30 novembre 2016

Le moine en complet-cravate

Dessin : Serge Chapleau, caricaturiste au quotidien La Presse. J’adore ce portrait.

Je n'ai pas complété les phases du deuil...

Complet-cravate, chapeau et manières courtoises faisaient partie de l’image de marque de Leonard, mais cela ne l’empêchait d’être lui-même et de dire ce qu’il pensait.

I love to speak with Leonard
He’s a sportsman and a shepherd
He’s a lazy bastard
Living in a suit

But he does say what I tell him
Even though it isn’t welcome
He just doesn’t have the freedom
To refuse

He will speak these words of wisdom
Like a sage, a man of vision
Though he knows he’s really nothing
But the brief elaboration of a tube

[...]

Leonard Cohen
Song: GOING HOME
Album: OLD IDEAS

L’habit ne fait pas le moine, euh...

Ma vie en habits

Après un certain temps
Tu ne sais plus
Si c’est une femme
Qui te manque
Ou si tu as besoin
D’une cigarette
Et plus tard
Si c’est la nuit
Ou si c’est le jour
Puis soudainement
Tu sais
Le temps
Tu t’habilles
Tu rentres à la maison
Tu t’allumes
Tu te maries

Leonard Cohen
LIVRE DU CONSTANT DÉSIR
Éditions de l’Hexagone, 2007
(Traduction : Michel Garneau)

Dessin : Pascal, caricaturiste au quotidien Le Devoir. Hum...

Citation du jour :
«Si vous n’arrivez pas à donner un sens à tout ce qui se passe, essayez de voir ça comme un divertissement.» ~ Ashleigh Brilliant

26 novembre 2016

«La vexation narcissique»


«Ce qui rend si agréable la société de mon chien, c’est la transparence de son être. Mon  chien est transparent comme le verre. S’il n’y avait pas de chiens, je n’aimerais pas vivre.» ~ Arthur Schopenhauer

Il se mit à creuser un fossé entre leur essence et la sienne

Au cours de son développement culturel, l'homme s'érigea en maître de ses compagnons dans la création, les animaux. Mais non content de cette prédominance, il se mit à creuser un fossé entre leur essence et la sienne. Il leur contesta la raison et s'attribua une âme immortelle, se réclama d'une haute ascendance divine qui permettrait de rompre le lien de communauté avec le règne animal. Il est remarquable que cette outrecuidance soit encore éloignée du petit enfant, tout comme de l'homme primitif et de l'homme originaire. Elle est le résultat d'un développement ultérieur plein de prétention. Au stade du totémisme, le primitif ne trouvait pas choquant de faire remonter sa lignée à un ancêtre animal. Le mythe qui contient le précipité de cet ancien mode de pensée fait prendre aux dieux une forme d'animal et l'art des premiers temps figure les dieux avec des têtes d'animaux. L'enfant ne ressent aucune différence entre son essence propre et celle de l'animal; dans le conte il fait, sans s'étonner, penser et parler les animaux; il déplace un affect d'angoisse qui concerne le père humain, sur le chien ou sur le cheval, sans avoir pour autant l'intention d'abaisser le père. C'est seulement devenu adulte qu'il se sera rendu étranger à l'animal au point de pouvoir injurier l'homme en lui donnant le nom d'un animal. 
     Nous savons tous que la recherche de Ch. Darwin, de ses collaborateurs et de ses prédécesseurs a mis fin, il y a à peine plus d'un demi-siècle, à cette outrecuidance de l'homme. L'homme n'est rien d'autre ni rien de meilleur que les animaux, il procède lui-même de la série animale, apparenté de plus près à certaines espèces, de plus loin à d'autres. Ses acquisitions ultérieures ne sont pas parvenues à effacer ces témoignages d'équivalence, qui sont inscrits dans sa conformation corporelle comme dans ses prédispositions animiques. Telle est donc la deuxième vexation du narcissisme humain, la vexation biologique. 

~ Sigmund Freud
Une difficulté de la psychanalyse
Oeuvres complètes : psychanalyse. 1916-1920, vol. 15; Puf, 1996, p. 47.  
http://bibliodroitsanimaux.free.fr/

Best place in the world...

Si le spécisme vous intéresse :
http://www.cahiers-antispecistes.org/spip.php?page=auteurs

Dans la même veine : libellé Zoofriendly, blogue Situation planétaire

24 novembre 2016

Le vendredi le plus fou de l’année

Le «vendredi fou» d’achat compulsif débute aujourd’hui : quelques clous de plus dans le cercueil écosuicidaire... À chaque année, certains acheteurs se battent bec et ongles pour des objets. Résultat : des blessés et parfois même des morts.

Grab, grab, grab! (Vendredi fou, UK)

Le coût des objets – Une fois qu’on a accumulé des objets, on doit les conserver, les entretenir, les nettoyer, les ranger, les classer, etc. Les objets nous obligent à avoir des tablettes, du rangement et de l’espace. Combien de pieds carrés dans nos maisons servent uniquement à les ranger et les contenir? (...) Selon le Los Angeles Times paru en 2014, un ménage américain moyen posséderait 300 000 objets.
~ Pierre-Yves McSween (En as-tu vraiment besoin?, Guy Saint-Jean Éditeur, 2016) 

Allons vers les vivants.


Les Moineaux
François Fabié

La neige tombe par les rues,
Et les moineaux, au bord du toit,
Pleurent les graines disparues.
«J’ai faim!» dit l’un; l’autre : «J’ai froid!»

«Là-bas, dans la cour du collège,
Frères, allons glaner le pain
Que toujours jette – ô sacrilège! –
Quelque écolier qui n’a plus faim».

À cet avis, la bande entière
S’égrène en poussant de grands cris,
Et s’en vient garnir la gouttière
Du vieux collège aux pignons gris.

C’est l’heure vague où, dans l’étude,
Près du poêle au lourd ronflement,
Les écoliers, de lassitude,
S’endorment sur le rudiment.

Un seul auprès de la fenêtre,
– Petit rêveur au fin museau, –
Se plaint que le sort l’ait fait naître
Écolier, et non pas oiseau.

(La Poésie des Bêtes, 1886)

Via : http://www.poetica.fr/a-propos/


Vous aimez les oiseaux? Visitez Bird Cams. Si vous habitez un appartement où il est défendu de nourrir les oiseaux, vous pourrez regarder les activités aux mangeoires en temps réel grâce aux caméras installées par Cornell, en Ontario (Canada) par exemple. Je watch en écrivant : mésanges dans les mangeoires suspendues, gros-becs et durbecs des pins dans le plateau. Une corneille est venue tantôt. Les geais bleus ont mangé toutes les cacahuètes. Un superbe pic arrive! En plus on les entend jacasser. Trop pâmant ce site, je suis déjà accro.
   Quelques heures plus tard, achalandage et petites querelles dans le plateau, comme chez Walmart lors du Black Friday. J'ignore ce qui nous faire croire que nous sommes des animaux différents des autres animaux. Vraiment! 

