30 avril 2018

Une rafraichissante BD sur la permaculture

J’ai toujours à l’esprit l’aphorisme «aimez la nature, elle vous le rendra» et ces mots de Victor Hugo «c’est une triste chose de songer que la nature parle, mais que le genre humain n’écoute pas».

«Tous les ennuis que nous vaut la vie moderne sont dus à ce qu’il y a de divorce entre la nature et nous.» ~ Isaac Asimov

«L’Homme est un simple élément, constitutif mais non nécessaire, de la Nature et en aucun cas son maître.» ~ Romain Guilleaumes

«Dans la vie, il y a deux catégories d’individus : ceux qui regardent le monde tel qu’il est et se demandent pourquoi. Ceux qui imaginent le monde tel qu’il devrait être et qui se disent : pourquoi pas?» ~ Georges-Bernard Shaw

J’ai découvert cette BD sur le site Mr Mondialisation – où parmi les moins bonnes nouvelles on trouve toujours de formidables sources d’inspiration :

Blog de l’auteure :

«La permaculture est tout l’inverse de notre société actuelle»

Mr Mondialisation; 5 avril 2018

Environnement, cause animale, défense des minorités sexuelles, avec ses Chroniques d’une citoyenne engagée, Muriel Douru appelle le lecteur à la réflexion sur de nombreux sujets de société. Sans toujours apporter de réponse définitive, l’illustratrice met des mots et des images sur ses propres doutes et interrogations, invitant le lecteur à déconstruire ses préjugés. Alors qu’elle a l’occasion de terminer un stage en permaculture, Muriel fait le point sur son expérience dans cette nouvelle courte BD intitulée «Le changement, c’est maintenant»!

 

 

 

 

 


 

 

 

 

26 avril 2018

Le métro «humanisé»

Depuis que j’ai quitté Montréal, il y a longtemps, je n’ai pas eu l’occasion d’utiliser le métro. Mais, je me souviens que les usagers étaient habituellement isolés dans leur bulle, silencieux, perdus dans leurs réflexions. Le corps était là, mais la tête était ailleurs. À moins d’être en groupe, les gens ne se parlaient pas. Le métro était le lieu des regards en coulisse – on regardait rarement ses voisins dans les yeux sauf par «accident» et fugitivement. On évitait les contacts physiques autant que possible. On lisait un livre ou son journal. Aujourd’hui tout le monde peut se rabattre sur son smartphone.
   Des visages heureux, tristes, soucieux, fermés, ouverts, expressifs ou impassibles nous entouraient... Mais, qu’est-ce qu’un visage – un organe, un bout de peau, une présence? Réponse d'une philosophe (1).  

Le webdoc Correspondances est plus que fascinant, en particulier à cause de ses «tranches de vie» que certains usagers ont accepté de livrer en toute simplicité.


TV5 Monde :
«Correspondances» propose au spectateur la possibilité de se placer dans la position d’un passager qui, au beau milieu d’une foule de voyageurs s’arrête sur un visage, une attitude, un détail vestimentaire – intrigué, curieux.
   «Qui est ce voyageur? D’où vient-il? Où va-t-il? Qu’est ce qui l’anime? Qu’avons-nous en commun? À quoi pense-t-il?».
   Alors qu’habituellement le  voyageur fait  rarement  le  pas  de  briser  la  glace, ici, il a la possibilité d’entrer en communication avec le passager de son choix, pour écouter une histoire personnelle, le récit d’un rêve, une pensée obsédante, révélant par touches des aspects du monde qui se trouvent en surface.
– 13 métros: Paris, Bruxelles, Lausanne, Madrid, Vienne, Stockholm, Berlin, Montréal, Los Angeles, Santiago, Hong Kong, Shenzen et Tokyo.
– 39 histoires (39 passagers)
– 9 langues : français, néerlandais, espagnol, allemand, suédois, anglais, chinois traditionnel, chinois simplifié, japonais.

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Allez-y, c’est formidable : https://correspondances.tv5monde.com/map

Quand les métros du monde inspirent les artistes
Stéphane Baillargeon
Le Devoir | Arts visuels | 14 avril 2018

Photo : «Correspondances. Life Underground». C’est le hasard qui a fait office d’agent de «casting» dans le webdoc du réalisateur Hervé Cohen. Les personnes interrogées sont simplement celles qui ont attiré l’attention de l’équipe.

Walker Evans a photographié à la volée les passagers du métro de New York entre 1938 et 1941. Chris Marker a décliné le modèle à Paris entre 2008 et 2010. Le Danois Peter Funch a passé neuf ans (2007-2016) à croquer le portrait d’inconnus devant le grand Central Terminal de New York. Et le cinéaste Hervé Cohen continue de filmer des voyageurs des métros du monde, de Tokyo à Santiago en passant par Montréal.

Le documentariste français Hervé Cohen signe ce magnifique et très riche webdoc baptisé Correspondances. Docteur en droit de l’audiovisuel, cinéaste reconnu, il a tourné sur l’histoire de sa famille (Une autre vie) comme sur les rites initiatiques en Casamance (Sikambano, les enfants de la forêt sacrée) ou le travail de projectionnistes itinérants en Chine (Electric Shadows).

«À force de prendre le métro à Paris ou ailleurs dans le monde, d’observer les gens, d’être intrigué par une apparence ou une attitude, après avoir eu assez souvent envie de leur parler, j’ai imaginé cette série de portraits dans les métros du monde, explique le créateur joint en France. La caméra est devenue un outil pour assouvir en partie cette curiosité et ce désir de rencontrer l’autre.»

Un site Web interactif organise la présentation. L’internaute peut s’y promener d’un métro à l’autre sur une carte mondiale ou choisir des présentations par personnage ou par thème (l’amour, la vieillesse, le travail…).

