31 décembre 2016

Lettres de fin/début d’année

«Soyez au service de la Vie»

Six ans avant sa disparition, l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ écrit une lettre dédiée à «La Jeunesse», pleine de force et de vigueur. Celui qui a côtoyé Théodore Monod à l’Institut Français d’Afrique Noire, et a occupé les sièges de l’UNESCO, livre là ses derniers engagements, son combat pour le multiculturalisme et la paix. Une belle leçon de vie, chargée d’espoir à l’heure où le Mali se déchire de nouveau.

Mes chers cadets,

Celui qui vous parle est l’un des premiers nés du vingtième siècle. Il a donc vécu bien longtemps et, comme vous l’imaginez, vu et entendu beaucoup de choses de par le vaste monde. Il ne prétend pas pour autant être un maître en quoi que ce soit. Avant tout, il s’est voulu un éternel chercheur, un éternel élève, et aujourd’hui encore sa soif d’apprendre est aussi vive qu’aux premiers jours. 
     Il a commencé par chercher en lui-même, se donnant beaucoup de peine pour se découvrir et bien se connaître, afin de pouvoir ensuite se reconnaître en son prochain et l’aimer en conséquence. Il souhaiterait que chacun de vous en fasse autant. 
     Après cette quête difficile, il entreprit de nombreux voyages à travers le monde : Afrique, Proche-Orient, Europe, Amérique. En élève sans complexes ni préjugés, il sollicita l’enseignement de tous les maîtres et de tous les sages qu’il lui fut donné de rencontrer. Il se mit docilement à leur écoute. Il enregistra fidèlement leurs dires et analysa objectivement leurs leçons, afin de bien comprendre les différents aspects de leurs cultures et, par là même, les raisons de leur comportement. Bref, il s’efforça toujours de comprendre les hommes, car le grand problème de la vie, c’est la MUTUELLE COMPRÉHENSION. 
     Certes, qu’il s’agisse des individus, des nations, des races ou des cultures, nous sommes tous différents les uns des autres; mais nous avons tous quelque chose de semblable aussi, et c’est cela qu’il faut chercher pour pouvoir se reconnaître en l’autre et dialoguer avec lui. Alors nos différences, au lieu de nous séparer, deviendront complémentarité et source d’enrichissement mutuel. De même que la beauté d’un tapis tient à la variété de ses couleurs, la diversité des hommes, des cultures et des civilisations fait la beauté et la richesse du monde. Combien ennuyeux et monotone serait un monde uniforme où tous les hommes, calqués sur un même modèle, penseraient et vivraient de la même façon! N’ayant plus rien à découvrir chez les autres, comment s’enrichirait-on soi même? 
     À notre époque si grosse de menaces de toutes sortes, les hommes doivent mettre l’accent non plus sur ce qui les sépare, mais sur ce qu’ils ont de commun, dans le respect de l’identité de chacun. La rencontre et l’écoute de l’autre est toujours plus enrichissante, même pour l’épanouissement de sa propre identité, que les conflits ou les discussions stériles pour imposer son propre point de vue. Un vieux maître d’Afrique disait : il y a «ma» vérité et «ta» vérité, qui ne se rencontreront jamais. «LA» Vérité se trouve au milieu. Pour s’en approcher, chacun doit se dégager un peu de «sa» vérité pour faire un pas vers l’autre... 
     Jeunes gens, derniers-nés du vingtième siècle, vous vivez à une époque à la fois effrayante par les menaces qu’elle fait peser sur l’humanité et passionnante par les possibilités qu’elle ouvre dans le domaine des connaissances et de la communication entre les hommes. La génération du vingt et unième siècle connaîtra une fantastique rencontre de races et d’idées. Selon la façon dont elle assimilera ce phénomène, elle assurera sa survie ou provoquera sa destruction par des conflits meurtriers. Dans ce monde moderne, personne ne peut plus se réfugier dans sa tour d’ivoire. Tous les États, qu’ils soient forts ou faibles, riches ou pauvres, sont désormais interdépendants, ne serait-ce que sur le plan économique ou face aux dangers d’une guerre internationale. Qu’ils le veuillent ou non, les hommes sont embarqués sur un même radeau : qu’un ouragan se lève, et tout le monde sera menacé à la fois. Ne vaut-il pas mieux essayer de se comprendre et de s’entraider mutuellement avant qu’il ne soit trop tard? 
     L’interdépendance même des États impose une complémentarité indispensable des hommes et des cultures. De nos jours, l’humanité est comme une grande usine où l’on travaille à la chaîne : chaque pièce, petite ou grande, a un rôle défini à jouer qui peut conditionner la bonne marche de toute l’usine. 
     Actuellement, en règle générale, les blocs d’intérêt s’affrontent et se déchirent. Il vous appartiendra peut-être, ô jeunes gens, de faire émerger peu à peu un nouvel état d’esprit, davantage orienté vers la complémentarité et la solidarité, tant individuelle qu’internationale. Ce sera la condition de la paix, sans laquelle il ne saurait y avoir de développement. 
     La civilisation traditionnelle (je parle surtout de l’Afrique de la savane au sud du Sahara, que je connais plus particulièrement) était avant tout une civilisation de responsabilité et de solidarité à tous les niveaux. En aucun cas un homme, quel qu’il soit, n’était isolé. Jamais on n’aurait laissé une femme, un enfant, un malade ou un vieillard vivre en marge de la société, comme une pièce détachée. On lui trouvait toujours une place au sein de la grande famille africaine, où même l’étranger de passage trouvait gîte et nourriture. L’esprit communautaire et le sens du partage présidaient à tous les rapports humains. Le plat de riz, si modeste fût-il, était ouvert à tous. 
     L’homme s’identifiait à sa parole, qui était sacrée. Le plus souvent, les conflits se réglaient pacifiquement grâce à la «palabre» : «Se réunir pour discuter, dit l’adage, c’est mettre tout le monde à l’aise et éviter la discorde». Les vieux, arbitres respectés, veillaient au maintien de la paix dans le village. «Paix!», «La paix seulement!», sont les formules-clé de toutes les salutations rituelles africaines. L’un des grands objectifs des initiations et des religions traditionnelles était l’acquisition, par chaque individu, d’une totale maîtrise de soi et d’une paix intérieure sans laquelle il ne saurait y avoir de paix extérieure. C’est dans la paix et dans la paix seulement que l’homme peut construire et développer la société, alors que la guerre ruine en quelques jours ce que l’on a mis des siècles à bâtir! 
     L’homme était également considéré comme responsable de l’équilibre du monde naturel environnant. Il lui était interdit de couper un arbre sans raison, de tuer un animal sans motif valable. La terre n’était pas sa propriété, mais un dépôt sacré confié par le Créateur et dont il n’était que le gérant. Voilà une notion qui prend aujourd’hui toute sa signification si l’on songe à la légèreté avec laquelle les hommes de notre temps épuisent les richesses de la planète et détruisent ses équilibres naturels. 
     Certes, comme toute société humaine, la société africaine avait aussi ses tares, ses excès et ses faiblesses. C’est à vous, jeunes gens et jeunes filles, adultes de demain, qu’il appartiendra de laisser disparaître d’elles-mêmes les coutumes abusives, tout en sachant préserver les valeurs traditionnelles positives. La vie humaine est comme un grand arbre et chaque génération est comme un jardinier. Le bon jardinier n’est pas celui qui déracine, mais celui qui, le moment venu, sait élaguer les branches mortes et, au besoin, procéder judicieusement à des greffes utiles. Couper le tronc serait se suicider, renoncer à sa personnalité propre pour endosser artificiellement celle des autres, sans y parvenir jamais tout à fait. Là encore, souvenons-nous de l’adage : «Le morceau de bois a beaucoup séjourné dans l’eau, il flottera peut-être, mais jamais il ne deviendra caïman!» 
     Soyez, jeunes gens, ce bon jardinier qui sait que, pour croître en hauteur et étendre ses branches dans toutes les directions de l’espace, un arbre a besoin de profondes et puissantes racines. Ainsi, bien enracinés en vous-mêmes, vous pourrez sans crainte et sans dommage vous ouvrir vers l’extérieur, à la fois pour donner et pour recevoir. 
     Pour ce vaste travail, deux outils vous sont indispensables : tout d’abord, l’approfondissement et la préservation de vos langues maternelles, véhicules irremplaçables de nos cultures spécifiques; ensuite, la parfaite connaissance de la langue héritée de la colonisation (pour nous la langue française), tout aussi irremplaçable, non seulement pour permettre aux différentes ethnies africaines de communiquer entre elles et de mieux se connaître, mais aussi pour nous ouvrir sur l’extérieur et nous permettre de dialoguer avec les cultures du monde entier. 
     Jeunes gens d’Afrique et du monde, le destin a voulu qu’en cette fin du vingtième siècle, à l’aube d’une ère nouvelle, vous soyez comme un pont jeté entre deux mondes : celui du passé, où de vieilles civilisations n’aspirent qu’à vous léguer leurs trésors avant de disparaître, et celui de l’avenir, plein d’incertitudes et de difficultés, certes, mais riche aussi d’aventures nouvelles et d’expériences passionnantes. Il vous appartient de relever le défi et de faire en sorte qu’il y ait, non-rupture mutilante, mais continuation sereine et fécondation d’une époque par l’autre. 
     Dans les tourbillons qui vous emporteront, souvenez-vous de nos vieilles valeurs de communauté, de solidarité et de partage. Et si vous avez la chance d’avoir un plat de riz, ne le mangez pas tout seuls. Si des conflits vous menacent, souvenez-vous des vertus du dialogue et de la palabre! 
     Et lorsque vous voudrez vous employer, au lieu de consacrer toutes vos énergies à des travaux stériles et improductifs, pensez à revenir vers notre Mère la Terre, notre seule vraie richesse, et donnez-lui tous vos soins afin que l’on puisse en tirer de quoi nourrir tous les hommes. Bref, soyez au service de la Vie, sous tous ses aspects! 
     Certains d’entre vous diront peut-être: «C’est trop nous demander! Une telle tâche nous dépasse!». Permettez au vieil homme que je suis de vous confier un secret : de même qu’il n’y a pas de «petit» incendie (tout dépend de la nature du combustible rencontré), il n’y a pas de petit effort. Tout effort compte, et l’on ne sait jamais, au départ, de quelle action apparemment modeste sortira l’événement qui changera la face des choses. N’oubliez pas que le roi des arbres de la savane, le puissant et majestueux baobab, sort d’une graine qui, au départ, n’est pas plus grosse qu’un tout petit grain de café...