The Cornell Lab of Ornithology – Bird Cams

Ontario FeederWatch
Camera Host: Tammie & Ben Haché
http://cams.allaboutbirds.org/channel/38/Ontario_FeederWatch/

Plusieurs autres lieux d’observation disponibles, notamment à New York, au Texas, etc. http://cams.allaboutbirds.org/

Birds of the Yellow Sea (Vidéo)

Des dizaines de milliers d’années d’évolution! C’est sûr qu’on va achever les oiseaux de rivage migrateurs à coups de drones-jouets, de déversements pétroliers ou autres... on ne manque pas de ressources pour y arriver.

Publiée le 31 oct. 2016 Cornell Lab of Ornithology

The intertidal mudflats of the Yellow Sea contain the most important stopover sites for migratory shorebirds in the East Asian-Australasian Flyway - a flyway that has transported birds from breeding grounds in the Russian and Alaskan Arctic to wintering areas in Southern Asia, Australia and New Zealand for hundreds of thousands of years. The productivity of the Yellow Sea’s mudflats and the food they provide to migratory birds are critical to the survival of many species.

This film provides a primer on the basic biological principles of migratory shorebird ecology and why the Yellow Sea is a critical international hub for bird migration.

Film is also available in Korean, Mandarin, Japanese and Russian.

Filmed and narrated by Gerrit Vyn
Edited by Tom Swarthout

Music: "Trip," "Long Road," "Ways," Ehrlich, Loy (SACEM) Kosinus APM (ASCAP), Courtesy APM

23 novembre 2016

Rien de mal à être ambitieux

@Twittakine«L’élection de Trump démontre une chose, c’est qu’il ne faut pas hésiter à postuler pour un job, même quand on n’a pas d’expérience.» (Commentaire d’un internaute) 


«Les grands se piquent d’ouvrir une allée dans une forêt, de soutenir des terres par de longues murailles, de dorer des plafonds, de faire venir dix pouces d’eau, de meubler une orangerie; mais de rendre un cœur content, de combler une âme de joie, de prévenir d’extrêmes besoins ou d’y remédier, leur curiosité ne s’étend point jusque-là.»
~ Jean de La Bruyère

Il y a trois sortes d'ambition : la première, c'est de gouverner un peuple et d'en faire l'instrument de ses desseins; la seconde, c'est d'élever son pays et de lui assurer la suprématie sur tous les autres; la troisième, c'est d'élever l'humanité tout entière, en augmentant le trésor de ses connaissances. 
~ Francis Bacon


L’ambition saine est certes un moyen de se réaliser. Mais elle peut se transformer en esclavage, en obsession, en compétition malsaine, voire, en instrument de torture envers soi-même et autrui car il n’y a pas de plafond, ni de béton ni de verre :  

«De l’ambition naissent les jalousies dévorantes; et cette passion si basse et si lâche est pourtant le vice et le malheur des Grands. Jaloux de la réputation d’autrui, la gloire qui ne leur appartient pas est pour eux comme une tache qui les flétrit et qui les déshonore. Jaloux des grâces qui tombent à côté d’eux, il semble qu’on leur arrache celles qui se répandent sur les autres. ... Enfin cette injuste passion tourne tout en amertume, et on trouve le secret de n’être jamais heureux, soit par ses propres maux, soit par les biens qui arrivent aux autres.»

~ Jean-Baptiste Massillon

L'ESPOIR ET LA PEUR (p. 73)

Un des enseignements classiques du bouddhisme qui porte sur l'espoir et la peur se subdivise en quatre paires de contraires : quatre choses qu'on aime et auxquelles on s'attache et quatre autres qu'on déteste et qu'on cherche à éviter. Le message essentiel à retenir, c'est que lorsqu'on est pris au piège de ces huit dharmas*, on souffre.

Premièrement, on aime le plaisir, on s'y attache. À l'inverse, on n'aime pas la douleur. Deuxièmement, on aime les louanges et on y est attaché. On s'emploie à éviter les critiques et le blâme. On n'aime pas le déshonneur et on fait tout pour y échapper. Enfin, on est attaché au gain, on tient à obtenir ce qu'on veut. On n'aime pas perdre ce qu'on possède.

D'après cet enseignement très simple, s'enfoncer dans ces quatre paires de contraires le plaisir et la douleur, les louanges et le blâme, la célébrité et le déshonneur, le gain et la perte , c'est ce qui nous garde coincés dans la douleur du samsara**.

On pourrait avoir l'impression qu'il faudrait en arriver à éliminer complètement ces sentiments de plaisir et de douleur, de perte et de gain, de louange et de blâme ou de célébrité et de déshonneur. Il serait plus pratique de les connaître intimement, de voir comment on s'y accroche, et à quel point ils n'ont rien de permanent. C'est alors que les huit dharmas temporels deviennent des moyens de devenir plus sages, plus bienveillants et plus heureux.

---
* Dharma : «loi cosmique», la vérité de ce qui est. 
** Samsara : «la continuation du voyage» – le cercle vicieux de la souffrance qui résulte de la croyance erronée en la solidité et la permanence du moi et de l’autre

SE DÉTENDRE ET PASSER À AUTRE CHOSE (p. 75)

Arriver à se détendre, c’est la clé pour se sentir chez soi dans son corps, son esprit et son monde affectif, pour sentir qu’on mérite de vivre sur cette planète. Par exemple, lorsqu’on entend ce slogan : «adopte toujours un même esprit joyeux», et qu’on commence à se taper dessus parce qu’on n’a jamais la pêche, on peut dire que ce genre de témoin y va un peu trop fort.

La gravité, le sérieux à propos de tout et de rien et l’attitude obsessive du genre «ça va se passer comme ça, sinon...» sont les plus grands rabat-joie du monde. On n’apprécie rien parce que tout est trop solennel. Par contraste, quand on est joyeux, l’esprit est ordinaire, détendu. On a donc intérêt à se calmer. Ce n’est pas la peine d’en faire toute une histoire.

Quand on aspire à se détendre, on commence à avoir le sens de l’humour. Impossible de se prendre au sérieux longtemps. À part l’humour, porter attention, s’intéresser à ce qui est autour de soi, être curieux de tout sont autant de moyens d’avoir l’esprit joyeux. Le bonheur n’est pas nécessaire, mais il est bon de rester curieux sans porter de jugements catégoriques. Et quand on se surprend à porter des jugements, il est bon de s’interroger là-dessus.

