29 décembre 2017

Mansuétude... ou pas

Rajoy juge «absurde» que Puigdemont veuille gouverner depuis l'étranger

Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a estimé vendredi «absurde» que le président catalan destitué Carles Puigdemont, exilé en Belgique, veuille gouverner la Catalogne sans revenir en Espagne, où il est recherché par la justice.

Mariano Rajoy / Carles Puigdemont. Photo : Agence France-Presse

Aux élections régionales du 21 décembre, les partis indépendantistes ont renouvelé leur majorité au parlement catalan (70 sièges sur 135) et la liste de M. Puigdemont, qui avait promis de reprendre son poste de président, est celle qui a recueilli le plus de voix parmi les électeurs séparatistes.

Mais le règlement du parlement exige qu'il présente son programme dans l'hémicycle, ce qui suppose qu'il revienne en Espagne, prenant le risque d'être arrêté puisqu'il y est inculpé pour rébellion et sédition par la Cour suprême.

Un porte-parole de son parti n'a pas exclu qu'il présente sa candidature à distance, mais cela supposerait une modification du règlement. Les autres partis étudient déjà d'autres candidatures.

Source : Agence France-Presse, 29 décembre 2017

J'aime la mansuétude
Pablo Neruda

J'aime la mansuétude et lorsque j'entre
sur le seuil d'une solitude
j'ouvre les yeux et les remplis
de la douceur de sa paix.

J'aime la mansuétude par-dessus toutes
les choses de ce monde.

Je trouve dans la quiétude des choses
un chant immense et muet.

Et tournant les yeux vers le ciel
je trouve dans les tremblements des nuages,
dans l'oiseau qui passe et le vent
la grande douceur de la mansuétude.

24 décembre 2017

Neige et tic-tac

Photographe : Patrick Woodbury, Le Droit (24.12.2017)
Neige, verglas, soleil, neige, ensuite froid polaire... Winta story. Le dieu des skieurs a répondu à leurs prières. 

La neige
Michael Donhauser 

  Vu de l'extérieur donc vers l'intérieur, son tourbillon correspond à l'arbitraire des pensées, qui se vaporisent et se mettent en boule si elles n'ont pas encore assez de poids pour tomber avec la constance particulière aux mots.
  Rien ne pousse le regard, tant que la neige ne l'a pas accaparé, à supposer déjà à travers ses gestes estompés une sorte de récit.
  Seul le désespoir, peut-être, vient à sa rencontre et c'est ce qui me fait chercher, avec son vacillement, un accord.
  Mais à peine dehors, donc dans la neige, tous les détails s'embrouillent et s'échangent dans le plaisir et la colère qu'elle prend à supprimer les bordures de pierre, envahir les carrefours, faire de la ville un désert.
  En même temps elle pénètre et se fait conteuse, elle se pose sur la corniche des façades, tourbillonne autour du tram, étouffe le silence des unes, le vrombissement de l'autre, dans une ville devenue alors étrangère.
  À cette irruption soudaine fait suite, lentement, le calme d'un accord et bientôt je marche, tel un peut-être Russe, sur ses chemins étroits, contournant les amoncellements le long des voies enneigées [...]
  Finalement elle embourbe les rues et j'entends l'obsession qui n'est plus la sienne, le hurlement des moteurs et des pneus qui tournent à vide, dérapent.

In «Action poétique, n°166, Poètes autrichiens d'aujourd'hui», p.14, traduction de Florence Hetzel, Siegfried Schopper, Michelle Grangaud.

*** 
Lorsque le sol est recouvert d’une couche de neige, et surtout lorsqu’il neige fortement, c'est comme du silence qui tombe. Ne s’agit-il que d’une illusion, ou y a-t-il vraiment moins de bruit? Non, il ne s’agit pas d’une illusion. En effet, il y a moins de bruit car la neige ne réfléchit pratiquement pas le son. Par contre elle l’absorbe fortement.
   Le bruit produit par une source sonore atteint nos oreilles sur deux chemins différents. Primo il nous parvient en ligne directe à travers l’air. Secundo il atteint nos oreilles après avoir subi de nombreuses réflexions sur les surfaces les plus diverses (routes, murs, rochers, prés...).
   Les différentes surfaces ne réfléchissent pas les ondes sonores de la même façon. Des surfaces «dures» réfléchissent particulièrement bien le son. Le contraire vaut pour des surfaces «molles», inégales et poreuses, notamment pour un sol couvert de neige. Comme les flocons sont légers la couche de neige n’est dans un premier temps pas encore compactée et contient bon nombre de minuscules cavités d’air. Ainsi la surface de contact entre les cristaux de glace et l’air est énorme, de sorte que les ondes sonores sont fortement absorbées. La neige amortit tout bruit à la manière d’une mousse en polystyrène ou d’un tapis épais.
   Par temps de neige, il n’y a pratiquement pas de réflexion d’ondes sonores. Le niveau sonore global est donc nettement moindre. Quand il neige à plein temps l’amortissement du bruit est particulièrement important. À l’absorption du son s’ajoute la diffusion du son. Ce sont surtout les gros flocons qui diffusent les ondes sonores dans toutes les directions. Le bruit se perd en quelque sorte dans l’espace. Un phénomène analogue s’observe d’ailleurs par temps de brouillard (minuscules gouttelettes dans l’air et sur les surfaces). Il s’y ajoute encore un autre effet : de nombreuses sources sonores typiques sont moins bruyantes. Les autos circulent plus lentement, le bruit de nos pas est atténué par la neige...
   Que se passe-t-il avec les ondes sonores absorbées par la neige? Comme les ondes sonores transportent de l’énergie elles mettent les molécules de l’air en mouvement. Et cela d’autant plus que le bruit est plus fort. Donc, lorsque les ondes frappent la neige les particules de l’air enfermées dans les cavités de la neige sont mises en mouvement. Comme ces cavités sont minuscules les particules sont fortement freinées par le contact avec les parois. Il s’agit du frottement entre l’air et les cristaux de glace. Or, tout frottement engendre de la chaleur. En d’autres termes, l’énergie des ondes sonores est transférée à la neige sous forme de chaleur.
   Le bruit est-il capable de faire fondre la neige? Non, pas du tout! L’énergie du bruit est bien trop faible. Il est même impossible de mesurer la plus petite augmentation de la température. ~ André Mousset, physicien (MNHN) https://www.science.lu/fr

