prendre le pas sur toutes ces autres émotions qui expliquent l’immobilisme actuel?
   La question des changements climatiques est un enjeu global. Or, comme espèce, l’humain a évolué dans des habitats dont l’échelle est d’abord régionale. La mondialisation de la culture a aussi éloigné les hommes de la réalité de ces écosystèmes régionaux et des cycles naturels de la nature. Dans ses travaux, Peter Louv parle de nature-deficit disorder pour décrire certains enfants de la dernière génération, constamment branchés à leur téléphone et à leur ordinateur, qui grandissent sans développer aucune conscience ni lien avec leur habitat naturel. Comment peut-on espérer que, à l’âge adulte, ces enfants éprouvent la moindre empathie avec la nature si leur vie est concentrée sur un monde virtuel?

Pourtant, ce sont des adultes comme vous et moi qui n’ont pas grandi dans cette culture mondialisée et dopée par Internet qui prennent les décisions qui seront décisives pour l’avenir de l’humanité.
   Les adultes souffrent aussi de ce que je surnomme à la blague le nature out overdose disorder. Nous sommes comme les naïfs du Na’vi dans Avatar. L’omniprésence de la technologie nous distrait des vrais problèmes. Le monde est inondé d’informations triviales qui expliquent cette indifférence généralisée. C’est tellement plus facile d’être distrait par les fesses de Kim Kardashian et les vidéos de chats que de se concentrer sur les enjeux cruciaux. Cela est pathétique.

Vous n’avez pas l’air très optimiste à propos de la capacité de l’être humain de se ressaisir pour changer ce qui semble inéluctable?
   Il y a un réel effet de décalage entre nos actions immédiates et l’impact attendu sur le réchauffement de la planète. Si nous reportons les actions essentielles pour agir sur le climat, notre comportement devra forcément changer pour s’ajuster à la hausse des températures et à la destruction des écosystèmes. À ce stade, il sera trop tard pour stopper la destruction d’une partie de la planète et beaucoup de gens vont en souffrir. Ce que j’appelle aujourd’hui la solastalgia sera un pique-nique, comparativement à l’intensité de la détresse que causeront les pandémies, les conflits causés par la diminution des ressources disponibles et le chaos social causé par l’effondrement de l’agriculture et des pêcheries. Il faut agir maintenant pour empêcher cela d’arriver.

Croyez-vous qu’on peut encore changer le cours des choses?
   Oui, je crois que les choses peuvent changer. Des mouvements sociaux importants s’organisent, comme ceux menés par Bill McKibben (NDLR : leader du groupe 350.org et du mouvement Step It Up, un mouvement national pressant le Congrès américain d’agir pour stopper le réchauffement climatique) ou Naomi Klein (star anticapitaliste, auteur de No Logo, devenue récemment activiste dans la lutte contre les changements climatiques). Mais, pour cela, il faudra passer d’une époque anthropocène (marquée, depuis la fin du XVIIIe siècle, par l’influence prédominante de l’être humain sur la biosphère), à la «simbioscène», une ère où l’homme devra apprendre à vivre en symbiose avec la planète pour assurer sa propre survie.


Have you ever felt “solastalgia”?
Ever feel unease the natural environment around you is changing for the worse?

By Georgina Kenyon
BBC Future | 2 November 2015

Philosopher Glenn Albrecht once coined one such word while working at the University of Newcastle in Australia. 'Solastalgia’ – a portmanteau of the words ‘solace’ and ‘nostalgia’ – is used not just in academia but more widely, in clinical psychology and health policy in Australia, as well as by US researchers looking into the effects of wildfires in California.
   “It describes the feeling of distress associated with environmental change close to your home, solastalgia is when your endemic sense of place is being violated.” – Glenn Albrecht, philosopher
   Meanwhile, Justin Lawson from Melbourne’s Deakin University explains solastalgia in less academic terms, saying The Eagles’ song No More Walks in the Wood can help people understand it, which laments the disappearance of a forest associated with powerful memories. “It really is about redefining our emotional responses to a landscape that has changed within a lifetime.”
   These changes to the landscape can come from natural processes (such as drought and bushfires) or human-induced processes such as climate change and urbanisation.
   Australia is looking into instances of solastalgia that occur in developing countries such as Indonesia, following natural disasters such as volcanic eruptions, finding that the loss of housing, livestock and farmland, and the ongoing danger of living in a disaster-prone area, challenge a person’s sense of place and identity and can lead to depression.
   Yet, despite its meaning, the man who coined solastalgia isn’t despairing. “I am an optimistic person and I do a lot to reverse the push for development that will create more climate change and by implication, more solastalgia,” concludes Albrecht. [...]

Une excellente interprétaiton et mise en scène de la chanson 

Desert Highway Band
A tribute to The Eagles



"No More Walks in the Wood"

No more walks in the wood
The trees have all been cut down
And where once they stood
Not even a wagon rut
Appears along the path
Low brush is taking over

No more walks in the wood
This is the aftermath
Of afternoons in the clover fields
Where we once made love
Then wandered home together
Where the trees arched above
Where we made our own weather
When branches were the sky
Now they are gone for good
And you, for ill, and I
Am only a passer-by

We and the trees and the way
Back from the fields of play
Lasted as long as we could
No more walks in the wood

Eagles Band – writer(s): Don Henley, John Frederick Hollander