La curiosité favorise la bonne humeur. Tout comme se souvenir tout bonnement de faire quelque chose d’autre. On est tellement pris au piège d’un sentiment de lourdeur – le grand bonheur ou le grand malheur – qu’il est parfois utile de changer tout simplement ses habitudes. Tout ce qui sort de l’ordinaire peut aider. Aller à la fenêtre et regarder le ciel, se lancer de l’eau froide dans le visage, chanter sous la douche, faire du jogging, tout ce qui vient rompre les habitudes. C’est comme ça que les choses perdent de leur lourdeur.

~ Pema Chödrön

Bien-être et incertitude
Cent huit enseignements
Pocket Spiritualité; 2002 

20 novembre 2016

Dessein et destin

«On ne commande à la nature qu’en lui obéissant.» ~ William Shakespeare


Photo extraite d’un diaporama intitulé «Histoire de la lavande»; photographe non identifié. Disponible sur cette page (pur délice visuel) : http://fr.slideshare.net/denis57440/histoire-de-la-lavande

Purposes
Jane Roberts

An eagle may fly higher,
but the bee would win
any contest
in pollinating flowers,
and each creature
following its own instincts,
is part of other purposes
larger than its own.

(If We Live Again, Poetry by Jane Roberts; Prentice-Hall Inc., 1982) 

[Desseins
L'aigle vole peut-être plus haut,
mais l'abeille gagnerait
n’importe quel concours
de pollinisation des fleurs,
et chaque créature
qui suit ses propres instincts,
participe à d'autres desseins
plus vastes que le sien.] 

Parlant d’aigle et d’abeille...

Entre le pygargue à tête blanche et le Donald à tête blonde
Boucar Diouf



«Lorsque Jefferson a proposé le pygargue comme oiseau emblématique, Benjamin Franklin, qui s'y connaissait en biologie, s'y était opposé en expliquant que cet oiseau est loin d'être noble et puissant, lui qui bat parfois en retraite devant des adversaires de plus petit gabarit», raconte Boucar Diouf.
Photomontage La Presse. 

[...] «Cette victoire cache aussi une prime aux burnes qui récompense plus les testicules que les ovaires dans une Amérique encore phallocrate qui ne jure que par ses pères fondateurs. Enfin, dans la victoire de Trump, il y a indéniablement des démons de l'Amérique incarnés par des suprémacistes qui ont sans doute entendu : Let's make America «white» again! Faisons une Amérique blanche! Blanche comme la tête de leur emblème aviaire, dont justement je veux vous entretenir en m'inspirant d'un article de la biologiste Catherine Raven, publié dans la revue American Scientist en 2006.» [...]

Suite :
http://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201611/14/01-5041136-entre-le-pygargue-a-tete-blanche-et-le-donald-a-tete-blonde.php

[Boucar Diouf est humoriste, biologiste, animateur et auteur d'origine sénégalaise; il vit au Québec depuis 1991]

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La sixième extinction
Boucar Diouf

«Notre planète a peut-être plus besoin d'une abeille que d'un humain», écrit Boucar Diouf.

L'anthropocène, c'est cette période de temps marquée par l'arrivée de l'humain sur la planète bleue. C'est un clin d'oeil dans l'histoire de la Terre. J'ai bien dit un clin d'oeil, parce qu'on a calculé que si on ramenait l'histoire terrestre à une échelle de 24 heures, l'espèce humaine y serait apparue à 23h59 et 56 secondes. Donc, en seulement 4 secondes d'existence, nous avons saccagé profondément ce que la Terre a mis 24 heures à construire, car l'anthropocène est aussi synonyme de cet incontestable drame appelé la sixième extinction. 
   Nous assistons aujourd'hui à un anéantissement de la biodiversité dont le principal responsable est l'Homo sapiens. La paléontologie nous enseigne que depuis 450 millions d'années, la Terre a connu cinq extinctions massives causées par des changements environnementaux fatals à certains groupes d'êtres vivants. La cinquième et dernière grande extinction naturelle s'est produite au jurassique, il y a 65 millions d'années.

Suite :
http://www.lapresse.ca/debats/nos-collaborateurs/boucar-diouf/201609/12/01-5019596-la-sixieme-extinction.php

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L’ambition motivée par la vanité rend sans-dessein * 

Par exemple, pour son 375e anniversaire, Montréal souhaite trouver un sapin d’au moins 28 mètres pour détrôner l’arbre de Noël du Rockefeller Center. Il faudra une grue pour garder l’arbre en place pendant la coupe. Chaque branche devra être emballée individuellement et l’arbre transporté avec des véhicules d’escorte sur une remorque télescopique qui peut déplacer des arbres allant jusqu’à 35 mètres.

«Chacun de ces majestueux arbres abrite une diversité végétale et animale qui s’écroule en même temps que le géant se couche. [...] Les grands et vieux arbres, tant désirés par l’industrie forestière, seraient un peu à la forêt ce que les matriarches sont au troupeau d’éléphants de la savane africaine. [...] Si l'arbre savait ce que lui réserve la hache, il ne lui fournirait pas le manche.» ~ Boucar Diouf  (Rendez à ces arbres ce qui appartient à ces arbres)



* L’expression québécoise «sans-dessein» signifie : 1) Imbécile, personne qui ne réfléchit pas ou pas assez. Personne qui dit n’importe quoi, n’importe quand, n’importe comment, à n’importe qui. 2) Maladroit. Synonyme : bon-à-rien – qui semble incompétent en tout. (Dictionnaire des injures québécoises; Stanké 1996)

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Destin du sans-dessein

«Aller à l’encontre de sa nature profonde, c’est s’assurer de souffrir.  Tout désir de paraître fort aux yeux des autres est une faiblesse secrète. La réalité, c’est que nous ne sommes jamais trahis par une personne que nous croyons forte, mais par une personne qui est faible, cruelle ou sournoise. Nous sommes trahis chaque fois que nous accueillons l’idée fausse que le nombre est un gage de force; de sorte que nous devons maintenant trouver une façon de nous mettre au diapason des autres si nous voulons nous sentir en sécurité.
   Imaginez qu’un homme en vienne à croire que la pizza est la clé de la paix dans le monde. Ses idées erronées sur le bien-être de la planète créent ses nombreux faux besoins. Par exemple, il croit sincèrement que, pour que la paix règne, il doit y avoir une pizzeria à chaque coin de rue dans toutes les villes du monde entier. C’est ainsi que ses faux besoins, fondés sur une idée à la noix selon laquelle la pizza et l’harmonie mondiale sont reliées, engendrent de faux désirs. Ceux-ci en retour donnent lieu à de fausses peurs, des peurs qu’il ressent comme étant réelles, mais qui n’ont aucun fondement réel. Cet homme passe ses nuits à craindre que la pâte ne vienne à manquer ou que quelqu’un accapare le marché de la sauce à pizza ou du saucisson! La possibilité d’un monde sans pizza qui ne connaîtrait jamais la paix le fait sans cesse souffrir. Sa souffrance recrée son faux besoin. Le cycle de l’aveuglement est complet. Puis tout recommence. Voilà la vie du faux moi.
   Maintenant, remplaçons la pizza par une image moins ridicule. Prenons n’importe quelle valeur à laquelle notre société attache beaucoup de prix : le désir d’argent, d’approbation, de pouvoir, de compagnie, de renommée, d’estime, d’autorité ou de possession. Les raisons de nous sentir emprisonnés sont illimitées.»

