16 décembre 2016

Embourgeoisement des quartiers, pauvreté, itinérance

Photo Patrick Woodbury, archives Le Droit

Le temps glacial rend les personnes en situation d'itinérance très vulnérables. C'est le branle-bas de combat à la Mission Old Brewery qui dispose de 300 lits. «On veut que personne ne dorme dehors dans un froid comme ça», dit Stéphane Massicote, coordonnateur à la Mission. L’ensemble des organismes d’aide dispose de 900 places d’hébergement pour hommes, pour femmes, pour les personnes autochtones et pour les jeunes. Il y a également une halte-chaleur en fonction depuis l’année dernière pour les gens qui ne réussissent pas à trouver refuge. (ICI Radio-Canada Info)

Comme pour la guerre, si la pauvreté ne rapportait pas, elle disparaîtrait.

L’embourgeoisement
Par Louis T

Si ta réaction devant une vitrine brisée est de dire «mais pourquoi tant de colère?» [...] on peut pas dire que t’es vraiment conscient de la réalité de plusieurs personnes dans ton quartier. [...] 
   Est-ce qu’on peut s’entendre, toi et moi, que la violence n’est pas la meilleure façon de rallier les gens à sa cause. [...]
   Si on pouvait avoir la même réaction de colère lorsqu’on voit un pauvre que lorsqu’on voit une vitrine brisée, ce serait déjà beaucoup

http://ici.tou.tv/verites-et-consequences-avec-louis-t

Contexte

En mai 2016, des militants dénonçant l’embourgeoisement du quartier Saint-Henri ont vandalisé des commerces. Ils reprochent aux commerçants de contribuer à chasser les pauvres du quartier au profit des bobos (bourgeois-bohème). «L’arrondissement tente de revitaliser ses artères, mais avec le défi important de la diversité et de la mixité», affirmait le maire de l’arrondissement. En novembre dernier, des commerces du quartier Hochelaga-Maisonneuve étaient à nouveau la cible des militants.

Budget 2017, gentrification, vandalisme
(Extrait)

On entend les propriétaires de commerces, surtout, qui viennent nous expliquer qu’ils sont de bonne foi, remplis de bonnes intentions, qu’ils aiment leur quartier, qu’ils habitent souvent, qu’ils souhaitent voir se développer pour tous, avec tous, et pour le mieux. 
   Je les crois la plupart du temps. Le problème n’est pas là. Même s’ils sont animés des meilleures intentions, on ne peut nier la réalité. Qu’est-elle, cette réalité? Que l’embourgeoisement existe. Que les condos poussent vertigineusement, plus rapidement que les logements locatifs, les coopératives et les HLM mis ensemble. Que les loyers, commerciaux et locatifs, augmentent, inlassablement. Que les pauvres, parce que c’est bien de ça qu’on parle, doivent déménager
   Leurs restos ont fermé, leurs magasins de linge aussi. Ils ne trouvent plus de loyers qu’ils peuvent se payer et doivent partir.»

~ Sébastien Sinclair (maîtrise en sciences politique à l’UQAM)  

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Quand un riche vit dans un quartier pauvre, il le rehausse. 
Quand un pauvre vit dans un quartier riche, il le dégrade.

Condos et propriétés de luxe

Photo Bernard Brault, La Presse – Héritage du Vieux-Port (Montréal). Vue de l'ancien édifice industriel depuis l'île Sainte-Hélène. La façade a été conservée, mais restaurée : les briques ont été nettoyées une à une, puis remises en place. Prix des unités : de 349 000 $ à 1,4 million; penthouses : 4,5 millions.

Non seulement on chasse les pauvres de leurs quartiers, mais on détruit aussi des boisés et des écosystèmes importants pour des habitations de luxe que la plupart du temps les spéculateurs n’habiteront pas. Si d’un côté cela rapporte en taxes municipales, les pratiques douteuses de l’industrie immobilière permettent aux investisseurs étrangers – surtout chinois – de réaliser un profit rapide sans payer de taxes au Canada, puisque la revente est en fait une «cession» qui se fait dans l’ombre du système traditionnel; ce qui fut notamment le cas à Vancouver. La belle affaire! 


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L’itinérance

La baisse des salaires, la réduction des prestations en aide sociale et la diminution de l’offre en logements abordables ont mis de plus en plus de Canadiens à risque.

Les chiffres de l'itinérance (2016) :

35 000 Canadiens sont sans abri durant toute nuit donnée et 235 000 Canadiens vivent l'itinérance à un moment donné chaque année.

