31 mars 2016

Je ne lis pas vraiment


@Twittakine Puisque les chats nous requinquent, pourquoi se priver? :-)  



[...] je ne sais pas distinguer les idées qui sont miennes de celles que j'ai lues. [...] car moi, lorsque je lis, je ne lis pas vraiment, je ramasse du bec une belle phrase et je la suce comme un bonbon, je la sirote comme un petit verre de liqueur jusqu'à ce que l'idée se dissolve en moi comme l'alcool; elle s'infiltre en moi si lentement qu'elle n'imbibe pas seulement mon cerveau et mon coeur, elle pulse cahin-caha jusqu'aux racines de mes veines, jusqu'aux radicelles de mes capillaires. ~ Bohumil Hrabal, 1914-1997 (Une trop bruyante solitude)

«Les chats ne sont énigmatiques que pour ceux qui ignorent le pouvoir expressif du silence.» ~ Paul Morand
 
«Du réel, sur lequel il (le chat) porte un regard acéré, il comprendrait tout, mais se ferait une loi de n’en rien dire. Témoin nonchalant, il installerait au sommet de la sapience le mutisme intégral, versant du côté du mystère : ceux qui se taisent ne le font qu’en vertu des relations privilégiées entretenues avec un idéal qui rend caduc le langage. Bouche close plutôt que soliloque. Mon chat ne parle pas car il sait la vanité du babillage, certainement. ~ Michel Onfray

Croyez-moi, je lis des livres!

29 mars 2016

Plus que des amis...

Il est très facile de constater que les animaux éprouvent des émotions, des sentiments, de la souffrance, etc., et cela n’a rien d’ésotérique (cet adjectif dont les scientifiques cartésiens et/ou sans cœur ont une phobie maladive). Mais, c’est tellement plus commode de prendre les animaux pour des objets pour justifier toutes les tortures qu’on leur inflige afin de tester vaccins et médicaments. Double malheur : les usines de production de cobayes animaux  génèrent des profits colossaux. 

Ce que j’aime de certaines recherches scientifiques, c’est que justement on ne torture pas les animaux en laboratoire, pas plus qu’on ne les tue pour leurs sécrétions ou leurs hormones dont on fabriquera des médicaments (ou des aphrodisiaques!). 

Étrange n’est-ce pas, mais c’est «vivants» que les animaux nous guérissent!

“The average dog is a nicer person than the average person.” ~ Andy Rooney

Les chiens contribuent à notre longévité
De nouvelles notions sur notre plus vieil ami

Eric Haseltine, Ph.D. (Long Fuse, Big Bang)

Durant sa vie mon père
- a beaucoup fumé (de la vingtaine jusqu’à son décès) 
- n’a jamais fait d’exercice
- avait une alimentation riche en gras-sel-sucre 
- vécut en solitaire et n'a pas eu d'amis durant les 24 dernières années de son existence
- n'est jamais allé à l'église et ne priait pas
- a consommé de l'alcool en excès durant les 24 dernières années de son existence
- était soupe au lait 
- n'a jamais utilisé de soie dentaire

Or... il a vécu en bonne santé jusqu'à ce qu'il décède subitement à 94 ans.


Photo : père d’Eric Haseltine

Ceux qui l'ont connu pensent qu'il a vécu en santé aussi longtemps parce qu'il avait hérité de bons gènes. Son frère est décédé l'an dernier à 101 ans, et sa sœur aura bientôt 100 ans. Les gènes étaient certes un facteur. Mais je suis convaincu qu'il y a une autre raison à sa longévité, beaucoup plus importante : il a eu des chiens de la quarantaine jusqu'à sa mort. 
     Trisha McNair, MD, a longuement étudié les liens entre le mode de vie et la longévité, et elle estime qu’avoir un chien peut ajouter environ deux ans de vie. Et la science corrobore. L'American Heart Association a noté une diminution du risque de maladie cardiovasculaire et une récupération plus rapide après une crise chez les propriétaires de chien. D'autres recherches ont montré que caresser un chien abaissait la fréquence cardiaque et la pression artérielle. 
     Ces résultats pourraient expliquer en partie l'absence de maladies cardiaques chez mon père, malgré son horrible alimentation et ses mauvaises habitudes de vie (notamment son allergie à l’exercice). De plus, mon père attrapait rarement le rhume, la grippe ou d’autres types d'infection, et il a évité le cancer malgré la cigarette et sa forte consommation de viande transformée, de sucre et de gras.

Autrement dit, son système immunitaire était robuste.
Ses chiens y auraient-ils contribué? Probablement, du moins en partie.

Le taux d’immunoglobulines (anticorps) a augmenté chez des étudiants de l'université Wilkes après qu’ils eurent caressé un chien pendant 20 minutes. Une autre étude a montré que les nouveau-nés vivant en présence d’un «chien» étaient moins enclins à développer des maladies respiratoires. Enfin, une étude exhaustive de l'Université Rutgers révèle que les propriétaires d'animaux de compagnie enregistrent nettement moins de jours de maladie annuellement que les non-propriétaires. 
     Le domaine émergent de la psycho-neuro-immunologie (PNI) commence à faire la lumière sur la façon dont les chiens améliorent le système immunitaire de leurs propriétaires. Les études exhaustives du Dr Andrea Beetz et de ses collègues de l'université de Rostock indiquent hors de tout doute que la présence d’un chien ou d’un autre animal de compagnie contribue à :
- réduire le taux d'hormone de stress; par exemple, le cortisol qui affaiblit le système immunitaire
- augmenter la circulation de l'ocytocine qui favorise un sentiment de bien-être et stimule le système immunitaire
- stimuler le système parasympathique (réaction de détente) également lié à une élévation de la réaction immunitaire (les neurones parasympathiques innervent et stimulent directement les composants du système immunitaire comme la rate et la moelle osseuse). 

Outre l’augmentation des «bonnes» réactions immunitaires, il y a également de plus en plus de preuves que la présence du chien atténue les «mauvaises» réactions immunitaires telles que les allergies et l'asthme. Les enfants élevés avec un chien sont moins susceptibles de développer des allergies et de l'asthme ultérieurement, sans doute parce que leur système immunitaire est «préparé» très tôt à faire face aux allergènes, comme les «microbes» propres aux chiens. 