~ Guy Finley (Freedom From The Ties That Bind)

Le pire c’est que ça marche! On n’a qu’à penser aux Trump Towers, à McDonald’s, Coca-Cola, etc.

19 novembre 2016

Meilleur anxiolytique – suite

Un documentaire intéressant : La dictature du bonheur (zone vidéo de Télé Québec). Sur Facebook et Instagram, on affiche des vies parfaites alors que parfois, dans l'intimité, tout s'écroule. Le bonheur est devenu un impératif social, au même titre que la minceur, la beauté et la réussite. Dans La dictature du bonheur, Marie-Claude Élie-Morin cherche à mieux comprendre cette recherche obsessive du bonheur qui occupe notre époque, avec un regard à la fois journalistique et humain. Disponible jusqu'au 25 octobre 2019. http://zonevideo.telequebec.tv/media/30118/la-dictature-du-bonheur/la-dictature-du-bonheur

Bien sûr, les pensées positives peuvent favorablement modifier notre humeur. On ne peut pas nier non plus que nos actes motivés par un mixe de pensées/émotions ont des conséquences à plus ou moins long terme. Mais de là à croire que nos malheurs et nos bonheurs résultent uniquement de nos pensées négatives ou positives est irréaliste et plutôt enfantin. C’est ouvrir la porte à de grandes déceptions, car la vie est plus complexe que ça. De nombreux imprévus, sur lesquels nous n’avons aucun contrôle (une maladie, un décès, une rupture, par ex.), peuvent changer notre vie. L’humain étant par nature un insatisfait chronique il cherche toujours à améliorer son sort. C’est correct. Mais, on peut programmer/visualiser jusqu’à devenir bleu-banane sans obtenir de résultat. Il vaudrait mieux apprendre à vivre avec les déceptions car il y en aura toujours. 
   J'aime ce qu'en dit Pierre-Yves McSween : «...On pourrait pratiquement définir le bonheur en fonction du degré de satisfaction des attentes. On ne peut pas vraiment mettre un chiffre sur cette satisfaction, mais on peut mettre un ordre de grandeur (égal, plus grand ou plus petit, meilleur ou pire que les attentes). Comme on ne contrôle pas toujours le numérateur de l'équation (le résultat réel), on peut se concentrer sur le dénominateur, c'est-à-dire nos attentes. [...] Un autre principe important dans la gestion des attentes, c'est admettre que les objectifs et les attentes sont en constante évolution. Par conséquent, on doit accepter de les ajuster en fonction des événements de sa vie, et ce, pour le meilleur ou pour le pire.» (Réf. : En as-tu vraiment besoin?, Guy Saint-Jean éditeur, 2016) 

En d'autres mots : suis ton coeur, mais n’oublie d’emmener ta tête...  

Complément : un article publié sur Situation planétaire en mai 2014, plus que jamais pertinent vu le contexte social, économique et politique actuel...

Buffet «bonheur à volonté»

Un article rapportait que le mot «bonheur» avait récemment atteint 75 millions de clics sur Google, et qu’il y avait quelque 40 000 ouvrages sur ce thème chez Amazon.

Taper bonheur dans les moteurs de recherche peut-il nous aider à devenir plus heureux? Éternelle quête de l’insaisissable bonheur? Le cherchons-nous au bon endroit? Le vieil aphorisme «le bonheur vient de l’intérieur» serait-il vrai?


Photo : Ryan Yoon Studio 

Extraits :
Les nouvelles solitudes. Le paradoxe de la communication moderne (2007)
Marie-France Hirigoyen*
Poche Marabout, 2008

L’injonction du bonheur – Dans l’ère de la séduction obligatoire, ce qui fait exister, c’est aussi le regard de l’autre. [...] Que ce soit pour chercher un emploi ou pour chercher l’âme sœur, il faut veiller à son image. Il faut être beau, en forme, souriant, détendu, heureux... Ou, à défaut d’être heureux, il faut en donner l’apparence, sous peine de passer pour un médiocre et un laissé-pour-compte. Le bonheur est devenu une injonction de notre époque, comme si ne pas être heureux était l’indice d’une maladie suspecte, et que le malheur, quelle qu’en soit l’origine, correspondait à un échec personnel. 
   Réussir sa vie professionnelle avec le risque de perdre son emploi, réussir son couple avec les ruptures qui vont immanquablement advenir, élever correctement des enfants qui n’en font qu’à leur tête, tout cela est source de doute, d’inquiétude, qu’il ne faut surtout pas montrer. Mais comment trouver un emploi quand on n’a pas l’air suffisamment battant, comment rencontrer un partenaire si on a l’air déprimé? Il faut feindre, se montrer accueillant quand on est fatigué, sourire quand on a envie de râler. On développe ainsi un «faux self» adaptatif, qui amène les personnes à perdre contact avec leurs véritables sentiments intérieurs et à vivre une existence dépourvue d’authenticité. [...] 
   Les injonctions de notre époque – soyez beaux, riches et performants – ont rendu insupportable l’échec et la privation. [...] 
   Pour faire face à ces contraintes et rester dans la compétition, beaucoup recourent aux produits psychoactifs. Certains prennent des cocktails vitaminés au réveil ou, si la journée s’annonce difficile, des excitants de plus longue durée; puis, en rentrant le soir, quelque chose pour se détendre, et enfin un somnifère pour dormir. On peut de cette façon s’installer dans la dépendance : l’addiction est un moyen de lutter contre la dépression, mais elle permet aussi d’éviter les conflits et de les remplacer par des comportements compulsifs. On voit aussi fleurir les pathologies addictives, qui amènent à rechercher des sensations fortes à travers l’alcool, le jeu, les drogues, le sexe ou certains modes pervers de relations amoureuses. [...] Et à la moindre défaillance, on a recours aux anxiolytiques ou aux antidépresseurs. (p. 153/156)

