30 août 2015

Blues en français

Esclaves noirs aux champs

Le soleil
Bea Tristan

Le soleil a brûlé
La terre et la maison
Et jusqu’à l'horizon
Brûlé toute la journée...
Le soleil a brûlé
Nos mains et puis nos yeux
On voudrait te parler
Laisse-nous partir Monsieur

Connais-tu notre misère

Le soleil est si fort
Qu’il fondra tout ton or
Et qu'un grand incendie
Viendra sur le pays...
Le soleil est si fort
Et tu nous laisses dehors
Écout’ nous un peu mieux,
Laisse-nous partir Monsieur

Connais-tu notre misère

Le soleil est si grand
On n’y échappera pas
il s’ra pas midi quand
le dernier d’nous mourra...
Le soleil est si grand
Sur ton rire éclatant
Regard' nous un peu mieux,
Tu n’es pas bon Monsieur...

Savais-tu notre misère


Via : http://www.espritsnomades.com/news.html

Le soleil : https://www.youtube.com/watch?v=Dz9jeigfoqY

L'affiche est peut-être dans un musée, mais elle ne semble pas avoir été rayée de la mentalité sudiste. Crédit photo : Racist Sign, Deep South National Civil Rights Museum, Downtown Memphis, Tennessee USA

28 août 2015

Un salut à la joie de vivre

Harold et Maude

Immense plaisir de revoir ce vintage touchant, rafraîchissant, drôle et si audacieux pour l’époque. Bien qu’à la nôtre, il y a sûrement des gens rebutés par ce type de relation décalée, mieux tolérée dans sa combinaison inverse – homme âgé / jeune fille; on se demande pourquoi d’ailleurs... vestige tribal peut-être?

Dialogue

 C’est un enchantement. Les fleurs sont tellement attachantes!
 Vraiment? 
 Oh, oui. Elles nous donnent tant d’elles-mêmes!
 Elles poussent, fleurissent, se fanent, meurent et se transforment en quelque chose d’autre. Regardez ces tournesols. Vous ne les trouvez pas magnifiques? J’aimerais bien, dans une autre vie, être changée en soleil.
 Et pourquoi?
 Parce que ce sont des fleurs toutes simples ... et aussi parce qu’elles sont hautes sur tige. 
 Ce qui veut dire? ...
 Que toute jeune déjà, j’ai compris que je resterais petite. J’en ai éprouvé une vive déception, mais sachant que je n’y pouvais rien j’ai décidé de m’en accommoder, de ne pas me laisser arrêter par ce handicap. Et c’est ce que j’ai fait. Mais, quand même, j’ai toujours regretté de ne pas être grande. On doit avoir l’impression de dominer ... et vous, Harold, en quelle fleur voudriez-vous être transformé?

Extrait du livre : «Harold et Maude» de Colin Higgins, éd. Folio
Via http://textesatoutvent.blogspot.ch/

Paroles de la chanson fétiche du film

If you want to sing out

Well if you want to sing out, sing out
And if you want to be free, be free
'Cause there's a million things to be
You know that there are

And if you want to live high, live high
And if you want to live low, live low
'Cause there's a million ways to go
You know that there are

You can do what you want
The opportunity's on
And if you find a new way
Well you can do it today

Well you can make it all true
And you can make it undo
You see, ah ah ah, it's easy ah ah ah
You only need to know

Well if you want to say yes, say, "Yes"
And if you want to say no, say, "No"
'Cause there's a million ways to go
You know that there are

And if you want to be me, be me
And if you want to be you, be you
'Cause there's a million things to do
You know that there are

You can do what you want
The opportunity's on
And if you find a new way
Well you can do it today

Well you can make it all true
And you can make it undo
You see, ah ah ah, it's easy, ah ah ah
You only need to know

Well if you want to sing out, sing out
And if you want to be free, be free
'Cause there's a million things to be
You know that there are

You know that there are
You know that there are
You know that there are
You know that there are

Auteur : Steven Demetre Georgiou, alias Cat Stevens, alias Yusuf Islam


Dans la même veine :  

Qui n’a pas un jour souhaité faire table rase, partir (avec ou sans valise) et laisser sa petite vie propre et nette, programmée comme une carte d’ordinateur? Beaucoup de romans et films ont abordé ce thème, mais j’ai trouvé «Train de nuit pour Lisbonne» (d’après le roman de Pascal Mercier*) différent et plus captivant.
Extrait de «Ce désir de changer de cap»
http://artdanstout.blogspot.ca/2014/02/ce-desir-de-changer-de-cap.html

Nos parents commençaient dès la petite enfance à nous extorquer des OUI à renfort de punitions, privations et autres tourments plus ou moins subtils : «si tu manges pas tes légumes, t’auras pas de dessert», ou «si tu fais pas tes devoirs, t’iras pas jouer dehors», ou «si t’es pas sage, t’auras pas de cadeaux à Noël», et ainsi de suite. Ou bien, ils utilisaient le chantage émotif : «si tu prêtes pas tes jouets, tu vas faire de la peine au p’tit Jésus», «si t’es dissipée à l’école, j’t’aimerai plus». La  meilleure que j’ai entendue récemment, c’est «si tu sors avec cette fille-là, mon gars, tu vas faire mourir ta mère…»; énorme responsabilité pour un ado! Bien entendu, la nature des menaces évoluait avec l’âge et le contexte, mais celle-ci dépendait aussi du degré de machisme des éducateurs qui s’étaient ajoutés à l’autorité parentale. 
       Or cette manipulation insidieuse faisait en sorte que nous finissions par croire que dire OUI aux autorités était synonyme de récompense et dire NON synonyme de punition. Faire ce qu’on aime devenait une source de culpabilité artificielle puisque nous essuyions régulièrement des refus, peu importe la validité de ces refus. Les prétextes au chantage émotif visant à nous imposer des comportements tout à fait arbitraires étaient légions.
Extrait de «NOUI»
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2011/01/noui.html

26 août 2015

L’insignifiance : réquisit de la bonne humeur

Dernier roman de Kundera (en espérant que ce ne soit pas le dernier!). J’aime son titre : «La fête de l’insignifiance» – fête universelle et quotidienne, jamais de congé...

