30 juin 2017

Les reliques patriotiques

Le patriotisme c’est penser par soi-même.
La pensée critique : l’autre déficit national.
Je suis politiquement incorrecte et fière de l’être.

Je ne célèbre pas les fêtes patriotiques – ni la Saint-Jean ni le Canada Day. Je ne suis ni fédéraliste ni séparatiste. Par contre, le fait que le Canada soit encore sous la tutelle de la monarchie britannique me dérange royalement. Tous les pays devraient être libres de toute ingérence extérieure, monarchique ou économique.   

Le tournant géopolitique de 1867 fit rapidement progresser le génocide des Autochtones, semble-t-il. Alors, inviter Charles et Camilla... Mais bon, beaucoup de Canadiens anglais sont encore en admiration béate devant la «monarchie»... en 2017! 

«...le désir de l'ordre veut transformer l'univers humain en un règne inorganique où tout marche, où tout fonctionne, où tout est assujetti à une règle supérieure à l'individu. Le désir de l'ordre est en même temps désir de mort, parce que la vie est perpétuelle violation de l'ordre. Ou, inversement, on peut dire que le désir de l'ordre est le prétexte vertueux par lequel la haine de l'homme justifie ses forfaits.» ~ Milan Kundera (La valse aux adieux)

Je trouve honteux de gaspiller tant d’argent pour recevoir avec faste des dignitaires, des monarques, des ministres ou autres qui ne valent pas plus que n’importe quel humain en ce bas-monde, quel que soit leur statut, leur rôle ou leur origine. Cet argent pourrait être utilisé à meilleur escient. La paupérisation se répand comme feu de brousse même dans les pays dits riches, alors cet étalage d’opulence est d’autant plus odieux et ridicule.

Mon bien-aimé Mark Twain disait : 
«Je souhaiterais vivre cinquante ans de plus; je crois que je verrais les trônes de l'Europe vendus aux enchères contre du vieux fer. Je crois que je verrais réellement la fin de ce qui est sûrement la plus grotesque de toutes les escroqueries jamais inventées par l'homme : la monarchie. Il y a imposture et imposture; il y a fraude et fraude, mais la plus limpide de toutes est celle des couronnés.
   Nous voyons les monarques se rencontrer et passer à travers des cérémonies solennelles, des farces, avec une contenance impassible; mais en privé ils doivent bien se marrer...» (Letter to Sylvester Baxter of Boston Herald, 1889)

Photo : Maclean’s News 

«Il y a plusieurs choses cocasses dans ce monde; parmi elles, la notion que l’homme blanc est moins sauvage que les autres sauvages.» ~ Mark Twain (Following the Equator)

Donc à l’occasion du Canada Day, je veux rendre hommage aux Autochtones (vidéo ci-après). Il se pourrait que la GRC leur demande de démanteler leurs tipis installés sur la colline parlementaire à Ottawa, malgré l’entente intervenue avec M. Trudeau. On ne peut pas aller simultanément au nord, au sud, à l’est et à l’ouest, et je suppose que M. Trudeau est assez intelligent pour savoir cela. Peut-être qu’il est sincère quand il dit une chose, et le contraire le lendemain. Mais il pourrait éventuellement se retrouver dans d’beaux draps.

Florent Vollant - Tshishe Manitu - Innu - Anishinabe – Anishnawbe
(photos d'archives)



La version originale de l’hymne national Ô Canada est absolument ahurissante. On était loin de la séparation de l’Église et de l’État! Il serait temps de changer du tout au tout. Il s’agit d’un poème du juge Adolphe-Basile Routhier; Calixa Lavallée composa la musique d’accompagnement (1880). Plusieurs versions anglaises furent proposées dans les années suivantes, dont celle de l'avocat montréalais Robert Stanley Weir en 1908. Mais pour plusieurs anglophones, l'hymne britannique «God save the queen» demeura longtemps leur chant préféré. C'est en 1980, peu avant le référendum et exactement un siècle après son inauguration à Québec, que l'oeuvre de Routhier et Lavallée fut adoptée à Ottawa comme hymne national du pays. L'hymne des anciens Canadiens français devenait ainsi celui de tout le pays. La version anglaise est basée sur l’adaptation de Weir, qui fut modifiée par un comité du Sénat et de la Chambre des communes. La version originale française n'a jamais été modifiée mais plutôt raccourcie.

Texte original du juge Routhier :

Ô Canada! Terre de nos aïeux,
Ton front est ceint de fleurons glorieux!
Car ton bras sait porter l'épée,
Il sait porter la croix!
Ton histoire est une épopée
Des plus brillants exploits.
Et ta valeur, de foi trempée,
Protégera nos foyers et nos droits,
Protégera nos foyers et nos droits.

Sous l'oeil de Dieu, près du fleuve géant,
Le Canadien grandit en espérant.
Il est né d'une race fière,
Béni fut son berceau.
Le ciel a marqué sa carrière
Dans ce monde nouveau.
Toujours guidé par sa lumière,
Il gardera l'honneur de son drapeau,
Il gardera l'honneur de son drapeau.