Banalisation de la perversion et fragilité narcissique – …Dans un monde d’apparence, ce qui importe, ce n’est pas ce que l’on est, mais ce qu’on donne à voir, ce ne sont pas les conséquences lointaines de nos actes, mais les résultats immédiats et apparents. C’est la raison majeure qui explique la banalisation de la perversion : dans tous les domaines s’affirme la tendance à traiter l’autre comme un objet dont on se sert tant qu’il est utile, et que l’on jette dès qu’il ne convient plus. 
   De fait, nous assistons actuellement à une nette augmentation des pathologies narcissiques, car ce type de personnalité est hyperadapté au monde moderne. Ces changements de l’individu moyen sont le reflet des mutations induites par la vie des entreprises et la guerre économique : conditionné par le mythe de l’Homo oeconomicus engagé dans la «lutte pour la vie» contre les autres, il tend à être compulsif, toujours dans l’agir; il manque d’intériorité et reste dans des relations ludiques, superficielles. Ces individus cultivent cette superficialité qui les protège dans les relations affectives et évitent tout engagement intime, ce qui les maintient dans une insécurité affective dont ils se plaignent. Ils cherchent un sens à leur vie et tentent à tout prix, même aux dépens de l’autre, à combler leur vide intérieur. [...] 
   Nos patients ne viennent donc plus avec des symptômes directement repérables, mais plutôt pour se plaindre de la dureté du monde extérieur. Au lieu d’exprimer une vraie interrogation sur l’origine de leur souffrance, ils nous demandent plutôt de «réparer leur machine», afin qu’elle fonctionne mieux. Sur le plan psychique, ils sont devenus insensibles, parlent d’un sentiment persistant de vide qu’ils ne cherchent pas à analyser : ils attendent simplement que nous trouvions des solutions à ce malaise – comme on demande à son médecin de prescrire les médicaments stabilisateurs du diabète ou de l’hypertension. 
   C’est la fin de l’épaisseur, de la profondeur des sentiments. Tout est superficiel, à fleur de peau. La moindre remarque entraîne des réactions épidermiques. L’importance donnée à sa propre image entraîne une fragilité narcissique qui amène certains à s’écrouler à la moindre critique d’un supérieur hiérarchique ou d’un ami. De plus en plus de personnes se sentent mal comprises, rejetées, et toute critique est vécue comme une agression. Ce sentiment de persécution reflète bien la porosité des enveloppes corporelles et psychiques de ces personnes : il témoigne qu’elles n’ont pas pu établir dans leur enfance des barrières de protection leur garantissant un moi autonome : il leur faut donc se protéger de toute intrusion du dehors et se différencier des autres. 
   C’est sa fragilité narcissique qui empêche un individu pervers de voir l’autre comme un sujet et de compatir à sa souffrance. Et c’est aussi ce qui le pousse à s’affirmer en harcelant les autres ou en leur pourrissant la vie. Même si tous les individus narcissiques ne sont pas pervers, on constate bien une banalisation des comportements pervers : on attache de moins de moins d’importance à l’autre et on se déresponsabilise. En cas de problème, on ne se remet pas en question, on en attribue la responsabilité à un tiers.
[...]
   ...Selon certains spécialistes, ce mode de fonctionnement serait la conséquence d’expériences traumatiques, fruit non pas d’événements graves, mais plutôt de traumas dans l’infraordinaire, le banal, le quotidien. 
   Y contribuent sans doute les frustrations éprouvées par celles et ceux qui avaient cru aux promesses des politiques, des médias ou de la publicité, donnant à croire qu’ils pourraient satisfaire l’ensemble de leurs désirs. Ces frustré(e)s qui n’ont pas compris que, pour grandir et devenir autonome, il fallait renoncer à la satisfaction de tous leurs désirs, se poseront ensuite en victimes, et certain(e)s réclameront même en justice des compensations financières pour réparation du dommage de n’avoir pas été comblé.
[...] 
   Partout on parle d’estime de soi. [...] … Un vrai travail thérapeutique devrait nous amener à nous accepter simplement comme des humains imparfaits et fragiles, à admettre que nous ne sommes pas des surhommes. …Il faut du courage pour oser accepter ses vulnérabilités, ses fragilités – et ne pas avoir peur de la dépression éventuelle, pour mieux rebondir ensuite. Il faut accepter que nous ne sommes que des individus «moyens» et que l’important est d’abord de travailler à devenir quelqu’un de «bien». [...] 
   Dans notre époque de certitudes, les médias font souvent croire que la vie pourrait être facile et sans souffrance. Mais il est impossible d’avoir une vie sans anicroches ni difficultés. À rechercher en permanence le bonheur perpétuel, sans aucune souffrance, on risque de se priver également de toute joie réelle. [...] 
   Le fait de douter et de se remettre en question, qui devrait être le signe d’une bonne santé psychique, est de moins en moins considéré comme une valeur positive. Est-ce à dire que toute interrogation propice à la réflexion et à la création, éventuellement douloureuse, devrait être proscrite? On voit que le discours dominant laisse aussi peu de place à la solitude choisie. 
   Dans la même ligne d’efficacité à moindre effort, les manuels de «développement personnel» multiplient les conseils pour gérer ses émotions, pour améliorer sa relation à autrui et «développer ses potentiels». Les sectes profitent d’ailleurs de ce besoin de guide pour proposer toute une floraison de stages de «reconstruction personnelle» ou de formation en pseudo-psychothérapie. L’absence de repères rend en effet certains individus extrêmement manipulables : leur identité est flottante et ces personnes fragiles sont en demande d’assistance. Elles ont besoin d’être rassurées par une vérité absolue, ce qui peut les amener à devenir la proie d’un groupe sectaire. 
   Mais ce narcissisme de l’inquiétude, loin d’être joyeux ou libérateur, est souvent synonyme d’un repli sur soi face à la peur du monde : peur de l’autre, peur du chômage, peur des agressions, peur de la maladie, peur de la vieillesse, mais surtout peur de ne pas être «conforme». Lorsque l’estime de soi dépend d’abord de l’admiration que l’on inspire à autrui, l’échec ou le vieillissement entraînent tristesse et solitude. La tentation est grande de se replier sur soi-même ou de chercher des compensations amoureuses. Dans cette dernière voie, les sites de rencontres sur Internet, dont j’ai déjà évoqué le caractère illusoire (1), sont devenus un recours presque obligé, dont le succès mérite le détour. (p. 156/163)

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(1) Les chimères du virtuel – La communication virtuelle nous éloigne encore plus de la possibilité d’une rencontre qui impliquerait d’oser aller vers l’autre. Chercher un autre sur Internet, c’est le narcissisme absolu, on reste face à soi. Désormais, si un individu est trop insatisfait de sa vie, il peut s’inventer une vie idéale totalement virtuelle, où il ne serait pas harcelé par son patron, où il serait toujours beau et en bonne santé, bref, où il serait enfin ce qu’on lui demande idéalement d’être. (p. 137/138)



* Marie-France Hirigoyen est psychiatre, psychanalyste et victimologue. Elle s’est spécialisée dans l’étude de toutes les formes de violence : familiale, perverse et sexuelle. Elle est l’auteur du best-seller Le Harcèlement moral. La violence perverse au quotidien (1998), de Malaise dans le travail. Harcèlement moral, démêler le vrai du faux (2001), et de Femmes sous emprise. Les ressorts de la violence dans le couple (2005).

