24 décembre 2017

Neige et tic-tac

Photographe : Patrick Woodbury, Le Droit (24.12.2017)
Neige, verglas, soleil, neige, ensuite froid polaire... Winta story. Le dieu des skieurs a répondu à leurs prières. 

La neige
Michael Donhauser 

  Vu de l'extérieur donc vers l'intérieur, son tourbillon correspond à l'arbitraire des pensées, qui se vaporisent et se mettent en boule si elles n'ont pas encore assez de poids pour tomber avec la constance particulière aux mots.
  Rien ne pousse le regard, tant que la neige ne l'a pas accaparé, à supposer déjà à travers ses gestes estompés une sorte de récit.
  Seul le désespoir, peut-être, vient à sa rencontre et c'est ce qui me fait chercher, avec son vacillement, un accord.
  Mais à peine dehors, donc dans la neige, tous les détails s'embrouillent et s'échangent dans le plaisir et la colère qu'elle prend à supprimer les bordures de pierre, envahir les carrefours, faire de la ville un désert.
  En même temps elle pénètre et se fait conteuse, elle se pose sur la corniche des façades, tourbillonne autour du tram, étouffe le silence des unes, le vrombissement de l'autre, dans une ville devenue alors étrangère.
  À cette irruption soudaine fait suite, lentement, le calme d'un accord et bientôt je marche, tel un peut-être Russe, sur ses chemins étroits, contournant les amoncellements le long des voies enneigées [...]
  Finalement elle embourbe les rues et j'entends l'obsession qui n'est plus la sienne, le hurlement des moteurs et des pneus qui tournent à vide, dérapent.

In «Action poétique, n°166, Poètes autrichiens d'aujourd'hui», p.14, traduction de Florence Hetzel, Siegfried Schopper, Michelle Grangaud.

*** 
Lorsque le sol est recouvert d’une couche de neige, et surtout lorsqu’il neige fortement, c'est comme du silence qui tombe. Ne s’agit-il que d’une illusion, ou y a-t-il vraiment moins de bruit? Non, il ne s’agit pas d’une illusion. En effet, il y a moins de bruit car la neige ne réfléchit pratiquement pas le son. Par contre elle l’absorbe fortement.
   Le bruit produit par une source sonore atteint nos oreilles sur deux chemins différents. Primo il nous parvient en ligne directe à travers l’air. Secundo il atteint nos oreilles après avoir subi de nombreuses réflexions sur les surfaces les plus diverses (routes, murs, rochers, prés...).
   Les différentes surfaces ne réfléchissent pas les ondes sonores de la même façon. Des surfaces «dures» réfléchissent particulièrement bien le son. Le contraire vaut pour des surfaces «molles», inégales et poreuses, notamment pour un sol couvert de neige. Comme les flocons sont légers la couche de neige n’est dans un premier temps pas encore compactée et contient bon nombre de minuscules cavités d’air. Ainsi la surface de contact entre les cristaux de glace et l’air est énorme, de sorte que les ondes sonores sont fortement absorbées. La neige amortit tout bruit à la manière d’une mousse en polystyrène ou d’un tapis épais.
   Par temps de neige, il n’y a pratiquement pas de réflexion d’ondes sonores. Le niveau sonore global est donc nettement moindre. Quand il neige à plein temps l’amortissement du bruit est particulièrement important. À l’absorption du son s’ajoute la diffusion du son. Ce sont surtout les gros flocons qui diffusent les ondes sonores dans toutes les directions. Le bruit se perd en quelque sorte dans l’espace. Un phénomène analogue s’observe d’ailleurs par temps de brouillard (minuscules gouttelettes dans l’air et sur les surfaces). Il s’y ajoute encore un autre effet : de nombreuses sources sonores typiques sont moins bruyantes. Les autos circulent plus lentement, le bruit de nos pas est atténué par la neige...
   Que se passe-t-il avec les ondes sonores absorbées par la neige? Comme les ondes sonores transportent de l’énergie elles mettent les molécules de l’air en mouvement. Et cela d’autant plus que le bruit est plus fort. Donc, lorsque les ondes frappent la neige les particules de l’air enfermées dans les cavités de la neige sont mises en mouvement. Comme ces cavités sont minuscules les particules sont fortement freinées par le contact avec les parois. Il s’agit du frottement entre l’air et les cristaux de glace. Or, tout frottement engendre de la chaleur. En d’autres termes, l’énergie des ondes sonores est transférée à la neige sous forme de chaleur.
   Le bruit est-il capable de faire fondre la neige? Non, pas du tout! L’énergie du bruit est bien trop faible. Il est même impossible de mesurer la plus petite augmentation de la température. ~ André Mousset, physicien (MNHN) https://www.science.lu/fr

Photos via Météo Média (superbe galerie de photos!) :

Photographe : Jean Tardif, Saint-Jean-sur-Richelieu. Pic mineur (23.12.2017)
Glissant... ouvre tes ailes mon petit, au moins tu en as toi. 

Photographe : Philippe Cloutier, Montréal. Cardinal (17.12.2017)  

Photographe : Jean Tardif, Saint-Jean-sur-Richelieu. Sitelle à poitrine blanche (23.12.2017) 

Pessoa
Alvaro de Campos


  Je m'éveille la nuit subitement
et ma montre occupe la nuit tout entière.
  Je ne sens pas la Nature au-dehors.
ma chambre est une chose obscure aux murs vaguement blancs...
  Au-dehors règne une paix comme si rien n'existait.
  Seule cette montre poursuit son petit bruit
et cette petite chose à engrenages qui se trouve sur ma table
étouffe toute l'existence de la terre et du ciel...
  Je me perds quasiment à penser ce que cela signifie,
mais je m'arrête net, et dans la nuit je me sens sourire du coin des lèvres,
parce que la seule chose que ma montre symbolise ou signifie
en emplissant de sa petitesse la nuit énorme
est la curieuse sensation d'emplir la nuit énorme
avec sa petitesse...

Poésies d'Alvaro de Campos avec gardeur de troupeaux et les autres poèmes d'Alberto Caeiro in Poésie/Gallimard p. 96 

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