– Au cours des 20 dernières années, la population du Canada a augmenté de plus de 30%, mais le financement fédéral dans les logements abordables a baissé de plus de 46%. Cela signifie qu'au moins 100 000 logements abordables n'ont pas été construits.

Aujourd'hui, 1,5 million de ménages canadiens éprouvent un besoin impérieux en matière de logement, et plus de la moitié de ces domiciles éprouvent un besoin impérieux en matière de logement extrême (vivant dans la pauvreté et dépensant plus de 50% de leur revenu au logement).

Au cours des dix dernières années, il y a eu une diminution constante du nombre de Canadiens qui utilisent les refuges.

D'ailleurs, 2014 comptait une réduction de près de 20 000 utilisateurs des refuges d'urgence par rapport à 2005.

Bien qu'il y ait moins d'utilisateurs des refuges, ceux qui les utilisent restent plus longtemps.

Le taux national d'occupation des refuges (qui dénote à quel point ils sont remplis) a augmenté de plus de 10% entre 2005 et 2014.

La plupart des séjours dans les refuges sont courts pour les jeunes et les adultes y demeurent pendant une moyenne de 10 jours. Par contre, pour les personnes âgées (50 ans et +), la moyenne du séjour est deux fois plus longue.

http://rondpointdelitinerance.ca/ressource/l%E2%80%99%C3%A9tat-de-l%E2%80%99itin%C3%A9rance-au-canada-2016

Pourquoi des contraventions aux itinérants?  

La problématique de la judiciarisation des personnes en situation et à risque d’itinérance est en partie attribuable à l’effet de mode de la revitalisation des centres des grandes villes nord-américaines. D’abord, une pression est exercée afin de rendre plus attirants ces lieux pour le tourisme, l’industrie culturelle et l’offre de condominiums pour les personnes en mesure de se les payer, pression qui se trouve transposée sur la population marginalisée qui y est présente depuis toujours. S’ajoute à cela l’évolution des pratiques sécuritaires, un enjeu qui viendra prendre une place impressionnante avec la mise en place de la police de quartier à Montréal et le ciblage de populations jugées comme étant à risque de commettre de petits délits. Enfin, la fermeture de l’espace public, perceptible au début des années 2000, est un phénomène qui passe par le changement de statut de plusieurs places et squares transformés en parcs, permettant ainsi le recours à une nouvelle réglementation municipale destinée à ces lieux spécifiques (fermeture des parcs la nuit, utilisation du mobilier urbain, etc.) et une augmentation de la présence policière. Les tensions déjà présentes dans la rue atteindront leur paroxysme en 2004, année où il s’est donné le plus de contraventions dans les espaces publics à Montréal en même temps que s’amorçait la riposte des organismes du milieu. Il se dégageait un sentiment d’injustice chez les personnes fréquentant la rue, tout comme un sentiment d’impuissance chez les intervenantes et intervenants leur venant en aide. Ces sentiments accompagnaient le quotidien de plusieurs personnes se déplaçant d’un quartier à l’autre pour fuir la répression ou séjournant en prison pour le non-paiement de leurs amendes. Depuis, bien de l’eau a coulé sous les ponts, non sans batailles ni sensibilisation. (www.erudit.org )

Un itinérant a reçu l’équivalent de 110 000 $ en contraventions (à Montréal) au fil des ans. D’autres font régulièrement du temps en prison. Par contraste, l’ex-maire de la Ville de Laval, Gilles Vaillancourt, s’en tire avec 6 ans de prison et possible libération à un sixième de sa peine, et quelques millions de dollars (des pinottes pour lui) à rembourser à la municipalité. Il doit rire dans son double menton (y’a pas de barbe). Combien a-t-il payé son avocat pour qu'on élimine l'accusation de gangstérisme et obtenir une sentence aussi ploc? Il est beau notre système de justice!

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Vivez-vous dans un quartier riche ou pauvre à Montréal? La réponse en cartes  

On parle de plus en plus d’embourgeoisement et de disparités économiques entre les riches et les pauvres, mais peu d’analyses montrent clairement la répartition de la richesse à Montréal. En comparant le revenu moyen par personne à petite échelle, un portrait économique se dessine.

Un texte d’Alexis Boulianne et de Jean-Philippe Guilbault
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2016/5/carte-revenu-moyen-riches-pauvres-montreal/

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