26 août 2015

L’insignifiance : réquisit de la bonne humeur

Dernier roman de Kundera (en espérant que ce ne soit pas le dernier!). J’aime son titre : «La fête de l’insignifiance» – fête universelle et quotidienne, jamais de congé...

Un face-à-face doux-amer avec notre pérenne insignifiance et ses conséquences : 
   «Leçon de modestie, ce court roman est millimétré, pas un mot en trop, point de longueur, ce n’est pas un livre pour passer le temps, c’est une mise en abyme, une renonciation : l’humble aveu d’impuissance face à la déferlante du grand n’importe quoi. Puisque l’on ne peut rien changer de ce monde qui part à vau-l’eau, autant ne pas le prendre au sérieux.» (François Xavier, salon-littéraire.com/fr)

(Photographe inconnu)

La fête de l’insignifiance
Milan Kundera
Gallimard 2014 pour l’édition française

Notes de lecture

[D’Ardelo avait dit à son ami Ramon qu’il avait le cancer] 
...Je ne peux pas éluder une question : Pourquoi D’Ardelo avait-il menti?
Cette question, D’Ardelo lui-même se la posa tout de suite après et lui non plus ne sut pas la réponse. Non, il n’avait pas honte d’avoir menti. Ce qui l’intriguait, c’était son incapacité de comprendre la raison de ce mensonge. Normalement, si l’on ment c’est pour tromper quelqu’un et en retirer un avantage quelconque. Mais que pouvait-il gagner à inventer un cancer? Curieusement en pensant au non-sens de son mensonge, il ne put s’empêcher de rire. Et ce rire, lui aussi, était incompréhensible. Pourquoi riait-il? Trouvait-il son comportement comique? Non. Tout bonnement, sans savoir pourquoi, son cancer imaginaire le réjouissait. (...)
(Le charme secret d’une grave maladie; Mensonge inexplicable, inexplicable rire, p. 22)

Dans mon vocabulaire de mécréant, un seul mot est sacré : l’amitié.
(...) 
-- Si je ne me trompe pas, continua Charles en s’adressant à Ramon, ton grand-père a signé avec d’autres intellectuels une pétition pour soutenir Staline, le grand héros du progrès.
-- Oui, admit Ramon.
-- Ton père, j’imagine, était déjà un peu sceptique à son égard, ta génération encore plus, et pour la mienne il était le criminel des criminels.
-- Oui, c’est comme ça, dit Ramon. Les gens se rencontrent dans la vie, bavardent, discutent, se querellent, sans se rendre compte qu’ils s’adressent les uns aux autres, chacun depuis un observatoire dressé en un lieu différent du temps. (...) 
   Après une pause, Charles dit : «Le temps court. Grâce à lui, nous sommes d’abord vivants, ce qui veut dire : accusés et jugés. Puis, nous mourons, et nous restons encore quelques années avec ceux qui nous ont connus, mais très tôt un autre changement se produit : les morts deviennent des vieux morts, personne ne se souvient plus d’eux et ils disparaissent dans le néant; seuls quelques-uns, très très rares, laissent leurs noms dans les mémoires mais, privés de tout témoin authentique, de tout souvenir réel, ils se transforment en marionnettes...
(Charles rêve d’une pièce pour le théâtre de Marionnettes, p. 34-36)

...Dans sa réflexion sur le comique, Hegel dit que le vrai humour est impensable sans l’infinie bonne humeur (...). Pas la raillerie, pas la satire, pas le sarcasme. C’est seulement depuis les hauteurs de l’infinie bonne humeur que tu peux observer au-dessous de toi l’éternelle bêtise des hommes et en rire.
(Lamento de Ramon sur la fin des blagues, p.99)

...Depuis longtemps, D’Ardelo, je voulais vous parler d’une chose. De la valeur de l’insignifiance. À l’époque, je pensais surtout à vos rapports avec les femmes. (...) Passons. À présent l’insignifiance m’apparaît sous un tout autre jour qu’alors, sous une lumière plus forte, plus révélatrice. L’insignifiance, mon ami, c’est l’essence de l’existence. Elle est avec nous partout et toujours. Elle est présente même là où personne ne veut la voir : dans les horreurs, dans les luttes sanglantes, dans les pires malheurs. Cela exige souvent du courage pour la reconnaître dans des conditions aussi dramatiques et pour l’appeler par son nom. (...) Respirez d’Ardelo, mon ami, respirez cette insignifiance qui nous entoure, elle est la clé de la sagesse, elle est la clé de la bonne humeur...
(La fête de l’insignifiance, p. 139)

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«À quoi tenait notre entente? Tant de choses auraient pu nous opposer. Peut-être à la même vision littéraire de l’existence qui nous inspirait la même exaltation à savourer ses éphémères plaisirs; à la même croyance que tout passe, que rien ne reste, ni les amitiés, ni les amours, ni la gloire, ni les civilisations, ni même le monde, voué à disparaître, projeté, planète morte parmi les planètes mortes, infime signe dans l’infini des constellations, dans l’abîme insondable du temps.»

~ Jean-Marie Rouart (au sujet de ses rencontres avec Jean d’Ormesson; in Ne pars pas avant moi, Gallimard 2014; p. 197)

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Rappel 

La journée mondiale du chien : pour nous rappeler qu'en principe nous devrions être les meilleurs amis* du chien. La journée mondiale du chien, se tient chaque 26 août, et met l’emphase sur le lien qui unit depuis des millénaires les hommes et les chiens partout dans le monde. Son origine est anglo-saxonne, comme beaucoup d’autres journées mondiales...

* Malheureusement : 26 millions de chiens sont élevés et/ou volés pour être mangés annuellement dans le monde, en particulier en Asie. Sans parler de leur utilisation comme cobayes en laboratoire et à d'autres fins tout aussi ignobles.

Pourtant ce sont de loyaux amis et associés, capables d’accomplir de grandes choses pour nous. Je voyais justement un adorable chien-guide Mira hier, et je pensais à la zoothérapie telle qu’on la pratique depuis trente ans à l'Institut universitaire en santé mentale Douglas, à Montréal. Les animaux aident les patients à se soigner par leur spontanéité, leur calme et leur absence de jugement.

Tania a surmonté sa dépression en partie grâce à Charlie. Photo : Myriam Fimbry, ICI Radio-Canada 

Tania, une patiente atteinte de troubles bipolaires, a calmé son anxiété en caressant ou en brossant les pelages. L'équipe de l'Institut Douglas lui a suggéré d'adopter un chien, un épagneul nommé Charlie, qui la suit partout. Durant sa période dépressive, la présence de Charlie a chassé ses idées noires et l'a motivée à se lever le matin. Il joue un rôle thérapeutique auprès d'elle, bien qu'il ne remplace pas les médicaments ni le suivi psychiatrique.

Si le sujet vous intéresse :

un photoreportage de  Myriam Fimbry à Désautels le dimanche 
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2015/04/10/009-zootherapie-sante-mentale.shtml  

ansi que le libellé Zoofriendly (Situation planétaire)

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