De son patron, précurseur du vrai Dieu,
Il porte au front l'auréole de feu.
Ennemi de la tyrannie
Mais plein de loyauté,
Il veut garder dans l'harmonie,
Sa fière liberté;
Et par l'effort de son génie,
Sur notre sol asseoir la vérité,
Sur notre sol asseoir la vérité.

Amour sacré du trône et de l'autel,
Remplis nos coeurs de ton souffle immortel!
Parmi les races étrangères,
Notre guide est la loi:
Sachons être un peuple de frères,
Sous le joug de la foi.
Et répétons, comme nos pères,
Le cri vainqueur : «Pour le Christ et le roi!»
Le cri vainqueur : «Pour le Christ et le roi!»

En passant, le Canada était un immense et magnifique territoire qui méritait d’être protégé en tant que lieu de vie, notamment pour sa riche biodiversité. Il aurait fallu que des élus conscients mènent sa destinée. Dommage.

24 juin 2017

Quelques 24 juin marquants

Affiche de la Fête nationale du Québec 2017 – magnifique :  


Le harfang des neiges (Nyctea scandiaca) a été choisi par l'Assemblée nationale comme emblème aviaire officiel du Québec en 1987. Il symbolise la splendeur des hivers québécois ainsi que l'importance de la conservation de l'environnement. Le Harfang des neiges a le corps plutôt trapu et une tête ronde sans aigrettes qui facilite son identification. Mais ce sont surtout sa grosseur et sa couleur qui le distinguent des autres hiboux.

Parmi ses caractéristiques :
La tête peut pivoter en décrivant un tour presque complet (270 degrés) pour compenser son champ de vision restreint.
Le harfang possède une excellente vision diurne et nocturne qui lui permet de déceler des mouvements à 1 km de distance.
L'ouïe est remarquable. Les sons sont captés par le disque facial qui les réfléchit et les amplifie.
Les pattes sont puissantes et les doigts fortement emplumés.

Le plus grand prédateur du harfang des neiges est… l’humain! En effet, les fils électriques, les structures, les automobiles et l’abattage constituent une grande menace pour le harfang lorsqu’il s’installe plus au sud.

Au Québec, les oiseaux de proie sont protégés en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune. Cette loi interdit, en tout temps, de chasser, de piéger ou d'avoir en sa possession un oiseau de proie (vivant ou mort).

(Source : gouvernement du Québec)

L’origine de la Fête de la Saint-Jean

La Saint-Jean (ou Nativité de Saint Jean Baptiste) était une fête chômée en France, avant le Concordat de 1801. Elle donnait l'occasion de célébrer le solstice d'été... Très populaire, cette fête donnait lieu en maints endroits à des feux de joie et il était de tradition que les jeunes gens sautent par-dessus les flammes. Les feux de joie ont à peu près disparu en France mais leur fonction de réjouissance s'est reportée sur les feux d'artifice... 
     Au Québec, où subsistent maintes lois de l'Ancien Régime, la Saint-Jean est toujours une fête chômée. Elle est devenue, dès 1834, une occasion de célébration patriotique, à l'initiative de Ludger Duvernay, fondateur de la Société Saint-Jean-Baptiste. Depuis 1977, c'est même officiellement la Fête nationale du Québec par une décision du gouvernement de René Levesque. Elle donne lieu à des concerts en plein air, à des agapes communautaires et à un défilé où les Québécois s'en donnent à coeur joie. On danse autour des feux de joie et on boit beaucoup aussi. 
     La Saint-Jean demeure aussi très populaire en Europe centrale, par exemple à Riga, en Lettonie, où les fêtes, danses et feux de joie s'étirent sur deux jours et deux nuits...

C’est arrivé un 24 juin...

24 juin 1497 : Jean Cabot aborde à Terre-Neuve

Réplique du navire de Cabot (à Bristol) 

Le 24 juin 1497, le Matthew aborde aux îles plus tard appelées Cap-Breton et Terre-Neuve, à l'embouchure du fleuve Saint-Laurent (Canada). Le capitaine est un Génois du nom de Giovanni Caboto (ou Jean Cabot), au service du roi d'Angleterre...

24 juin 1872 : Disraeli exalte les conquêtes coloniales


Le 24 juin 1872, dans le Crystal Palace, le somptueux palais des expositions londonien inauguré vingt ans plus tôt par le prince Albert, Benjamin Disraeli, chef de l'opposition conservatrice, prononce un retentissant discours dans lequel il se propose de promouvoir l'empire colonial britannique (uphold the Empire of England», dit-il). 
     Auparavant, les conquêtes coloniales étaient le fait de compagnies marchandes ou d'aventuriers et les gouvernements ne s'y engageaient qu'avec réticence car ils n'y voyaient que des sources de difficultés. On peut dater du discours de Disraeli la naissance de l'impérialisme anglais et plus largement européen, marqué par les péripéties de la «course au drapeau» en Afrique et en Asie. 
     La même année, le 7 avril 1872, Léon Gambetta, un fougueux républicain français, lance à Angers : «Pour reprendre véritablement le rang qui lui appartient dans le monde, la France se doit de ne pas accepter le repliement sur elle-même. C'est par l'expansion, par le rayonnement dans la vie du dehors, par la place qu'on prend dans la vie générale de l'humanité que les nations persistent et qu'elles durent; si cette vie s'arrêtait, c'en serait fait de la France».