(Lettres ouvertes à la jeunesse – Concours Dialogue des générations organisé par l’Agence de Coopération Culturelle et Technique pour l’année 1985, Année internationale de la jeunesse)

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En lisant la prophétie pessimiste de Cavanna (ci-après) j’ai pensé à Mike Pence, le vice-président choisi par Donald Trump. Dans un article intitulé «Mike Pence sera le plus puissant suprémaciste chrétien de l’histoire des États-Unis», Jeremy Scahill trace un portrait de l’homme qu’il évalue plus dangereux que le futur président : 
     L'ascension de Pence au deuxième poste le plus puissant du gouvernement américain est un énorme coup d’éclat pour la droite chrétienne radicale. Pence et ses militants pour la suprématie chrétienne n'aurait pas été en mesure d’entrer à la Maison Blanche par lui-même. Donald Trump a été une aubaine. «Il n'est pas notre candidat préféré, mais il est peut-être le candidat choisi par Dieu pour réaliser quelque chose que nous ne voyons pas», a déclaré David Barton, un éminent activiste chrétien d’extrême droite et président de Wall Builders, une organisation qui entend pousser le gouvernement des États-Unis à appliquer les «valeurs bibliques». En juin, Barton a prophétisé : «Nous pourrions regarder en arrière dans quelques années et dire, 'Wow, [Trump] a vraiment fait des choses qu’aucun de nous n’espérait.»
     Leur «ennemi» est la laïcité. Ils veulent un gouvernement dirigé par Dieu. «C'est le seul gouvernement légitime», affirme Jeff Sharlet, auteur de deux livres sur la droite chrétienne radicale. Alors, quand ils parlent d'affaires, ils ne parlent pas de quelque chose de séparé de Dieu, ils parlent de ce qu’on pourrait appeler dans les cercles de Mike Pence «un capitalisme biblique, fondé sur l'idée que le système économique sera dirigé par Dieu».
     Tandis que Trump a fait volte-face sur une variété de sujets tels que l'avortement, l'immigration, la guerre et les soins de santé, Pence n’a jamais renié son jihad chrétien tout au long de la campagne ni son engagement pro America-First-Militarism, ni sa volonté de criminaliser l'avortement, ni sa haine totale des gays (exception faite des individus qui suivraient une «thérapie de conversion pour changer leur comportement sexuel»). Pence soutient que les condoms ne protègent pas contre les MTS et que «safe sex» signifie «abstinence sexuelle». 
     La droite chrétienne radicale n'a pas besoin de sauver l’âme de Trump. Comme ils l’ont vu durant la campagne, Trump a choisi la voie de la haine une voie qui s’accorde assez bien avec les croisades de Pence et ses apôtres.

À lire. Je plains nos voisins...
https://theintercept.com/2016/11/15/mike-pence-will-be-the-most-powerful-christian-supremacist-in-us-history/

Mike Pence doit dormir dans un pyjama double-breast boutonné jusqu’au cou...

(Fin de la parenthèse)  

«Le vingt-et-unième siècle sera un siècle
de persécutions et de bûchers»

Écrivain, dessinateur et journaliste trouble-fête, François Cavanna s’est éteint mercredi 29 janvier 2014 à l’âge de 90 ans. Il était la figure de proue d’une génération et d’un journalisme provocateur, subversif et irrévérencieux, de Hara Kiri à Charlie Hebdo. Hommage au maître disparu : cette «Lettre ouverte aux culs-bénits», publiée il y a vingt ans, n’a pas pris une ride.