Un face-à-face doux-amer avec notre pérenne insignifiance et ses conséquences : 
   «Leçon de modestie, ce court roman est millimétré, pas un mot en trop, point de longueur, ce n’est pas un livre pour passer le temps, c’est une mise en abyme, une renonciation : l’humble aveu d’impuissance face à la déferlante du grand n’importe quoi. Puisque l’on ne peut rien changer de ce monde qui part à vau-l’eau, autant ne pas le prendre au sérieux.» (François Xavier, salon-littéraire.com/fr)

(Photographe inconnu)

La fête de l’insignifiance
Milan Kundera
Gallimard 2014 pour l’édition française

Notes de lecture

[D’Ardelo avait dit à son ami Ramon qu’il avait le cancer] 
...Je ne peux pas éluder une question : Pourquoi D’Ardelo avait-il menti?
Cette question, D’Ardelo lui-même se la posa tout de suite après et lui non plus ne sut pas la réponse. Non, il n’avait pas honte d’avoir menti. Ce qui l’intriguait, c’était son incapacité de comprendre la raison de ce mensonge. Normalement, si l’on ment c’est pour tromper quelqu’un et en retirer un avantage quelconque. Mais que pouvait-il gagner à inventer un cancer? Curieusement en pensant au non-sens de son mensonge, il ne put s’empêcher de rire. Et ce rire, lui aussi, était incompréhensible. Pourquoi riait-il? Trouvait-il son comportement comique? Non. Tout bonnement, sans savoir pourquoi, son cancer imaginaire le réjouissait. (...)
(Le charme secret d’une grave maladie; Mensonge inexplicable, inexplicable rire, p. 22)

Dans mon vocabulaire de mécréant, un seul mot est sacré : l’amitié.
(...) 
-- Si je ne me trompe pas, continua Charles en s’adressant à Ramon, ton grand-père a signé avec d’autres intellectuels une pétition pour soutenir Staline, le grand héros du progrès.
-- Oui, admit Ramon.
-- Ton père, j’imagine, était déjà un peu sceptique à son égard, ta génération encore plus, et pour la mienne il était le criminel des criminels.
-- Oui, c’est comme ça, dit Ramon. Les gens se rencontrent dans la vie, bavardent, discutent, se querellent, sans se rendre compte qu’ils s’adressent les uns aux autres, chacun depuis un observatoire dressé en un lieu différent du temps. (...) 
   Après une pause, Charles dit : «Le temps court. Grâce à lui, nous sommes d’abord vivants, ce qui veut dire : accusés et jugés. Puis, nous mourons, et nous restons encore quelques années avec ceux qui nous ont connus, mais très tôt un autre changement se produit : les morts deviennent des vieux morts, personne ne se souvient plus d’eux et ils disparaissent dans le néant; seuls quelques-uns, très très rares, laissent leurs noms dans les mémoires mais, privés de tout témoin authentique, de tout souvenir réel, ils se transforment en marionnettes...
(Charles rêve d’une pièce pour le théâtre de Marionnettes, p. 34-36)

...Dans sa réflexion sur le comique, Hegel dit que le vrai humour est impensable sans l’infinie bonne humeur (...). Pas la raillerie, pas la satire, pas le sarcasme. C’est seulement depuis les hauteurs de l’infinie bonne humeur que tu peux observer au-dessous de toi l’éternelle bêtise des hommes et en rire.
(Lamento de Ramon sur la fin des blagues, p.99)

...Depuis longtemps, D’Ardelo, je voulais vous parler d’une chose. De la valeur de l’insignifiance. À l’époque, je pensais surtout à vos rapports avec les femmes. (...) Passons. À présent l’insignifiance m’apparaît sous un tout autre jour qu’alors, sous une lumière plus forte, plus révélatrice. L’insignifiance, mon ami, c’est l’essence de l’existence. Elle est avec nous partout et toujours. Elle est présente même là où personne ne veut la voir : dans les horreurs, dans les luttes sanglantes, dans les pires malheurs. Cela exige souvent du courage pour la reconnaître dans des conditions aussi dramatiques et pour l’appeler par son nom. (...) Respirez d’Ardelo, mon ami, respirez cette insignifiance qui nous entoure, elle est la clé de la sagesse, elle est la clé de la bonne humeur...
(La fête de l’insignifiance, p. 139)

---

«À quoi tenait notre entente? Tant de choses auraient pu nous opposer. Peut-être à la même vision littéraire de l’existence qui nous inspirait la même exaltation à savourer ses éphémères plaisirs; à la même croyance que tout passe, que rien ne reste, ni les amitiés, ni les amours, ni la gloire, ni les civilisations, ni même le monde, voué à disparaître, projeté, planète morte parmi les planètes mortes, infime signe dans l’infini des constellations, dans l’abîme insondable du temps.»

~ Jean-Marie Rouart (au sujet de ses rencontres avec Jean d’Ormesson; in Ne pars pas avant moi, Gallimard 2014; p. 197)

-------

Rappel 

La journée mondiale du chien : pour nous rappeler qu'en principe nous devrions être les meilleurs amis* du chien. La journée mondiale du chien, se tient chaque 26 août, et met l’emphase sur le lien qui unit depuis des millénaires les hommes et les chiens partout dans le monde. Son origine est anglo-saxonne, comme beaucoup d’autres journées mondiales...

* Malheureusement : 26 millions de chiens sont élevés et/ou volés pour être mangés annuellement dans le monde, en particulier en Asie. Sans parler de leur utilisation comme cobayes en laboratoire et à d'autres fins tout aussi ignobles.

Pourtant ce sont de loyaux amis et associés, capables d’accomplir de grandes choses pour nous. Je voyais justement un adorable chien-guide Mira hier, et je pensais à la zoothérapie telle qu’on la pratique depuis trente ans à l'Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Montréal. Les animaux aident les patients à se soigner par leur spontanéité, leur calme et leur absence de jugement.