Ce Web de Babel compte moins que l’impression de grande unité qui finit par lier toutes les propositions, pour ainsi dire en correspondance d’humanité. Les usagers fréquents peuvent bien penser qu’il n’y a pas beaucoup de meilleur endroit pour haïr son prochain qu’un métro bondé. La websérie prouve le contraire, prouve en tout cas qu’au fond de nous nous sommes tous les mêmes avec nos peurs et nos joies, nos désirs et nos espérances.

«Je crois que le projet véhicule un sentiment d’humanité, dit son créateur. Il expose cette idée que nous sommes tous pareils.»

Article intégral :

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(1) «...Le visage n’est pas un organe comme un autre. À peine d’ailleurs pouvons-nous le qualifier d’organe. Étymologiquement, l’«organe» est un «outil» déterminé par sa fonction. ... De là, l’organe se définit comme une partie d’un tout organique auquel il appartient et participe en en réglant partiellement et nécessairement le fonctionnement : organe de la circulation, de la respiration, de la reproduction, de la digestion. Cœur, poumons, organes génitaux, foie, estomac, et tous les autres, petits et grands. En cela le visage n’est pas un organe bien que faisant partie du corps. Le visage est plus qu’une tête. Plus que le cerveau dans sa boîte crânienne. Quel est ce plus? Quel est cet excès du visage? Matière certes, matière animale et vivante mais qui semble exsuder autre chose (et «chose» nous embête déjà) qu’elle-même : le visage est une matière qui témoigne. Elle témoigne en effet de la présence de quelqu’un comme personne et comme personne irréductiblement singulière. Elle témoigne d’une vie subjective qu’elle exprime indéfiniment, y compris quand le visage se referme dans le mutisme, croit-il, de la neutralité. Le visage est ce mouvement venu de soi qui ne cesse d’être soi. Sauf à mourir. Il est le sujet en mouvement, incarnation particulière de l’humanité que nous sommes. Le visage n’est pas qu’un bout de peau. Il n’est pas seulement ce qui recouvre. Au contraire, il exprime ma présence au monde : que je sois et ce que je suis, même à mentir, même à cacher. Mouvement volontaire, involontaire : le visage est tout entier langage. Mais cette matière que l’on pourrait croire et voudrait maîtriser échappe par sa puissance de manifestation, par l’être qu’il impose. Cette manifestation est profonde. C’est elle qui remonte à la surface du visage. Nous l’avons. Nous le sommes. Et nous le sommes sans réserve. Emmanuel Lévinas fait ainsi du visage non pas simplement l’expression d’une singularité physique mais bien plus l’émanation éthique d’une responsabilité : le visage m’invite et m’oblige. Le visage d’autrui est ce qui m’interdit de tuer. Droit dans les yeux. Le meurtre dès lors, toujours possible, se définit comme défiguration. Souvent celle-ci précède : le visage n’est plus le lieu de l’humanité. Sous-homme sans visage, bestiole à exterminer. Nul regard ne fait face. Aucun nom ne peut plus juger ni témoigner. L’«altruicide» peut commencer.»

~ Marie-Noëlle Agniau, philosophe et écrivaine
Les mains d’Orlac
Méditations du temps présent La philosophie à l’épreuve du quotidien 2 
L’Harmattan 2008 

21 avril 2018

«Ce bleu caillou que nous ne saurions recréer»

Un poème particulièrement significatif en ces jours où les humains, les animaux et la nature subissent tous les assauts imaginables.

Une infinité d’infimes…
Nashmia Noormohamed (2016)  

Et finalement, que sommes-nous si ce n’est qu’une infinité d’infimes...?

Que seraient les nuages sans
Les milliards de gouttes de pluie
Qu’ils contiennent?

Que serait la plage (le désert) sans
Les millions de grains de sable
Qui s’y trouvent?

Que serait le vent sans
Les milliers de feuilles
Qu’il effleure?

Que serait la ruche sans
Les centaines d’alvéoles
Qu’elle renferme?

Que serait la nuit sans
Les milliards d’étoiles
Qui la tapissent?

Que seraient nos terres sans
Les millions de graines
Qui l’embellissent?

Que seraient nos mers sans
Les milliers de planctons
Qui y vivent?

Que seraient nos vêtements sans
Les kilomètres de filaments
Qui les tissent?

Que serions-nous sans
La multitude de cellules
Qui nous assemblent?

Qui serions-nous sans
Les innombrables battements
dans nos coeurs?

Ce sont là des merveilles, des chefs-d’œuvre plantés dans un décor de rêve, notre Terre, la seule et unique que nous ayons, ce joyau irremplaçable, cette immémoriale scène éphémère teintée d’ambroisie, ce bleu caillou que nous ne saurions recréer.

Et cet(te) infime, cette imperceptible beauté dans la Nature, ce minuscule si indissociable du Tout, en se répétant, force notre admiration, nous interpelle sur sa genèse, tout en nous invitant à y vivre avec humilité et dans un état de grâce inégalé.


Éléments du poème en images…

Cloud Appreciation Society: A pair of waterspouts spotted in the Bahamas, June 6, 2012. Photo: Patricia Vazquez. https://cloudappreciationsociety.org/  

Grains de sable, Saïrda, Maroc. Photo : Pascal Blondin

Feuillage  

Alvéoles

Étoiles filantes par Ian Algie, 13 août 2015, Écosse.

La magie des graines. Les jardins de la grelinette, Maude-Hélène Desroches et Jean-Martin Fortier : http://lagrelinette.com/
Le Jardinier maraîcher : https://www.youtube.com/watch?v=ZRCUbsY42VQ  

Protistes et larves planctoniques. Photo : Tara Oceans / CNRS Photothèque Christian Sardet  

Le plancton représente tous les organismes marins vivants flottant et dérivant au gré des courants. Quasiment invisible, c’est le plus grand écosystème de la planète, celui qui a produit l’oxygène contenu dans l’atmosphère bien avant l’apparition des plantes terrestres et qui produit encore aujourd’hui la moitié de l’oxygène que nous respirons.
   À la base de la chaîne alimentaire océanique et impliqué dans les grands cycles biochimiques, il participe à l’équilibre climatique.
   Le plancton se caractérise par sa grande diversité, tant au niveau des types d’organismes que de leur taille : d’une dizaine de nanomètres pour les virus à plusieurs centimètres pour les larves de crustacés. On distingue classiquement le phytoplancton (plancton végétal) du zooplancton (animal).