Si vous aimez les chiens, vous connaissez sans doute déjà ces bénéfices immunitaires. En voici d’autres, découverts plus récemment :
- Certains chiens sont vraiment bons pour détecter le cancer. Une étude a montré que le «nez» du chien peut détecter en toute fiabilité les cancers du poumon et du sein dans l'haleine de patients; d'autres études ont obtenu des résultats similaires pour le mélanome et le cancer de la thyroïde. Même si votre chien ne peut pas être entraîné pour ce faire, il existe maintenant des programmes de formation en vue de créer des unités canines spécialisées dans la détection des tumeurs malignes. Ces mêmes programmes incluent un entraînement pour déceler les infections urinaires (UTI). 
- L'expression «lécher ses plaies» a une solide base scientifique. La salive du chien contient de fortes propriétés bactéricides; ce qui explique que les chiens lèchent instinctivement leurs plaies – et les vôtres si vous leur donnez la permission. 

Alors, si vous vous sentez déprimé... caressez votre chien.
Si vous avez peur de développer un cancer... caressez votre chien un peu plus.
Si vous craignez que votre système immunitaire se déglingue... caressez votre chien encore et encore.

En d'autres mots, n'oubliez pas de prendre des doses massives de la vitamine la plus importante de toutes… la vitamine Chien [Vitamin Dog].

Source :
https://www.psychologytoday.com/blog/long-fuse-big-bang/201603/why-your-dog-lengthens-your-lifespan



Les vidéos de chats apportent un regain de vitalité et de productivité  
HuffingtonPost.fr (2015)

Étiez-vous en train de rire devant une vidéo de chats sur YouTube au lieu de travailler? Avant de remettre la main à la pâte, il faut savoir que vous avez bien fait de procrastiner devant de drôles de matous. En effet, selon une étude publiée dans la revue Computers in Human Behavior, regarder des vidéos de chat permettrait de chasser les émotions négatives et de connaître un regain d'énergie. 
     Grâce à un sondage auquel ont répondu 7000 personnes, la chercheuse Jessica Gall Myrick, professeure assistante à la Media School Indiana University, a pu tirer de très sérieux enseignements de ce phénomène web universel qui consiste à rire ou fondre devant un chat mignon.

Effets thérapeutiques

Myrick a posé aux internautes des questions sur leur consommation de telles vidéos et sur leurs émotions avant et après les avoir visionnées. «L'humeur de la plupart d'entre eux s'était améliorée», a-t-elle expliqué au site Indiana Public Media. «Plus particulièrement, ils expliquaient se sentir plus optimistes après avoir regardé une vidéo de chat, plus inspirés, et ils tendaient à se sentir moins stressés, moins en colère - nous avons pu constater une réduction des émotions négatives.»
     La chercheuse estime même que ces effets sont thérapeutiques. Les bienfaits des ronronnements des chats ou du temps passé avec des chatons avaient, eux, déjà été établis.
     Vous pouvez donc sans complexe regarder des vidéos de chats au travail. Enfin presque. Car en regardant ces vidéos, on devient quand même plus fainéants. La chercheuse ne nie pas qu'il s'agit d'une forme de procrastination. Mais, ajoute-t-elle, «même s'ils regardent des vidéos de chat sur YouTube pour procrastiner ou pendant qu'ils devraient travailler, les bénéfices émotionnels de celles-ci leur permettraient en fait de prendre en charges des tâches difficiles par la suite».

Un pan de la culture à prendre en considération

Selon le Washington Post, les personnes interrogées dans l'étude regardent des vidéos de chats deux à trois fois par semaine. Selon PewReasearch, 45% des personnes mettant en ligne des vidéos ont au moins publié une fois une vidéo de leur animal de compagnie.
     Autant dire que ce sujet concerne énormément de monde. Un pan de la culture populaire qui selon la chercheuse n'a pas suffisamment été pris en considération : «certaines personnes peuvent penser que regarder des vidéos de chat en ligne n'est pas un sujet assez sérieux pour une recherche académique mais le fait est que c'est l'un des usages les plus populaires sur Internet aujourd'hui (...). Si nous voulons mieux comprendre les effets qu'Internet peut avoir sur nous en tant qu'individus et sur la société, alors les chercheurs ne peuvent pas continuer à ignorer les chats de l'Internet».

Vous avez maintenant, enfin, une bonne excuse de ne pas travailler (tout de suite).

Bonus
Fiez-vous à Smith (à gauche) & Wesson (à droite) pour vous protéger...  

27 mars 2016

Reposer «en paix»


En ce moment, l’expression «let them rest in pieces» serait plus appropriée que «let them rest in peace». Les persécutions et les guerres (quel que soit le côté de la clôture) réduisent le monde en pièces. Nous ne pouvons jamais recoller les morceaux ni réparer les cœurs en lambeaux.

Beaucoup d’Américains craignent la venue de Donald Trump au pouvoir, avec raison.

Et nous aussi :

Deux Canadiens sur trois ont peur d’un Président Trump
   À l’heure des primaires dans l’état américain du New Hampshire, un sondage réalisé pour le compte des journaux canadiens Journal de Montréal et Le Devoir révèle une importante peur des Canadiens de voir le candidat républicain Donald Trump accéder au poste le plus puissant dans le monde en novembre.
   Les Canadiens, toutes provinces confondues, rejettent dans une proportion de 70 %, les politiques anti immigration et les discours incendiaires du milliardaire, et 65 % révèlent carrément avoir peur qu’il devienne le Président.
http://www.rcinet.ca/fr/2016/02/09/deux-canadiens-sur-trois-ont-peur-dun-president-trump/

Une invitation à réfléchir sur la «guerre à la terreur» par William Martin.
À lire au complet : http://www.taoistliving.com/?p=946 

[...]
Ainsi faisons-nous la «guerre à la terreur»
(Comme si la guerre n’était pas elle-même une terreur)
Si nous devons faire la guerre à la terreur
commençons par la destruction
de cette distinction : Nous et Eux. 

And so we fight a “war on terror”
(As if war were not terror in itself)
If we must fight a war on terror
let us begin with the destruction
of this distinction: Us and Them.