Tania a surmonté sa dépression en partie grâce à Charlie. Photo : Myriam Fimbry, ICI Radio-Canada 

Tania, une patiente atteinte de troubles bipolaires, a calmé son anxiété en caressant ou en brossant les pelages. L'équipe de l'Institut Douglas lui a suggéré d'adopter un chien, un épagneul nommé Charlie, qui la suit partout. Durant sa période dépressive, la présence de Charlie a chassé ses idées noires et l'a motivée à se lever le matin. Il joue un rôle thérapeutique auprès d'elle, bien qu'il ne remplace pas les médicaments ni le suivi psychiatrique.

Si le sujet vous intéresse :

un photoreportage de  Myriam Fimbry à Désautels le dimanche 
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2015/04/10/009-zootherapie-sante-mentale.shtml  

ansi que le libellé Zoofriendly (Situation planétaire)

23 août 2015

Mélomanie : Louis-Jean Cormier

Démonstration de ce que disait Jacques Prévert «Quand on ne sait pas dessiner, on peut faire des images avec de la colle et des ciseaux» :  



À propos de la technique -
Musée d’art contemporain, exposition 2014 :
   Le collage est l’une des rares pratiques artistiques qui navigue allègrement entre ce que nous définissons comme grand art et comme art populaire; ou encore, plus carrément, comme art par opposition à artisanat. Le collage se nourrit de la pléthore d’images que la société contemporaine produit; il s’approprie ses détritus; il absorbe tout et n’importe quoi dans son champ visuel. Il propose à l’éphémère, une nouvelle signification par la recontextualisation. Comme le hip-hop, l’échantillonnage et le mixage, le collage utilise une juxtaposition de fragments existants à partir de sources disparates, indéfinies; et, peut-être plus que tout autre médium artistique, il reflète un désir de rendre compte du chaos du quotidien sans neutraliser son potentiel. Tendant à prospérer dans les périodes de conflit et de changement, le collage fournit aux artistes une possibilité d’aborder les problèmes de l’heure sous une forme directe, aisément lisible. C’est un médium qui englobe contradiction et multiplicité, qui est imprégné de motivations politiques souvent militantes, et dont l’usage peut donc être considéré comme un geste éthique.

En ce qui me concerne, je trouve que c’est un moyen extraordinaire pour se vider le subconscient. Il ne requiert aucun talent particulier et peut éviter de longues séances chez le psy. J’ai vu des collages extraordinaires dans le temps où j’offrais des ateliers. Prévert a bien raison. Essayez! laissez aller votre imagination et ne jugez pas ce que vous faites...

Collage : Shelly Klammer
http://www.expressiveartworkshops.com/


Collage : Jacques Prévert, La colombe d’or; 1950  

20 août 2015

Canicule et impatience

Il est plus facile de sortir de ses gonds que d’y entrer. ~ Marcel Achard

Les canicules ne rendent pas les gens particulièrement sociables. La semaine dernière, j’ai vécu exactement ce que raconte Richard Carlson. Ce n’était pas une première, ces situations plutôt ironiques sont très fréquentes. Je fais la même chose que lui (détente, réflexion), sauf qu’à la fin, j’envoie un beau petit sourire au conducteur – à mes risques et périls...!

Autant que possible j’évite les autoroutes, et conséquemment, les compétitions genre NASCAR, les accidents et carambolages, les travaux de reconstruction et les bouchons. Les routes secondaires et les chemins de campagne sont plus agréables visuellement, moins achalandés et donc moins stressants. Croyez-le ou non, la plupart du temps je suis à l’heure, même en avance.

Photo : Mon Piche, Panoramio; Village des Chutes (Centre du Québec)

Je reviens sur le sujet à cause de la dangerosité de certains conducteurs. Leur céder le passage est un acte de survie qui n’a rien d’humiliant; c’est juste un indice d’intelligence rationnelle et émotionnelle.

Soyez moins agressif au volant
Richard Carlson

Dans quelle situation perdez-vous le plus facilement votre sang-froid? Je suis prêt à parier qu’un bon nombre d’entre vous répondront « quand je suis au volant ». De fait, nos autoroutes ressemblent dangereusement à des pistes de Formule 1 et nos boulevards à des pistes pour autos tamponneuses... 
   Il y a au moins trois excellentes raisons de conduire de façon moins agressive. En premier lieu, pour assurer votre sécurité et celle des autres! Deuxièmement, la conduite dite « sportive » est extrêmement stressante : votre tension monte, vos mains s’agrippent au volant, vos yeux fatiguent et vous perdez le contrôle de vous-même... avant peut-être de perdre celui de votre véhicule. Dernière raison, vous n’arriverez pas plus vit à destination en roulant le pied collé au plancher! 
   L’autre jour, j’ai emprunté la route d’Oakland à San José. La circulation était dense, mais fluide. J’ai remarqué un conducteur très agressif qui faisait du slalom d’une file à l’autre, alternant coups de frein et accélérations brutales. De toute évidence, il était pressé. En ce qui me concerne, je suis resté sur la même voie pendant tout le trajet (environ soixante kilomètres). Je rêvassais. ... Les déplacements en voiture me donnent l’occasion d’être seul. Au moment où je quittais l’autoroute, mon Fangio est arrivé derrière moi et m’a dépassé. Sans m’en rendre compte, à mon rythme, j’étais arrivé à San José avant lui! Tous ses zigzags et ses queues de poisson (sans compter les dangers qu’il faisait courir aux autres automobilistes) ne lui avaient rien rapporté – à part une poussée d’adrénaline ainsi que beaucoup de gomme et d’essence gaspillées. Au total, nous avions fait la même moyenne... Même chose quand vous voyez des véhicules vous doubler brusquement pour arriver avant vous au feu rouge. 
   Rien ne sert de courir. Et encore moins lorsque cela vous coûte une amende, des points à votre permis ou des séances obligatoires de révision du code de la route! Il vous faudra des années de pilotage à tombeau ouvert pour rattraper ce temps-là... 
   Quand vous décidez d’adopter une conduite moins agressive, vous pouvez utiliser le temps passé au volant de manière plus profitable. Considérez vos trajets en voiture non pas seulement comme un moyen de vous rendre à tel endroit, mais comme une occasion de souffler et de réfléchir. Au lieu de bander vos muscles, prêt à vous raidir sur les pédales de commande, essayez de vous détendre. En ce qui me concerne, j’ai dans ma boîte à gants plusieurs audio de relaxation musculaire. Parfois j’en écoute un, et lorsque j’arrive à destination, je me sens plus reposé qu’en montant dans la voiture. 
   Au cours de votre existence, vous allez sans doute rester des heures et des heures dans une automobile. Vous pouvez choisir de les passer dans le survoltage, ou bien de les utiliser plus sagement. ...