[On dit que concernant le Brexit, Theresa May emprunterait aux tactiques de Benjamin Disraeli...]

24 juin 1948 : Le blocus de Berlin


Le 24 juin 1948, les Soviétiques qui occupent depuis 1944 l'Allemagne orientale, entament le blocus de l'enclave de Berlin-Ouest. Il s'agit d'une fraction du Grand-Berlin (883 km2 et 2,3 millions d'habitants) concédée aux Alliés occidentaux et partagée en trois zones d'occupation (anglaise, américaine, française)...

24 juin 2007 : Crise des «subprimes»


Le 24 juin 2007 est annoncée la faillite de Queen's Walk, un fonds spéculatif de couverture («hedge funds») qui appartient à la puissante banque d'investissements américaine Bear Stearns. Ainsi le monde de la finance et l'opinion publique découvrent-ils la «crise des subprimes», prêts bancaires à taux évolutif accordés sans précaution à des ménages américains pauvres et virtuellement insolvables. Comme la plupart des banques de la planète détiennent ces créances douteuses, la panique s'empare des marchés boursiers...

Source des sélections : https://www.herodote.net/almanach-jour-0624.php

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23 juin 2017

Une relation ambigüe

Le chat Kanada et le pigeon Kébec. Anecdote : un de mes chats a cessé de tuer des oiseaux après avoir été mordu par un raton-laveur; il a failli perdre un oeil. Étrange. Avait-il appris une leçon? On dit que chaque personne qu'on rencontre est soit une bénédiction, soit une leçon. Avez-vous l'impression qu'il y a plus de leçons que de bénédictions?...  

Cette image peut aussi symboliser la proportion d'anglophones (56,9 %) et de francophones (21,3%) au Canada (statistiques 2011). En Amérique du Nord, les francophones sont des naufragés perdus au milieu d’un océan d’anglophones. Comment préserver son identité linguistique et culturelle en pareil contexte? Hum...

Citations du jour :

«Quand les fables politiques parlent d'animaux, c'est que probablement les temps sont inhumains.» ~ Stanislaw Jerzy Lec, écrivain polonais (1909-1966)

«Est-il absolument inévitable qu’il y ait antagonisme entre l’intérêt de l’individu et celui de la collectivité? – Probablement que non. Mais l’on peut, aussi, se demander, pourquoi notre terre, qui pourrait être d’un séjour passablement agréable pour des êtres intelligents, est transformée en enfer par la stupidité de ses habitants.» 
~ Alexandra David-Néel (Correspondance, 1940-1946)

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21 juin 2017

Les oiseaux ne savent plus voler

En fait l’histoire qui suit est celle de tous les peuples colonisés par les grandes puissances. Et l’histoire se répète encore et encore sur tous les continents...

WAZOS ÉTONNÈRES de Christine Sioui-Wawanoloath 
Photo : Tiré de TicArtToc #8. Artistes et penseurs autochtones remplissent les pages du huitième numéro de TicArtToc, une revue consacrée à «la diversité dans les arts et la culture à Montréal», lancée cette semaine par Diversité artistique Montréal (DAM).
http://ici.radio-canada.ca/espaces-autochtones

La légende des oiseaux qui ne savaient plus voler
Christine Sioui Wawanoloath (1)

[Extrait] 