William Martin, Taoist living

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«Tous les espoirs sont permis à l’homme, même celui de disparaître.»
(Jean Rostand)

25 mars 2016

Ma journée [mondiale] préférée

Des fois on a l’impression qu’en se débarrassant des corvées on aura plus de temps pour les activités qu’on aime : «mange tes patates si tu veux ton dessert». Mais, les hideuses contraintes de la vie matérielle ne cessent jamais – entretien ménager, courses, cuisine, lavage, etc. – et, certaines personnes en rajoutent – exercices intenses quotidiens au gym, cours du soir, rendez-vous, etc. La procrastination permet de stopper la machine infernale, au moins de temps à autre, et le recul peut aider à réévaluer les contraintes non essentielles qu’on s’impose.




«Ne remettez jamais à demain ce qui peut très bien se faire après-demain.»
~ Mark Twain, décembre 1881 (Photos : www.marktwainquotes.com )

Voilà, c’est dit.

Le 25 mars 2010, David d'Equainville, éditeur et journaliste, lance la journée mondiale de la procrastination :  
   Il est plus que temps de réhabiliter la procrastination Cette manie de toujours remettre une action ou une décision à demain n'est pas un mal mais une solution. Comme le cholestérol, il y a une bonne et une mauvaise procrastination. Mieux! La «procrastination positive» est un humanisme et un art de vivre qui ne perd pas son temps mais en gagne. Elle permet d'augmenter nos marges de manoeuvres. De décanter nos prises de décision. D'être ce petit grain de sable dans les rouages de l'hyperproductivisme mortifère et calculateur.

Le Manifeste du 25 mars
«Contre la tyrannie de l’hyper-urgence»
David d’Equainville
Éditions François Bourin; 2014



Interview avec l’auteur :
http://www.blog-emploi.com/journee-mondiale-de-la-procrastination/

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Matière à réflexion en cette ère d’hyperactivité maladive – physique et mentale.

La récompense vaut-elle l’effort? Faut-il dire «oui» à des sollicitations plus ou moins significatives qui pourraient nous causer plus de tort que de bien? Disons-nous «oui» pour meubler le temps, par culpabilité, solidarité ou sentiment d’obligation?

Pourquoi il est bon de dire NON
Jordyn Cormier 

L'ouverture, le positivisme et «toujours dire oui» à des nouveaux défis et nouvelles expériences sont des attitudes qui ont longtemps été perçues comme des gages de réussite. Mais, est-ce vraiment la meilleure méthode? On dit parfois «oui» alors qu’en réalité on voudrait et devrait dire «non».

Au lieu d’améliorer notre bien-être, nous mettons tous nos efforts dans la carrière, la famille, et des horaires de fou intégrant des sessions d’exercices beaucoup trop intenses. Nous vivons à une époque où il est chic de nous pousser aux limites de l’acceptable, physiquement et mentalement. Nous en faisons toujours plus, plus, plus. Même si les défis sont bénéfiques – après tout, l’autosatisfaction est ennuyante – le risque d’en faire trop existe. Quand vous êtes trop occupé – quand vous perdez le sommeil, cessez de pratiquer vos hobbies, ne vous rappelez pas la dernière fois où vous avez eu du temps pour vous – votre santé est à risque. La santé dépend à la fois des habitudes alimentaires, de l’exercice et de l’équilibre mental.

Même si le mot «oui» est associé au positivisme et à l'ouverture, ce n'est pas toujours le meilleur des choix. Dire «oui» trop souvent peut entraver votre propre perfectionnement. Dire «oui» à tout signifie que nous cherchons à faire plaisir aux autres avant de considérer nos propres besoins et désirs. En vous donnant la permission de dire «non», vous priorisez votre propre santé et vos besoins. Dire «non» n'est pas une projection de négativité, c'est une projection de force et d'autonomie.

Certains pourraient dire que c'est égoïste. Et ce l'est peut-être, à un niveau très rudimentaire. Mais pour avoir une vie heureuse et équilibrée, nous devons être un peu égoïstes de temps en temps. Si vous avez besoin d'une soirée tranquille chez vous, pour travailler vos poèmes ou regarder de vieux épisodes d’Old Friends sur Netflix, ne vous en privez pas pour apaiser ceux qui s’en froisseraient. Choisissez-vous d'abord et tout le reste s’harmonisera.

Alors, quand devriez-vous dire «non»? Voici quelques exemples :
- Vous avez besoin d'une soirée tranquille pour vous vider la tête après une semaine chargée, mais vos amis ou vos collègues vous invitent à prendre un verre...
- On vous propose un travail formidable, mais vous éprouvez un malaise par rapport à au milieu de travail...
- Vous voulez être fidèle à votre nouveau programme d'exercices, mais un ami vous propose d’essayer un nouveau restaurant... 

Cela peut représenter un défi, mais dire «non» est parfois la meilleure chose à faire pour votre propre bien-être. Bien entendu, dire «oui» importe aussi (surtout si quelqu’un a réellement besoin de votre aide). Mais, comme pour la nourriture et l’exercice, dites «oui» avec modération. N’acceptez que des emplois, des fréquentations ou des idées qui vous intéressent et peuvent améliorer votre vie. Ce n’est pas le nombre de «oui» ou de «non» qui importe, mais votre bien-être et la qualité des actions qui en découlent.

Via Care2, Healthy Living

24 mars 2016

Vénéré ou persécuté : c’est lui le «boss»


Je suis en train de compléter un puzzle de chats – de belles fripouilles de races diverses. La concentration et l’ambition me font oublier temporairement les folies courantes. Je me disais que le retour en force du culte voué aux chats – par ex. les millions de vidéos sur le Net – nous permettait de faire amende honorable pour tous les torts et préjudices que nous leur avons causés pendant des siècles (1).

Savoureux :

Les Esclaves

Au commencement, Dieu créa le chat à son image. Et, bien entendu, il trouva que c'était bien. Ce qui prouve qu'il avait une très bonne opinion de lui-même car ce n'était pas si bien que cela.

En effet, le chat ne voulait rien faire. Il était paresseux, renfermé, taciturne, économe de ses gestes et, de plus, extrêmement buté. C'est alors que Dieu eut l'idée de créer l'homme. Uniquement dans le but de servir le chat, de lui servir d'esclave jusqu'à la fin des temps. Au chat, il avait donné l'indolence et la lucidité; à l'homme, il inocula la névrose de l'agitation, le don du bricolage et la passion du travail intensif. L'homme s'en donna à cœur joie. Au cours des siècles, il édifia toute une civilisation fondée sur l'invention et la production, la concurrence et la consommation. Civilisation fort tapageuse qui n'avait en réalité qu'un seul but secret : offrir au chat le confort, le vivre et le couvert.