---

Au sujet de la patience :

... Plus vous serez patient, plus vous accepterez la vie telle qu’elle est, au lieu de vous épuiser à attendre qu’elle soit enfin à l’image de vos rêves. Sans une bonne dose d’endurance, l’existence devient vite synonyme de frustration permanente. Vous avez les nerfs à fleur de peau, le moindre incident vous horripile. Parce qu’elle ajoute équilibre et mansuétude à votre vie, la patience est essentielle à votre paix intérieure. ... Vous êtes en retard à un rendez-vous? Détendez-vous. C’est peut-être l’occasion ou jamais de vous livrer à un exercice de respiration. Mais surtout, rappelez-vous que, tout bien pesé et considéré, arriver en retard à un rendez-vous n’est pas la fin du monde...
(Soyez plus patient)

Ne vous noyez pas dans un verre d’eau
Cent conseils  pour vous simplifier la vie!
J’ai lu, Bien-être, 1998

Dans la même veine :
http://artdanstout.blogspot.ca/2015/04/presses-daller-relaxer.html 

18 août 2015

Renoncer au contrôle

En période de canicule, nous  sommes en nage et nous rêvons d’eau...  


L’impermanence
Philip Martin
(Psychiatre, travailleur social, spécialisé en psychologie bouddhique zen)  

Renoncer aux choses ne signifie pas les abandonner. C’est simplement reconnaître qu’elles sont appelées à disparaître.
~ Shunryu Suzuki Roshi


Nous voulons que les choses qui nous procurent du plaisir perdurent. En réalité, nous voulons être inaltérables. Mais la réalité de l'impermanence nous apprend non seulement que rien n'est éternel, mais que rien ne reste tel quel. Le monde autour de nous change, et nous changeons, d'instant en instant. La mort n'est rien d’autre qu’un changement plus radical dans un monde où tout change de toute façon.

«Si tu te trouves au sommet d'un mât de cent pieds, fais un pas en avant», recommande un koan Zen. L’impermanence est ce mât de cent pieds. Ou plutôt, notre attachement et notre désir de permanence représentent ce mât de cent pieds auquel nous nous accrochons; et nous avons peur de bouger. Voilà pourquoi notre vie est si restreinte et limitée, aussi étroite que le sommet de ce mât.

Tous les jardiniers savent que c'est l'impermanence même de la floraison qui la rend précieuse. La beauté du jardin réside dans sa nature changeante, dans sa variété de couleurs et de formes en perpétuelle mouvance.

La beauté du monde résulte du même mouvement perpétuel. Nous pouvons nous infiltrer dans cette beauté, au milieu de tout ce qui meurt et naît autour de nous.


The Zen Path through Depression
HarperSanFrancisco; 1999

-------

L’expérience du renoncement (The Surrender Experiment)
Michael A. Singer (1)

La vie se déroule rarement comme on le voudrait. Et si l’on s’arrête pour y réfléchir, c'est tout à fait logique. Le champ universel des possibilités est illimité, et le fait que nous n’avons pas réellement de contrôle sur les événements devrait être évident. L'Univers existe depuis à peu près 13,8 milliards d'années, et les processus qui déterminent le cours de la vie autour de nous n'ont pas commencé à notre naissance et ne cesseront pas à notre mort. Ce qui se manifeste devant nous à n’importe quel moment est en fait quelque chose de vraiment extraordinaire – c'est le résultat final de toutes les forces qui ont interagi depuis des milliards d'années. Nous ne sommes pas responsables de la moindre fraction de ce qui se passe autour de nous. Néanmoins, nous essayons constamment de contrôler et de déterminer ce qui se passera dans notre vie. Pas étonnant qu'il y ait autant de tension, d'anxiété et de peur. Nous croyons vraiment que les choses devraient fonctionner tel que nous le souhaitons au lieu d'être ce qu’elles sont : le résultat naturel des forces de la création.

Nos idées ont toujours préséance sur la réalité qui se déroule sous nos yeux. Nous disons par exemple : «il ne faut pas qu’il pleuve aujourd'hui parce que je vais camper» ou «je dois obtenir mon augmentation de salaire parce que j'ai vraiment besoin d'argent». Notez que ces revendications sur ce qui devrait et ne devrait pas arriver ne sont pas fondées sur des preuves scientifiques; elles sont basées uniquement sur des préférences personnelles concoctées par notre esprit. Sans le réaliser, nous faisons ça avec tout – comme si le monde était supposé se manifester conformément à ce que nous aimons ou n'aimons pas. Si ça ne fonctionne pas, il y a sûrement quelque chose qui cloche. C'est un mode de vie très difficile car nous avons toujours l’impression d’avoir à nous battre contre la vie.

Néanmoins, il est également vrai que nous ne sommes pas totalement impuissants face aux événements. Nous sommes dotés de volonté. Nous pouvons nous en servir pour tenter de modifier le monde extérieur conformément à notre désir. Mais cela occasionne une bataille constante entre la volonté individuelle et la vie réelle, et cela finit par nous consumer. Lorsque nous gagnons la bataille, nous sommes heureux et détendus; lorsque nous la perdons, nous sommes troublés et stressés. Étant donné que nous nous sentons bien uniquement si les choses sont à notre goût, nous essayons constamment de contrôler le cours des événements.