Plancton bioluminescent, plage de Tulka, Australie. Photo : John White  

Un moment féérique. Si vous êtes fan de la nature, des aurores boréales ou encore des colonnes lumineuses, vous serez forcément subjugué par cette lumière bleue. Sur la plage de Tulka en Australie, le plancton est capable de bioluminescence, c’est à dire qu’il émet de la lumière dans certaines circonstances. Des riverains ont eu la chance d’assister à cet incroyable spectacle, l’endroit s’étant transformé en un milieu féérique.
   Magique mais aussi tragique... Cette lumière bleue est dû à un désastre naturel, c’est un mécanisme d’auto-défense : lorsque le plancton subit une certaine forme d’agitation, il se met à scintiller pour éloigner les potentiels prédateurs. Ce phénomène est très rare, cependant les scientifiques ont démontré que cette scène est apparue plus souvent au cours des 20 dernières années. Selon les scientifiques ceci s’explique par le réchauffement climatique. (Amaury de Laurens)  

Fibres textiles

Cellules humaines. Il y aurait des similitudes entre les cellules humaines et les étoiles à neutrons... Qu’est-ce que les étoiles à neutrons et les cellules humaines ont en commun en dehors du fait qu’elles soient toutes deux composées des mêmes atomes? Des physiciens théoriques simulant la structure de la croûte d’une étoile à neutrons ont identifié des caractéristiques similaires à celles observées dans les membranes cellulaires. La constatation suggère que, bien que les étoiles à neutrons et les membranes diffèrent de 14 ordres de grandeur dans leur densité, leur structure peut être déterminée par les mêmes contraintes géométriques. http://sciencepost.fr/

Cœur : le moteur qui nous tient en vie jusqu’à son dernier battement...

Rappel pour la Journée mondiale de la Terre

Ottawa fonce sur la Colombie-Britannique avec son pipeline Trans Mountain sous le bras comme le taureau qui panique dans l’arène, sachant qu’il ne peut fuir nulle part pour éviter sa fin prochaine. M. Trudeau a le nez collé sur le mur et ne voit rien; il voit rouge... les élections, c’est pour bientôt. Il n’a pas l’air de penser au futur de ses propres enfants; peut-être possède-t-il un lieu d’évasion en cas de catastrophe majeure.  

Yves Paccalet est souvent ostracisé – on le traite de nazi, de fataliste, de cynique haineux, etc. Pour ma part, je ne vois pas comment nous pouvons régler nos problèmes en fermant les yeux et en prétendant qu’ils n’existent pas...
   «De la crise sortiront évidemment des solutions, d’abord sous la pression économique. On ne voit pas, par exemple, comment l’industrie automobile pourrait se prolonger. Le pétrole se raréfiant et devenant de plus en plus cher, quels que soient les carburants alternatifs géniaux que l’on pourrait découvrir, je ne vois pas comment la planète pourrait faire face au déferlement des besoins humains tels qu’ils sont définis par cette idéologie qu’est la croissance, du toujours plus, du encore encore encore, de l’invasion de la technologie et de la marchandise dans les derniers recoins sauvages de la planète.
   Le moindre petit coin où vous trouvez encore un peu de mer propre, quelques coraux, une forêt tropicale, voit immédiatement débarquer les prospecteurs de pétrole, de bois, de poissons, sans parler des touristes, qui se ruent actuellement sur les derniers bouts de nature intacte, une foule de gens aux intérêts divergents et parfois opposés. Je ne vois pas comment la planète pourrait y résister. La solution théorique serait de répéter ce que les Européens ont fait quand ils sont partis vers l’Amérique, à la Renaissance. Mais je ne sais pas s’il serait possible de financer une immigration vers d’autres planètes.
   L’explosion démographique humaine n’a pu avoir lieu que parce qu’on a réussi à maîtriser l’énergie – d’abord animale et végétale, puis d’origine fossile, charbon, pétrole... Mais s’il n’y a plus d’énergie et si cette énergie coûte plus cher, l’agriculture intensive par exemple, deviendra impossible. Mais je ne sais pas comment on réussira à mener plusieurs révolutions culturelles simultanées – féminine, agricole, anticonsumériste... Ouh là là, ça fait beaucoup de choses!
   Le problème philosophique que l’humanité n’a jamais résolu, c’est l’aveuglement qui nous fait croire que le bonheur est dans le toujours plus. Certains l’ont bien dit... Mais nous basons notre bonheur sur la comparaison et ne sommes heureux que si nous avons plus que nos voisins, sur tous les plans.
Entretien avec Yves Paccalet, 1er décembre 2017, Nature d’ici et d’ailleurs