Photos via Météo Média (superbe galerie de photos!) :

Photographe : Jean Tardif, Saint-Jean-sur-Richelieu. Pic mineur (23.12.2017)
Glissant... ouvre tes ailes mon petit, au moins tu en as toi. 

Photographe : Philippe Cloutier, Montréal. Cardinal (17.12.2017)  

Photographe : Jean Tardif, Saint-Jean-sur-Richelieu. Sitelle à poitrine blanche (23.12.2017) 

Pessoa
Alvaro de Campos


  Je m'éveille la nuit subitement
et ma montre occupe la nuit tout entière.
  Je ne sens pas la Nature au-dehors.
ma chambre est une chose obscure aux murs vaguement blancs...
  Au-dehors règne une paix comme si rien n'existait.
  Seule cette montre poursuit son petit bruit
et cette petite chose à engrenages qui se trouve sur ma table
étouffe toute l'existence de la terre et du ciel...
  Je me perds quasiment à penser ce que cela signifie,
mais je m'arrête net, et dans la nuit je me sens sourire du coin des lèvres,
parce que la seule chose que ma montre symbolise ou signifie
en emplissant de sa petitesse la nuit énorme
est la curieuse sensation d'emplir la nuit énorme
avec sa petitesse...

Poésies d'Alvaro de Campos avec gardeur de troupeaux et les autres poèmes d'Alberto Caeiro in Poésie/Gallimard p. 96 

20 décembre 2017

Le stress des fêtes

La meilleure façon de se libérer du stress des fêtes est d’apprendre à dire «non». Non à la pollution, à la surconsommation, aux réceptions où l’on ne veut pas aller, aux fausses obligations, etc.
Vous aimerez peut-être : L’art de refuser

Cela dit, je me réjouis pour ceux qui adorent la période des fêtes. Si les récompenses valent les efforts, pourquoi se priver?  

Toutefois je compatis avec ceux qui détestent, non pas les congés, mais l’odieuse machine à fric, les déplacements dans les bouchons de circulation, les files d’attente dans les épiceries, les partys de famille et de bureau «obligés», le magasinage, et toutes les formes possibles de pollution – visuelle (partout), sonore (dans les rues, les boutiques et les épiceries) et olfactive (parfums synthétiques et chandelles potpourri). L’orgie donne la migraine, la nausée. Même si, par choix, on ne participe pas, on subit la dictature de l’industrie.
    La fête du plastique commence au début de novembre et s’étend jusqu’à la mi-janvier. Les fêtes créent des millions de tonnes de déchets qui prendront le chemin de la poubelle ou du bac de recyclage : arbres de Noël, décorations, babioles, emballages, guirlandes en aluminium, jeux de lumières, cadeaux, jouets défectueux ou toxiques, jeux électroniques obsolètes, etc.
    Create memories, not garbage. (Metro Vancouver)
    C’est aussi la saison du gaspillage alimentaire. L’abattage de porcs, de dindes et de poulets prend des proportions hors du commun. Que dire de la quantité de bouteilles de vin et d’alcool souvent non recyclées?
    C’est vraiment fou.


Le défouloir londonien


Le Rudolph's Christmas Rage Room proposait un exercice de défoulement consistant à fracasser des accessoires et des décorations de Noël à l’aide d’une batte de baseball dans une pièce réservée à cette fin; les participants pouvaient choisir une irritante chanson-velcro de Noël pour accompagner la session.  L’organisatrice disait : «Nous savons tous que Noël peut être une période stressante pour beaucoup de gens. C'est pourquoi nous avons voulu leur donner un moyen imaginatif de libérer leurs tensions avant les fêtes. C’est l’ultime expérience de catharsis pour gérer le stress causé par les vacances de Noël.» Certains experts craignaient que cela normalise la violence et l'agressivité. À mon avis, c’est plutôt une alternative au passage à l’acte dans les rues ou chez un voisin comme dans les cas de road rage...
    J’aurais aimé aplatir une grosse face en plastique embossé de Santa Coca, fracasser quelques hideuses boules de Noël et plusieurs CD du «Minuit Chrétien». Mais bon, puisque l’expérience mène à plus de déchets dans les dépotoirs, il vaut mieux s’abstenir.