Lecteur, avant tout, je te dois un aveu. Le titre de ce livre est un attrape-couillon. Cette «lettre ouverte» ne s’adresse pas aux culs-bénits. [...] 
     Les culs-bénits sont imperméables, inoxydables, inexpugnables, murés une fois pour toutes dans ce qu’il est convenu d’appeler leur «foi». Arguments ou sarcasmes, rien ne les atteint, ils ont rencontré Dieu, ils l’ont touché du doigt. Amen. Jetons-les aux lions, ils aiment ça. 
     Ce n’est donc pas à eux, brebis bêlantes ou sombres fanatiques, que je m’adresse ici, mais bien à vous, mes chers mécréants, si dénigrés, si méprisés en cette merdeuse fin de siècle où le groin de l’imbécillité triomphante envahit tout, où la curaille universelle, quelle que soit sa couleur, quels que soient les salamalecs de son rituel, revient en force partout dans le monde. [...] 
     Ô vous, les mécréants, les athées, les impies, les libres penseurs, vous les sceptiques sereins qu’écœure l’épaisse ragougnasse de toutes les prêtrailles, vous qui n’avez besoin ni de petit Jésus, ni de père Noël, ni d’Allah au blanc turban, ni de Yahvé au noir sourcil, ni de dalaï-lama si touchant dans son torchon jaune, ni de grotte de Lourdes, ni de messe en rock, vous qui ricanez de l’astrologie crapuleuse comme des sectes «fraternellement» esclavagistes, vous qui savez que le progrès peut exister, qu’il est dans l’usage de notre raison et nulle part ailleurs, vous, mes frères en incroyance fertile, ne soyez pas aussi discrets, aussi timides, aussi résignés! 
     Ne soyez pas là, bras ballants, navrés mais sans ressort, à contempler la hideuse résurrection des monstres du vieux marécage qu’on avait bien cru en train de crever de leur belle mort. 
     Vous qui savez que la question de l’existence d’un dieu et celle de notre raison d’être ici-bas ne sont que les reflets de notre peur de mourir, du refus de notre insignifiance, et ne peuvent susciter que des réponses illusoires, tour à tour consolatrices et terrifiantes, 
     Vous qui n’admettez pas que des gourous tiarés ou enturbannés imposent leurs conceptions délirantes et, dès qu’ils le peuvent, leur intransigeance tyrannique à des foules fanatisées ou résignées, 
     Vous qui voyez la laïcité et donc la démocratie reculer d’année en année, victimes tout autant de l’indifférence des foules que du dynamisme conquérant des culs-bénits [...] 
     À l’heure où fleurit l’obscurantisme né de l’insuffisance ou de la timidité de l’école publique, empêtrée dans une conception trop timorée de la laïcité, 
     Sachons au moins nous reconnaître entre nous, ne nous laissons pas submerger, écrivons, «causons dans le poste», éduquons nos gosses, saisissons toutes les occasions de sauver de la bêtise et du conformisme ceux qui peuvent être sauvés! [...] 
     Simplement, en cette veille d’un siècle que les ressasseurs de mots d’auteur pour salons et vernissages se plaisent à prédire «mystique», je m’adresse à vous, incroyants, et surtout à vous, enfants d’incroyants élevés à l’écart de ces mômeries et qui ne soupçonnez pas ce que peuvent être le frisson religieux, la tentation de la réponse automatique à tout, le délicieux abandon du doute inconfortable pour la certitude assénée, et, par-dessus tout, le rassurant conformisme. 
     Dieu est à la mode. Raison de plus pour le laisser aux abrutis qui la suivent. […] 
     Un climat d’intolérance, de fanatisme, de dictature théocratique s’installe et fait tache d’huile. L’intégrisme musulman a donné le «la», mais d’autres extrémismes religieux piaffent et brûlent de suivre son exemple. Demain, catholiques, orthodoxes et autres variétés chrétiennes instaureront la terreur pieuse partout où ils dominent. Les Juifs en feront autant en Israël. 
     Il suffit pour cela que des groupes ultra-nationalistes, et donc s’appuyant sur les ultra-croyants, accèdent au pouvoir. Ce qui n’est nullement improbable, étant donné l’état de déliquescence accélérée des démocraties. Le vingt-et-unième siècle sera un siècle de persécutions et de bûchers. [...]

(François Cavanna, Lettre ouverte aux culs-bénits; Albin Michel, 1994) 

En guise de conclusion :

Lettre de Jacques Brel


1er janvier 1968

Le seul fait de rêver est déjà très important. Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques-uns. Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier. Je vous souhaite des passions, je vous souhaite des silences. Je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants. Je vous souhaite de respecter les différences des autres, parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir. Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence et aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite enfin de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour, car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille. Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux, car le bonheur est notre destin véritable.

Source des lettres : http://www.deslettres.fr/

29 décembre 2016

La glu sociale la plus résistante

L’autre jour j’ai vu un documentaire sur le commérage dont la perspective générale est assez décapante. Certains intervenants en font l’éloge, arguant que sans potinage il n’y aurait pas de liens entre les humains (!). Ils affirment que ceux qui s’en abstiennent risquent le rejet. Pas faux. Oscar Wilde le disait : «n’écoute pas les ragots et n’en colporte pas, et tu ne seras jamais invité à aucune fête». Il paraît même que les objecteurs de potinage limitent leur chance d’avancement au travail. Ah. 

Colporter fait circuler de l’information (des nouvelles) positive ou négative, vraie ou fausse. L’information peut être utile pour se forger une opinion sur des individus comme Donald Trump par exemple, dont les propres tweets et vidéos ont révélé la personnalité hyper narcissique et dangereuse. Ce qui ne l’a pas empêché de se faire élire malheureusement.

Le commérage peut remuer de la boue au point de ruiner des vies. Les rumeurs, les diffamations, les calomnies et les préjugés favorisent la discrimination et le racisme, à petite et grande échelle. Sans livrer une seule once de vérité, les scoops médiatiques satisfont notre curiosité et nous en sommes très friands. Quand un compétiteur tombe, on crie hourra! Quand une star tombe de son piédestal en raison de ses inconduites, on est à la fois juge et bourreau pour blâmer le «vilain». Nous préférons l’information négative parce qu’on croit qu’elle  permet de détecter des ennemis potentiels. Or nous fier à ce que les autres disent, à leur interprétation ou perception de la réalité sans avoir été témoin de quoi que ce soit peut nous jouer de mauvais tours.

Tableau : Crispin et Scapin par Honoré Daumier

«La calomnie, monsieur! vous ne savez guère ce que vous dédaignez; j'ai vu les plus honnêtes gens près d'en être accablés. Croyez qu'il n'y a pas de plate méchanceté, pas d'horreurs, pas de conte absurde, qu'on ne fasse adopter aux oisifs d'une grande ville en s'y prenant bien : et nous avons ici des gens d'une adresse!... D'abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l'orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano, vous le glisse en l'oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et, rinforzando de bouche en bouche, il va le diable; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d'oeil. Elle s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait?»
~ Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (Le Barbier de Séville [1775]; Acte II scène viii

Extraits de la présentation du documentaire THE REAL DIRT ON GOSSIP

Chaque semaine des dizaines de millions de nord-américains lisent des magazines à potins, des sites web de célébrités et suivent les flux Twitter qui diffusent en continu des rumeurs – et des vérités. Au bureau, les ragots de cafétéria permettent de savoir qui a obtenu une augmentation, qui travaille le moins et qui sera embauché ou congédié. 
     Soyons honnêtes, nous aimons tous les potins. Nous les recherchons, nous les répandons. Et maintenant, la recherche scientifique sur l'évolution du langage révèle que le commérage a toujours existé et qu’il ne disparaîtra jamais. Mais, est-ce une si mauvaise chose? [...]  