«Le climat se réchauffe plus rapidement dans les contrées polaires que sous les tropiques. Les banquises rétrécissent et s’amincissent. Elles se forment chaque automne un peu plus tard et fondent chaque printemps un peu plus tôt. Les ours blancs crèvent de faim dans l’Antarctique. Faute de krill, les manchots voient leurs populations s’effondrer en Antarctique : ce ne sont que les premières victimes du grand détraquement. En 2007, la banquise du Grand Nord a perdu d’un coup, une superficie équivalente à deux fois la France... Le sol perpétuellement gelé de l’Antarctique (le permafrost) se met, lui aussi, à dégeler. Les maisons des Inuits s’écroulent dans la boue, les caribous s’enlisent durant leurs migrations. De gigantesques icebergs, parfois grand comme la Corse, se détachent des plates-formes antarctiques et partent à la dérive sous l’œil ahuri des albatros.
   Le dérèglement climatique provoque des anomalies dans la floraison du plancton végétal marin, lequel recycle moins bien le gaz carbonique en excès dans l’atmosphère...
   Lorsque nous pompons les nappes phréatiques pour nos besoins agricoles, nous envoyons dans l’océan un surcroît de liquide jusque-là captif du sous-sol : montée des eaux. La destruction des forêts tropicales, qui jouent le rôle d’éponges, accélère le même phénomène. Les forêts ne consomment pas davantage de gaz carbonique lorsque la température grimpe, comme on l’avait espéré : elles en lâchent en quantité anormale, parce qu’elles souffrent de stress hydrique...» (Atlantide, rêve et cauchemar; Éditions Arthaud, 2008)
   «La Terre étouffe et pleure. La sphère de la vie ne supporte plus les dévastations de l’Homo dit sapiens : elle pourrait reconduire au néant cet australopithèque prolifique et guerrier. Je veux croire que le genre humain et ses colocataires végétaux et animaux échapperont à la Sixième Extinction Majeure, provoquée par une fatale conjugaison de pollutions, de saccages, de chaos climatique, de nouvelles épidémies et de «der des ders» façon nucléaire... Notre sauvetage exigera sagesse et volonté, mais nous prenons rarement des décisions raisonnables. Lorsque tel est le cas (par exemple, à la COP 21 sur le climat), nous perdons vite la volonté de les appliquer. Nos gouvernants plient devant les exigences des plus braillards et des plus égoïstes.» (Yves Paccalet, mars 2017)

Compétition internationale de pīng pāng nucléaire Peut-être aurons-nous l’occasion de voir une compétition internationale de ping-pong nucléaire – en direct. Espérons que non, mais plusieurs joueurs participent déjà aux joutes de qualification.

18 avril 2018

Isle of Dogs : hum... trop chouette

Ça nous accroche un sourire. Les clips me donnent envie de passer outre mon aversion et mon intolérance au volume sonore parfois autour de 85 dB en salles (ça me tue).  

Comme ils ont dû avoir du plaisir à créer ce film d’animation!

Marc Cassivi, critique à La Presse :
«Dans un monde imaginaire où, de génération en génération, des descendants de samouraïs ont toujours adulé les chats, un maire véreux réagit à une épidémie de grippe canine en nettoyant les rues de Megasaki de toute trace de chien. Une île-déchetterie devient le nouvel habitat naturel de ces pauvres bêtes, affamées, maltraitées et laissées à elles-mêmes. [...]
   Isle of Dogs met en scène quantité de personnages secondaires forts. ... Ce neuvième long métrage de Wes Anderson en deux décennies n'est pas qu'un bel objet cinématographique. C'est aussi une fable animalière tantôt grinçante, tantôt attendrissante, sur la condition humaine (et canine) contemporaine. Avec son humour finement ironique, le cinéaste d'origine texane se moque des travers de l'époque : de la rectitude politique à la corruption institutionnalisée en passant par les effets de meute et les qu'en-dira-t-on. Et il ne rate pas sa cible.»

**** Isle of Dogs [L’île aux chiens]. Film d'animation de Wes Anderson et Jason Schwartzman. Avec les voix de Bryan Cranston, Ed Norton, Frances McDormand, Tilda Swinton, Jeff Goldblum, Greta Gerwig, Bill Murray et Yoko Ono.

Fascinant de voir les coulisses de la production. Toutes les marionnettes ont été fabriquées et peintes à la main. Un travail de moine! 

Wes Anderson et Jason Schwartzman racontent :

ISLE OF DOGS | "Making of: Puppets" Featurette (2018)

ISLE OF DOGS | "Making of: Animators" Featurette (2018)
Set in Japan, Isle of Dogs follows a boy's odyssey in search of his dog. Some of the best and most funniest movie moments happen behind the scenes. FilmIsNow Movie Bloopers & Extras channel gives you the latest and best behind the scenes footage, gag reel, vfx breakdown, interviews, featurettes and deleted/alternate scenes. We give you the before, during and after that goes into making movies.

Meet the Cast 


'OK, It's Worth It' | Official HD Clip 2018 

15 avril 2018

La «vraie» vie


«Les vrais compagnons, ce sont les arbres, les brins d’herbe, les rayons du soleil, les nuages qui courent dans le ciel crépusculaire ou matinal, la mer, les montagnes. C’est dans tout cela que coule la vie, la vraie vie, et l’on n’est jamais seul quand on sait la voir  et la sentir. Je suis née une sauvage et une solitaire et ces dispositions ont crû tout le long des ans que j’ai vécus. Je leur dois des joies que je n’aurais jamais connues sans elles.»

~ Alexandra David-Néel

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Lettre de Romain Rolland à Annette Kolb

Figure aujourd’hui tombée en disgrâce et injustement oubliée, Romain Rolland (29 janvier 1866 – 30 décembre 1944) fut un intellectuel capital du siècle passé. Auteur d’une grande série romanesque (Jean-Christophe), lauréat du Prix Nobel en 1915, cet esprit libre salué par ses pairs («le plus grand évènement moral de notre époque» pour Stefan Zweig) fut la conscience morale de son temps, opposé à toute forme de nationalisme, racisme, fascisme... Dans cette lettre destinée à l’auteure allemande Annette Kolb (3 février 1870 – 3 décembre 1967), il nous montre tout son génie.

Samedi 17 avril 1915

Chère Annette Kolb

Merci de vos lettres et des brochures que vous m’avez envoyées. Je suis content de savoir que Hermann Hesse est tel qu’on pouvait l’espérer, d’après ce qu’il a publié pendant la guerre. Je tâcherai de ne pas quitter la Suisse sans le voir.