Doit-il en être ainsi? Il y a tellement de preuves que la vie fonctionne très bien par elle-même. Les planètes restent en orbite, de minuscules graines se transforment en arbres géants, les événements météorologiques ont conservé des forêts dans le monde entier, les arrosant pendant des millions d'années, et, une seule cellule fécondée se transforme en un magnifique bébé. Aucune de ces choses ne se réalise par un acte conscient de notre volonté; elles résultent de l'incompréhensible perfection de la vie. Tous ces événements étonnants, et d'autres encore, innombrables, sont orchestrés par des forces de vie qui existent depuis des milliards d'années – ces forces mêmes auxquelles nous nous opposons consciemment à tous les jours. Si le déroulement naturel du processus de la vie peut créer et prendre soin de l'univers tout entier, est-il vraiment raisonnable de supposer que rien de bon n’en sortira sauf si nous le contrôlons?

(Traduction/adaptation maison)

Via http://www.awakin.org/  

(1) MICHAEL A. SINGER is the author of the New York Times #1 bestseller The Untethered Soul. He had a deep inner awakening in 1971 while working on his doctorate in economics and went into seclusion to focus on yoga and meditation. In 1975, he founded Temple of the Universe, a now long-established yoga and meditation center where people of any religion or set of beliefs can come together to experience inner peace. He is also the creator of a leading-edge software package that transformed the medical practice management industry, and founding CEO of a billion dollar public company whose achievements are archived in the Smithsonian Institution. Along with his more than four decades of spiritual teaching, Michael has made major contributions in the areas of business, education, healthcare, and environmental protection.


The Surrender Experiment – Now a New York Times Bestseller
http://untetheredsoul.com/surrender-experiment

-------

Les pronostics les plus optimistes prévoient qu'il reste une cinquantaine d'années à nos ressources pétrolières. On le sait, les prochaines générations devront apprendre à vivre sans pétrole. Bernard Bertrand propose des solutions de rechange.


Vivre sans pétrole
Plaidoyer en faveur des ressources végétales
Éditions Plume de carotte, juin 2015

Notre société est celle du pétrole, de l’essence à tous ses dérivés plastiques. Notre vie est ainsi remplie d’objets issus de cette ressource énergétique. Mais que se passera-t-il quand les stocks seront épuisés?

Suivez la piste du végétal et redécouvrez comment nos grands-parents utilisaient les plantes dans leur vie quotidienne avant l’avènement du pétrole.

Espèce après espèce, l’on découvre comment les plantes nous ont donné le meilleur d’elles-mêmes et nous ont permis pendant des millénaires de nous passer du pétrole.

De quoi réfléchir pour l’avenir!

16 août 2015

Mélomanie : Émile et Zacharie

Touchante cette vidéo : «un projet d’espoir et d’amour» réalisé. 

En juillet, 2010, lorsqu’il avait 10 ans, mon petit-fils Émile m’a annoncé qu’il voulait faire un album.  Je lui ai expliqué que pour faire un album, il faudra faire des chansons. Pour entrer en matière j’ai commencé par lui demander qu’est-ce qu’il aimait.
- J’aime la vie il répond.

«Émile est atteint d’un handicap neuromoteur. Mais c’est secondaire, d’autant plus qu’il n’existe pas de déficience intellectuelle chez mon petit-fils. Il dit lui-même que c’est vraiment léger. Et puis, c’est l’émotion qui compte. Je suis embarqué dans le jeu sans trop savoir, et c’est finalement devenu sérieux. J’ai fait mon travail, tout en servant de guide. J’ai apprécié la fraîcheur d’Émile qui, contrairement à moi, est d’une désarmante simplicité. Moi, je suis un compliqué et un chiant. Toutes les chansons ont été conçues par lui. J’étais là pour le soutenir. Ma grande motivation était d’accomplir quelque chose avec lui. Un projet d’espoir et d’amour. C’est une preuve de notre complicité, mais aussi de sa capacité de réaliser de belles choses, malgré les difficultés. C’est un message positif, qui me change du sujet des catastrophes naturelles...» (Zacharie Richard)
 


J'AIME LA VIE (I love life)

Je m’appelle Émile, et je suis un petit garçon.
J’aime mes amis et d’aller à l’école.
Des fois je suis ému en pensant à la vie.
J’aime la vie et toutes les créatures.

Ref
J’aime la vie et toutes les créatures.
J’aime la vie et toutes les créatures.

J’aime les arbres, j’aime les fleurs,
J’aime les cailloux et les boîtes en carton,
Parce que je peux me cacher de dans.
J’aime la vie et toutes les créatures.

Ref
J’aime la vie et toutes les créatures.
J’aime la vie et toutes les créatures.

J’aime les enfants handicapés.
Ils sont dans mon école.
Ce n’est pas parce qu’ils sont handicapés
Qu’on ne peut pas les aimer.

Émile Cullin, Zacharie Richard
Enregistré/mixé à Montréal au Studio Mixart par Marc Beaulieu et Nicolas Petrovski; 2013 http://www.zacharyrichard.com/francais/jaime_la_vie.php

Dans la veine de l'acceptation des différences, comme dans la chanson d'Émile et Zacharie.
 
Défilé Fierté Montréal aujourd’hui, 290 000 spectateurs. Les partis de l'opposition ont fait preuve d'une rare unité pour dénoncer unanimement le chef conservateur, Stephen Harper, qui n'était pas présent au défilé annuel et qui s'est retrouvé une fois de plus hanté par le procès du sénateur Mike Duffy. (La Presse, photo PC)
 
«La lutte contre la transphobie et l'homophobie demande une vigilance de tous les instants. Partout dans le monde, il y a encore trop de cas de violence, trop de gens qui se font arrêter à cause de leur orientation sexuelle. Ce défilé est important non seulement pour sensibiliser les gens d'ici, mais aussi le reste de la planète.» (Denis Coderre, maire de Montréal)
 
Donc, pour souligner l’événement
un mini florilège Alan Turing, 1912-1954 (film The Imitation Game).
 
Parallèlement aux dogmes religieux, un des problèmes relié à la controverse est que les gens associent machinalement homosexualité à pédophilie. Stupide équation, non? Des pédophiles on en trouve chez les hétéros, et même chez les religieux! Cela veut-il dire que tous les hétéros et tous les religieux sont pédophiles? Hé!
 