Au début, les oiseaux verts les avaient laissés faire. Ils avaient même offert aux oiseaux jaunes de les aider. Ils voulurent également leur apprendre à voler car, d’après leurs enseignements, tous les oiseaux étaient égaux et libres et devaient cohabiter en paix. Les oiseaux jaunes ne voulaient pas voler. Tout ce qu’ils voulaient, c’était rapporter le plus de feuilles possible au continent jaune. Lorsqu’ils virent que les oiseaux jaunes venaient de plus en plus nombreux et qu’ils décimaient les arbres, les oiseaux verts comprirent qu’il y avait du danger à les laisser occuper leur continent.
     Les oiseaux verts essayèrent de repousser les oiseaux jaunes. Ce fut peine perdue. Les oiseaux jaunes étaient bien trop armés avec leurs filets et leurs esclaves volants. Des milliers d’oiseaux verts moururent aux champs de bataille. D’autres succombèrent aux maladies apportées par les oiseaux jaunes, maladies qu’ils ne pouvaient pas guérir par leurs plantes. À cela s’ajouta la famine quand leurs réserves de vivres étaient saccagées. Un groupe d’oiseaux verts s’enfuit vers le nord, au-delà des montagnes. 
     Après de longues années, la paix fut rétablie. La défaite des oiseaux verts était complète. Dorénavant, les oiseaux jaunes formaient un groupe bien supérieur en nombre à celui des oiseaux verts. Néanmoins, les oiseaux jaunes leur laissèrent encore la possibilité de vivre plus ou moins comme ils l’avaient toujours fait.
    Mais rien n’était plus comme avant pour les oiseaux verts. Au contact des oiseaux jaunes, leur mode de vie avait considérablement changé. Par exemple, les oiseaux jaunes leur avaient envoyé les Jaunes Meilleurs qui étaient les gardiens de la croyance de Jaune Suprême. Les Jaunes Meilleurs étaient chargés d’apprendre aux oiseaux verts qu’il était fou de croire en deux Créateurs. Ils affirmaient que les compagnes devaient se limiter à pondre des œufs en silence. De plus, ils disaient que tous devaient obéir et être soumis au représentant Jaune Brillant, l’empereur qui veillait à leurs besoins et qui déciderait de tout pour eux. 
     Les oiseaux verts avaient terriblement souffert au cours des interminables guerres contre les oiseaux jaunes. Ils avaient perdu, entre autres, la joie de vivre qui les caractérisait si bien par leurs chants et leurs danses dans le ciel. Les grands sages, mâles et femelles, avaient succombé depuis longtemps aux maladies et surtout, à la peine qu’ils avaient eue de ne pas avoir réussi à garder la paix. Les enseignements des Créateurs avaient plus ou moins péri avec eux. Maintenant, les oiseaux verts s’en souvenaient à peine. Quant aux chants et aux danses, les Jaunes Meilleurs les avaient formellement interdits sous peine de la corde à patte, un châtiment qui avait pour but de retenir un oiseau prisonnier au sol. 
     La vie des oiseaux verts se limitaient donc à faire l’échange de fruits et de feuilles décoratives que convoitaient les oiseaux jaunes. Bientôt, on ne put trouver ces denrées que dans les endroits les plus reculés du continent. Comme les oiseaux verts étaient les seuls à connaître le territoire et comme ils apportaient des fruits et des feuilles décoratives aux oiseaux jaunes, ceux-ci les laissèrent relativement libres de circuler partout. 
     En échange des marchandises tant convoitées, les oiseaux jaunes donnaient aux oiseaux verts des petites fleurs roses sucrées et séchées que l’on nommait les karies. Celles-ci poussaient en abondance sur le continent bleu. Les oiseaux jaunes donnaient aussi aux oiseaux verts de petites graines noires, le bribri, qui poussaient en abondance sur le continent jaune. Une fois avalées, ces petites graines produisaient un effet hilarant. Ceux qui en prenaient se sentaient soudainement très joyeux. Ils en prenaient donc davantage. Cependant, le bribri consommé en trop grande quantité produisait l’effet contraire. Les oiseaux devenaient tristes, puis coléreux et soupçonneux. Ils finissaient généralement par se battre entre eux à coups de griffes et de becs. On assistait alors à «la grande volée». Les plumes volaient partout et certains en sortaient très amochés et même handicapés par la perte d’un œil ou d’une aile à jamais brisée. 
     Les compagnes avaient gardé leur bon sens, mais elles devaient toujours rester au nid pour prendre soin des poussins. Quand elles essayaient de raisonner avec les oiseaux mêles à propos de leur comportement, ils se moquaient d’elles. Les mâles rappelaient à leurs compagnes qu’elles n’avaient rien à dire et qu’elles devaient se contenter de pondre et de faire le nid. D’ailleurs, les oiseaux jaunes qui s’occupaient de troquer la marchandise ne le faisaient qu’avec les oiseaux verts mâles. Ceux-ci avaient donc le contrôle sur tout. Il était loin le temps où les oiseaux verts, mâles et femelles, vivaient ensemble en harmonie se relayant pour couver les œufs et pour aller chercher la nourriture. Désormais, les femelles devaient attendre que le mâle rapporte la nourriture au nid. Elles se consolaient un peu en croquant les karies sucrées et, comme elles ne bougeaient pas beaucoup, elles se mirent à engraisser. 
     Cette période de liberté contrôlée ne devait pas durer pour les oiseaux verts. Le continent jaune devenait surpeuplé et les oiseaux jaunes immigraient massivement vers les continents vert et bleu à la recherche d’espace et de nourriture. Au fur et à mesure qu’ils occupaient un continent, ils apprenaient à se débrouiller et à l’explorer. Bientôt, ils commencèrent à faire eux-mêmes le troc des marchandises. Les oiseaux jaunes n’avaient donc plus besoin des oiseaux verts pour le commerce. 
     Les oiseaux verts pouvaient toujours voler, mais de moins en moins bien. L’art de la danse et du chant ne se perpétuait plus chez eux depuis longtemps. Cependant, il leur restait toujours la liberté de voler. Mais cela énervait le représentait de Jaune Suprême et les Meilleurs. Ils pensaient que voler était dégradant pour les oiseaux évolués et qu’il fallait réprimer cette pratique chez les oiseaux verts. Ils décidèrent d’inventer une loi spéciale pour eux. Désormais, ils devaient se couper les plumes de vol sous peine de la corde à patte s’ils ne le faisaient pas. Cela leur donnerait, disait la Loi, l’avantage et le privilège d’être égaux aux oiseaux jaunes qui avaient aboli depuis longtemps cette coutume barbare de voler comme des oiseaux primitifs. 
     De plus, pour assurer leur bien-être et leur sécurité, ils devaient habiter dans un enclos. Dorénavant, seuls les mâles pouvaient en sortir pour rapporter la nourriture qui poussait au ras du sol et seulement sous surveillance. S’ils avaient des surplus, ils pouvaient les échanger librement contre des karies et contre des graines de bribri. En réalité, les oiseaux jaunes voulaient cacher les oiseaux verts et les enfermer dans des enclos afin que tout le continent leur appartienne. 
     Les oiseaux verts essayèrent de s’adapter à leur nouvel environnement du mieux qu’ils purent. Mais ils n’étaient pas heureux. En fait, leur seul bonheur était de se faire raconter par les plus âgés de très vieilles histoires qui relataient que leurs ancêtres pouvaient voler dans le ciel. Les oiseaux verts ne croyaient pas que c’était vraiment possible. Après plusieurs générations, ils n’avaient plus besoin de se couper les plumes de vol. Leurs ailes s’étaient atrophiées par un manque général d’exercice. De toute façon, ils ne savaient pas à quoi pouvaient bien servir des ailes. Néanmoins, ils étaient fascinés par ces récits de la liberté qu’auraient eue leurs ancêtres.