Santa Coca

La ville de Yiwu (province chinoise de Zhejiang) est en réalité un marché colossal d’objets non durables, un véritable monument érigé à la surconsommation globale, à la pollution et à l’esclavage.


Les ouvriers travaillent 10 heures par jour, 7/7; c’est Noël 12 mois par année. Ce marché fournit 60 % de toutes les décorations de Noël vendues en Europe, aux États-Unis et en Amérique du sud. La chaine de fabrication requiert quantité de matières toxiques à la fois pour la main-d’oeuvre et les acheteurs : plastique (PVC), polystyrène, métal, aluminium, colorants et peintures, ignifugeants, etc. Les manufactures fabriquent les mêmes babioles inutiles année après année pour répondre à la demande des grands fournisseurs, comme Wal-Mart par exemple.  
Source :

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Hors piste

J’entre en hibernation en excellente compagnie. Ce qui me donnera du temps pour m’adonner à un plaisir coupable : lire Correspondance 1944-1959, Albert Camus et Maria Casarès (Gallimard, 2017). Je dis coupable en pensant au sentiment d’intrusion éprouvé en lisant les lettres d’amour de mes parents. Je suppose que c’est naturel, mais l’intérêt l’emporte car les échanges épistolaires révèlent tant de choses sur les personnalités, ainsi que les sentiments profonds, les émotions, les espoirs et les déceptions liées aux relations intimes.

Avant internet, pour écrire il fallait s’asseoir, réfléchir et prendre le temps de choisir les mots qui traduiraient le mieux ce qu’on ressentait. La lettre était toujours adressée au bon destinataire, et puis, on attendait avec impatience une réponse par la poste. Il aurait été impensable d’établir une correspondance amoureuse authentique avec une douzaine de personnes (et plus) simultanément, comme on le fait par courriel de nos jours.

À notre époque, les gens s’écrivent à la mitrailleuse, sans penser ni peser leurs mots. Clic, et c’est parti – si vous vous êtes trompé de destinataire, eh bien, tant pis. À l’heure du flirt électronique, les amours arobase naissent et meurent à haute vitesse. Plusieurs internautes voient ces interactions comme un jeu de séduction pouvant ajouter du piquant au quotidien. Néanmoins, il est préférable d’être conscient, de part et d’autre, qu’il s’agit d’un jeu.

Dans son avant-propos, Catherine Camus a écrit :

[...]
Cette correspondance, ininterrompue pendant douze ans, montre bien le caractère d’évidence irrésistible de leur amour :

    ‘Nous nous sommes rencontrés, nous nous sommes reconnus, nous nous sommes abandonnés l’un à l’autre, nous avons réussi un amour brûlant de cristal pur, te rends-tu compte de notre bonheur et de ce qui nous a été donné?’
         Maria Casarès, 4 juin 1950.

    ‘Également lucides, également avertis, capables de tout comprendre donc de tout surmonter, assez forts pour vivre sans illusions, et liés l’un à l’autre, par les liens de la terre, ceux de l’intelligence, du cœur et de la chair, rien ne peut, je le sais, nous surprendre, ni nous séparer.’
          Albert Camus, 23 février 1950.

En janvier 1960, la mort les sépare, mais ils auront vécu douze ans « transparents l’un pour l’autre », solidaires, passionnés, éloignés très souvent, vivant pleinement, ensemble, chaque jour, chaque heure dans une vérité que peu d’êtres auraient la force de supporter.
[...]

Merci à eux. Leurs lettres font que la terre est plus vaste, l’espace plus lumineux, l’air plus léger simplement parce qu’ils ont existé.

16 décembre 2017

Un nouveau job en vue pour Weinstein


Dave Granlund http://www.davegranlund.com/cartoons/

Être un mâle est une question de naissance,
Être un homme est une question d’âge,
Être un gentleman est une question de choix.

Trump ne devrait pas sous-estimer les Américains (et vous non plus)

Le choc de la défaite républicaine en Alabama se fait encore ressentir à Washington. Les doigts accusateurs sont pointés dans plusieurs directions pour expliquer l'échec de Roy Moore à se faire élire au Sénat. Une partie du blâme repose sur les épaules du président. Donald Trump écoutera-t-il ce message?

La goutte de trop

La fameuse goutte de trop pour Roy Moore semble avoir été ces accusations d’inconduite sexuelle portée par au moins neuf femmes. Des événements qui se seraient produits lorsqu’elles étaient adolescentes.

Pris ensemble, c’est un bien mauvais bilan pour un politicien et du combustible pour les forces d’opposition. Les Afro-américaines, notamment, ont réagi en grand nombre.

La décence exigeait que Roy Moore se retire de la course. Fidèle à son image de provocateur, il est resté. Et le président l’a appuyé.

Ce vote, on peut le voir comme un désir de changer le ton, de revenir à un discours plus civilisé. À des politiques plus centristes.

Ce vote, c’est peut-être aussi un signal que le président devrait déposer son téléphone, tourner sa langue avant de tweeter. Un souhait formulé depuis longtemps par bien des républicains.