Quand je songe qu’Alan Turing a été soumis à la castration chimique, j’avoue que ça me dépasse. Dans une lettre à un ami mathématicien, Norman Routledge, en 1952, Turing lui faisait part de sa grande préoccupation au sujet de plaider coupable; il craignait que son orientation sexuelle soit utilisée pour discréditer ses idées et tout son travail.
 
“Science is a differential equation. Religion is a boundary condition.”
 
«Les gens ne disent jamais ce qu'ils pensent vraiment et ils s’attendent à ce que nous décodions ce qu'ils ne disent pas.»
 
«Si nos cerveaux sont différents, eh bien nous pensons différemment.»
 
«Personnellement, je crois que l’esprit est réellement toujours connecté à la matière mais certainement pas avec le même genre de corps... En ce qui concerne la connexion réelle entre esprit et corps, je considère que le corps [peut] s’accrocher à un ‘esprit’; tant que le corps est vivant et éveillé, les deux sont fermement connectés. Lorsque le corps est endormi, j’ignore ce qui se passe, mais lorsque le corps meurt, le ‘mécanisme’ qui relie le corps à l’esprit disparaît. Et tôt ou tard l'esprit trouve un nouveau corps, peut-être immédiatement.»
 
Données historiques
 
Entre 1885 et 1967, près de 49 000 (hommes) homosexuels ont été reconnus coupables de grossière indécence en vertu de la loi britannique.
 
En 2009 le gouvernement britannique a présenté des excuses posthumes à Turing.
 
Le 24 décembre 2013, 59 ans après la mort de Turing, la reine Elizabeth II lui accorda un pardon royal posthume, et honora ses réalisations sans précédent.
 
Les historiens estiment que le décodage d’Enigma aurait écourté la guerre de deux ans  et ainsi sauvé plus de 14 millions de vies. Ce que le gouvernement a gardé secret pendant plus de 50 ans.
 
Le travail de Turing a inspiré des générations de chercheurs qui ont travaillé avec ce que les scientifiques appelaient «les machines de Turing»; appelées aujourd’hui ordinateurs.

13 août 2015

Minimalisme mental

«La maturité c’est ce que tu ressens quand tu fais le bilan de ta vie et que tu réalises que tu t’es gouré à peu près dans tout.» (Jim Unger) 

Ah, c’est difficile à admettre, mais c’est le prix à payer pour avoir un minimum de vraie humilité et de lucidité, et ainsi pouvoir rire de nos gaffes. Et puis, bénéfice substantiel, ça peut abaisser notablement le niveau d’arrogance de l’ego.

Le sage doit voyager léger

Un jeune peut transporter une lourde charge, jour après jour,
sans en remarquer les effets dommageables.
Mais le sage doit déposer son fardeau.
Les ressentiments, les regrets,
les blessures, les affronts,
les rancunes et les déceptions
sont beaucoup trop encombrants
pour l’individu capable de sagesse
et de contentement.
Le sage doit voyager léger.

L'esprit porte un sac à dos
qui, avec les années, se remplit de
pierres et de cailloux.
Tu n’as plus besoin de le charrier.
Tu peux vider ton sac
et ne transporter que de la compassion
jour après jour.

(Tao Te Ching)

(Pinterest)

Stephen Mitchell, dans sa traduction du chapitre 56 du Tao Te Lao-Tzu Ching, présente les principes de base de la méditation taoïste. L’endroit où vous êtes et ce que vous faites n’importent pas.

- Fermez la bouche : cessez de parler aux autres ou de soliloquer.
- Bloquez vos sens : laissez le monde extérieur se dissoudre en arrière-plan.
- Émoussez votre esprit analytique : n'essayez pas de comprendre ou d’analyser.
- Déliez vos noeuds : détendez tous de vos muscles.
- Diminuez l’acuité de votre regard : ne vous concentrez pas sur quelque chose de précis.
- Faites descendre la poussière : laissez les choses, les pensées et les tensions s’apaiser lentement.

Voilà votre identité originelle.

Source : William Martin http://www.taoistliving.com/

12 août 2015

Tee-hee giggle

(Pour compenser l’affreux message sur les chiens publié aujourd’hui sur Situation planétaire).

Les commentaires sont drôles. 

Proof That Dogs Can Sleep Anywhere
Preuve que les chiens peuvent dormir n’importe où 
(Photos et commentaires : auteurs inconnus)

This dog's asleep. Wait, I mean "This dog's a-sheep." 
(Jeu de mots intraduisible...)

After your hound is planted, expect puppies to sprout in six to eight weeks.
(Une fois votre lévrier planté, les chiots prendront six à huit semaines pour germer.) 

I'm actually not sure if this dog is asleep or just having a vulnerable bonding moment with the table leg.
(En fait, je ne suis pas certain si le chien est endormi ou si c’est juste une démonstration de soumission affective envers le pied de table.)

Because really, isn't every water dish just a very small pool? OH SHIT does that mean that every pool is just a large water bowl?! 
(Parce que sincèrement, chaque bol d'eau n’est-il pas une très petite piscine? Oh merde, est-ce que cela signifie que chaque piscine est juste un grand bol d'eau?!)

Hey, I'm just gonna see if my Kong went under the cou...zzzzz.
(Hé, je vais juste regarder si mon Kong est sous le so...zzzzz.)

All 2016 Hondas will have puppy sleep handles as a standard feature.
(Toutes les Honda 2016 auront une caractéristique standard : des accoudoirs pour chiots fatigués.)

Your patio furniture is a dog bed.
(Votre mobilier de jardin est un lit pour chien.)

And that was the day he discovered his dog had a shoe fetish. 
(Et ce jour-là il découvrit que son chien avait une chaussure fétiche.)

Although he loved music, it was Spot's greatest secret that he was actually tone deaf.
(Même s'il aimait la musique, le plus grand secret de Spot était qu’il n’avait pas  d’oreille.)

Bitsy built her own version of Temple Grandin's hug machine. 
(Bitsy a créé sa propre version de la machine à câlins de Temple Grandin.)

He didn't even rinse himself off in the sink before getting in the dishwasher.
(Il ne s’est même pas rincé dans l'évier avant d’aller au lave-vaisselle.)