Saviez-vous
que le menu de nos conversations quotidiennes est constitué de 66 % de commérage  
que l’analyse de 22 000 conversations a révélé que le sujet de discussion le plus courant était ce que font les autres [une fois qu’on a parlé de soi, on parle des autres]
que les hommes commèrent autant que les femmes [le commérage n'est pas l'apanage des femmes; le vestiaire, le club réservé aux hommes et les organisations politiques et corporatives essentiellement masculines sont des foyers de commérages qui ont béni ou détruit des destins]
que les gens ont plus tendance à commérer sur des individus du même âge et du même statut social  
que les bons bavards ont tendance à gagner plus d'argent au travail  
– que les renseignements obtenus grâce au commérage peuvent donner de l’ascendant et même du pouvoir sur ceux qui n'y ont pas accès  

Que le party commence... 

[...] Le commérage n’est pas toujours négatif. En réalité il le serait dans une proportion de 10 %; les reste est soit neutre ou positif. Cependant, le commérage négatif colle à la peau plus longtemps que le commérage positif. Une fois la réputation d’une personnalité publique salie, même si les allégations s’avèrent fausses, la tache ne disparaît pas de la mémoire collective; le doute subsiste. De toute façon, dans un procès pour diffamation, s’il n’y a pas de témoins, c’est la parole de l’un contre celle de l’autre, alors...

Une intrigante chirurgie exploratoire de cette compulsion inhérente à la nature humaine.
Si vous avez accès à la zone : http://www.cbc.ca/doczone/episodes/the-real-dirt-on-gossip

Citations du jour 

Commentaire d’un internaute à propos de Facebook :
«Une chose que je ne pouvais pas supporter, c’est le fait que chaque statut ou action est jugée par tout le monde. Tout le monde a toujours un avis sur tout : vos contacts vont ainsi commenter et critiquer (ouvertement ou derrière votre dos) tout ce que vous faites ou écrivez.» ~ Daniel Roch

«Nous sommes nés pour faire des erreurs, et non pour simuler la perfection.» 

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À lire avant les réceptions du Nouvel An, et avant de publier des commentaires sur Facebook, Instagram et autres...

LE MOT
Victor Hugo (1802-1885)

Jeunes gens, prenez garde aux choses que vous dites.
Tout peut sortir d'un mot qu'en passant vous perdîtes.
Tout, la haine et le deuil! Et ne m'objectez pas
Que vos amis sont sûrs et que vous parlez bas...

Écoutez bien ceci :
Tête-à-tête, en pantoufle,
Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle,
Vous dites à l'oreille au plus mystérieux
De vos amis de coeur, ou, si vous l'aimez mieux,
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,
Dans le fond d'une cave à trente pieds sous terre,
Un mot désagréable à quelque individu;
Ce mot que vous croyez que l'on n'a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre,
Court à peine lâché, part, bondit, sort de l'ombre!
Tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin.
Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle;
Au besoin, il prendrait des ailes, comme l'aigle!
Il vous échappe, il fuit, rien ne l'arrêtera.
Il suit le quai, franchit la place, et caetera,
Passe l'eau sans bateau dans la saison des crues,
Et va, tout à travers un dédale de rues,
Droit chez l'individu dont vous avez parlé.
Il sait le numéro, l'étage; il a la clé,
Il monte l'escalier, ouvre la porte, passe,
Entre, arrive, et, railleur, regardant l'homme en face,
Dit : Me voilà ! je sors de la bouche d'un tel.

Et c'est fait. Vous avez un ennemi mortel.

26 décembre 2016

Quand on veut on peut? Pf!

André Sauvé : POUVOIR, VOULOIR, FALLOIR
Série Qui l’eût cru? 
Juste pour rire, France



Si l'on ne peut rien faire, il faut rire...

Caricatures : Dave Granlund
À visiter : http://www.davegranlund.com/cartoons/

2016

2012

23 décembre 2016

L’art de modérer nos transports


Citations : Christian Bobin 

«À quoi reconnaît-on les gens fatigués. À ce qu'ils font des choses sans arrêt. À ce qu'ils rendent impossible l'entrée en eux d'un repos, d'un silence, d'un amour. Les gens fatigués font des affaires, bâtissent des maisons, suivent une carrière. C'est pour fuir la fatigue qu'ils font toutes ces choses, et c'est en la fuyant qu'ils s'y soumettent. Le temps manque à leur temps. Ce qu'ils font de plus en plus, ils le font de moins en moins. La vie manque à leur vie.»
(Une petite robe de fête, coll. folio #2466, p. 27)

«J'ai toujours craint ceux qui partent à l'assaut de leur vie comme si rien n'était plus important que de faire des choses, vite, beaucoup.»
(La folle allure, p. 33, Éditions Gallimard 1995)

«On peut très bien faire une chose sans y être. On peut même passer le clair de sa vie à parler, travailler, aimer, sans y être jamais.»
(Le Très-Bas, coll. folio #2681, p. 55)

«[...] l'essentiel n'est rien d'autre que ce que l'on néglige.»
(L'éloignement du monde, p.40, Éditions Lettres Vives 1993)

«Deux arbres artificiels accueillent la clientèle de la banque. La vie est dans ce lieu si maltraitée que même les faux arbres ont l'air d'y dépérir.» 
(Les ruines du Ciel, p.100, Gallimard, 2009)

«J'ai toujours eu un léger dégoût pour ceux qui sont capables de commenter pendant des heures la finesse ou l'arôme d'un vin, amenant dans leur parole, pour des choses sans importance, une délicatesse qu'ils ne mettent pas dans leur vie.» 
(Ressusciter, p.145, Gallimard nrf, 2001)

(Source de la sélection : http://www.gilles-jobin.org/citations/ )

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@Twittakine – «N’écoute pas les ragots et n’en colporte pas, et tu ne seras jamais invité à aucune fête.» ~ Oscar Wilde (1854-1900)

1. Lorsque fêter est une obligation, ce n’est plus une fête. Fêter vient d’un désir du cœur qui coïncide rarement avec des congés fériés tels que Noël, le Nouvel An ou Pâques. Les rencontres improvisées à la dernière minute sont souvent les plus joyeuses et réussies.

2. Soyez créatif : si vous n’êtes pas croyant, amusez-vous à modifier les chants traditionnels – Minuit! Païens, c’est l’heure...; Les anges dans nos condos; Trois démons sont venus ce soir; Deck the balls with bough of holly Tra-la-la-la-la la-la-la-la; Junkle bells, junkle bells, junkle all the way...  

3. En général on recommande d’éviter de boire seul, mais il vaut mieux boire seul qu’en compagnie de gens désagréables que l’alcool rend agressifs et violents. Certains bougons adorent provoquer des chicanes. Si vous êtes au milieu d’une atmosphère chargée, évitez le ping-pong verbal et ne buvez pas d’alcool; vous esquiverez des déboires. Soyez sélectif, allez à des réceptions où les gens sont plaisants, pacifiques et joyeux.
   Et n’oubliez pas que vous avez le droit de refuser n’importe quelle invitation : https://situationplanetaire.blogspot.ca/2013/01/lart-de-refuser.html

4. Enfin, ne risquez pas votre vie et celles d’autrui pour un party! Soyez des buveurs responsables... appelez Nez Rouge ou campez chez vos hôtes.


