Gulliver et les Lilliputiens, Jean-Georges Vibert, 1870 (Sotheby’s New York)
Des événements comme aujourd’hui, à Bruxelles, nous dévastent. Nous voudrions croire que le sol sous nos pieds est solide et indestructible. On éprouve un énorme sentiment d’impuissance car on sait que la guerre ne résout rien. Nous ressentons la peur, la colère et la souffrance du monde entier. La bonté semble aussi rare que l’eau dans un désert. Infiniment triste. La marge d’espoir diminue à chaque fois...
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Note, 23 mars :
J’ai lu/écouté des commentaires au sujet des dispositifs de renseignement, de surveillance et de sécurité en Belgique, qu'on juge inefficaces. On semble oublier que le propre du terrorisme est de frapper à l’improviste. On peut essayer de réduire les risques bien sûr, mais il est impossible de se garer contre l’imprévisible. L’eau ne reste jamais dans notre main, elle fuit entre nos doigts. Les chances de trouver des aiguilles dans une grosse botte de foin sont minces. Il y a des noyaux djihadistes partout dans le monde; bien malin qui pourrait les traquer 24/24.
Certains experts proposent un copié-collé du film de science-fiction Fortress (1992) de Stuart Gordon. L’histoire se situe autour de 2020. Une corporation sans visage, Men Tel, contrôle la société ainsi que ses prisons. Les naissances sont également contrôlées à cause de la surpopulation. Le film démarre avec un couple qui traverse un check point pour déménager vers une région plus sécuritaire. Comme la grossesse est détectée, le couple est amené à la prison Men Tel – un gigantesque pénitencier souterrain ultrasophistiqué. Dès son arrivée, on force le prisonnier à ingurgiter un implant électronique appelé «intestinator»; celui-ci provoque de vives douleurs intestinales quand les gardes l’activent pour punir les récalcitrants. En cas de rébellion et d’évasion le détonateur peut même faire exploser l’abdomen du prisonnier. Le directeur de la prison est un cyborg (hybride robot-humain). Le couple réussit à s’évader, mais le véhicule qu’ils ont volé est suivi électroniquement, aujourd’hui on dirait par GPS.
En réalité, ce film n’est plus de la science-fiction... Bref, certains experts suggèrent d’instaurer des ghettos du genre partout sur la planète. Vraiment...!
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Les djihadistes nous prennent pour des démons, et nous les prenons pour des démons. Une question de perspective. Notons qu’il faut être désespéré pour se faire exploser en souhaitant tuer le plus de gens possible, quelle que soit la prétendue «noblesse» de la cause.
Voici quelques repères minimalistes pour reconnaître un candidat potentiel à la radicalisation (mon article d’origine portait sur les sectes, mais c’est similaire).
Personne n’est exempt d’un quelconque manque d’estime de soi, mais il y a des niveaux qui rendent les gens plus à risque de se laisser endoctriner.
Les proies idéales pour le recrutement :
- les personnes dysfonctionnelles, en manque d’amour, de compréhension et d’écoute
- les personnes désabusées ne croyant plus à rien (en rébellion contre la société)
- les personnes en démarche religieuse/spirituelle, curieuses ou qui s’ennuient
Comment se fait le recrutement?
- via des conférences : religion, philosophie, spiritualité, ésotérisme, croissance personnelle, etc.
Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à entrer dans une secte?
- sentiment d’impuissance
- profond désir de changer (sentiment d’indignité et de culpabilité)
- besoin de salut par procuration
- besoin d’amour
- besoin de valorisation (via le complexe des élus)
Caractéristiques des leaders :
- charisme
- intelligence, érudition
- simulacre d’authenticité; manipulation
- simulacre de chaleur humaine et d’amour pour exploiter la crédulité des adeptes
- présentent leurs dogmes comme des vérités universelles pour inspirer confiance
- promettent la rédemption et le bonheur éternel
Les sectes, c’est comme le sexe. Elles ne peuvent fonctionner qu’entre adultes consentants. La secte est-elle safe? Pas plus que le sexe. Sauf exception, les gens entrent dans une secte volontairement, avec ou sans condom, à leurs risques et périls.
Mais, quelle différence y a-t-il entre une religion, une secte et un club social?
Je n’en vois aucune.