C'est dire que l'homme inventa des millions d'objets inutiles, généralement absurdes, tout cela pour produire parallèlement les quelques objets indispensables au bien-être du chat : le radiateur, le coussin, le bol, le plat de sciure, le filet du pêcheur breton, le couteau à hacher la viande, la moquette ou le tapis, le panier d'osier et peut-être aussi la radio puisque les chats aiment bien la musique.

Mais, de tout cela, les hommes ne savent rien. À leurs souhaits. Bénis soient-ils. Et ils croient l'être. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes des chats. 

~ Jacques Sternberg (in 188 contes à régler, Denoël, 1988) 

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(1) «Un nouveau livre sur le chat? Pourquoi pas, s’il doit contribuer à réhabiliter un être injustement traité parce qu’il reste le plus secret, le plus hermétique qui soit de toute la faune du monde. ... Il nous semble en secret que le chat, le chat aux destins si divers, le chat animal fabuleux, le chat qui n’est ni domestique ni sauvage, le chat qui séduit et fait peur, le chat qui est de tous les animaux celui qui a le plus souffert, le chat nous saura gré d’avoir contribué à le faire connaître, à le faire comprendre et à le faire aimer.» (Fernand Méry, Avant-propos, p. 11)

Du paradis égyptien à l’enfer européen : Le Guide des chats (Denoël 1971) par Fernand Méry (1897-1984) – vétérinaire français, écrivain animalier, grand protecteur des animaux et fondateur de l’association Les Amis des Bêtes.

L’Égypte, paradis des chats

Connaissez-vous la Haute-Égypte? Celle qui commence à Karnak au milieu des temples de Thèbes et connaît son apothéose dans les sombres tombeaux de la Vallée des Rois? Celle qui impose des dieux à corps humain et à têtes de bêtes pour mieux préciser les frontières d’un monde où l’esprit des simples mortels n’a pas accès? 
     C’est logiquement en Haute-Égypte que l’on peut espérer retrouver une trace, un détail, susceptibles d’aider la chercheur à remonter le plus loin et le plus sûrement possible dans le passé des chats civilisés. 
     Je suis allé en Haute-Égypte. Les plus éloquentes reproductions de chats sont sur la tombe des sculpteurs Apuki et Nebamun, à Thèbes, et datent du règne d’Aménophis III ou bien au temple de Medineth-Abou sur les bas-reliefs consacrés à la chasse; des chats qui paraissent plus hauts, plus grands, plus longilignes que les chats siamois les plus développés; des chats le plus souvent tenus en laisse et qui chassent pour leurs maîtres les oiseaux aquatiques du marais. (...)
     Il y a soixante ans à peine [années 30], on découvrait dans l’Égypte centrale, à Beni Hassan, un véritable cimetière où trois cent milles chats embaumés et momifiés dormaient depuis des millénaires. Quel sort eut cette étrange et précieuse découverte? 
     Aucun archéologue n’étant là pour arrêter ce vandalisme, on la détruisit sottement et sa perte est irréparable. Il eût suffit en effet de garder au hasard une centaine de ces chats pour savoir aujourd’hui quelle était la couleur, la texture des poils des premiers chats. Il eût suffit de pouvoir faire une moyenne pour avoir une idée approximative de leur taille. Par un concours de circonstances ahurissant, on empila ces monceaux de chats dans les cales d’un navire qui repartait pour l’Angleterre, et on les vendit... comme engrais! 
     Le professeur W. M. Conway, dans l’English Illustrated Magazine de l’époque, a donné toutes les précisions sur cet inexcusable crime... Vingt tonnes – vingt mille kilos de chats égyptiens admirablement conservés – furent ainsi transportés jusqu’à Liverpool, et la presque totalité, cédée aux paysans au prix de quatre livres la tonne, fut mêlée à la terre anglaise comme le plus prosaïque des fumiers!... 
     Sans doute existe-t-il, de-ci, de-là, de par le monde, quelques momies altérées ou à demi-détruites dont on n’a pas assez compris l’importance scientifique. (...) 
     Quand on sait qu’une ville entière, située entre les bras du Nil, à la hauteur de l’actuelle Benha-el-Asl sur la ligne du chemin de fer Ismaïlia-Le Caire, fut jadis consacrée aux chats, on est surpris de constater que, de nos jours, les chats sont rares en Égypte. (...) 
     Seules les statues «complètes» de chats (les statues à corps et tête d’animal) peuvent aider à se faire une image du chat domestiqué de Haute-Égypte. ... Rares sont, en définitive, les documents sérieux sur lesquels on puisse établir l’origine probable du chat domestiqué. 
     Pourtant l’Égypte ancienne, d’était hier. Que représentent deux ou trois milliers d’années dans le curriculum d’un être? Que représente l’âge du chat domestiqué, si l’on veut bien considérer que le chien est auprès de l’homme depuis les premiers pas de nos premiers ancêtres, depuis des centaines et des centaines d’années! 
     Ce que l’on sait, c’est qu’à peine apparu en Haute-Égypte, Sa Majesté le Chat sera Souverain-Dieu. 
     Il est l’hôte sacré dans toute sa grandeur. Est-ce un mâle? Il est l’allié du soleil et vainqueur d’Apopi, le serpent de la nuit. Est-ce une chatte? Elle est aimée du petit peuple et devient la «Dame du Ciel». 
     Et ce règne étonnant durera près de deux cents lustres, jusqu’au jour de la décadence, jusqu’au jour où s’effondreront les dynasties pharaoniques, jusqu’à l’heure  où naîtra la religion chrétienne, la Foi nouvelle, éblouissante de lumière, mais qui va rejeter à jamais le chat dans les ténèbres, l’abandonnant ainsi au plus tragique des destins! (p. 20-24)
(...) 
     Le chien renaît, le chat, souvenir abhorré d’un paganisme éteint, va aussitôt rentrer dans l’ombre. L’Écriture ne le connaît pas... 
     Chiens esclaves des rois chrétiens... 
     Chats orgueilleux des Pharaons déistes... 
     Si l’on s’avise, un jour, d’expliquer les raisons de la haine ancestrale qui oppose les chiens aux chats depuis des siècles et des siècles, qu’on ne néglige pas d’en chercher l’origine dans ce confessionnel débat!
(p. 27)
(...)