Merry Shrissmas! aiulella!

Citation du jour

«Si tu veux être heureux une journée, fais une fête;
pour l’être deux semaines, fais un voyage;
pour l’être un an, cultive un jardin;
pour l’être toute la vie, trouve quelque chose qui en vaut la peine.»  

~ Frank Tibolt, écrivain

22 décembre 2016

À découvrir : le pianiste et compositeur Jean-Michel Blais

L’album «Il» : un superbe cadeau des Fêtes. Une diversion bienvenue aux jingles de Noël qu’on nous impose dès qu’on met les pieds dans une quelconque boutique.
Pu capabe.

Un aperçu : Piano Day 2016 performance CBC Music



In honour of Piano Day, Montreal-based pianist Jean-Michel Blais performs compositions from his forthcoming debut album “Il” live in CBC Music Studio 211.

Biographie
Source : Bondsound

Jean-Michel Blais, 31 ans, est un pianiste montréalais. Ses compositions envoutantes conjuguent la sensibilité pop de Yann Tiersen et de Chilly Gonzales à la maîtrise technique de pianistes classiques minimalistes comme Philip Glass et Erik Satie. Né à Nicolet, le jeune Jean-Michel grandit dans un milieu éloigné des arts et n’a chez lui, pour toute lecture, qu’une gigantesque encyclopédie qu’il passe des heures à dévorer. À l’âge de 9 ans, il commence à pianoter sur l’orgue familial, improvise des mélodies et, à 11 ans, écrit ses premières compositions. Il débute aussi à ce moment des leçons de piano. Véritable talent naturel, il est invité, à 16 ans, à entrer au Conservatoire de musique de Trois-Rivières, où il commence des études en piano classique. Mais Jean-Michel, alors en pleine adolescence, se rebelle rapidement contre cette formation qu’il trouve contraignante et rigide. Il veut expérimenter et n’aime pas qu’on lui dise comment jouer, ni qu’on l’empêche d’improviser et de composer. 
     Quelques années plus tard, il attire l’attention de l’auteur et metteur en scène Robert Lepage, qui le présente au gratin du milieu artistique québécois. Sans plan de carrière bien précis en tête, le pianiste se retire promptement et décide de poursuivre ses explorations. 
     Dans la mi-vingtaine, il part vivre à Berlin et passe plusieurs mois en Amérique du Sud. Il compose de la musique, mais traverse aussi de longues périodes sans même toucher à un piano. De retour à Montréal, il redécouvre son amour pour la composition et attire à nouveau l’attention, cette fois de l’étiquette Arts & Crafts. Composé sur deux ans au fil d’improvisations quotidiennes «Il» premier album de Jean-Michel Blais, a été lancé le 8 avril 2016.

http://www.bonsound.com/fr/artiste/jean-michel-blais/

Le pianiste classique Jean-Michel Blais sort de l’ombre et souhaite que ses publics soient constitués à la fois de hipsters et de grand-mères.

Par Valérie Thérien
Magazine VOIR

Jean-Michel Blais est un nom qui ne vous est sans doute pas familier. Depuis quelques années, en fait, il gagne sa vie en tant que professeur au Cégep en éducation spécialisée. Mais la musique classique a fait partie de sa vie assez longtemps et c’est aujourd’hui qu’il sort de l’ombre, à l’occasion de la sortie du très bel album de solo piano Il sur la maison de disques canadienne Arts & Crafts.
     C’est un artiste au parcours intriguant donc on va vous en tracer le portrait. Ayant grandi à Nicolet, Jean-Michel est assoiffé de découvrir le monde et plonge dans la musique. Doué, il est admis au Conservatoire de musique de Trois-Rivières, mais son tempérament est un peu trop réactionnaire pour l’établissement. «Avant de présenter les pièces, j’expliquais aux gens ce que j’allais jouer, ce qui mettait ma prof sans dessus dessous. J’allais jouer en pantoufles aussi. Je disais : «la musique c’est pour les aveugles! C’est pour les oreilles!» Avec des amis on faisait des reprises des années 1980. Bref, j’ai toujours voulu sortir de ce cadre-là. Pour enfreindre une limite, il faut qu’il y ait une limite, donc le cadre est créatif. Les limites sont parties prenantes de la créativité dans mon cas.»
     Autour du Cégep, il sent qu’il manque de vision et décide d’aller se chercher ailleurs, en voyageant et en s’accompagnant des mots de grands philosophes. Si le métier de professeur rend sa vie relativement confortable et qu’il avait un peu mis sa musique de côté, il se trouve maintenant à être sous contrat chez l’un des plus importants labels indépendants au Canada, Arts & Crafts.
     «Je sais qu’un jour je vais avoir une décision à prendre», admet-il. «Musicalement, c’est un timing qui ne pourrait ne pas se reproduire. Je pourrais pas dire à l’étiquette de disque : «revenez me voir dans 5 ans»… J’ai envie de me lancer et voir comment ça se passe. Je vais essayer d’allier les deux. Peut-être qu’à 16 ans j’aurais dis : «oui, je veux faire de la musique dans la vie», mais aujourd’hui y’a un côté ben rationnel-réaliste.»

L’Oreille du hipster moyen

L’association avec Arts & Crafts est intéressante puisqu’elle met en lumière une certaine ouverture d’un label qui propose habituellement de l’indie-rock (Feist, Timber Timbre, Ra Ra Riot etc.). Avec l’ajout de Jean-Michel, l’étiquette plonge vers de nouveaux défis la musique classique et plus «de niche».
     Jean-Michel a été repéré par Cameron Reed d’A&C un peu par hasard alors qu’il cherchait des nouveaux artistes intrigants à mettre sous contrat. Questionné à propos de cette signature avec un pianiste classique chez Arts & Crafts, Cameron Reed dit qu’il n’y voit là rien de bien spécial. «On veut avant tout sortir de bons disques, tout simplement», dit-il. Cameron a tout de suite vu le potentiel du pianiste et c’était réciproque pour Jean-Michel.
     «Ce qui m’a allumé, dit Jean-Michel, c’est que Arts & Crafts a soutenu beaucoup Chilly Gonzales dans les dernières années donc je me suis disais: «Même si on n’a pas du tout la même attitude sur scène ou le genre de son, y’a du piano solo. Je pense que ma musique est un complément intéressant aux artistes qui sont là.» 
     L’album Il était déjà sorti en ligne, de façon indépendante, quand Cameron Reed a pris connaissance du travail de Jean-Michel. L’étiquette de disque le sort donc à nouveau avec son sceau d’approbation. L’oeuvre est intimiste et chaleureuse, dotée de bonnes mélodies, de passages émouvants et il nous fait voyager. Il est aussi comme un petit cocon. On y entend sur l’enregistrement ici et là un plancher qui craque, des enfants qui s’amusent dans la ruelle ou un klaxon de voiture. Ce sont tous des bruits naturels de l’environnement dans lequel il a choisi d’enregistrer le disque : sa chambre.
     «Quand je suis arrivé pour enregistrer l’album, j’ai eu mon réflexe classique : j’avais une belle église avec un beau piano à queue et un beau son et j’ai dit : «c’est pas ce que je veux. Ces pièces-là sont composées chez nous au piano. J’ai un petit zoom qui enregistre mes trucs et qui capte tout. Je me suis dit : «on va prendre l’auditeur et on va l’asseoir sur le divan à côté et il va se laisser aller». On entend mes colocs, ou un klaxon, ce qui fait partie de la vie. Quand je fais des shows aussi c’est comme ça et c’est ça qui est le fun : les gens bougent, t’as des bruits de gens qui parlent et ça fait partie de la musique. C’est une forme de musique aussi.»