17 novembre 2016

Meilleur anxiolytique : le rire


(Le portefeuille peut faire toute la différence, en effet...)

Oui, le président désigné stresse beaucoup de monde, pas juste aux États-Unis. C’est épouvantable de voir des misogynes et des racistes comme Stephen Bannon (un copié/collé de Trump) et Mike Pence (un évangéliste plus blanc que blanc) à la Maison-Blanche. Mais, «contre la stupidité, les dieux eux-mêmes luttent en vain» (Friedrich Schiller).

Le sentiment d’impuissance peut inciter à boire plus d'alcool, à manger plus de chocolat et de croustilles et à regarder plus de télé pour inhiber temporairement le stress. Mais cela n’éliminera pas la cause – Trump ne sera sans doute pas destitué.

Cependant, le rire peut être une excellente façon de gérer l’anxiété et d'évacuer la vapeur sans prendre de poids (1).

«Se prendre au sérieux est la cause de tous nos problèmes, du cancer à la réincarnation.» ~ Steve Bhaerman

Dieu merci, on trouve amplement matière à rire sur Internet.

Presidential Debate - Hillary vs Trump dance with Putin
Danseurs : Hillary et Donald
Accompagnateur : Vladimir

Chapeau au concepteur du mini clip – très drôle.



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(1) Carrefour Conseil, psychologie (Cégep Ste-Foy, QC)

LES BIENFAITS DU RIRE… EN 5 MINUTES

Le rire fait partie de notre quotidien. C’est très agréable et on dit que ça fait du bien, mais savez-vous à quel point? Voici quelques faits reconnus du rire qui témoignent de toute son utilité pour l’être humain.

BIENFAITS SUR LA SANTÉ PHYSIQUE

• Le rire, comme l’exercice physique, implique plusieurs muscles, ce qui amène vitalité et bien-être. C’est aussi un puissant relaxant musculaire, car il diminue grandement les tensions.

• La respiration saccadée associée au rire masse et décontracte les muscles environnants. Il optimise les fonctions des organes de l’abdomen et du thorax. La sécrétion des sucs régularise la digestion et freine l’acidité de l’estomac. Le rire permet ainsi de combattre la constipation et favorise l’élimination du cholestérol.

• Par l’implication du système respiratoire, le rire contribue à nettoyer et à libérer les voies respiratoires et les poumons. Il peut même améliorer les cas d’emphysème et faire passer les crises d’asthme.

• Le rire active la circulation sanguine, ce qui augmente l’apport en oxygène dans le coeur, le cerveau et les muscles. Il permet ainsi de fortifier le coeur. Il réduit aussi la tension artérielle en relâchant les vaisseaux sanguins.

• Le rire active l’hypothalamus, dans le cerveau, qui sécrète alors des endorphines dans le corps, ce qui crée une sensation de bien-être, réduit la douleur et lutte contre l’inflammation.

• Le rire renforce le système immunitaire en faisant diminuer le taux de cortisol et accroître le taux d’anticorps dans le nez et les voies respiratoires. Cela pourrait favoriser la résistance des personnes atteintes de cancer.

• Le rire contribue à l’autorégulation du système biologique, ce qui aide à conserver un bon état de santé.

BIENFAITS SUR LA SANTÉ MENTALE

• Par l’oxygénation du cerveau et les hormones sécrétées, le rire génère une sensation de plaisir, apaise les préoccupations et éveille le positivisme chez la personne. Cela a un grand effet antidépresseur.

• Les hormones sécrétées et la détente corporelle engendrée par le rire permettent de réduire le stress en diminuant l’adrénaline et le cortisol.

• Le rire réduit aussi l’insomnie, car il contribue au sommeil en libérant l’esprit et en relâchant les tensions corporelles.

• Avec l’oxygénation du cerveau par l’apport sanguin vers celui-ci, le rire combat la fatigue, améliore l’attention, la vitesse d’exécution et stimule les fonctions cognitives.

• Le rire permet d’adopter une attitude plus positive et détendue face à l’apprentissage. Il réduit la peur de l’échec ou de commettre une erreur, ce qui favorise la participation à la recherche de solution. Il stimule aussi la créativité, la mémoire et la capacité à faire des liens.

BIENFAITS SUR LES RELATIONS SOCIALES

• Le rire permet d’augmenter la confiance en soi en combattant la timidité et permet de se sentir mieux dans sa peau et donc, être de meilleure humeur.

• Savoir rire de soi et de ses erreurs permet d’ailleurs d’être plus à l’aise socialement.

• Le rire permet de relâcher les inhibitions, ce qui encourage la sociabilité et la communication. Les messages ont d’ailleurs un plus grand impact auprès de notre interlocuteur avec l’humour.

• Le rire peut permettre de voir la vie de manière plus optimiste et de dévoiler notre personnalité. Il crée un sentiment de cohésion et permet l’ouverture aux autres. Il met les gens à l’aise.

• Le rire est un langage simple et universel qui communique la joie et la paix, ce qui favorise les relations d’amitié.

Document fait par David Tétreault, interne en psychologie
Juin 2014

http://www2.cegep-ste-foy.qc.ca/freesite/fileadmin/groups/104/Pdf/documentation_-_bienfaits_du_rire.pdf

16 novembre 2016

Une autre voix s’est envolée



Bob Walsh et son fidèle compositeur et harmoniciste Guy Bélanger.
Photographe : James Saint-Laurent (Voir.ca)

Le bluesman Bob Walsh, décédé le 15 novembre (à 68 ans), s’ajoute à la liste impressionnante de musiciens, compositeurs et interprètes disparus en 2016 – près d’une trentaine depuis janvier! En tout cas, l’année 2016 nous aura endeuillés, et pas seulement dans le domaine culturel...