Les chats arrivent en Europe pour leur malheur

(...) On les couvrit de fleurs, on chanta leurs louanges... Le temps passa et les chats qui s’étaient endormis pendant vingt ans sur leurs amours et leurs lauriers, se réveillèrent dans les flammes. 
     L’Église, un moment indulgente, allait reprendre le combat. À ces animaux innocents, elle allait vouer la haine la plus froide, la plus cruellement meurtrière que l’esprit puisse imaginer. Des centaines de milliers de chats, pourchassés dans tous les pays, furent ainsi crucifiés, écorchés vivants, jetés hurlant dans les brasiers. 
     Ce fut l’époque des autodafés, ces ignobles bûchés de chats que les seigneurs encourageaient et que les princes présidèrent!... 
     Ce fut l’époque des sinistres feux de la Saint-Jean où, dans un cercle de feu, un mât dressé demeurait pour les pauvres bêtes la seule issue possible. Pour y grimper ils se battaient furieusement jusqu’au moment où, un à un, ils retombaient jusqu’au dernier au creux des flammes!... 
     Il y eut même – ô ironie – de très sérieux procès de chats pour justifier ces sentences. Car, au nom de l’élévation de l’esprit et de la lutte contre la débauche et le scandale, la Justice soutint le Clergé. En 1884, c’est le pape Innocent VIII, qui prend lui-même en main la lutte. Il se mit à poursuivre les amis des chats, les accusant de sorcellerie, leur jetant l’anathème. 
     Et l’Inquisition commença.
     La folie passa les frontières. Elle gagna la Germanie, puis l’Angleterre. Par dizaine de milliers, les femmes furent exécutées parce qu’elles protégeaient, nourrissaient ou hébergeaient un chat, et cent ans après Cromwell, les sorcières à chats étaient encore brûlées vives!... 
     C’est la haine... une haine qui se prolongera pendant des lustres et des lustres et franchira les mers... une haine si forte et si tenace que dans la seule Caroline du Sud, la Nouvelle-Angleterre (L’Amérique d’aujourd’hui) devait soutenir plus de deux mille procès de sorcellerie chatesque!
(p. 32-35)

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Si les félidés vous passionnent : Pattes de velours
http://www.pattes-de-velour.com/felidae.php

22 mars 2016

Bruxelles : ligotée au cœur de l’impasse


Gulliver et les Lilliputiens, Jean-Georges Vibert, 1870 (Sotheby’s New York)

Des événements comme aujourd’hui, à Bruxelles, nous dévastent. Nous voudrions croire que le sol sous nos pieds est solide et indestructible. On éprouve un énorme sentiment d’impuissance car on sait que la guerre ne résout rien. Nous ressentons la peur, la colère et la souffrance du monde entier. La bonté semble aussi rare que l’eau dans un désert. Infiniment triste. La marge d’espoir diminue à chaque fois...

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Note, 23 mars :
J’ai lu/écouté des commentaires au sujet des dispositifs de renseignement, de surveillance et de sécurité en Belgique, qu'on juge inefficaces. On semble oublier que le propre du terrorisme est de frapper à l’improviste. On peut essayer de réduire les risques bien sûr, mais il est impossible de se garer contre l’imprévisible. L’eau ne reste jamais dans notre main, elle fuit entre nos doigts. Les chances de trouver des aiguilles dans une grosse botte de foin sont minces. Il y a des noyaux djihadistes partout dans le monde; bien malin qui pourrait les traquer 24/24.
     Certains experts proposent un copié-collé du film de science-fiction Fortress (1992) de Stuart Gordon. L’histoire se situe autour de 2020. Une corporation sans visage, Men Tel, contrôle la société ainsi que ses prisons. Les naissances sont également contrôlées à cause de la surpopulation. Le film démarre avec un couple qui traverse un check point pour déménager vers une région plus sécuritaire. Comme la grossesse est détectée, le couple est amené à la prison Men Tel – un gigantesque pénitencier souterrain ultrasophistiqué. Dès son arrivée, on force le prisonnier à ingurgiter un implant électronique appelé «intestinator»; celui-ci provoque de vives douleurs intestinales quand les gardes l’activent pour punir les récalcitrants. En cas de rébellion et d’évasion le détonateur peut même faire exploser l’abdomen du prisonnier. Le directeur de la prison est un cyborg (hybride robot-humain). Le couple réussit à s’évader, mais le véhicule qu’ils ont volé est suivi électroniquement, aujourd’hui on dirait par GPS.
     En réalité, ce film n’est plus de la science-fiction... Bref, certains experts suggèrent d’instaurer des ghettos du genre partout sur la planète. Vraiment...!

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Les djihadistes nous prennent pour des démons, et nous les prenons pour des démons. Une question de perspective. Notons qu’il faut être désespéré pour se faire exploser en souhaitant tuer le plus de gens possible, quelle que soit la prétendue «noblesse» de la cause.

Voici quelques repères minimalistes pour reconnaître un candidat potentiel à la radicalisation (mon article d’origine portait sur les sectes, mais c’est similaire).

Personne n’est exempt d’un quelconque manque  d’estime de soi, mais il y a des niveaux qui rendent les gens plus à risque de se laisser endoctriner.

Les proies idéales pour le recrutement :
- les personnes dysfonctionnelles, en manque d’amour, de compréhension et d’écoute
- les personnes désabusées ne croyant plus à rien (en rébellion contre la société)
- les personnes en démarche religieuse/spirituelle, curieuses ou qui s’ennuient

Comment se fait le recrutement?
- via des conférences : religion, philosophie, spiritualité, ésotérisme, croissance personnelle, etc.

Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à entrer dans une secte?
- sentiment d’impuissance
- profond désir de changer (sentiment d’indignité et de culpabilité)
- besoin de salut par procuration
- besoin d’amour
- besoin de valorisation (via le complexe des élus)

Caractéristiques des leaders :
- charisme 
- intelligence, érudition
- simulacre d’authenticité; manipulation 
- simulacre de chaleur humaine et d’amour pour exploiter la crédulité des adeptes
- présentent leurs dogmes comme des vérités universelles pour inspirer confiance
- promettent la rédemption et le bonheur éternel 

Les sectes, c’est comme le sexe. Elles ne peuvent fonctionner qu’entre adultes consentants. La secte est-elle safe? Pas plus que le sexe. Sauf exception, les gens entrent dans une secte volontairement, avec ou sans condom, à leurs risques et périls.