Que le printemps est beau! Il fait paraître les peuples encore plus stupides. On est heureux de penser que l’humanité n’existera pas toujours. Ce n’est pas nier le progrès qu’avoir cette pensée, c’est y croire au contraire. L’homme ne m’a jamais paru la mesure ni la fin de l’univers. C’est peut-être pour cela qu’en aimant et admirant le Christ, je ne suis pas chrétien. Il est trop essentiellement le Fils de l’Homme. Ce n’est pas assez pour moi. J’imagine si bien l’Éternité sans l’homme! Pauvre petit homme! Ce qui me touche le plus en lui, c’est de le savoir passager. Ce sentiment me fait lui pardonner (et à moi) bien des choses.

Vous me trouverez pessimiste. Ce n’est pas du pessimisme, en moi. J’ai toujours aspiré à des formes d’existence moins étroites et moins imparfaites que celle dont j’ai été gratifié malgré moi. On me jouerait un vilain tour, en me condamnant à rester dans mon moi, pour toujours. (Il est vrai que j’y suis si peu!… Je suis presque toujours absent…)

Je vous envoie l’air de Timante, puisque vous l’aimez. Excusez-moi de l’avoir écrit si fin. Vous serez obligée de le retranscrire. J’ai ajouté, en tête, deux mauvais vers allemands que j’ai copiés sur un recueil de la fin du XVIIe siècle. J’espère pouvoir vous faire connaître plus tard d’autres belles choses de mes vieux musiciens. Ils ont été mes compagnons, pendant des années où j’étais seul. Et songez à ce qu’on éprouve, quand on retrouve une de ces grandes âmes, mortes depuis des siècles, totalement oubliées (comme ce Francesco Provenzale), dans le silence d’une bibliothèque! Il me semblait qu’elle m’attendait, comme les ombres dans l’Odyssée, pour boire mon sang et pour ressusciter en moi.

Au revoir, chère Annette Kolb, j’ai été heureux de vous connaître. Non, je ne suis pas étonné que vous, vous soyez chrétienne. J’ai bien senti en vous le vrai esprit chrétien. C’est en votre compagne qu’il m’a paru… comment dirai-je?… un oiseau de passage.

Affectueusement à vous

Romain Rolland 


Super lune du 3 décembre 2017, Marseille, France. REUTERS / Jean-Paul Pelissier http://www.businessinsider.fr/  

Quand la lune disparait
James Church 
Éditions du Seuil, 2010

Le moine m’a dit que notre monde était fini et que tout ce qui s’y trouve est en quantité limitée. Tout est rationné, on pourrait dire. Même la douleur. Recyclée à l’infini. Comme des atomes. Les mêmes atomes qui sont là aujourd’hui étaient déjà là quand le monde est né, pas vrai? Il peut y avoir quelques changements à cause des bombes atomiques, la fission, la fusion ou je ne sais quoi. Mais ce sont les mêmes atomes. Ce n’est pas un fantasme sur le cycle de la vie, du genre «nous faisons partie de la Grande Roue». La vie n’est pas tout. La vie n’est pas au centre de la création. Non. Absolument pas. Que sont les éléments de l’univers sinon ces aspects que sont la vie, la couleur, le son, le goût et ainsi de suite. Les émotions, la bonté, la méchanceté, la mélancolie, la tristesse. L’amour. Tout cela est limité, rationné, fini. Tant pour chaque chose. Ces éléments nous arrivent, comment dire...? Par paquets. On ne crée pas le rouge, le rouge est à l’extérieur de nous, mais il atteint nos yeux et y entre et alors on se rappelle le rouge. Pareil pour le bleu et le reste. Pareil pour l’odeur des montagnes à l’aube, la caresse du vent sur la peau en automne et le chant des étoiles. Rien n’est fini dans l’univers, mais ces choses deviennent nous, nous les absorbons et elles sont nous et nous sommes elles. Les émotions aussi, on ne les sort pas de nulle part, du rien. Elles font partie de la création, peut-être de ce premier instant de la création, toutes créées, toutes façonnées, une fois pour toutes. L’amour, la mélancolie, la haine et le bonheur.
   Alors quand les hommes étaient neufs, ou quand la terre l’était, elles étaient partout en abondance. Le ciel était d’un bleu vif, le vent frais, les prairies à tomber nez à terre devant le parfum de l’herbe et des fleurs. Des flaques de tristesse flottaient dans l’air et, si l’on passait à travers, on pouvait être triste pendant une semaine entière, mais ce n’était pas grave parce que c’était une tristesse pure, d’un blanc pur... tristement blanche si vous voyez ce que je veux dire par là. Et la haine était pure, et peut-être qu’elle flottait, mais peut-être que non. Je n’en sais rien. Mais je vous dirai ceci : plus il y a de monde, moins il y a de tout pour chacun. Le monde est de plus en plus terne. Les couleurs le sont. Les saisons aussi. Bientôt on ne pourra plus les distinguer les unes des autres. Bientôt la tristesse, la méchanceté, la mélancolie et l’amour seront tous gris, des grosseurs palpitantes et grises qui entreront en nous et attendrons avec un silence perplexe dans nos cœurs, tant et si bien que nous ne saurons plus qui nous sommes.   
   Mais quand nous mourrons, ces choses se sépareront à nouveau, ces choses retourneront au monde sous leur forme la plus pure, par petits éclats et fragments, et d’autres personnes les recevront et si alors elles sont imprégnées de bonté, eh bien, on se réjouira et sourira d’avoir tant de chance, mais la lumière, c’est la bonté, et comme elle plane dans le vent, personne n’en reçoit beaucoup, et encore moins d’amour, qui danse à travers les espaces vides et qu’on ne croise que par hasard, par erreur, ou par surprise.

10 avril 2018

Comprendre la mort pour mieux vivre

On déplore avec raison le tragique accident qui a fait 15 morts et 14 blessés dans le nord de la Saskatchewan, à Humboldt (des membres de l’équipe de hockey junior Broncos).

Cependant, on considère normal et légitime d’envoyer de jeunes militaires combattre dans des pays avec lesquels nous ne sommes pas en guerre... Entre 2002 et 2014, 40 000 soldats canadiens furent envoyés en Afghanistan. Bilan : 158 sont morts, n’incluant pas le nombre important de soldats qui se sont suicidés après leur retour en raison des chocs post-traumatiques.