(Dépasser la violence. Précédé de La Légende des oiseaux qui ne savaient plus voler, Montréal, Femmes autochtones du Québec, 1995, p. 13-18)

Source : Littérature amérindienne du Québec / Écrits de langue française; Maurizio Gatti, Bibliothèque Québécoise, octobre 2009

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(1) Née à Wendake (Village Huron) en 1952, Christine Sioui Wawanoloath est Wendat par son père et Abénaquise pas sa mère. Peintre et illustratrice, elle vit à Odanak (Centre du Québec). Elle a inventé cette légende, pour décrire, dans un style allégorique, comment est née la violence dans un monde peuplé d’oiseaux, plutôt que de proposer un ouvrage résumant des centaines d’années d’histoire. Cette transposition dans le monde des oiseaux permet au lecteur de réfléchir avec recul à la condition amérindienne actuelle.

20 juin 2017

Renversant!


@Twittakine – Le lait aux fraises* vient de vaches roses, et le lait au chocolat vient de vaches brunes. Ne cherchez plus pourquoi Donald Trump a été élu président.

  

États-Unis : 16,4 millions d'Américains pensent que le chocolat au lait vient de vaches marron  

L'équivalent de la population de l'État de Pennsylvanie ne connaîtrait pas la composition du lait au chocolat.

Si le lait provient de vaches blanches, il serait logique que le lait au chocolat soit le fruit de vaches marron, non? C'est le constat que font en tout cas 7% des adultes américains [âgés de 18 ans et plus], selon une étude commandée par L'Innovation Center of U.S. Dairy et repérée par le Washington Post (1), ce qui représente 16,4 millions de personnes. [48 % des participants ont admis ne pas savoir d’où venait le lait au chocolat.]

Un chiffre si bas? Ce chiffre souligne l'ignorance des Américains en matière d'agriculture et d'alimentation – ils ne savent pas que le chocolat est fait à partir de lait, de cacao et de sucre. Mais ce que relève surtout le journal, c'est que ce chiffre ne soit pas plus élevé. Il rappelle que dans les années 1990, près d'un adulte sur cinq ne savait pas que le burger contenait du boeuf...

Une déconnexion des produits bruts. "Aujourd'hui, nous sommes conditionnés pour penser que si nous avons besoin de nourriture, nous allons au supermarché. Rien dans les schémas éducatifs n'apprend aux enfants ce qui advient à cette nourriture avant ce point", remarque Cecily Upton, le cofondateur de FoodCorps. Une ignorance qui viendrait du fait que la plupart des Américains n'ont pas de contact avec les produits bruts mais seulement avec leur forme manufacturée.

Quelques perles relevées dans les différentes études sur les Américains et l'alimentation

• Plus de la moitié des enfants de CM1 à la sixième ne savent pas que les pickles sont des tranches de concombre ni que les oignons et la laitue sont des légumes

• Quatre sur dix ne savent pas que les steaks de hamburgers viennent des vaches

• Trois sur dix ne savent pas que le fromage est fait à partir de lait

• Le "jus d'orange" fait partie des "fruits" les plus populaires, d'après le département américain de l'agriculture (USDA)

• Les pommes de terre transformées (en chips ou en frites) sont parmi les légumes préférés

• La pizza est considérée comme un légume par les nutritionnistes car elle contient de la sauce tomate

Europe1 – Insolite, 17 juin 2017 http://www.europe1.fr/

* On n'a pas demandé d’où venait le lait aux fraises...  

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The statistic went viral after the Washington Post published its report on the findings.