«Quand je suis arrivé à Québec, sans connaître Québec, en arrivant à la porte Saint-Jean, j’ai entendu une voix, qui m’a donné des frissons, qui m’a tout fait faire, qui m’a ému … Plusieurs fois, durant mes années d’errance où je ne pouvais pas entrer partout où il [Bob Walsh] jouait, je m’installais, sur le trottoir devant les terrasses où il chantait. Il chantait son âme à chaque fois, et je pleurais. Je pleurais régulièrement. À l’époque je jouais seulement du piano. Si ça n’avait pas été de Bob, je n’aurais jamais essayé de chanter. 
   Adieu mon vieux chum, mon grand frère. Une partie de mon cœur vient de partir avec toi. Je t'aimerai toujours.»
~ Dan Bigras, chanteur, auteur-compositeur, musicien, acteur et réalisateur québécois

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Il était une voix... un Québécois dont la filiation musicale était aussi profondément enracinée dans les boues du Mississippi que sur les berges du Saint-Laurent, sans parler de son bagage hérité de la verte Érin. Pour les habitués de la vie nocturne de la Vieille Capitale et d'un peu partout au Québec, le nom de Bob Walsh résume à lui seul presque toute l'histoire du blues local depuis la fin des années soixante. Le parcours musical du guitariste-chanteur remonte au moment où il rejoint son premier orchestre de danse du nom de Blues Boys Band et se poursuit depuis lors sous les formes les plus variées. Après un assez bref séjour au sein de ce groupe, pendant lequel il découvre sans doute les fameuses intonations vocales à la façon de «... monsieur Charles, monsieur King, monsieur Brown!», Bob amorce une carrière en solo, ponctuée de diverses formes de partenariat au gré des saisons, avant que le grand public daigne lui prêter attention.

Pourtant, la qualité d'interprétation et la voix même de ce bluesman pas comme les autres sont à des lieux des poncifs du genre, préférant la douceur subtile, façon Jimi Hendrix, à la projection vocale de nombreux visages pâles s'attaquant à ce répertoire. D'ailleurs, il n'hésite pas à inclure des chansons d'origine folk à ses spectacles, privilégiant l'attitude à toute définition théorique quand vient le temps de situer son blues.

Article intégral : http://www.qim.com/artistes/biographie.asp?artistid=376

ANGEL (de Jimi Hendrix) par Bob Walsh sur l’album INSIDE I AM ALL BLUE



Paroles :

Angel came down from heaven yesterday
She stayed with me just long enough to rescue me
And she told me a story yesterday,
About the sweet love between the moon and the deep blue sea
And then she spread her wings high over me
She said she’s gonna come back tomorrow

And I said “fly on my sweet angel,
Fly on through the sky,
Fly on my sweet angel,
Tomorrow I’m gonna be by your side”

Sure enough this morning came on to me 
Silver wings silhouetted against the child’s sunrise
And my angel she said to me
“Today is the day for you to rise,
Take my hand, you’re gonna be my man,
You’re gonna fly”
And then she took me high over yonder

And I said “fly on my sweet angel,
Fly on through the sky,
Fly on my sweet angel,
Tomorrow I'm gonna be by your side”

Songwriters: Carnell, Paul Fricker, Robert Holm, Lucia Valentine, Dave  

15 novembre 2016

Trop attachant ce Leonard

Hier soir, j’ai passé quelques heures à regarder des vidéos de Leonard Cohen – sa voix calme me réconforte, me console.

«J’ai perdu mon chemin, j’ai oublié de t’invoquer. Le cœur brut battait contre le monde et les larmes étaient pour ma victoire perdue. Mais tu es là. Tu as toujours été là. Le monde est tout oublieux et le cœur est une furie de directions, mais ton nom unifie le cœur et le monde est relevé à sa place. Béni soit celui qui attend que se tourne vers lui le cœur du voyageur.»

“I lost my way, I forgot to call on your name. The raw heart beat against the world, and the tears were for my lost victory. But you are here. You have always been here. The world is all forgetting, and the heart is a rage of directions, but your name unifies the heart, and the world is lifted into its place. Blessed is the one who waits in the traveller’s heart for his turning.” 

Source : Leonard Cohen, Book of Mercy (poésie, prose et psaumes) 1984, trad. Jacques Vassal, 1985, Le Livre de miséricorde; Éditions Carrière-Michel Lafon (Publication bilingue)

Bière et V8, à la tienne!  Photo via http://cohencentric.com

Les voisins du quartier portugais où résidait Leonard durant ses séjours à Montréal et les gens qui fréquentaient le café du coin ou le Parc du Portugal (aussi appelé Leonard’s Park) ont tous dit à quel point il était simple, chaleureux, amical et respectueux. Pas de «complexe de vedette». Pas besoin de garde du corps dans sa vie ordinaire ni de forteresse autour de ses habitations – rarissime chez les gens aussi célèbres que lui. La grandeur d’un individu est en effet directement proportionnelle à sa simplicité et à son humilité.

Plusieurs personnes ont aussi mentionné sa relation amicale avec un homme atteint de schizophrénie paranoïde, Philip Tétrault. Le documentaire This Beggar’s Description, réalisé pas son frère Pierre, raconte les hauts et les bas de la vie de Phil. Produit par l’Office National du Film du Canada il a remporté en 2006 le prix C.B.C. Newsworld Award for Best Documentary in the Independent Film and Video Festival.

Cet extrait du film, Picnic in the Park with Leonard Cohen, nous montre les deux amis en train de causer tout bonnement. L’affection mutuelle et l’humour sont au rendez-vous. Très touchant d’entendre Leonard lire un des poèmes de Phil (aussi joueur de flute et peintre).

Dans un article du Guardian (2004), Amanda, la fille de Phil, parle de la difficulté de vivre avec un parent schizophrène. Au sujet de Leonard, elle dit :
“I'm not sure how he met Leonard Cohen but it was years ago in Montreal. Phil would be doing a poetry reading and Leonard would happen by on the street and come in. So they knew each other. He's been really nice to Phil over the years, given him money. Phil gives him poetry.”
https://www.theguardian.com/theobserver/2004/aug/22/features.magazine17

Je vous invite à lire le point de vue d’Allan Showalter qui a lui-même travaillé plus de 25 ans en milieu psychiatrique (en anglais) :
http://cohencentric.com/2016/07/19/phil-tetrault-leonard-cohen-friends-poets-beggars-description-2/

11 novembre 2016

Non, pas toi Cohen! t’avais pas le droit de mourir...

Je suis à plat, dans le déni. Deux terribles chocs cette semaine. L’un extrêmement choquant, l’autre profondément triste. Je rageais de voir un goujat haineux comme Donald Trump à la Maison-Blanche. Aujourd’hui, je pleure un vétéran de l’amour, un ami, un humaniste, un homme au talent hors du commun, une grande âme; selon les sources officielles, il est décédé le 7 novembre.