«Faut-il que les hommes soient bêtes de fabriquer des machines comme ça, pour se tuer… comme si on ne claquait pas assez vite tout seul!» ~ Alphonse Allais (1854-1905)

"Le discours dominant cristallisé dès le début de la guerre dans les différents pays belligérants est destiné à persuader de la légitimité du conflit et de la nécessité pour les hommes de défendre leur nation. La guerre pour laquelle on s’engage massivement en 1914 n’est pas la guerre réelle mais une guerre imaginée et souvent euphémisée, sans commune mesure avec les conditions de vie et de mort dans les tranchées." ~ Collectif de Recherche International et de Débat sur la Guerre de 1914-1918 (CRIDG) http://www.crid1418.org/

On peut dire la même chose de la guerre au Vietnam, en Irak, en Syrie, etc.

Quoiqu’il en soit, nous passons notre vie à tenter d’esquiver la mort et simultanément à courir après par toutes sortes de moyens...

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La vie et la mort forment un tout indissociable 

On ne peut les séparer l’une de l’autre…

Extrait de : The Five Invitations: Discovering What Death Can Teach us About Living Fully; Frank Ostaseski; Flatiron Books

Dans le Zen japonais, le mot Shoji se traduit par «naissance-mort». Il n'y a pas de séparation entre la vie et la mort autre qu'un petit trait d'union, une fine ligne qui relie les deux. Nous ne pouvons pas être réellement vivants sans maintenir une conscience de la mort.

La mort ne nous attend pas à la fin d'une longue route. La mort est toujours avec nous, dans la moelle de chaque moment qui passe. Elle est le tuteur secret qui se cache mais que tout le monde voit. Elle nous aide à découvrir ce qui importe le plus. Et la bonne nouvelle est que nous n'avons pas à attendre jusqu'à la fin de notre vie pour découvrir la sagesse que la mort a à offrir.

Au cours des trente dernières années, j'ai été assis avec des milliers de personnes sur le bord du précipice de la mort. Certains approchaient de la mort avec une immense déception. D'autres s’épanouissaient et franchissaient la porte avec émerveillement. Ce qui faisait la différence, c’était la volonté de vivre progressivement dans la dimension plus profonde de ce que signifie être un humain.

Imaginer qu'au moment de notre mort, nous aurons la force physique, la stabilité émotionnelle et la clarté mentale pour accomplir le travail d'une vie est un pari ridicule. Ce livre est une invitation cinq invitations, en fait –  à vous asseoir avec la mort, à prendre le thé avec elle, à la laisser vous guider vers une vie plus significative et affectueuse.

Réfléchir sur la mort peut avoir un impact profond et positif non seulement sur notre façon de mourir, mais aussi sur notre manière de vivre. À la lumière de la mort, il est facile de distinguer les tendances qui nous mènent vers l'intégrité de celles qui nous inclinent vers la séparation et la souffrance.

Nos habitudes de vie ont un puissant impact qui nous propulse vers l'instant de notre mort. Une question évidente se pose : quelles habitudes voulons-nous créer? Des opinions et des habitudes rigides réduisent notre esprit au silence et nous font tendre vers une vie robotisée. Les questions ouvrent l’esprit et expriment le dynamisme d'être un humain. Une bonne question a du coeur, elle découle d'un intérêt profond pour découvrir ce qui est vrai. Nous ne saurons jamais qui nous sommes et pourquoi nous sommes ici si nous ne nous posons pas des questions inconfortables.

Sans le rappel de la mort, nous avons tendance à prendre la vie pour acquis et à nous perdre dans la poursuite de l'autosatisfaction. Quand nous gardons la mort à l’esprit, elle nous rappelle de ne pas nous accrocher trop étroitement à la vie. Peut-être que nous nous prendrions  moins au sérieux ainsi que nos idées, que nous lâcherions prise un peu plus facilement. Lorsque nous reconnaissons que la mort arrive à tout le monde, nous sommes conscients que nous sommes tous ensemble dans le même bateau. Cela nous aide à devenir un peu plus bienveillants et gentils envers les autres.

Être conscient de la mort nous aide à apprécier le fait d’être vivant, à favoriser l'introspection, à clarifier nos valeurs, à trouver un sens, et à générer des actions positives. C'est l'impermanence de la vie qui nous donne de la perspective. Comme nous sommes en contact avec la nature précaire de la vie, nous apprenons également à apprécier son caractère précieux. Alors, nous ne voulons pas perdre une minute. Nous voulons entrer pleinement dans notre vie et l’utiliser de façon responsable. La mort est un bon compagnon de route pour bien vivre et mourir sans regret.

Peu après avoir subi une crise cardiaque, le célèbre psychologue Abraham Maslow écrivait dans une lettre : «Être confronté à la mort et en revenir – rend  chaque chose si précieuse, si sacrée et si belle que je me sens plus que jamais capable de l'aimer, de l’accueillir, et de me laisser emporter. Ma rivière n'a jamais été aussi belle... La mort, et sa possibilité toujours présente, rend l'amour, l'amour passionné, davantage possible.»

Je ne vois pas la mort de façon romantique. C'est un travail dur. Ce sera peut-être le travail le plus difficile de notre vie. Ça ne finit pas toujours bien. Ça peut être triste, cruel, sale, beau et mystérieux. Par-dessus tout, c'est normal. Nous passerons tous par là.

Personne ne sort d'ici vivant.

À titre de co-fondateur du Zen Hospice Project et d’accompagnateur, la plupart des gens avec qui j'ai travaillé étaient des gens ordinaires. Des personnes en face à face avec leur propre mort qu'elles croyaient impossible ou insupportable, et avec d’autres qui prenaient soin d'une personne chère en train de mourir. La plupart trouvaient en eux-mêmes et dans l'expérience de la mort, les ressources, l’inspiration, la force, le courage et la compassion pour affronter l'impossible de façon extraordinaire.