Mais, quelle différence y a-t-il entre une religion, une secte et un club social?
Je n’en vois aucune.

On ne conteste pas les religions traditionnelles, les confréries, les sociétés, les associations, les partis politique, les clubs sportifs, etcetera. Pourtant, tous les regroupements, sans exception, sont des contextes qui peuvent potentiellement favoriser l’identification, la démarcation, l’exclusion, le sexisme, le sentiment de supériorité et les persécutions à petite et grande échelle. Ce sont parfois des foyers de propagation de l’intolérance, de frictions entre des gens de statuts différents, entre nations, cultures, castes, races, civilisations, religions, idéologies, croyances : «Nous ne faisons pas partie de ce groupe qui est différent (menaçant ou opposé à nous), donc inférieur.» C’est sécurisant de penser de la sorte.

Combien d’actes de barbarie ont été perpétrés par des groupes, que peu d’individus auraient eu l’idée de commettre en solitaire. L’histoire de l’humanité en est farcie. Les Romains regardaient les chrétiens se faire massacrer au Colisée. Y a-t-il une différence entre regarder un martyr se faire dévorer par un lion et regarder ou visionner sur Internet un maniaque dépecer un être humain, ou des gens se faire violer et tuer parce qu’ils ne pratiquent pas «la bonne religion» ou ne parlent pas la même langue, ou… On justifie l’injustifiable pour gagner (prouver qu’on est le meilleur) ou prouver qu’on a raison et que l’autre a tort – à la vie à la mort!

La force de cohésion d’un groupe lui permet d’exposer sans crainte ses préjugés, ses valeurs et ses revendications publiquement, car cette cohésion offre une sorte de sceau d’approbation. Ce faisant, ils peuvent mesurer extérieurement leur valeur identitaire. Les campagnes idéologiques résultent fréquemment en éruptions émotionnelles et en agressions irrationnelles contre les membres d’autres groupes (politiques, religieux, sociaux ou sportifs). Les membres d’un groupe suivent des règles strictes, un code d’éthique, et adoptent souvent une tenue vestimentaire spécifique. Certains sont même prêts à mourir pour protéger/défendre leur groupe!

Le principal grief contre les sectes est que les individus abandonnent leur propre pouvoir au profit du «gourou» ou du groupe lui-même. La plupart du temps, l’uniformisation, le contrôle et la répression, la suppression même de l’affirmation identitaire (comme dans l’armée!) font partie de l’endoctrinement. Notons que le phénomène peut se produire dans une famille ou une relation de couple (par dépendance affective).

Et, il faut bien le dire, il y a parmi ces expériences, des extrêmes qui heurtent vraiment tout bon sens. Que peuvent retirer les personnes qui ont survécu à des crises identitaires dramatiques, une fois le bilan déposé, une fois l’odieux et la honte digérés? Je crois qu’elles diraient : soyez vigilants, faites preuve de discernement. Si vous avez absolument besoin d’un groupe pour vous exprimer et être écouté, soyez sélectif, et sachez que personne ne peut vous obliger à devenir membre d’une secte. Et pourquoi ne pas consulter un psychologue compétent?

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Foi : Croyance sans preuve dans ce qui est affirmé par quelqu'un qui parle sans savoir, ou qui pense sans comparer.

~ Ambrose Bierce, 1842-1914 (Le dictionnaire du Diable

Les dévots s'évertuent contre la morale indépendante. Je voudrais bien savoir, si leurs yeux s'ouvraient tout à coup et s'ils voyaient parfaitement vide ce ciel où leur imagination avait rêvé un rémunérateur, je voudrais savoir, dis-je, ce qu'il adviendrait de cette morale dépendante et qui ne s'appuyait que sur la Foi. Les dévots sont des poltrons, les dévots sont des lâches. Prosternés devant un Dieu inique et capricieux, ils n'ont qu'un but, qu'une pensée : le fléchir à tout prix.

~ Louise Ackermann, 1813-1890 (Pensées d'une solitaire)

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La bonté

En ne cherchant pas à être bons,
nous faisons l'expérience de la bonté naturelle.
Être bon pour être récompensé n'a rien à voir avec la bonté naturelle.
La bonté naturelle fonctionne sans effort et profite à tous.
La bonté artificielle exige des efforts importants et accomplit bien peu.
La compassion agit et ne demande rien en retour.
La justice agit et veut des résultats spécifiques.
La morale agit, demande, puis exige le comportement correct.

Si nous sommes coupés de notre vraie nature, nous nous tournons vers les règles de conduite.
Si nous n’arrivons pas à être bons,
nous élaborons des règles plus précises pour régir nos relations.
Si nos relations pâtissent, nous insistons pour obtenir justice et équité.
Ne trouvant ni justice ni équité, nous sommes tous d'accord pour prétendre que des rituels vides suffiront.

The Tao Te Ching, Chapter 38 - trans. William Martin
http://www.taoistliving.com/

20 mars 2016

Erin go Bragh!

Bonne Saint-Patrick à nos amis irlandais.

Photo : archives Gouvernement du Canada

Le défilé de la Saint-Patrick a eu lieu à Montréal sans interruption depuis 1824. C’est le plus vieux et le plus important défilé irlandais en Amérique du nord  après celui de New-York. La première parade fut organisée par l’Ancient Order of Hibernians; dix ans plus tard, la St-Patrick Society prenait la relève. Depuis 1929, il est géré par l’ensemble des organismes d’United Irish Societies.

Aujourd’hui, pour le 193e défilé, 2500 figurants, une centaine de groupes, 22 chars allégoriques et 15 fanfares sont de la partie.

Le Québécois «pur laine» est un mythe : nous avons des gènes verts ...et du whiskey, de la Guinness et de l’Irish coffee dans le sang!
   Durant l’épidémie de choléra qui a frappé l’Europe au début du 19e siècle, plusieurs Irlandais se sont réfugiés en Amérique du nord pour échapper à cette maladie. Pendant la grande famine causée par la maladie de la pomme de terre, ils ont quitté l’Irlande par milliers; en 1847, plus de 100 000 Irlandais ont débarqué à Grosse-Île et à Québec.

Entre 1916 et 2016 l’Irlande en a vu de toutes les couleurs...  
À lire – Pâques 1916 – 2016, rencontre avec Pierre Joannon, plus grand spécialiste français de l’Irlande :
http://www.breizh-info.com/2016/03/07/40030/paques-1916-2016-pierre-joannon-specialiste-francais-irlande

Il y a 100 ans donc, le poète irlandais William Butler Yeats écrivit un poème intitulé Pâques 1916 (Easter 1916) après l’insurrection survenue le 24 avril à Dublin.