Shifting into sleep mode.
(Passage en mode veille.)

10 août 2015

«Dites, quel est le pas»

Un ami m’a envoyé cette perle (auteur inconnu) :

J'avais l'habitude de confier mes secrets à la montagne.
Un jour où j'étais triste, face à la montagne, j'ai crié de toutes mes forces :
«La vie est méchante!» 
Et l'écho m'a répondu :

«CHANTE...CHANTE...CHANTE»

18 août 2015
J’ai trouvé (par hasard!) sur Au fil de mes lectures l’origine de cette petite phrase probablement adaptée d’une chanson de Théodore Botrel (1868-1925).
Amusant quand même...

Rôdant, triste et solitaire
Dans la forêt du mystère,
J'ai crié le coeur très las :
«La vie est triste ici-bas!»
L'Écho m'a répondu : «Bah!»
- «Écho, la vie est méchante!»
Et, d'une voix bien touchante,
L'Écho m'a répondu : «Chante!»
- «Écho, Écho des grands bois,
Lourde, trop lourde est ma croix!»
L'Écho m'a répondu : «Crois!»
- «La haine en moi va germer,
Dois-je rire ou blasphémer?»
Et l'Écho m'a dit : «Aimer!»
Comme l'Écho des grands bois
M'a conseillé de le faire :
J'aime, je chante et je crois!
Et je suis heureux sur terre!

Théodore Botrel

(L'Écho, in Les Chansons de Jean-qui-chante, éd. J. Rueff, 1907.)

 http://www.gilles-jobin.org/citations/index.php?page=accueil
 

Photographe : Jane English. Mount Shasta, Alpenglow, 2002

Au passant d’un soir
Émile Verhaeren

Dites, quel est le pas
Des mille pas qui vont et passent
Sur les grand’routes de l’espace,
Dites, quel est le pas
Qui doucement, un soir, devant ma porte basse
S’arrêtera?

Elle est humble, ma porte,
Et pauvre, ma maison.
Mais ces choses n’importent.

Je regarde rentrer chez moi tout l’horizon
À chaque heure du jour, en ouvrant ma fenêtre;
Et la lumière et l’ombre et le vent des saisons
Sont la joie et la force et l’élan de mon être.

Si je n’ai plus en moi cette angoisse de Dieu
Qui fit mourir les saints et les martyrs dans Rome,
Mon coeur, qui n’a changé que de liens et de voeux,
Éprouve en lui l’amour et l’angoisse de l’homme.

Dites, quel est le pas
Des mille pas qui vont et passent
Sur les grand’routes de l’espace,
Dites, quel est le pas
Qui doucement, un soir, devant ma porte basse
S’arrêtera?

Je saisirai les mains, dans mes deux mains tendues,
À cet homme qui s’en viendra
Du bout du monde, avec son pas;
Et devant l’ombre et ses cent flammes suspendues
Là-haut, au firmament,

Nous nous tairons longtemps
Laissant agir le bienveillant silence
Pour apaiser l’émoi et la double cadence
De nos deux coeurs battants.

Il n’importe d’où qu’il me vienne
S’il est quelqu’un qui aime et croit
Et qu’il élève et qu’il soutienne
La même ardeur qui monte en moi.

Alors combien tous deux nous serons émus d’être
Ardents et fraternels, l’un pour l’autre, soudain,
Et combien nos deux coeurs seront fiers d’être humains
Et clairs et confiants sans encor se connaître!

On se dira sa vie avec le désir fou
D’être sincère et d’être vrai jusqu’au fond de son âme,
De confondre en un flux : erreurs, pardons et blâmes,
Et de pleurer ensemble en ployant les genoux.

Oh! belle et brusque joie! Oh! rare et âpre ivresse!
Oh! partage de force et d’audace et d’émoi,
Oh! regards descendus jusques au fond de soi
Qui remontez chargés d’une immense tendresse,
Vous unirez si bien notre double ferveur
D’hommes qui, tout à coup, sont exaltés d’eux-mêmes
Que vous soulèverez jusques au plan suprême
Leur amour pathétique et leur total bonheur!

Et maintenant
Que nous voici à la fenêtre
Devant le firmament,
Ayant appris à nous connaître
Et nous aimant,
Nous regardons, dites, avec quelle attirance,
L’univers qui nous parle à travers son silence.

Nous l’entendons aussi se confesser à nous
Avec ses astres et ses forêts et ses montagnes
Et sa brise qui va et vient par les campagnes
Frôler en même temps et la rose et le houx.

Nous écoutons jaser la source à travers l’herbe
Et les souples rameaux chanter autour des fleurs;
Nous comprenons leur hymne et surprenons leur verbe
Et notre amour s’emplit de nouvelles ardeurs.

Nous nous changeons l’un l’autre, à nous sentir ensemble
Vivre et brûler d’un feu intensément humain,
Et dans notre être où l’avenir espère et tremble,
Nous ébauchons le coeur de l’homme de demain.

Dites, quel est le pas
Des mille pas qui vont et passent
Sur les grand’routes de l’espace,
Dites, quel est le pas
Qui doucement, un soir, devant ma porte
S’arrêtera?

(Les flammes hautes)

Via : http://www.poetica.fr  

Émile Adolphe Gustave Verhaeren (1855-1916), né à Saint-Amand dans la province d'Anvers, Belgique, est un poète belge flamand, d'expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, il pratique le vers libre. Il a su traduire dans son œuvre la beauté de l'effort humain.  

8 août 2015

Les selfies selon Baudelaire

Août 2015 – À Brecon Beacons, au Pays de Galles, un promeneur frappé par la foudre est décédé; sa perche à selfie en métal pourrait être la cause de l'électrocution. An act of God de mise en garde?