Certaines personnes avaient vécu dans des conditions terribles – dans des hôtels infestés de rats ou sur des bancs de parc derrière l'hôtel de ville. Des alcooliques, des prostituées, des sans-abri et des gens qui arrivaient à peine à survivre en marge de la société. Souvent leur visage exprimait la résignation ou la colère à cause de la perte de contrôle. Plusieurs avaient perdu toute confiance envers les humains.

Certains venaient de cultures que je ne connaissais pas, parlant des langues que je ne pouvais pas comprendre. Certains avaient une foi profonde qui les aidait à traverser les moments difficiles, alors que d'autres juraient contre la religion. Nguyen craignaient les fantômes. Isaiah était réconforté par les «visites» de sa mère décédée. Il y avait un père hémophile qui avait contracté le virus du VIH à la suite d’une transfusion de sang. Des années avant sa maladie, il avait renié son fils gay. Mais en fin de vie, le père et le fils étaient tous deux en train de mourir du sida, l’un à côté de l'autre dans les lits jumeaux d’une chambre commune, pris en charge par Agnès, épouse du père et mère du fils.

J'ai travaillé avec beaucoup de gens qui sont morts au début de la vingtaine, ayant à peine commencé leur vie. Mais il y avait aussi une femme que j'ai soignée, Elizabeth, qui, à quatre-vingt-trois ans, m’a demandé : «Pourquoi la mort vient-elle si tôt?» Certains étaient extrêmement lucides, alors que d'autres ne se souvenaient même pas de leurs propres noms. Certains étaient entourés d'amour par leur famille et leurs amis. D'autres étaient entièrement seuls. Alex, qui n’avait aucun proche pour l’aider, est devenu si confus à cause de la démence causée par le sida, qu'une nuit, il s’est enfermé dans l'escalier de secours et il est mort gelé.

Nous apprécions les policiers et les pompiers qui sauvent de nombreuses vies; les infirmières qui soulagent la souffrance d'autrui; les médecins qui sauvent des patients de la mort mais qui ensuite sont ravagés par la même maladie. Les gens qui ont du pouvoir politique s’enrichissent et peuvent se payer de bonnes assurances en soins de santé. Et, les réfugiés qui n’ont guère plus qu’un t-shirt sur le dos, meurent du sida, du cancer, de maladie pulmonaire, d'insuffisance rénale et d'Alzheimer.

Pour certains, la mort a été un grand cadeau. Ils s’étaient réconciliés avec leur famille, ils avaient pu librement exprimer leur amour et leur pardon ou trouver la bonté et l'acceptation qu'ils avaient cherchées toute leur vie. D'autres encore se tournaient vers le mur, s’isolaient par désespoir, et ils ne sont jamais revenus [au centre].

Tous ont été mes professeurs.

The Five Invitations est ma tentative d'honorer les leçons que j'ai apprises, assis au chevet de tant de mourants. Ce sont cinq principes de soutien mutuel imprégné d'amour. Ils furent mes précieux guides pour faire face à la mort. Et, en fait, ce sont aussi des guides pertinents pour vivre une vie intègre.

Ceci n’est pas une invitation à participer à un événement particulier. L'événement c’est votre vie, et mon livre est une invitation à être pleinement présent dans chacun de ses aspects.

5 avril 2018

Charlevoix : survivre au G7

L’heure approche où le Sommet du G7 défigurera Charlevoix, l’un de nos joyaux encore préservé pour le moment.

Il est difficile de savoir ce qu’il en coûtera : au début on parlait de 224 millions de dollars, puis de 500 M$, et maintenant de 604 M$. Pour un mini sommet de deux jours entre des dirigeants qui représentent non pas nos intérêts mais ceux du Sommet d’affaires B7, pour Business Summit – sommet organisé par la Chambre de commerce canadienne à Québec et qui se termine demain.

«Quand l’argent précède, toutes les portes s’ouvrent.» ~ William Shakespeare (Les Joyeuses commères de Windsor)

Parc national des Hautes Gorges de la Rivière-Malbaie (Charlevoix). Dernier sommet à la fin de la randonnée : vue panoramique à 360 degrés sur tout le massif et les lacs surélevés. Photo :  

Des airs de ville assiégée...

Clôture de sécurité autour du Manoir Richelieu et du Casino de Charlevoix. Photo : Radio-Canada/Peter Tardif

Une clôture de 3,8 millions $ a déjà été partiellement installée autour du Manoir Richelieu. L'espace aérien y sera hautement contrôlé. Même la circulation maritime sur le fleuve devra être modifiée. Au moins deux sites devront également être sécurisés : Québec où sera situé le centre des médias, et Bagotville où atterriront les chefs d'État et de gouvernement, dont le président américain Donald Trump. (Journal de Montréal, le 15 février 2018)

«Le vulgaire imbécile est toujours avide de grands événements, quels qu’ils puissent être, sans prévoir s’ils lui seront utiles ou préjudiciables : il n’est ému que par sa propre curiosité.» ~ L’Arioste, 1474-1533 (Roland furieux)

Le premier ministre a profité de sa visite pour vanter les charmes de la région de Charlevoix. Il est persuadé que ses collègues du G7 «succomberont eux aussi à sa beauté naturelle».
   «Nos invités pourront admirer des paysages à couper le souffle au Manoir Richelieu et de profiter de l’hospitalité légendaire du Québec», a-t-il vanté.
   Justin Trudeau a également insisté sur les «nombreuses retombées» qu’amènera l’événement. (ICI Radio-Canada / Québec, le 8 juin 2017)
   Et M. Trudeau a sorti son vieux «motivational podcast» : Dans un bref discours, jeudi matin, devant des personnalités du monde des affaires, Justin Trudeau a aussi tenu à rappeler les priorités canadiennes au cœur des cinq grands thèmes du prochain G7, soit investir dans une croissance économique qui profite à tout le monde, se préparer aux emplois de l’avenir, promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, travailler ensemble à l’égard des changements climatiques, des océans et de l’énergie propre, et construire un monde plus pacifique et plus sûr. (Xavier Savard-Fournier, ICI Radio-Canada / nouvelles)