Yanik Dumont Baron, correspondant pour ICI Radio-Canada à Washington
Publié le mercredi 13 décembre 2017  


Donald Trump et Roy Moore. Jonathan Schmock  http://jonathanschmock.com/

12 décembre 2017

«Las de tous ceux qui viennent avec des mots»


Paul Nicklen – photographe, cinéaste et biologiste marin qui documente la beauté et le sort de notre planète depuis plus de vingt ans. En tant que photographe pour le magazine National Geographic, Nicklen capte l'imagination du public. En tant que co-fondateur de l'organisme à but non lucratif, Sea Legacy, il propose une ouverture progressive à la préservation des océans. Sa narration visuelle a inspiré des millions de personnes à se lever et à défendre les endroits menacés par le changement climatique.

Auteur de la vidéo «les dernières heures d’un ours polaire squelettique en quête de nourriture sur l’île de Baffin». http://www.paulnicklen.com/ 

Dans la même veine :


Tomas Tranströmer (1931-2015) :  

En mars –79

Las de tous ceux qui viennent avec des mots
Des mots, mais pas de langage,
Je partis pour l'île recouverte de neige.
L'indomptable n'a pas de mots!
Ses pages blanches s'étalent dans tous les sens.
Je tombe sur les traces de pas d'un cerf dans la neige
Pas des mots, mais un langage.

(Baltiques, 1983)

Il tombe de la neige

Au milieu de l’hiver
Une lumière blême
jaillit de mes habits
Solstice d’hiver.
Des tambourins de glace clinquante.
Je ferme les yeux.
Il y a un monde muet
Il y a une fissure
où les morts passent la frontière
en cachette.

Source : 

7 décembre 2017

Copycat de Dalí

Le chat Hamilton, adopté dans un refuge, fait le bonheur de son propriétaire. Le moustachu a déjà été tourné dans un film et est en train de devenir aussi célèbre que Dali.


On dirait Salvador Dalí en négatif...


Salvador Dalí avait un chat ocelot colombien nommé Babou, véritable extension de la propre personnalité égocentrique de l’artiste. Les deux étaient inséparables; Dali a même emmené Babou avec lui en croisière, à des dîners chics, et à une balade sur la tour Eiffel. En cherchant des photos du peintre avec son chat je suis tombée sur l’article ci-après qui s'intéresse à l'intolérance croissante vis-à-vis de la violence. Il est vrai que le «processus civilisateur» sensibilise. Les coutumes barbares du moyen-âge nous scandalisent, sauf en certaines cultures où on les pratique encore. L’évolution est un processus extrêmement lent, et tous les terriens ne sont pas au même niveau. C’est pourquoi la cohabitation avec des populations qui observent des rituels datant de Mathusalem est si difficile. Heureusement, aujourd’hui, on peut se permettre d’éprouver de la compassion tant envers les Syriens que les animaux; l’un n’empêche pas l’autre, au contraire.

Les 28 jets de chats pour Dali
Guy Duplat ǀ Publié le lundi 05 novembre 2012

L’affaire de chats lancés en l’air (et rattrapés) pour un film sur Jan Fabre a démarré sur un fait mineur à écouter l’artiste : «Les scènes n’ont duré que deux minutes et les chats sont retombés sur quatre tapis de yoga. Aucun n’a été blessé». Mais par un mouvement typique de la société de l’Internet, l’affaire a entraîné des torrents de textes. Dans ‘De Morgen’, Jan Desmet, écrivain spécialisé sur les relations hommes-animaux, trouve, comme d’autres, tout «cela totalement disproportionné et extrêmement hypocrite», «au même moment, on tue en Syrie» sans réactions.

Vinciane Despret, philosophe à l’université de Liège et auteur de nombreux ouvrages importants sur les liens entre les hommes et les animaux, réagit pour nous à ce débat. Elle pointe d’abord l’évolution de nos perceptions à l’égard des animaux : «Le sociologue allemand Norbert Elias, dit-elle, avait montré dans son livre La Civilisation des mœurs, que le processus de régulation des mœurs, processus de civilité qui régule les pulsions d’une société, montrait ses effets lorsqu’on comparait les réactions de dégoût ou d’horreur que peut susciter un spectacle qui autrefois était communément admis, sinon prisé. Un des exemples les plus marquants et qui revient souvent lorsqu’on évoque son travail est le succès que connut autrefois, au XVIe siècle, le lancer de chats dans des bûchers, lors des fêtes de la Saint-Jean : les chats se consumaient dans des souffrances qu’il n’est pas difficile d’imaginer, au grand plaisir du public venu nombreux pour ces spectacles. On ne peut s’empêcher de penser que les réactions des personnes indignées, suite à la vision des images sur Jan Fabre, traduisent bien, en effet, les changements : serions-nous plus ‘civilisés’ au sens d’Elias? Sans doute, si sous ce terme on désigne le fait que la violence nous choque, et surtout, précisons-le, qu’elle tend à ‘s’invisibiliser’, à ne plus se montrer».