Pâques 1916
Willam Butler Yeats (1865-1939)

[Extraits]  

Je les ai rencontrés à la tombée du jour,
Venant, le visage éclatant,
De leur comptoir, de leur bureau, parmi les grises
Maisons du dix-huitième siècle.
Je suis passé avec un salut de la tête
Ou des mots polis dépourvus de sens,
Ou bien je me suis attardé un instant et j’ai dit
Des mots polis dépourvus de sens,
Et pensé avant de le faire
À une blague ou une raillerie,
Pour faire plaisir à un compagnon
Au coin du feu, dans un club
Étant certain qu’eux et moi
Nous vivions dans l’hétéroclite :
Tout a changé, changé du tout au tout :
Une beauté terrible est née.
[...]
Un sacrifice trop long
Peut changer le coeur en pierre.
Quand cela sera-t-il assez?
C’est le rôle du Ciel, notre rôle
Est de murmurer les noms l’un après l’autre
Comme une mère le nom de son enfant
Lorsqu’enfin le sommeil alourdit
Ses membres fatigués par la course.
Qu’est-ce d’autre que la nuit qui tombe?
Non, non, pas la nuit, mais la mort;
N’était-ce pas, après tout, une mort inutile?
Car l’Angleterre peut avoir confiance
En tout ce qui a été dit et fait.
Nous connaissons leur rêve; suffisamment
Pour savoir qu’ils ont rêvé et sont morts;
Et si l’excès d’amour
Les avait égarés jusqu’à en mourir?
[...]


Parallèlement à son engagement politique, Yeats exaltait l’amour, la nature, la simplicité et la pleine conscience.  

Si j’avais les voiles brodés du ciel,
Ouvrés de lumière d’or et d’argent,
Les voiles bleus et pâles et sombres
De la nuit, de la lumière, de la pénombre,
Je les déroulerais sous tes pas.
Mais moi qui suis pauvre et n’ai que mes rêves,
Sous tes pas je les ai déroulés.
Marche doucement, car tu marches sur mes rêves.

In Le vent dans les roseaux (1899), in La Rose et autres poèmes, trad. Jean Briat, © coll. Points Poésie, 2008

[Had I the heavens' embroised cloths,
Enwrought with golden and silver light,
The blue and the dim and the dark cloths
Of night and light and half light,
I would sprad the cloths under your feet:
But I, being poor, have only my dreams;
I have spread my dreams under your feets;
Tread softly because you tread on my dreams.]

Je vais me lever et partir à présent, partir pour Innisfree  
Y construire une petite cahute d’argile et de claies
J’y aurai neuf rangs de fèves, une ruche pour mes abeilles
et je vivrai seul dans la clairière bourdonnant d’abeilles

(1890)

Peinture et livre demeurent   
Un arpent d’herbe verte
Pour prendre l’air et faire de l’exercice
À présent que s’en va la force du corps
Minuit, une vieille maison
Où rien ne bouge qu’une souris
(1936)

«On ne peut donner corps à quelque chose qui vous transporte, si les mots ne sont pas aussi subtils, aussi complexes, aussi remplis de vie mystérieuse que le corps d’une fleur ou d’une femme». (W. B. Yeats)

18 mars 2016

Exigez un bûcheron canadien


@Twittakine – «Je vous le jure, les Canadiens ont du sang de castors dans les veines», commente un internaute. Yep! Déjà vu des situations critiques, mais là, hiiiiii-hâââ... Timber! Incroyable.

- Aujourd’hui on appelle ouvrier forestier bûcheron, lumberjack et logger. 
- Timber – alerte : l’arbre va tomber.



Le Québec viril : la tradition des hommes forts
Par Marc Ouimet (19 février 2013) 

D’aussi loin qu’on s’en souvienne, les légendes et exploits d’hommes forts ont à la fois fasciné et fait la fierté du Québec. De l’Hercule du Nord à Louis Cyr en passant par Jos Montferrand, ces hommes plus grands que nature ont peuplé les histoires de fin de soirées de bien des chaumières québécoises. Qui étaient réellement ces hommes et pourquoi ont-ils pris une telle importance au sein de la mémoire collective?

La fascination pour la force physique

La glorification de la force physique remonte à la nuit des temps et on retrouve, pratiquement dans toutes les cultures, des hommes forts mythiques. Tantôt leurs gros bras étaient mis au service du peuple, tantôt ils le tyrannisaient, mais toujours on y voyait un symbole de supériorité, de valeur guerrière et, parfois, des demi-dieux! C’était par exemple le cas en Grèce antique, où les exploits d’Achille et d’Ulysse, mis en scène dans l’Iliade et l’Odyssée d’Homère, étaient enseignés aux enfants dès leur plus jeune âge.

Au Québec, l’apogée de la fascination populaire des francophones pour les hommes forts s’étend du XIXe au début du XXe siècle. Plusieurs raisons expliquent cet engouement. D’abord, il faut rappeler que la défaite aux mains des Anglais date de peu et que ceux qu’on nomme alors Canadiens français sont souvent confinés aux travaux des champs et des chantiers de bûcherons. Rares sont ceux qui se distinguent en politique ou en économie. La valeur d’un homme est alors jugée par ses capacités physiques et les hommes forts sont une source de fierté collective : leurs prouesses illustrent, aux yeux de tous, la valeur de tout un peuple.

D’autre part, en cette époque de durs labeurs, rares étaient les divertissements après les longues journées de travail. La culture orale était exceptionnellement présente, tant par les contes que les légendes et les chansons. Ainsi, à côté des éternelles histoires d’amour et de «yâble» (diable), celles des exploits surhumains de nos hommes forts faisaient bonne figure. Elles contribuaient sans doute à redonner de l’entrain et des forces à nos ancêtres pour les travaux à recommencer le lendemain…

Quelques hommes forts du Québec (...)
Suite : http://www.marcouimet.net/articles/le-quebec-viril-la-tradition-des-hommes-forts/

Un brin d’histoire

La vie dure, dure, dure. Durant la grande dépression de 1929, extrêmement rares étaient les familles qui pouvaient payer des études à leurs fils. Si l'un d'eux était d'accord pour devenir prêtre, alors il pouvait étudier aux frais de l'Église. Avec les fermetures d'usines dans les grandes agglomérations, beaucoup de chômeurs ont préféré participer à l'effort de colonisation du nord du Québec en devenant bûcherons. Des conditions de vie misérables, avec en prime les pucerons, les mouches noires et la vermine. Exploitation de la main-d'oeuvre, et pas de syndicats...