Pensée du jour :

«Nous vivons dans un monde d'ignorance radicale, et la merveille est que n'importe quel genre de 'vérité' passe à travers le bruit. Même si la connaissance est 'accessible' cela ne veut pas dire qu'elle est consultée. Considérez le changement climatique par exemple. Le débat ne porte pas uniquement sur l'existence des changements climatiques, on discute pour savoir si Dieu a créé la terre pour que nous l'exploitions, si le gouvernement a le droit de réglementer l'industrie, si les environnementalistes devraient avoir du pouvoir, et ainsi de suite. On ne discute pas des faits, mais de ce qui circule autour des faits réels ou imaginés.» (Robert Proctor, professeur d'histoire scientifique, Stanford University)

17 juin 2017

La soif de silence, la faim de mots


Silence
Nizar Kabbani

Respecte mon silence, je t’en prie
le silence est mon arme la plus puissante
N’as-tu senti mon éloquence quand je me tais
la beauté de ce que je dis
quand je ne dis rien

(Femmes, Arfuyen, 1988) 

Je connais tes artifices
Rabindranath Tagore (1861-1941)

De peur que je n'apprenne à te connaître trop facilement,
tu joues avec moi.
Tu m'éblouis de tes éclats de rire pour cacher tes larmes.
Je connais tes artifices.
Jamais tu ne dis le mot que tu voudrais dire.
De peur que je ne t'apprécie pas, tu m'échappes de cent façons.
De peur que je te confonde avec la foule, tu te tiens seule à part.
Je connais tes artifices.
Jamais tu ne prends le chemin que tu voudrais prendre.
Tu demandes plus que les autres, c'est pourquoi tu es silencieuse.
Avec une folâtre insouciance, tu évites mes dons.
Je connais tes artifices.
Jamais tu ne prends ce que tu voudrais prendre.

(Le Jardinier d'amour, extrait, XXXV)

Les mots
Claude Nougaro (1929-2004)

Les mots divins, les mots en vain,
Les mots de plus, les motus
Les mots pour rire, les mots d’amour
Les mots dits pour te maudire
Les mots bruissant comme des rameaux
Les mots ciselés comme des émaux
La faim de mots, la soif de mots
Qui disent quelque chose
Les mots chéris qui sur mes lèvres
N’ont pas trouvé leur place
Les mots muets, les mots buée
Comme un baiser sur la glace
Les mots bouclés, clés de l’espace
Les mots oiseaux qui laissent des traces
Les mots qui tuent, les mots qui muent
Les mots tissant l’émotion
Les mots pâlis, les mots salis
Les mots de prédilection
Les mots qui te caressent comme des mains
Les mots divins, les mots devins
Les premiers mots
La fin des maux

(Album La note bleue, Emi)

Source de la sélection : http://brisdemots-amaryllis.blogspot.ca/

Tableau : Jean-Paul Lemieux, La plage américaine (Photo : Hand-out)

Ne retournez jamais à un ancien amour, quelle que soit la force du sentiment; c'est comme relire un roman dont vous connaissez la fin.

L'amour romantique et le mariage (ou union libre) sont des aspects de la vie que plusieurs voient comme une nécessité absolue. S’il y a un domaine où les médias peuvent susciter un sentiment de manque, c’est bien celui des relations amoureuses. Le cinéma, les livres, les magazines et les réseaux sociaux propagent une surabondance de stéréotypes, d’illusions, de rêves et d’attentes tout bonnement irréalistes.

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Des mythes tenaces

«Bien sûr que vous allez vous marier à la fin! Bien sûr que vous serez encore ensembles quand vous serez âgés!», disent les pubs et la psycho pop. Mais ce n'est pas aussi simple, parlez-en à un psychologue spécialisé en thérapie conjugale et familiale...

Même quand les films présentent des couples qui se querellent et se séparent, le thème dominant reste que tout le monde se retrouve en couple à la fin. Parmi les mythes :
les ruptures ouvrent automatiquement la porte à de nouvelles relations;
il y a une personne spéciale pour tout le monde, et la vie avec elle sera toujours positive, enrichissante et prédestinée;
les couples vivent heureux pour toujours;
les âmes sœurs ne se séparent que pour se retrouver par la force du destin.

Nous connaissons tous le scénario : deux personnes s'aiment, puis se détestent, puis s'aiment à nouveau et, au fil des années, la «vibration» âme soeur persiste. Ce type de relations a cependant tendance à être assez toxique dans la vie réelle. En outre, on laisse entendre que la relation entre âmes soeurs est supposée rendre les gens plus heureux, et assurer une connexion indestructible, une pérennité. Or selon une recherche de l'Université de Toronto les couples qui se considèrent comme des âmes soeurs sont plus susceptibles de rompre que ceux qui se considèrent simplement comme des amoureux qui «travaillent» pour préserver leur relation.

Presque la moitié des mariages se terminent par un divorce. On dit souvent que cette statistique donne une image morose et déprimante du mariage, mais en fait, le divorce n'est pas la pire chose au monde. Oui, c'est triste et difficile, mais l’évolution individuelle nécessite parfois de passer à autre chose quand une relation n'est plus saine.

«Ils vécurent heureux à jamais» n'est pas le seul chemin vers une vie heureuse et réussie.»