Elle s’intéresse ensuite à la photo historique de 1948 qui a explicitement inspiré Jan Fabre : Dali Atomicus. Après la guerre qui nous a fait entrer dans l’ère atomique, le photographe Philippe Halsman et Salvador Dali étaient impressionnés par la physique nouvelle. Leur imaginaire était excité par les nouvelles hypothèses scientifiques : on parlait d’antigravitation, d’antimatière. Ils ont alors essayé de visualiser ces folles perspectives : tout doit être en suspension, comme dans un atome! Ils travaillèrent ensemble à l’élaboration de divers scénarios avec des objets en suspension. Ils pensèrent d’abord réaliser leur image en utilisant du lait (en souvenir de la photo d’Harold Edgerton avec du lait en suspension). Mais ils choisirent de le faire avec de l’eau. Leurs assistants lancèrent trois chats en l’air avec un seau d’eau. Dali sautait en l’air et Halsman déclenchait. Pendant que tout le monde nettoyait le sol et consolait les chats, le photographe développait le film pour voir le résultat. Au bout de 6 heures et 28 essais, la photo fut bonne! Très vite, elle parut sur une double page de Life et fit sensation. «C’est bien intéressant, car à l’origine, ce n’était donc pas de l’eau qui devait gicler et se disperser en l’air mais du lait. Halsman et Dali sont eux-mêmes influencés, à cet égard, par la photo de Harold Edgerton, qui montrait des gouttes de lait en suspension. Mais, et je trouve cela intéressant, ils vont opter pour de l’eau car ils ne veulent pas choquer un public qui, on est en 1948, sort d’une très longue période de privations. Je suis, à cet égard, héritière de la philosophie de Leibniz, et si je crois sincèrement que c’est souvent une bonne chose que les artistes, les philosophes, les écrivains, soient ailleurs que là où on les attend, je suis très sensible au fait qu’on prête attention, de manière conséquente et responsable, à ceux que l’on pourrait offenser. Et je suis bien sensible à l’attention, au souci qu’ont manifesté Dali et Halsman. Ce qui montre en même temps que ce qui offense peut bien changer; en 1948, ce n’est pas ce que devaient subir les chats qui inquiétait, mais bien ce qu’allaient ressentir les gens devant le gaspillage de nourriture après une période très difficile.»

Vinciane Despret constate encore que «ce ‘processus civilisateur’ nous rend plus sensibles. On remarquera que sur les blogs et dans les commentaires des personnes suite aux articles, certains ne manquent de noter la contradiction entre cette réaction d’indignation et le sort invisible des animaux, en particulier d’élevage. À la lecture de ces commentaires, on voit également à quel point cet événement s’articule presque immédiatement avec quantité de questions politiques, en ce compris avec les questions de nos conflits très belges (même les goûts du Palais en matière d’art, et le fait de privilégier un artiste flamand y sont discutés!). L’écologue Karim Labb m’avait dit un jour que si l’on introduit la question de l’animal dans l’espace urbain, elle a immédiatement des effets très subversifs. Cette histoire l’atteste».  

Quant à la performance de Fabre, elle estime que son acte traduit «un des effets du processus régulateur de la violence, qui prend la forme d’une pratique de l’insoumission, et qui passe par l’incivilité et la provocation. Mais Fabre n’avait pas du tout prévu cette réaction, il a agi avec une certaine inconséquence (Dali avait tenu compte de l’émoi possible de l’opinion). Je ne peux m’empêcher de penser, à propos de cette pratique de l’insoumission et de la provocation qui guide le travail de l’artiste, qu’elle a pris l’allure d’une routine un peu aveugle, mécanique, une routine qui ne convoque plus vraiment de processus de pensée, qui ne s’interroge pas sur les effets possibles, et qui me semble perdre son sens quand elle devient provocation pour elle-même, et non pas pour déstabiliser d’autres routines, des rapports de pouvoirs, des usages sclérosés, et pour faire hésiter».


Le peintre Henri Matisse aimait les chats et il en a eu tout au long de sa vie (on ne l'imagine pas faire des lancers de chats pour faire parler de lui!). Il les incluait parfois dans ses tableaux.


La jeune fille et le chat

4 décembre 2017

Ce cher Camus...

J’attends avec impatience mon exemplaire réservé de Correspondance (1944-1959) Albert Camus, Maria Casarès, Gallimard, novembre 2017. (Introuvable au Québec)  

Beaucoup de plaisir à lire le manuscrit du roman Le premier homme. «Il s’agit de l’œuvre à laquelle il travaillait au moment de sa mort. Le manuscrit a été trouvé dans sa sacoche, le 4 janvier 1960; 144 pages tracées au fil de la plume, parfois sans points ni virgules, d’une écriture rapide, difficile à déchiffrer, jamais retravaillée.» (Mot de l’éditeur, 1994)

Résumé

Le premier homme
Albert Camus
Collection Cahiers Albert Camus (n° 7), Gallimard
Parution : 13-04-1994

«En somme, je vais parler de ceux que j'aimais», écrit Albert Camus dans une note pour Le premier homme. Le projet de ce roman auquel il travaillait au moment de sa mort était ambitieux. Il avait dit un jour que les écrivains «gardent l'espoir de retrouver les secrets d'un art universel qui, à force d'humilité et de maîtrise, ressusciterait enfin les personnages dans leur chair et dans leur durée».
   Il avait jeté les bases de ce qui serait le récit de l'enfance de son «premier homme». Cette rédaction initiale a un caractère autobiographique qui aurait sûrement disparu dans la version définitive du roman. Mais c'est justement ce côté autobiographique qui est précieux aujourd'hui.
   Après avoir lu ces pages, on voit apparaître les racines de ce qui fera la personnalité de Camus, sa sensibilité, la genèse de sa pensée, les raisons de son engagement. Pourquoi, toute sa vie, il aura voulu parler au nom de ceux à qui la parole est refusée.