LE BÛCHERON

Qui étaient ces hommes des bois?

Jusqu’au milieu du XXe siècle, le bûcheron était agriculteur, chasseur ou chômeur et bûchait en hiver pour compléter son salaire. Au-delà de la motivation financière, bûcher tenait de l’émancipation personnelle ou d’un voyage vers l’inconnu. Comme les Canadiens, beaucoup d’immigrés européens (Écossais, Irlandais) travaillaient dans les forêts.

Les anciennes techniques de coupes forestières

Les abatteurs coupaient l’arbre à deux, face à face, et assenaient le tronc avec une hache à environ 23 po (60 cm) du sol. Quand les coupes opposées se rejoignaient, l’arbre tombait.

Au XIXe siècle, on utilisait le godendard, une scie de 78 po (2 m) à deux poignées pour deux hommes, qui fut plus tard remplacé par la sciotte.

La compagnie forestière recrute…

Les bûcherons étaient recrutés par des annonces dans les journaux locaux ou simplement devant le chantier. Des contrats de travail étaient signés entre employeur et employés, puis approuvés par un notaire. Au début du XXe siècle, un bûcheron était payé de 8 $ à 12 $ par mois et disposait d’une avance salariale.

Le camp des bûcherons

Le camp était construit avant l’arrivée des bûcherons et regroupait cinq ou six baraques fabriquées de façon à économiser la chaleur et ayant chacune une fonction bien déterminée (salle à manger, cuisine, dortoirs, cache, office, toilettes et écuries).

Les hommes commençaient à travailler à 7 h et mangeaient en forêt le midi. Après le souper, au camp, ils jouaient aux cartes ou lisaient, limaient les lames, réparaient les outils de coupe et lavaient leur linge. Ils se couchaient à 21 h pour se lever à l’aube. Le samedi soir permettait des moments de détente : musique, danse et contes.

Au début, les hommes vivaient avec les parasites et le manque d’hygiène était grave. Face à ces problèmes, dans les années 1950, un inspecteur et un médecin venaient fréquemment au camp pour vérifier la santé des hommes.

La religion était importante pour les gens de l’époque et elle les aidait à se protéger de leur condition de travail difficile, c’est pourquoi ils se confessaient et communiaient. Des curés prêchaient parfois dans la chapelle du camp.



Après le cheval, le tracteur

Dans les années 1940, on vit apparaître la scie mécanique, mais elle ne fit pas l’unanimité, car on la croyait inappropriée pour des coupes efficaces. À la même époque, des tracteurs remplacèrent les chevaux de trait qui débardaient les billots de bois auparavant.

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Une corde de bois mesure officiellement 128 pi³ (39 m³), soit 4 pi sur 4 pi sur 8 pi. L’unité de corde de bois détermine la quantité de bois à produire, à acheter ou à vendre.
   Les meilleurs bûcherons pouvaient couper jusqu’à 50 billots de 12 pi (environ 3,6 m) et de 20 à 24 po (50 à 60 cm) de diamètre en 10 heures!
   Il fallait deux personnes pour manier les premières tronçonneuses. L’une tenait une poignée pour guider la lame tandis que l’autre soulevait la poignée du moteur. Ces machines, trop lourdes et trop grandes, n’étaient pas pratiques pour la coupe forestière.

MÉTIERS DANS LES CAMPS FORESTIERS

Dans les petits chantiers, étant donné le manque de main-d’œuvre et de moyens financiers, un individu exécutait plusieurs tâches, mais les plus grands chantiers spécialisaient leurs ouvriers.

Les chefs de chantier

Le grand surintendant veillait au bon fonctionnement de plusieurs chantiers et vérifiait si les coupes étaient bien réalisées, malgré qu’il vienne rarement aux chantiers.

L’entrepreneur (jobbeur) recrutait les ouvriers et signait les contrats de travail pour la compagnie.

Le contremaître (foreman), engagé par l’entrepreneur, était responsable des employés du camp. Il les surveillait et contrôlait leurs coupes pour respecter les quotas établis par l’entrepreneur, et il donnait fréquemment la messe aux hommes. Le contremaître résidait et dormait dans l’office.

Le mesureur quantifiait les cordes de bois stockées dont le salaire des ouvriers dépendait. L’aide-mesureur estampillait chaque billot avec son marteau : ces marques physiques permettaient le tri des billots après la drave.

Le commis supervisait les stocks, gérait les salaires et les heures de travail et tenait une boutique dans le camp.

Le fonctionnement des camps et chantiers

Le cuisinier, comme son nom l’indique, préparait les repas à base de fèves, de lard, de pain et de mélasse sur des plans de travail dans la cuisine (cookerie). Il réveillait les hommes le matin en frappant ses cuillères sur les casseroles. Il était aidé de son aide-cuisinier (show-boy) pour les travaux secondaires.

Le portageur relevait le courrier et se chargeait des commissions. Il ravitaillait la réserve alimentaire du camp à l’aide de son fardeau dans la ville la plus proche.

Le limeur entretenait le matériel de coupe : scie, hache, lime, etc. Le forgeron quant à lui ferrait les chevaux et réparait et lissait les patins des traîneaux. Plus tard, il allait de camp en camp. Un autre employé approvisionnait les écuries en avoine, en paille et en eau pour les chevaux.

Le glaceur à chemin versait de l’eau sur les chemins qui, en gelant, procurait une meilleure glisse pour les traîneaux.

Le marcheur prévoyait les coupes avec le plaqueur, qui l’aidait à délimiter les parcelles à l’aide d’une ficelle, et pensait à l’aménagement des futurs chemins.

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Certaines familles québécoises pouvaient être amenées à venir en entier travailler aux camps, en cuisine ou dans les écuries, pour assister les ouvriers. Les Amérindiens étaient aussi sollicités par les compagnies pour leur courage et leur motivation : ils venaient avec leur famille et dormaient dans leurs tentes traditionnelles (wigwam).

Source : http://www.metiersforetbois.af2r.org/