Le classique décomplexé

Jean-Michel et son label croient que son offre est assez accrocheuse pour agir à titre de porte d’entrée vers la musique classique pour les jeunes mélomanes friands de découvertes mais néophytes (ou presque) du genre.
     «J’ai l’impression que depuis quelques années il y a une ouverture qui fait que l’approche classique n’est plus réservée juste aux têtes grises. Moi, c’est un peu mon idéal aussi. Si dans une salle j’ai une grand-mère, mais j’ai des enfants et deux hipsters dans le coin, j’ai l’impression que je fais à la limite un travail de restructuration de classes sociales. Je pense que ma musique est accrocheuse et simple, mais quelqu’un qui connait la musique va être capable d’aller repérer d’autres éléments qui sont là mais qui sont pas nécessairement imposants : ok, là y’a un contrechamp, ok là le thème revient… Mais si tu connais pas, tu peux quand même l’apprécier. J’ai toujours voulu que ça puisse être lu à plusieurs niveaux. Et je pense que Arts & Crafts a compris ça.»
     Et si l’on se fie au succès du premier simple de «Il» Nostos, qui s’est retrouvé dans les palmarès de Spotify et Hypemachine lors de sa sortie, le pari d’élargir les horizons que se sont donné Jean-Michel et Arts & Crafts porte fruit.
     «C’est excitant de pas trop savoir qui va répondre, avoue Jean-Michel. Ça va-tu marcher ou pas? On le sait pas. C’est l’avenir qui va nous le dire. Tout est à repenser. Le public classique est hyper silencieux, assis, et n’applaudit pas entre les tounes quasiment.»
     VOIR: «Ça va peut-être changer».
     Jean-Michel: «Ben oui, j’espère!»

19 décembre 2016

Repas de Noël en famille

Un repas des Fêtes où j’irais avec grand plaisir. Côté «manières à table», c’est comme dans les centres pour personnes âgées... aucun filtre mais les invités restent polis. Hahaha!

Les vedettes viennent de refuges (ou ont été adoptées). Pour chaque partage (share) de vidéo, le commanditaire donne un repas aux refuges. Même si c’est chapeauté par un fabricant de nourriture pour animaux, c’est quand même une bonne idée (1).

Christmas Lunch with the Family (2014)



Les coulisses :
https://www.youtube.com/watch?v=guBWYqJv1DY

Bien réussi également :
Santa's Elves - Dogs and Cats with Human Hands Making Toys (2015)
https://www.youtube.com/watch?v=y6NS77HLjEE 

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(1) Ce qui m’amène à penser qu’on pourrait faire la même chose pour les enfants des milieux défavorisés qui ne mangent pas à leur faim. La faim, c’est pas juste pendant les Fêtes, c’est à l’année longue, à tous les jours. Donc, une superbe vidéo avec des enfants qui racontent leur vécu, commanditée par des marchés grande surface par exemple. À chaque share, de la nourriture serait donnée aux banques alimentaires. Les résultats pourraient être étonnants. 
   Selon le dernier rapport du réseau Banques alimentaires Canada, un foyer sur six a recours à l’aide alimentaire et les enfants constituent 36 % des Canadiens soutenus par cette aide. Un tiers de la production alimentaire mondiale se retrouve chaque année dans nos poubelles, à l’heure où des millions de personnes meurent de faim.

Collage : Joe Webb http://www.joewebbart.com/

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La loi est celle du plus fort. Du premier venu. Pousse-toi de là que je m’y mette. Ceci est à moi. On s’approprie quelque chose d’extérieur de manière à devenir la chose appropriée. Ceci est à moi ou ceci est moi. Toute atteinte à cette chose, ici, la part de tourte ou le petit gâteau, est une atteinte à ce que nous sommes. Une violence potentielle œuvre en creux des rapports humains. Le buffet commun se transforme en lieu de lutte, de rapports de force, inégal, sans partage. Ceci est à moi – ou comment produire de l’hystérie dans les choses, les territoires. La menace est continuelle. Autrui n’est pas mon semblable. Nous ne sommes plus des consciences. Autrui se réduit à une fonction négative : celui qui peut me prendre ma part. L’intrus. Que faire? Peut-être nous rappeler que cet autre existe au même titre et en même temps que moi, que son existence n’est pas moins légitime que la mienne, que nous avons faim et soif tous deux. Ou alors, c’est succomber à la logique des «suspects». Moi contre toi. Tous contre tous.
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Faisons comme si : comme si la table du buffet était l’objet d’un accord commun, antérieur, implicite, accord qui ne voudrait exclure personne sur le mode de la force et de la violence, même civilisées par l’habitude et les contraintes (ou les étiquettes) sociales. Faisons comme si, au moment de manger, nous souhaiterions que tous mangent et mangent dans de bonnes conditions et satisfassent leurs appétits avec mesure, politesse, respect et considération : non seulement de l’autre mais d’une sorte de bien commun, ce contrat lui-même. Admettons dans ce contrat que le désir de chacun ait aussi pour objet la qualité du rapport humain. Un certain sens de l’amitié (on pourrait dire «fraternité» ou «solidarité») et de ce qui convient à soi parce que cela convient aussi et en même temps à tous. 

Marie Noëlle Agniau
La guerre des buffets
MÉDITATIONS DU TEMPS PRÉSENT
La philosophie à l’épreuve du quotidien 2
L’Harmattan

17 décembre 2016

It’s a goal!


Le facteur courant d'air   

Les trois premières dimensions

(Chapitre Logique et quatrième dimension; p. 132-137) 

L’éducation scientifique du public lui permet aujourd’hui d’accéder à des régions de la connaissance qui lui étaient naguère interdites. 
    Il apparaît bien (mais il apparaît seulement)  que la partie de l’homme que nos sens identifient sur la terre est une créature à trois dimensions. 
    Celle-ci ne connaît que trois aspects de l’espace; longueur, largeur, hauteur, ce qui lui permet d’avoir la compréhension des solides. L’homme terrestre peut donc comprendre, a fortiori, le monde de la deuxième dimension, c’est-à-dire la surface (longueur X largeur) et celui de la première dimension, c’est-à-dire la ligne (qui est une simple longueur). 
    Par contre notre intelligence mentale à trois dimensions est incapable de comprendre le monde de la quatrième dimension, celui des hyper-solides (longueur X largeur X hauteur X x). 
    Force est donc à l’esprit qui veut imaginer la quatrième dimension de recourir à un artifice. Et pour expliquer l’attitude et le comportement de l’être à quatre dimensions vis-à-vis de l’être à trois dimensions qu’il est lui-même, il examine son attitude et son comportement vis-à-vis d’un être à deux dimensions.