Quelques citations

Alger, archives1920-1930

Elle disait oui, c’était peut-être non, il fallait remonter dans le temps à travers une mémoire enténébrée, rien n’était sûr. La mémoire des pauvres déjà moins nourrie que celle des riches, elle a moins de repères dans l’espace puisqu’ils quittent rarement le lieu où ils vivent, moins de repères aussi dans le temps d’une vie uniforme et grise. Bien sûr, il y a la mémoire du cœur dont on dit qu’elle est la plus sûre, mais le cœur s’use à la peine et au travail, il oublie plus vite sous le poids des fatigues. Le temps perdu ne se retrouve que chez les riches. Pour les pauvres, il marque seulement les traces vagues du chemin de la mort. Et puis, pour bien supporter, il ne faut pas trop se souvenir, il fallait se tenir tout près des jours, heure après heure [...]. (p. 93)

Tous trois avaient des salaires de misère qui réunis, devaient faire vivre une famille de cinq personnes. La grand-mère gérait l’argent du ménage, et c’est pourquoi la première chose qui frappa Jacques fut son âpreté, non qu’elle fût avare, ou du moins elle l’était comme on est avare de l’air qu’on respire et qui vous fait vivre. (p. 98)

L’entrée au lycée :
[...] puis il se précipitait à la fenêtre, regardant son maître qui le saluait une dernière fois et qui le laissait désormais seul, et, au lieu de la joie du succès, une immense peine d’enfant lui tordait le cœur, comme s’il savait d’avance qu’il venait par ce succès d’être arraché au monde innocent et chaleureux des pauvres, monde refermé sur lui-même comme une île dans la société mais où la misère tient lieu de famille et de solidarité, pour être jeté dans un monde inconnu, qui n’était plus le sien, où il ne pouvait croire que les maîtres fussent plus savants que celui-là dont le cœur savait tout, et il devrait désormais apprendre, comprendre sans aide, devenir un homme enfin sans le secours du seul homme qui lui avait porté secours, grandir et s’élever seul enfin, au prix le plus cher. (pp. 193, 194)

Les élèves complotèrent ensuite la mise à sac du magasin et la destruction physique de son propriétaire, mais le fait est qu’ils ne donnèrent aucune suite à leurs sombres projets, qu’ils cessèrent de persécuter leur victime et qu’ils prirent l’habitude de passer benoîtement sur le trottoir d’en face. «On s’est dégonflé, disait Jacques avec amertume. – Après tout, lui répondit Pierre, nous étions dans notre tort. – Nous étions dans notre tort et nous avons peur des coups.» Plus tard, il devait se souvenir de cette histoire quand il comprit (vraiment) que les hommes font semblant de respecter le droit et ne s’inclinent jamais que devant la force (lui comme les autres). (p. 235)

Pierre, en huit ans de lycée, ne connut jamais la retenue. Mais Jacques, trop remuant, trop vaniteux aussi, et il faisait donc l’imbécile pour le plaisir de paraître, collectionnait les retenues. Il avait beau expliquer à la grand-mère que les punitions concernaient la conduite, elle ne pouvait faire la distinction entre la stupidité et la mauvaise conduite. Pour elle, un bon élève était forcément vertueux et sage; de même, la vertu conduisait tout droit à la science. C’est ainsi que les punitions du jeudi s’aggravaient, les premières années du moins, des corrections du mercredi. (p. 257, 258)

Boulimie littéraire :
La manière dont le livre était imprimé renseignait déjà le lecteur sur le plaisir qu’il allait en tirer. P. et J. n’aimaient pas les compositions larges avec de grandes marges, où les auteurs et les lecteurs raffinés se complaisent, mais les pages pleines de petits caractères courant le long de lignes étroitement justifiées, remplies à ras bord de mots et de phrases, comme ces énormes plats rustiques où l’on peut manger beaucoup et longtemps sans jamais les épuiser et qui seuls peuvent apaiser certains énormes appétits. Ils n’avaient que faire du raffinement, ils ne connaissaient rien et voulaient tout savoir. Il importait peu que le livre fût mal écrit et grossièrement composé, pourvu qu’il fût clairement écrit et plein de vie violente; ces livres-là, et eux seuls, leur donnaient leur pâté de rêves, sur lesquels ils pouvaient ensuite dormir lourdement.
   Chaque livre, en outre, avait une odeur particulière selon le papier où il était imprimé, odeur fine, secrète, dans chaque cas, mais si singulière que J. aurait pu distinguer les yeux fermés un livre de la collection Nelson des éditions courantes que publiait alors Fasquelle. Et chacune de ces odeurs, avant même que la lecture fût commencée, ravissait Jacques dans un autre univers plein de promesses déjà [tenues] qui commençaient déjà d’obscurcir la pièce où il se tenait, de supprimer le quartier lui-même et ses bruits, la ville et le monde entier qui allait disparaître totalement aussitôt la lecture commencée avec une avidité folle, exaltée, qui finissait par jeter l’enfant dans une totale ivresse dont les ordres répétés n’arrivaient même pas à le tirer. (p. 270)