(Care2, 10 things Movies Get Wrong About Love and Marriage)

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«On pourrait changer les habituels vœux de mariage par ceux-ci : «Je te promets d’être fidèle, de t’aimer et de te chérir jusqu’à ce qu’on change d’idée.» C’est peut-être moins romantique, mais voilà qui serait plus réaliste. Autrefois, à l’époque où l’être humain avait une espérance de vie de trente ans, c’était certainement plus facile de tenir une promesse de longévité dans le mariage.»

~ Pierre-Yves McSween (En as-tu vraiment besoin? ; Guy Saint-Jean Éditeur, 2016)

11 juin 2017

Pour extraire la vérité

Il faut passer le mensonge à la centrifugeuse. 

«La vérité à demi ne vaut rien, il la faut toujours entière.»
(Vingt-quatre heures de la vie d'une femme)

«On peut appartenir à son peuple, mais quand les peuples sont devenus fous, on n'est pas obligé de l'être en même temps qu'eux.»
(La contrainte)

~ Stefan Zweig (1881-1942)

«Vous pouvez cacher la vérité ou vous en cacher, mais vous ne pouvez la changer d'aucune manière.» ~ Ashleigh Brilliant

«Quand Donald Trump traite quelqu'un de menteur, il sait de quoi il parle.»
~ Stéphane Laporte (Mon clin d'oeil, La Presse 12 juin 2017)   

Caricature : Dave Granlund ǀ Comey vs Trump

James Comey, a Washington Operator, Knows How to Play the Game

Mattathias Schwartz, Ryan Devereaux
June 8 2017, 3:00 p.m.

Former FBI Director James Comey cut an impressive figure during his sworn testimony before the Senate Intelligence Committee on Thursday. His presentation was poised, low-key, and almost cold-blooded as he laid out what amounted to a meticulously constructed case against President Donald Trump. Two overflow rooms and multiple live network broadcasts suggested that Comey’s mastery of public relations and the theater of government rivaled that of his former boss. The image of a decent government man dutifully saying his piece stood in defiant contrast to the atmosphere of vulgarity and naked self-interest that Trump has brought to the Oval Office. [...]  
     “Circumstances: First, I was alone with the president of the United States, or the president-elect, soon to be president,” Comey went on. “The subject matter: I was talking about matters that touch on the FBI’s core responsibility and that relate to the president-elect personally. And then the nature of the person. I was honestly concerned that he might lie about the nature of our meeting, and so I thought it really important to document. That combination of things I had never experienced before, but it led me to believe I got to write it down, and I got to write it down in a very detailed way.”
[...]

https://theintercept.com/2017/06/08/james-comey-senate-hearing-trump-russia-obstruction-of-justice/

Caricature : Serge Chapleau; La Presse ǀ 3 juin 2017

Will Trump’s Slow-Mo Walkaway, World in Flames Behind Him, Finally Provoke Consequences for Planetary Arson?

Naomi Klein
June 1 2017, 11:33 a.m.

[...] For months we have been hearing about the supposed power struggles between those who wanted to stay in the agreement (Ivanka, Tillerson) and those who favored leaving (Pruitt, chief strategist Steve Bannon, Trump himself). But the very fact that Tillerson could have been the voice of the “stay” camp should have exposed the absurdity of this whole charade. 
     It was oil companies like the one Tillerson worked at for 41 years whose relentless lobbying helped ensure that the commitments made in Paris lack any meaningful enforcement mechanisms. That’s why one month after the agreement was negotiated, Exxon Mobil, with Tillerson still at the helm, came out with a report stating that “we expect oil, natural gas, and coal to continue to meet about 80 percent of global demand” between now and 2040. It was a bald expression of hubris by the purveyors of business as usual. Exxon knows full well that if we want a decent chance of keeping warming below 1.5-2 degrees, the stated goal of the Paris Agreement, the global economy needs to be virtually fossil-free by mid-century. But Exxon could offer those assurances to its investors and claim it supported the agreement because it knew that the Paris accord had no binding force. [...] 
     So as we try to make sense of this latest drama, make no mistake: The Trump administration was never divided between those who wanted to shred the Paris Agreement and those who wanted to respect it. It was divided between those who wanted to shred it and those who wanted to stay in it but completely ignore it. The difference is one of optics; the same amount of carbon gets spewed either way.
[...]  

https://theintercept.com/2017/06/01/will-trumps-slow-mo-walkaway-world-in-flames-behind-him-finally-provoke-consequences-for-planetary-arson/  

5 juin 2017

«Des cris lancés dans le vide»

Le rock'n'roll de l'Univers
Par Serge Bouchard (1)

Publié le 18/05/2017

Le vide. Ce n’est pas demain que nous le comblerons. L’Univers est tellement grand qu’il ne serait pas exagéré de plaindre la solitude des étoiles, de se désoler de leur insignifiance.

Tout ce qui arrive à n’importe laquelle de ces sources lumineuses – qu’il s’agisse d’une naine blanche, d’une naine rouge, d’une géante, voire d’une galaxie ou d’un amas de galaxies –, toutes ces explosions, ces implosions, ces impacts, ces collisions intergalactiques, ces rayonnements intenses, ces naissances et ces morts d’étoiles, ces fusions thermonucléaires n’ont jamais eu une grande importance dans la réalité cosmique et ne risquent pas d’en avoir. Tout est trop grand, trop distant, trop espacé.