Raisonnement à deux dimensions

Cet être à deux dimensions que Hinton appelle «microbe» et Maurice Maeterlinck plus justement «l’extra-plat» ne connaît que les surfaces et son mental est rigoureusement prisonnier des notions de longueur et de largeur. Aucune idée de la hauteur ou épaisseur ne peut lui venir; il se meut exclusivement dans deux directions; il se meut exclusivement dans deux directions et l’idée même d’un volume est complètement en dehors de la connaissance qu’il a du monde. 
    Si on suppose le microbe d’Hinton doué de la faculté de raisonner comme nous, la seule hypothèse d’un monde à trois dimensions (la nôtre) le fait sourire. Comme il n’a aucune possibilité mentale (1) de se représenter un volume, il est persuadé que l’univers entier est exclusivement à deux dimensions. C’est ainsi que nous raisonnons nous-mêmes en ce qui touche la quatrième dimension. Nous décrétons, non pas que notre univers est de trois dimensions seulement, ce qui serait exact mais que tout l’univers n’a d’autres dimensions que les nôtres. Exemple de cécité désarmante que l’évolution se chargera de dissiper. 
    Imaginons, à présent, une intervention de l’être à trois dimensions (l’homme terrestre) dans l’univers de l’être à deux dimensions. Celui-ci (le microbe d’Hinton) enregistrera les résultats sans rien y comprendre. N’y comprenant rien, il les déclarera incompréhensibles et décidera que le hasard mène son univers.

Interprétation des dimensions

Mais ceci nous amène à une autre série de réflexions tirées de «l’emboitage» des dimensions différentes et nous permet de considérer la même idée sous plusieurs aspects. 
    Si une grande part de l’homme inconnu se meut en dehors de l’homme à trois dimensions, de même une grande part de l’être à deux dimensions (l’extra-plat) doit se mouvoir dans le monde à trois dimensions et donc être à la portée de notre connaissance. 
    Dès lors, est-il interdit de supposer que si les êtres de l’hyper-espace quadridimensionnel sont notre prolongement dans les mondes supérieurs nous sommes ici, dans notre espace tridimensionnel, le prolongement des créatures inférieures et, en quelque sorte, le supérieur de la deuxième dimension? 
    Ainsi nous interpénétrerions pratiquement tout l’univers, de haut en bas, en solidarité totale et complexe avec tous les êtres. Tiré, tirant, l’homme serait un géant qui a les pieds dans la nuit des profondeurs et la tête dans les régions du ciel. 
    La métamorphose de l’insecte peut être la représentation matérielle d’une aussi incompréhensible évolution. On peut disséquer une jeune larve ou un cocon de  chrysalide sans y trouver l’esquisse de la chrysalide ou de l’adulte. 
    L’œuf qui vient d’être fécondé contient tout l’oiseau en puissance et cependant nul microscope ne permettra de le découvrir dans son vitellus.

~ George Barbarin

VOYAGE AU BOUT DE LA RAISON 
Éditions de l’Âge d’Or;1962

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(1) Mais non matérielle. En fait si nous ne comprenons que trois dimensions nous nous mouvons constamment dans la quatrième dimension et dans les dimensions supérieures.

16 décembre 2016

Embourgeoisement des quartiers, pauvreté, itinérance

Photo Patrick Woodbury, archives Le Droit

Le temps glacial rend les personnes en situation d'itinérance très vulnérables. C'est le branle-bas de combat à la Mission Old Brewery qui dispose de 300 lits. «On veut que personne ne dorme dehors dans un froid comme ça», dit Stéphane Massicote, coordonnateur à la Mission. L’ensemble des organismes d’aide dispose de 900 places d’hébergement pour hommes, pour femmes, pour les personnes autochtones et pour les jeunes. Il y a également une halte-chaleur en fonction depuis l’année dernière pour les gens qui ne réussissent pas à trouver refuge. (ICI Radio-Canada Info)

Comme pour la guerre, si la pauvreté ne rapportait pas, elle disparaîtrait.

L’embourgeoisement
Par Louis T

Si ta réaction devant une vitrine brisée est de dire «mais pourquoi tant de colère?» [...] on peut pas dire que t’es vraiment conscient de la réalité de plusieurs personnes dans ton quartier. [...] 
   Est-ce qu’on peut s’entendre, toi et moi, que la violence n’est pas la meilleure façon de rallier les gens à sa cause. [...]
   Si on pouvait avoir la même réaction de colère lorsqu’on voit un pauvre que lorsqu’on voit une vitrine brisée, ce serait déjà beaucoup

http://ici.tou.tv/verites-et-consequences-avec-louis-t

Contexte

En mai 2016, des militants dénonçant l’embourgeoisement du quartier Saint-Henri ont vandalisé des commerces. Ils reprochent aux commerçants de contribuer à chasser les pauvres du quartier au profit des bobos (bourgeois-bohème). «L’arrondissement tente de revitaliser ses artères, mais avec le défi important de la diversité et de la mixité», affirmait le maire de l’arrondissement. En novembre dernier, des commerces du quartier Hochelaga-Maisonneuve étaient à nouveau la cible des militants.

Budget 2017, gentrification, vandalisme
(Extrait)

On entend les propriétaires de commerces, surtout, qui viennent nous expliquer qu’ils sont de bonne foi, remplis de bonnes intentions, qu’ils aiment leur quartier, qu’ils habitent souvent, qu’ils souhaitent voir se développer pour tous, avec tous, et pour le mieux. 
   Je les crois la plupart du temps. Le problème n’est pas là. Même s’ils sont animés des meilleures intentions, on ne peut nier la réalité. Qu’est-elle, cette réalité? Que l’embourgeoisement existe. Que les condos poussent vertigineusement, plus rapidement que les logements locatifs, les coopératives et les HLM mis ensemble. Que les loyers, commerciaux et locatifs, augmentent, inlassablement. Que les pauvres, parce que c’est bien de ça qu’on parle, doivent déménager
   Leurs restos ont fermé, leurs magasins de linge aussi. Ils ne trouvent plus de loyers qu’ils peuvent se payer et doivent partir.»

~ Sébastien Sinclair (maîtrise en sciences politique à l’UQAM)  

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Quand un riche vit dans un quartier pauvre, il le rehausse. 
Quand un pauvre vit dans un quartier riche, il le dégrade.

Condos et propriétés de luxe

Photo Bernard Brault, La Presse – Héritage du Vieux-Port (Montréal). Vue de l'ancien édifice industriel depuis l'île Sainte-Hélène. La façade a été conservée, mais restaurée : les briques ont été nettoyées une à une, puis remises en place. Prix des unités : de 349 000 $ à 1,4 million; penthouses : 4,5 millions.

Non seulement on chasse les pauvres de leurs quartiers, mais on détruit aussi des boisés et des écosystèmes importants pour des habitations de luxe que la plupart du temps les spéculateurs n’habiteront pas. Si d’un côté cela rapporte en taxes municipales, les pratiques douteuses de l’industrie immobilière permettent aux investisseurs étrangers – surtout chinois – de réaliser un profit rapide sans payer de taxes au Canada, puisque la revente est en fait une «cession» qui se fait dans l’ombre du système traditionnel; ce qui fut notamment le cas à Vancouver. La belle affaire! 