Le chômage, qui n’était assuré par rien, était le mal le plus redouté. Cela expliquait que ces ouvriers, chez Pierre comme chez Jacques, qui toujours dans la vie quotidienne étaient les plus tolérants des hommes, fussent toujours xénophobes dans les questions de travail, accusant successivement les Italiens, les Espagnols, les Juifs, les Arabes et finalement la terre entière de leur voler leur travail – attitude déconcertante certainement pour les intellectuels qui font la théorie du prolétariat, et pourtant fort humaine et bien excusable. Ce n’était pas la domination du monde ou des privilèges d’argent et de loisir que ces nationalistes inattendus disputaient aux autres nationalités, mais le privilège de la servitude. Le travail dans ce quartier n’était pas une vertu, mais une nécessité qui, pour faire vivre, conduisait à la mort.
   Dans tous les cas, et si dur que fût l’été d’Algérie, alors que les bateaux surchargés emmenaient fonctionnaires et gens aisés se refaire dans le bon «air de France» (et ceux qui en revenaient ramenaient de fabuleuses et incroyables descriptions de prairies grasses où l’eau courait en plein mois d’août), les quartiers pauvres ne changeaient strictement rien à leur vie et, loin de se vider à demi comme les quartiers du centre, semblaient au contraire augmenter leur population du fait que les enfants se déversaient en grand nombre dans les rues. (p. 279)

Travail pendant les vacances :
Mais les employeurs demandaient toujours que les candidats eussent au moins quinze ans, et il était difficile de mentir sans effronterie sur l’âge de Jacques qui n’était pas très grand pour ses treize ans. D’autre part, les annonciers rêvaient toujours d’employés qui feraient carrière chez eux. Les premiers à qui la grand-mère [...] présenta Jacques le trouvèrent trop jeune ou bien refusèrent tout net d’engager un employé pour deux mois. «Il n’y a qu’à dire que tu resteras, dit la grand-mère. – Mais c’est pas vrai. – Ça ne fait rien. Ils te croiront.» Ce n’était pas cela que Jacques voulait dire, et en vérité il ne s’inquiétait pas de savoir s’il serait cru ou non. Mais il lui semblait que cette sorte de mensonge s’arrêterait dans sa gorge. [...] Obscurément, il sentait qu’on ne ment pas sur l’essentiel avec ceux qu’on aime, pour la raison qu’on ne pourrait plus vivre avec eux alors ni les aimer. Les employeurs ne pouvaient connaître de lui que ce qu’on leur disait, et ils ne le reconnaîtraient donc pas, le mensonge serait total. (p. 285)

Il n’avait connu jusque-là que les richesses de la pauvreté. Mais la chaleur, l’ennui, la fatigue lui révélaient sa malédiction, celle du travail bête à pleurer dont la monotonie interminable parvient à rendre en même temps les jours trop longs et la vie trop courte.
   Chez le courtier maritime, l’été fut plus agréable parce que les bureaux donnaient sur le boulevard Front-de-mer et surtout parce qu’une partie du travail se passait dans le port. Jacques devait en effet monter à bord des bateaux de toutes nationalités qui relâchaient à Alger et que le courtier, un beau vieillard rose aux cheveux bouclés, avait la charge de représenter auprès des diverses administrations. [...] Derrière l’odeur de soleil et de poussière qui montait des quais ou celle des ponts surchauffés dont le goudron fondait et où toutes les ferrures brûlaient, Jacques reconnaissait l’odeur particulière de chaque cargo. Ceux de Norvège sentaient le bois, ceux qui venaient de Dakar ou les Brésiliens apportaient avec eux un parfum de café et d’épices, les Allemands sentaient l’huile, les Anglais sentaient le fer. (pp. 292, 293)

V.V. Nous autres hommes et femmes de cette époque, de cette ville, dans ce pays, nous nous sommes étreints, repoussés, repris, séparés enfin. Mais pendant tout ce temps nous n'avons pas cessé de nous aider à vivre, avec cette merveilleuse complicité de ceux qui ont à lutter et à souffrir ensemble. Ah! c'est cela l'amour -- l'amour pour tous. (Annexes, Le premier homme Notes et plans; p. 342, 343)  

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Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : «Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.» Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. (Camus, L’étranger)

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L’étranger
Baudelaire

Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère?
Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
Tes amis?
Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
Ta patrie?
J’ignore sous quelle latitude elle est située.
La beauté?
Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
L’or?
Je le hais comme vous haïssez Dieu.
Eh! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
J’aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!

(Le Spleen de Paris)

29 novembre 2017

22 novembre 2017

Changer de rue ne suffit plus

On vit dans un monde où il est de plus en plus difficile de choisir ce qu’on veut regarder. Détournez le regard et vous butez aussitôt sur un autre panneau publicitaire, puis un autre et un autre. Panneaux géants en bordure des autoroutes, sur les murs, les abris bus, dans le métro, affichage animé dynamique, olfactif... pollution visuelle, énergétique, électrique, sonore et psychologique. Impossible d’y échapper – c’est une «chasse agressive aux consommateurs de la part des multinationales» (Naomi Klein, No Logo). Et, changer de rue ne règlera pas mon problème.