Espérons que nos béni-oui-oui refuseront de transformer Charlevoix en Davos sous la pression des crocodiles financiers étrangers.
   Le vrai changement, dont tous les politiciens nous rabâchent les oreilles à chaque élection, se produira lorsque les élus cesseront de lécher les chaussures des lobbyistes – des chaussures de marque telles que Stefano Bemer (crapaud et dromadaire à 2000 $), ou Louis Vuitton (alligator ou python à 10 000 $), ou Tistoni (alligator à 38 000 $). 
   Vu sur une enseigne en Louisiane : un alligator avec l'inscription ‘We love tourists. We eat them.’ Certains apprécient la chair d’alligator – ça doit être bizarre d’en manger un qui vient de bouffer un humain!

«Ne parle pas d’argent; je n’adore pas un dieu qui se donne si vite au derniers des drôles.» ~ Euripide    

OPINION 06/12/2015 La Presse+

PEUT-ON VIVRE SANS RAISON D’ÊTRE?

Pierre Desjardins, philosophe (1)

Notre situation dans l’univers est hallucinante! Pensons-y donc un instant : nous vivons sur une sphère gigantesque suspendue dans l’espace, une sphère de 12 756 kilomètres de diamètre qui, en 24 heures, tourne complètement sur elle-même et qui, de plus, se déplace autour du Soleil à la vitesse vertigineuse de 107 208 km/heure.

Toutefois, malgré cette situation à la fois extraordinaire et, disons-le, quelque peu précaire, nous nous arrêtons très peu au sens que tout cela peut avoir. Nous penchons plutôt du côté de la beauté gratuite de la Terre et préférons tout simplement en jouir sans trop nous poser de questions.

Pourtant, nous aussi sommes faits de matière terrestre, de la même matière qui peuple champs et forêts et qui, bien au-delà de la Terre, peuple également l’univers tout entier. Qu’avons-nous donc en commun avec cet univers étrange et pourquoi tenons-nous tant à y vivre, nous qui, sans le vouloir, nous retrouvons confinés dans ce lieu dont l’existence est, d’un point de vue rationnel, tout à fait absurde?

Car, logiquement, nous n’avons pas plus de raisons d’exister que l’univers en a. Logiquement, nous devrions refuser cette vie truquée d’avance, comme disait si bien Albert Camus. Mais, visiblement, nous ne sommes pas très rationnels et préférons, sans trop savoir pourquoi, profiter aveuglément des plaisirs que nous offre la vie. Sentir le vent, voir le ciel, toucher son enfant, œuvrer avec passion, c’est cela, vivre, dira-t-on! Après tout, pourquoi devrions-nous nous passer des magnifiques plaisirs que la vie nous offre sur un plateau d’argent?

Aussi, ce qui pourrait passer aux yeux de certains philosophes pour de l’insouciance ou de l’indifférence n’en est pas; bien au contraire, pareille attitude s’explique : en optant pour l’irrationnel, l’humain évite quelque chose qu’il ne peut endurer et supporter, soit le déplaisir de l’angoisse existentielle.

Au non-sens du monde, l’humain refuse de céder ou de se replier sur lui-même et rétorque en vivant passionnément.

C’est ainsi qu’à travers la jouissance du monde fabuleux qui nous entoure, ce que nous voyons ou entendons prend forme. La fleur qui se tourne vers le soleil devient le magnifique témoin de la richesse du soleil, de l’eau et de la terre qui la nourrit. L’oiseau qui virevolte dans l’air, le poisson qui s’ébat dans l’eau ou l’ours qui vagabonde sur la banquise en font tout autant. La Terre, à travers l’incroyable diversité chimique de ses composants, est à la fois le gage et le resplendissant écrin de toutes ces merveilles.

Toutefois, on ne peut représenter avec fierté quelque chose que l’on sait condamné d’avance. Que dirait-on, par exemple, d’un avocat qui accepterait de défendre un accusé dont la sentence de mort aurait déjà été prononcée? Or, n’est-ce pas exactement la situation dans laquelle l’humain se retrouve aujourd’hui?

En cannibalisant la nature, nous sommes en train de détruire le fruit de 3,8 milliards d’années de vie sur Terre, fruit dont il ne restera bientôt plus grand-chose. Et bien que la Terre n’ait aucunement besoin du vivant pour exister (c’est elle qui a permis sa constitution et non l’inverse), sa présence active lui donne l’occasion de déployer sa prolifique somptuosité.

Survivre à une nature ravagée replacerait l’humain sur une voie qu’il avait pourtant choisi d’éviter dès le départ : celle de se retrouver isolé, aux prises avec le déplaisir de l’angoisse existentielle dans un monde sans aucune autre vie que la sienne. Est-ce cela que nous voulons?

Mutiler la Terre, c’est donc beaucoup plus que mettre en péril l’existence de l’humanité. C’est d’abord nier le sens ultime de notre existence comme témoin privilégié d’un environnement prodigieux. Vivre sans tenir compte de ce rôle, ce n’est déjà plus vivre, c’est tenter bêtement de survivre sans aucune raison d’être.

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(1) Pierre Desjardins est professeur de philosophie et de philosophie de l’art depuis plusieurs années au collège Montmorency.

Reconnu pour son sens critique redoutable et ses analyses réalistes, Desjardins dérange. Néolibéralisme économique, scientisme, machisme, racisme, populisme politique, conservatisme religieux ou artistique, peu de choses échappent à la vigilance de ce penseur.

Véritable «chien de garde» de la philosophie, il contribue par sa présence dans les médias québécois à donner une visibilité nouvelle à cette discipline.