Photographie : site officiel de Leonard Cohen. Magnifique!
https://www.leonardcohen.com/

La poésie de Cohen a quelque chose d’universel, d’intemporel. Dans tous les domaines de la vie, il y a des êtres exceptionnels qui voient plus clair et plus loin que nous. Des visionnaires, des sages, des héros. Ils vivent parmi nous, attentifs à ce qui se passe, et ils proposent des rêves dans un monde où règnent l’indifférence et la haine. Bien sûr, nous ne sommes pas comme eux, mais nous pouvons nous inspirer des œuvres qu’ils laissent en héritage. Les grands écrivains et poètes ont habituellement du vécu, et c’est sans doute ce qui leur permet de traduire les sentiments et les émotions du commun des mortels.

N'oublions pas son sens de l'humour car on a tendance à le classer parmi les poètes désespérés. Il était simplement lucide.

Ma perception de son oeuvre : 

Toute notre dualité mise à nu
Descente du Tabor aux enfers
Psalmodiée à voix rauque

Tous nos regrets exhibés
Les trahisons, les fuites, les deuils
Les silences, les soupirs rendus

Tous nos espoirs murmurés
Les amours, les retrouvailles
Les promesses, la main sur le cœur

Toute notre vulnérabilité en sourdine
Chaleur, douceur, tendresse
Violon et guitare en bandoulière

Boudacool, 21.09.2014  

Dans Livre du constant désir (2007), Leonard écrivait :

FATIGUÉS
(p. 132)

Nous sommes fatigués d’être blancs et nous sommes fatigués d’être noirs, et nous allons cesser d’être blancs et nous allons cesser dorénavant d’être noirs. Nous allons être des voix maintenant, des voix désincarnées dans le ciel bleu, des harmonies plaisantes dans les cavités de votre détresse. Et nous allons être ainsi jusqu’à ce que vous vous preniez en mains, jusqu’à ce que vos souffrances s’apaisent, et que vous puissiez croire à la parole de D--u qui vous a dit de tant de façons de vous aimer les uns les autres, ou à tout le moins de ne pas torturer et assassiner au nom de quelque stupide idée à vomir et qui fait que D--u se détourne de vous, en assombrissant le cosmos d’une inconcevable tristesse. Nous sommes fatigués d’être blancs et nous sommes fatigués d’être noirs, et nous allons cesser d’être blancs et nous allons cesser dorénavant d’être noirs.

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«Je crois que nous traversons une époque très dure. Pas plus l'expérience littéraire que musicale ne sont parvenues à prendre le pouls de cette crise. Nous sommes au milieu d'un déluge de dimension biblique, à tel point que n'importe qui se cramponne à quelque chose qui flotte, une caisse d'oranges vide, un morceau de bois... Et les gens persistent à se définir eux mêmes comme libéraux ou conservateurs. Cela me semble une hérésie totale.» (Propos rapportés par Javier Ortiz, El Mundo, octobre 1998)

“Leonard Cohen Is Dead; Our World Is Darker.”
~ Allan Showalter  

http://cohencentric.com/ Un site extrêmement bien documenté sur Leonard Cohen. Vous y trouverez entre autres une vidéo récente préparée par Showalter à l’occasion du Jour du Souvenir – Cohen récite In Flanders Fields.

Cohen préférait peut-être, avec raison, quitter ce monde en perdition. Son dernier album You Want It Darker retentit comme une mort annoncée (la sienne et peut-être la nôtre), ainsi que son dernier message à Marianne l’été dernier :
«Nous sommes arrivés au point où nous sommes si vieux, nos corps tombent en lambeaux, et je pense que je te rejoindrai bientôt. Sache que je suis si près derrière toi, que si tu tends la main tu peux atteindre la mienne. Et tu sais que j’ai toujours aimé ta beauté et ta sagesse, et je n’ai pas besoin d’en dire plus parce que tu sais tout cela. Je veux seulement te souhaiter un très beau voyage. Au revoir, ma vieille amie. Mon amour éternel. Rendez-vous au bout du chemin.»

So long [Leonard], it’s time that we began
To laugh and cry and cry and laugh about it all again.

Je ne connais aucune bonne façon de dire adieu... c’est toujours difficile.

Traveling Light
Words by Leonard Cohen, Music by Patrick Leonard and Adam Cohen
(You Want It Darker)

Excerpt

I’m traveling light
It’s au revoir
My once so bright
My fallen star

I’m running late
They’ll close the bar
I used to play
One mean guitar

I guess I’m just
Somebody who
Has given up
On the me and you
I’m not alone
I’ve met a few
Traveling light like
We used to do
...

http://cohencentric.com/official-lyrics-leonard-cohens-want-darker-album/

Source des extraits suivants : Livre du constant désir, LEONARD COHEN
Éditions de l’Hexagone, 2007 (Traduction : Michel Garneau) 

MISSION
(p. 76)

J’ai travaillé à mon travail
J’ai dormi à mon sommeil
Je suis mort à ma mort
Et maintenant je peux m’en aller

Quitter ce qui est nécessité
Et laisser ce qui est plein
Besoin en l’Esprit
Et besoin dans le trou

Amour, je suis tien
Comme je l’ai toujours été
De la moelle au pore
Du constant désir à la peau

Maintenant que ma mission
Arrive à sa fin :
Priez que je sois pardonné
Pour la vie que j’ai menée

J’ai poursuivi le Corps
Il m’a pourchassé aussi
Mon constant désir est un lieu
Mon mourir une voile

LE GRAND ÉVÉNEMENT
(p.116)

Il va survenir très bientôt.
Le grand événement qui mettra fin à l’horreur.
Qui va mettre fin au malheur.
Mardi prochain, au coucher du soleil,
je vais jouer la Sonate à la lune à l’envers.
Ça va renverser les effets de la folle plongée du monde
dans la souffrance depuis les derniers
deux cents millions d’années.
Quelle jolie nuit ce sera.
Quel soupir de soulagement,
quand les rouges-gorges séniles redeviendront
rouge clair comme avant, et que les rossignols à la retraite
relèveront leurs queues poussiéreuses, et témoigneront
de la majesté de la création!

Je laisse la conclusion à son fils Adam Cohen :
«Quand on me demande combien de temps mon père va vivre, je réponds que dans 200 ans, quelqu’un va chanter une chanson de Leonard Cohen. C’est pas ça, la vie?» ~ Adam Cohen (octobre 2016)

~~~
Version audio de la dernière entrevue de Leonard Cohen avec David Remnick (New Yorker) : 
http://www.newyorker.com/culture/culture-desk/leonard-cohen-a-final-interview?mbid=social_twitter