La philosophe Simone Weil (1909-1943) y voyait une menace directe contre la liberté d'opinion et une insulte à l'intelligence. La publicité est principalement critiquée pour son invasion de l'espace public, de la vie courante (télévision, radio, boîtes aux lettres, téléphone, journaux, cinéma, Internet, panneaux publicitaires, ainsi que sur les vêtements) et son emploi de techniques nuisibles et agressives comme le matraquage (plus de 3 000 messages publicitaires par jour) ou la manipulation mentale. Une autre sorte de critique affirme que la publicité prise dans son ensemble diffuse un message politique fort, prônant la société de consommation, incitant au gaspillage et à la pollution.
Source : Mouvement Antipub https://fr.wikipedia.org/wiki/Antipub

Photo : (Juin 2009) Un trompe-l’œil pour surprendre et faire ralentir les cyclistes trop audacieux sur le trottoir de Regent's Canal à Londres. Une commande de la British Waterways au célèbre tandem Joe Hill et Max Lowry (ce dernier est décédé en 2010).

Autobiographie en cinq courts chapitres
Par Portia Nelson*

Chapitre 1
Je marche dans la rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir.
Je tombe dedans.
Je suis perdue … je suis impuissante.
Ce n’est pas de ma faute.
Ça me prend un temps fou pour en sortir.

Chapitre 2
Je marche dans la même rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir.
Je fais semblant de ne pas le voir.
Je tombe encore dedans.
Je n’arrive pas à croire que je suis à la même place.  
Mais, ce n’est pas de ma faute.
Ça me prend encore beaucoup de temps pour en sortir.

Chapitre 3
Je marche dans la même rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir.
Je le vois là.
Je tombe encore dedans … par habitude. 
J’ai les yeux ouverts.
Je sais où je suis.
C’est de ma faute.
J’en sors immédiatement.

Chapitre 4
Je marche dans la même rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir.
Je le contourne.

Chapitre 5
Je marche dans une autre rue.

Poème publié dans :
There’s a Hole in My Sidewalk: The Romance of Self-Discovery 

* Portia Nelson (1920-2001) : chanteuse et actrice américaine. Elle a joué entre autres dans La Mélodie du bonheur; Le Dortoir des anges; Mystery of the Chinese Junk; L'Extravagant docteur Dolittle.

En complément :

The Illusionists
Elena Rossini 2015  | 53:50

The Illusionists examines how global advertising firms, mass media, and the beauty, fashion, and cosmetic-surgery industries have together colonised the way people all around the world define beauty and see themselves. Taking us from Harvard to the halls of the Louvre, from a cosmetic surgeon’s office in Beirut to the heart of Tokyo’s Electric Town, The Illusionists shows how these industries saturate our lives with narrow, Westernised, consumer-driven images of so-called beauty that show little to no respect for biological realities or cultural differences. Featuring voices from prominent sociologists, magazine editors, scientists, artists, and activists, The Illusionists documents a truly global phenomenon, with hegemonic results.


Human Resources
Scott Noble 2010 | 1:59:23 metanoia-films.org

Human Resources Social Engineering in the 20th Century is about the rise of mechanistic philosophy and the exploitation of human beings under modern hierarchical systems. The film captures how humans are regarded as a resource by corporations something to be exploited for pecuniary gain by following the history of psychological experiments in behaviour modification, conditioning and mind control; applying the outcomes to modern day establishment experiments such as institutionalised education, military training, and social engineering by way of things like television…


Non satisfaits d’avoir fait de la terre un dépotoir, nous faisons la même chose avec le ciel. La prolifération des débris pourrait éventuellement perturber le trafic aérien (possibles collisions avec des avions).

Space junk


Nearly fifty years into mankind's space exploration, we have littered the heavens with our garbage. There is an incredible amount of debris that is literally stuck in Earth's gravitational field, with each piece traveling at about 18,000 miles per hour. Of the estimated 600,000 pieces of old spacecraft parts, spent rocket stages, satellites that no longer work, fragments from small collisions, solid rocket fuel slag and even paint flakes from aging satellites or equipment, only about 20,000 can be tracked. So each time we send new things into space such as the shuttle or satellites, we have to worry about the possibility for a major collision with some of that debris.

Adrift
Cath Le Couteur 2016 | 11:03

Adrift is a short film that explores the phenomenon of space junk, where human-made objects launched into space and are now defunct orbit the Earth literally as garbage. The film makes visible some of the immediate impacts and dangers of the technological escalation of this culture, where old satellites, spent rocket stages, and other items orbit the Earth, only to collide with one another at high velocities, generating smaller fragments that collide with other items, and so on. The end point is a cascading complex of junk that engulfs the entire space around the Earth. Adrift aims to make this phenomenon visible, putting a big question mark against the claims made by many futurists and technologists that future space colonisation would even be possible, if only it were a tenable or sensible idea in the first place…