Selfies circa 1920 http://imgur.com/a/g6p61

Le public moderne et la photographie
(Critique sur les orientations artistiques de l’époque; 1859) 
Charles Baudelaire

Extrait

Dans ces jours déplorables, une industrie nouvelle se produisit, qui ne contribua pas peu à confirmer la sottise dans sa foi et à ruiner ce qui pouvait rester de divin dans l’esprit français. Cette foule idolâtre postulait un idéal digne d’elle et approprié à sa nature, cela est bien entendu. En matière de peinture et de statuaire, le Credo actuel des gens du monde, surtout en France (et je ne crois pas que qui que ce soit ose affirmer le contraire), est celui-ci : «Je crois à la nature et je ne crois qu’à la nature (il y a de bonnes raisons pour cela). Je crois que l’art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature (une secte timide et dissidente veut que les objets de nature répugnante soient écartés, ainsi un pot de chambre ou un squelette). Ainsi l’industrie qui nous donnerait un résultat identique à la nature serait l’art absolu.» Un Dieu vengeur a exaucé les vœux de cette multitude. Daguerre fut son Messie. Et alors elle se dit : «Puisque la photographie nous donne toutes les garanties désirables d’exactitude (ils croient cela, les insensés!), l’art, c’est la photographie.» À partir de ce moment, la société immonde se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal. Une folie, un fanatisme extraordinaire s’empara de tous ces nouveaux adorateurs du soleil. D’étranges abominations se produisirent. En associant et en groupant des drôles et des drôlesses, attifés comme les bouchers et les blanchisseuses dans le carnaval, en priant ces héros de vouloir bien continuer, pour le temps nécessaire à l’opération, leur grimace de circonstance, on se flatta de rendre les scènes, tragiques ou gracieuses, de l’histoire ancienne. Quelque écrivain démocrate a dû voir là le moyen, à bon marché, de répandre dans le peuple le goût de l’histoire et de la peinture, commettant ainsi un double sacrilège et insultant à la fois la divine peinture et l’art sublime du comédien. Peu de temps après, des milliers d’yeux avides se penchaient sur les trous du stéréoscope comme sur les lucarnes de l’infini. L’amour de l’obscénité, qui est aussi vivace dans le cœur naturel de l’homme que l’amour de soi-même, ne laissa pas échapper une si belle occasion de se satisfaire. Et qu’on ne dise pas que les enfants qui reviennent de l’école prenaient seuls plaisir à ces sottises; elles furent l’engouement du monde. (...)

   Comme l’industrie photographique était le refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou trop paresseux pour achever leurs études, cet universel engouement portait non seulement le caractère de l’aveuglement et de l’imbécillité, mais avait aussi la couleur d’une vengeance. Qu’une si stupide conspiration, dans laquelle on trouve, comme dans toutes les autres, les méchants et les dupes, puisse réussir d’une manière absolue, je ne le crois pas, ou du moins je ne veux pas le croire; mais je suis convaincu que les progrès mal appliqués de la photographie ont beaucoup contribué, comme d’ailleurs tous les progrès purement matériels, à l’appauvrissement du génie artistique français, déjà si rare. La Fatuité moderne aura beau rugir, éructer tous les borborygmes de sa ronde personnalité, vomir tous les sophismes indigestes dont une philosophie récente l’a bourrée à gueule-que-veux-tu, cela tombe sous le sens que l’industrie, faisant irruption dans l’art, en devient la plus mortelle ennemie, et que la confusion des fonctions empêche qu’aucune soit bien remplie. La poésie et le progrès sont deux ambitieux qui se haïssent d’une haine instinctive, et, quand ils se rencontrent dans le même chemin, il faut que l’un des deux serve l’autre. S’il est permis à la photographie de suppléer l’art dans quelques-unes de ses fonctions, elle l’aura bientôt supplanté ou corrompu tout à fait, grâce à l’alliance naturelle qu’elle trouvera dans la sottise de la multitude. Il faut donc qu’elle rentre dans son véritable devoir, qui est d’être la servante des sciences et des arts, mais la très humble servante, comme l’imprimerie et la sténographie, qui n’ont ni créé ni suppléé la littérature. Qu’elle enrichisse rapidement l’album du voyageur et rende à ses yeux la précision qui manquerait à sa mémoire, qu’elle orne la bibliothèque du naturaliste, exagère les animaux microscopiques, fortifie même de quelques renseignements les hypothèses de l’astronome; qu’elle soit enfin le secrétaire et le garde-note de quiconque a besoin dans sa profession d’une absolue exactitude matérielle, jusque-là rien de mieux. Qu’elle sauve de l’oubli les ruines pendantes, les livres, les estampes et les manuscrits que le temps dévore, les choses précieuses dont la forme va disparaître et qui demandent une place dans les archives de notre mémoire, elle sera remerciée et applaudie. Mais s’il lui est permis d’empiéter sur le domaine de l’impalpable et de l’imaginaire, sur tout ce qui ne vaut que parce que l’homme y ajoute de son âme, alors malheur à nous!

   Je sais bien que plusieurs me diront : «La maladie que vous venez d’expliquer est celle des imbéciles. Quel homme, digne du nom d’artiste, et quel amateur véritable a jamais confondu l’art avec l’industrie?» Je le sais, et cependant je leur demanderai à mon tour s’ils croient à la contagion du bien et du mal, à l’action des foules sur les individus et à l’obéissance involontaire, forcée, de l’individu à la foule. Que l’artiste agisse sur le public, et que le public réagisse sur l’artiste, c’est une loi incontestable et irrésistible; d’ailleurs les faits, terribles témoins, sont faciles à étudier; on peut constater le désastre. De jour en jour l’art diminue le respect de lui-même, se prosterne devant la réalité extérieure, et le peintre devient de plus en plus enclin à peindre, non pas ce qu’il rêve, mais ce qu’il voit. Cependant c’est un bonheur de rêver, et c’était une gloire d’exprimer ce qu’on rêvait; mais que dis-je! connaît-il encore ce bonheur? 

   L’observateur de bonne foi affirmera-t-il que l’invasion de la photographie et la grande folie industrielle sont tout à fait étrangères à ce résultat déplorable? Est-il permis de supposer qu’un peuple dont les yeux s’accoutument à considérer les résultats d’une science matérielle comme les produits du beau n’a pas singulièrement, au bout d’un certain temps, diminué la faculté de juger et de sentir ce qu’il y a de plus éthéré et de plus immatériel?

Source : http://baudelaire.litteratura.com/?rub=oeuvre&srub=cri&id=467