On ne conteste pas les religions traditionnelles, les confréries, les sociétés, les associations, les partis politique, les clubs sportifs, etcetera. Pourtant, tous les regroupements, sans exception, sont des contextes qui peuvent potentiellement favoriser l’identification, la démarcation, l’exclusion, le sexisme, le sentiment de supériorité et les persécutions à petite et grande échelle. Ce sont parfois des foyers de propagation de l’intolérance, de frictions entre des gens de statuts différents, entre nations, cultures, castes, races, civilisations, religions, idéologies, croyances : «Nous ne faisons pas partie de ce groupe qui est différent (menaçant ou opposé à nous), donc inférieur.» C’est sécurisant de penser de la sorte.
Combien d’actes de barbarie ont été perpétrés par des groupes, que peu d’individus auraient eu l’idée de commettre en solitaire. L’histoire de l’humanité en est farcie. Les Romains regardaient les chrétiens se faire massacrer au Colisée. Y a-t-il une différence entre regarder un martyr se faire dévorer par un lion et regarder ou visionner sur Internet un maniaque dépecer un être humain, ou des gens se faire violer et tuer parce qu’ils ne pratiquent pas «la bonne religion» ou ne parlent pas la même langue, ou… On justifie l’injustifiable pour gagner (prouver qu’on est le meilleur) ou prouver qu’on a raison et que l’autre a tort – à la vie à la mort!
La force de cohésion d’un groupe lui permet d’exposer sans crainte ses préjugés, ses valeurs et ses revendications publiquement, car cette cohésion offre une sorte de sceau d’approbation. Ce faisant, ils peuvent mesurer extérieurement leur valeur identitaire. Les campagnes idéologiques résultent fréquemment en éruptions émotionnelles et en agressions irrationnelles contre les membres d’autres groupes (politiques, religieux, sociaux ou sportifs). Les membres d’un groupe suivent des règles strictes, un code d’éthique, et adoptent souvent une tenue vestimentaire spécifique. Certains sont même prêts à mourir pour protéger/défendre leur groupe!
Le principal grief contre les sectes est que les individus abandonnent leur propre pouvoir au profit du «gourou» ou du groupe lui-même. La plupart du temps, l’uniformisation, le contrôle et la répression, la suppression même de l’affirmation identitaire (comme dans l’armée!) font partie de l’endoctrinement. Notons que le phénomène peut se produire dans une famille ou une relation de couple (par dépendance affective).
Et, il faut bien le dire, il y a parmi ces expériences, des extrêmes qui heurtent vraiment tout bon sens. Que peuvent retirer les personnes qui ont survécu à des crises identitaires dramatiques, une fois le bilan déposé, une fois l’odieux et la honte digérés? Je crois qu’elles diraient : soyez vigilants, faites preuve de discernement. Si vous avez absolument besoin d’un groupe pour vous exprimer et être écouté, soyez sélectif, et sachez que personne ne peut vous obliger à devenir membre d’une secte. Et pourquoi ne pas consulter un psychologue compétent?
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Foi : Croyance sans preuve dans ce qui est affirmé par quelqu'un qui parle sans savoir, ou qui pense sans comparer.
~ Ambrose Bierce, 1842-1914 (Le dictionnaire du Diable)
Les dévots s'évertuent contre la morale indépendante. Je voudrais bien savoir, si leurs yeux s'ouvraient tout à coup et s'ils voyaient parfaitement vide ce ciel où leur imagination avait rêvé un rémunérateur, je voudrais savoir, dis-je, ce qu'il adviendrait de cette morale dépendante et qui ne s'appuyait que sur la Foi. Les dévots sont des poltrons, les dévots sont des lâches. Prosternés devant un Dieu inique et capricieux, ils n'ont qu'un but, qu'une pensée : le fléchir à tout prix.
~ Louise Ackermann, 1813-1890 (Pensées d'une solitaire)
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La bonté
En ne cherchant pas à être bons,
nous faisons l'expérience de la bonté naturelle.
Être bon pour être récompensé n'a rien à voir avec la bonté naturelle.
La bonté naturelle fonctionne sans effort et profite à tous.
La bonté artificielle exige des efforts importants et accomplit bien peu.
La compassion agit et ne demande rien en retour.
La justice agit et veut des résultats spécifiques.
La morale agit, demande, puis exige le comportement correct.
Si nous sommes coupés de notre vraie nature, nous nous tournons vers les règles de conduite.
Si nous n’arrivons pas à être bons,
nous élaborons des règles plus précises pour régir nos relations.
Si nos relations pâtissent, nous insistons pour obtenir justice et équité.
Ne trouvant ni justice ni équité, nous sommes tous d'accord pour prétendre que des rituels vides suffiront.
The Tao Te Ching, Chapter 38 - trans. William Martin
http://www.taoistliving.com/
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