Les étoiles sont des foyers perdus, de petits points chauds dérisoires, des microfournaises qui ne parviennent même pas à chauffer adéquatement leur système planétaire. Elles sont comme des tisons qui s’envolent dans le ciel noir de la nuit. Un feu à ciel ouvert, en hiver; un feu de bois qui tenterait de réchauffer la forêt glaciale.

Et si le Soleil explosait demain matin, sa disparition soudaine ne ferait ni chaud ni froid à la Voie lactée. Puisqu’il y a des milliards de galaxies, nous pourrions dire la même chose à propos de la nôtre : un trou noir l’avalerait sur l’heure que l’Univers ne s’en porterait pas plus mal.

Dans le vide, il fait -273,15 °C, la température moyenne d’un Univers qui n’a jamais cessé de se refroidir depuis 15 milliards d’années. Toutes ces étoiles, tous ces soleils, tous ces enfers nucléaires s’enflamment en vain; la chaleur de chacun de ces monstres se perd vite dans son voisinage immédiat.

L’intervalle est tellement froid, il a un cœur de glace. Pour résumer l’affaire, disons que l’Univers est le musée du vide, un vaste musée à l’intérieur duquel flottent des milliards et des milliards de débris. Certains brillent, brûlent, atteignent localement des chaleurs inimaginables. Mais la plupart ne s’illuminent pas, gelés dans l’obscurité, plus noirs que le noir qui les entoure, voyageant dans le vide en mémoire de rien.

On raconte même que l’Univers se meurt de vieillesse. Ses milliards d’années furent autant de distance, et autant de distance ne peut qu’agrandir le vide, un vide que même la lumière peine à franchir. Alors, cet univers incommensurable, dont on dit qu’il est en expansion, serait plutôt en perdition. En son intérieur, tout s’éloigne de tout à une vitesse vertigineuse.

Elle viendra cette nuit où les étoiles seront tellement éloignées les unes des autres qu’il ne leur sera plus possible de seulement s’entrevoir. Alors, mes amis, il fera vraiment noir. Et ce, malgré l’existence de 2 000 milliards de galaxies, chacune composée de 1 000 milliards d’étoiles.

La sonde Voyager 1 connaît le froid de l’intervalle; elle en expérimente à chaque instant la vastitude, elle qui file à plus de 61 500 km/h dans le noir absolu depuis maintenant 40 ans. Elle atteindra une étoile proche dans 40 000 ans. La sonde transporte, rivé à sa structure, un disque de cuivre sur lequel on a enregistré des messages symboliques, des échantillons de cultures et d’activités humaines.

Parmi ces échantillons, qui sont des cris lancés dans le vide, comme une bouteille à la mer interstellaire, on trouve une version de la chanson Johnny B. Goode de Chuck Berry, un chef-d’œuvre du rock’n’roll, l’une des 27 sélections musicales de ce qu’on pourrait appeler l’émission de radio absolue. Dans tout ce froid, au plus profond de cette nuit, dans le creux de cette noirceur et dans le cœur de ce silence, l’âme de Chuck Berry voyage.

Car oui, le grand rockeur est mort récemment, à un âge très vénérable. Il a finalement déposé sa guitare. Mais, selon toutes les apparences, il chantera encore dans le cosmos. Et nous pourrions, dans un futur aussi lointain que le pourtour de l’infini, entendre sur Terre, en provenance de l’espace, son Johnny B. Goode en écho, sans que plus personne ne se rappelle cette voix ni cette chanson.

Chuck Berry (1926-2017), pionnier du Rock n' Roll.

On découvrira alors deux vérités fort mystérieuses : 1) si nous allions aux confins de l’Univers, nous y retrouverions la trace de nos propres pas; 2) les messages des extraterrestres sont signés de notre propre main. Cela s’appelle la solitude sidérale.

Source : Québec Science ǀ Notes de terrain
http://quebecscience.qc.ca/accueil

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(1) «L’anthropologue Serge Bouchard et sa prose majestueuse...» (Marie Lambert-Chan, édito Québec Science, mai 2017)

Serge Bouchard anime avec Jean-Philippe Pleau (sociologue) l’émission C’est fou... diffusée le dimanche soir sur ICI Radio-Canada Première. En compagnie d'invités et de chroniqueurs réguliers, ils explorent l'endroit et surtout l'envers d'un sujet de société. Les éditoriaux de Serge Bouchard sont toujours passionnants. J’attends avec IMPATIENCE le jour ou M. Bouchard décidera de publier ses éditoriaux, quel que soit le format, papier ou numérique... Pour les écouter cliquez sur le calendrier et choisissez une date au hasard : http://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/C-est-fou

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https://artdanstout.blogspot.ca/2017/04/jour-de-la-terre-chez-les-tlichos.html

@Twittakine – Ça me plairait bien de virer dans le cosmos au son de Chuck Berry après ma mort; plus amusant que la harpe et les angelots. Certains diront que c’est l’enfer, comme d’autres disent que les athées sont des démons. Ainsi soit-il, amen, alléluia.