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L’itinérance

La baisse des salaires, la réduction des prestations en aide sociale et la diminution de l’offre en logements abordables ont mis de plus en plus de Canadiens à risque.

Les chiffres de l'itinérance (2016) :

35 000 Canadiens sont sans abri durant toute nuit donnée et 235 000 Canadiens vivent l'itinérance à un moment donné chaque année.

– Au cours des 20 dernières années, la population du Canada a augmenté de plus de 30%, mais le financement fédéral dans les logements abordables a baissé de plus de 46%. Cela signifie qu'au moins 100 000 logements abordables n'ont pas été construits.

Aujourd'hui, 1,5 million de ménages canadiens éprouvent un besoin impérieux en matière de logement, et plus de la moitié de ces domiciles éprouvent un besoin impérieux en matière de logement extrême (vivant dans la pauvreté et dépensant plus de 50% de leur revenu au logement).

Au cours des dix dernières années, il y a eu une diminution constante du nombre de Canadiens qui utilisent les refuges.

D'ailleurs, 2014 comptait une réduction de près de 20 000 utilisateurs des refuges d'urgence par rapport à 2005.

Bien qu'il y ait moins d'utilisateurs des refuges, ceux qui les utilisent restent plus longtemps.

Le taux national d'occupation des refuges (qui dénote à quel point ils sont remplis) a augmenté de plus de 10% entre 2005 et 2014.

La plupart des séjours dans les refuges sont courts pour les jeunes et les adultes y demeurent pendant une moyenne de 10 jours. Par contre, pour les personnes âgées (50 ans et +), la moyenne du séjour est deux fois plus longue.

http://rondpointdelitinerance.ca/ressource/l%E2%80%99%C3%A9tat-de-l%E2%80%99itin%C3%A9rance-au-canada-2016

Pourquoi des contraventions aux itinérants?  

La problématique de la judiciarisation des personnes en situation et à risque d’itinérance est en partie attribuable à l’effet de mode de la revitalisation des centres des grandes villes nord-américaines. D’abord, une pression est exercée afin de rendre plus attirants ces lieux pour le tourisme, l’industrie culturelle et l’offre de condominiums pour les personnes en mesure de se les payer, pression qui se trouve transposée sur la population marginalisée qui y est présente depuis toujours. S’ajoute à cela l’évolution des pratiques sécuritaires, un enjeu qui viendra prendre une place impressionnante avec la mise en place de la police de quartier à Montréal et le ciblage de populations jugées comme étant à risque de commettre de petits délits. Enfin, la fermeture de l’espace public, perceptible au début des années 2000, est un phénomène qui passe par le changement de statut de plusieurs places et squares transformés en parcs, permettant ainsi le recours à une nouvelle réglementation municipale destinée à ces lieux spécifiques (fermeture des parcs la nuit, utilisation du mobilier urbain, etc.) et une augmentation de la présence policière. Les tensions déjà présentes dans la rue atteindront leur paroxysme en 2004, année où il s’est donné le plus de contraventions dans les espaces publics à Montréal en même temps que s’amorçait la riposte des organismes du milieu. Il se dégageait un sentiment d’injustice chez les personnes fréquentant la rue, tout comme un sentiment d’impuissance chez les intervenantes et intervenants leur venant en aide. Ces sentiments accompagnaient le quotidien de plusieurs personnes se déplaçant d’un quartier à l’autre pour fuir la répression ou séjournant en prison pour le non-paiement de leurs amendes. Depuis, bien de l’eau a coulé sous les ponts, non sans batailles ni sensibilisation. (www.erudit.org )

Un itinérant a reçu l’équivalent de 110 000 $ en contraventions (à Montréal) au fil des ans. D’autres font régulièrement du temps en prison. Par contraste, l’ex-maire de la Ville de Laval, Gilles Vaillancourt, s’en tire avec 6 ans de prison et possible libération à un sixième de sa peine, et quelques millions de dollars (des pinottes pour lui) à rembourser à la municipalité. Il doit rire dans son double menton (y’a pas de barbe). Combien a-t-il payé son avocat pour qu'on élimine l'accusation de gangstérisme et obtenir une sentence aussi ploc? Il est beau notre système de justice!

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Vivez-vous dans un quartier riche ou pauvre à Montréal? La réponse en cartes  

On parle de plus en plus d’embourgeoisement et de disparités économiques entre les riches et les pauvres, mais peu d’analyses montrent clairement la répartition de la richesse à Montréal. En comparant le revenu moyen par personne à petite échelle, un portrait économique se dessine.

Un texte d’Alexis Boulianne et de Jean-Philippe Guilbault
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2016/5/carte-revenu-moyen-riches-pauvres-montreal/

14 décembre 2016

Qui sera le prochain nominé de Trump?

«Donald Trump va nommer Bill Cosby à la Condition féminine.»
Le clin d'œil de Stéphane Laporte (La Presse, 14/12/2016) 

«Quand les tyrans ont l’air de s’embrasser il est temps d’avoir peur.»
~ William Shakespeare

La revanche de Moscou?


“Vladimir Putin carrying his buddy Donald Trump”
By Donkey Hotey https://donkeyhotey.wordpress.com/about/

Le Déluge
Par Jean L’Anselme

Il pleuvait comme vache qui pisse
mais il n’y avait plus de vaches.
Il faisait un temps de chien, un temps de cochon
mais il n’y avait plus de chiens ni de cochons.
Il faisait un beau temps pour les grenouilles, les
escargots, les limaces
Mais il n’y avait plus ni grenouilles, ni escargots, ni
limaces.
N’y avait plus non plus d’éléphants
ni d’girafes
plus de phoques
plus de pingouins
plus de chats
plus de poules
plus de lapins.
Il n’y avait plus rien.
Plus rien sur cette terre
à force de laisser faire
et de se taire.

Alors Noé,
qui ne pouvait plus compter «un – deux»
en accouplant ses bêtes en marche
hurla «en avant marche,
après moi le déluge!»

Et ce fut la fin du monde,
le grand grabuge.

(Inédit)  

Les grandes inventions
Par Joël Sadeler

Il inventa la poudre à laver le linge
Le linge fut propre
Mais l’eau polluée
Ça ne fait rien se dit-il
Et il inventa la poudre à laver l’eau
L’eau de la rivière fut propre
Mais l’herbe polluée
Ça ne fait rien se dit-il
Et il inventa la poudre à laver l’herbe
L’herbe de la rivière fut propre
Mais le lit pollué
Ça ne fait rien se dit-il
Et il inventa la poudre à laver le lit
Le lit de la rivière fut propre
Mais la terre polluée
Ça ne fait rien se dit-il
Et il inventa la poudre à laver la terre
Et la terre fut lessivée…

P.S. Homo Hiroshima lave plus blanc.

(Croquis et croque-vie)

Cent poèmes pour l’écologie
Choisis par René Maltête (photographe, 1930-2000)
Préface d’Hubert Reeves
Le cherche midi éditeur; 1991