3 août 2015

La face cachée de Facebook

«Il n’était pas aussi fascinant qu’il en avait l’air au départ»

Peut-on croire à tout ce qu’on voit et lit? Il faudrait accéder à la face cachée des clichés pour se faire une idée de la réalité...

Les gens heureux n’ont pas d’histoire, dit-on. À en croire Facebook, c’est faux puisque les histoires de bonheur parfait sont légions. On peut se demander si le but de ces plateformes n’est pas de maintenir les gens dans une superficialité hyper matérialiste pour qu’ils continuent à consommer et à polluer sans se poser de questions. C’est un divertissement qui peut coûter cher à plusieurs niveaux... Chose certaine, les gens n'ont pas à se déculotter (au propre et au figuré) pour être intéressants s'ils ne sont pas "vides" intérieurement...

Le problème, c’est que la vie heureuse sans accrocs est impossible mais on refuse de le reconnaître. Le bonheur, la prospérité, le succès, les amours, les amitiés formidables alternent avec le malheur, les difficultés financières, les échecs, les ruptures, la solitude. Ça fonctionne comme le pendule d’une horloge, celui-ci ne reste jamais au milieu. La quête du bonheur permanent et l’évitement des coups durs sont totalement futiles. Mais bon, c’est peut-être avec le vécu qu’on finit par le comprendre.

«Quand on a assez vécu, on sait que personne ne s'intéresse à personne. On sait qu'on n'a pas besoin de se cacher pour être caché.» ~ Pascal Quignard (Vie secrète)

«Je m'éloigne des gens encombrés d'amis. Que faire autour d'eux, sinon, comme dans les incendies, la chaîne?» ~ Anne Barratin, 1845-1911 (http://www.gilles-jobin.org)



Un article intéressant sur l’esprit de compétition qui règne sur les réseaux, et la jalousie et la dévalorisation qui peuvent en découler : Pourquoi Facebook et Instagram font-ils de nous des losers? (par Julia Tissier, Cheek magazine).

Extraits

Plages paradisiaques, hamburgers alléchants et soirées déjantées, voilà que ce l’on voit passer en quasi-permanence sur nos timelines Facebook et Instagram. Et pour cause, sur les réseaux sociaux, armes fatales du personal branding, on ne dévoile que ce l’on veut bien et en particulier ce qui est susceptible de faire saliver nos voisins virtuels. Ces mises en scène incessantes, celles des autres mais aussi les nôtres, peuvent-elles nous impacter négativement et nous rendre, au final, malheureux?

Le psychologue Sébastien Dupont, qui travaille notamment sur le sentiment de solitude des jeunes, estime qu’il peut y avoir «une impression de grossissement de l’effet de solitude face à la mise en scène de la sociabilité des autres». La sensation d’être seul est «très subjective et très dépendante de ce que l’on voit autour de soi, continue-t-il, c’est comme le sentiment de pauvreté, on se sent davantage pauvre au milieu de gens riches et ça fonctionne de la même façon sur la richesse émotionnelle». Résultat? «Face à des gens qui ont plein d’amis, plein d’activités, on dévalorise son propre capital social alors même qu’il était satisfaisant», conclut Sébastien Dupont.

La vie rêvée des autres...
– Et quand elle [Marine Normand] est tombée sur « cette blogueuse maman qui vit à Nashville dans ce qui ressemble à un catalogue Bonton, qui joue du ukulélé et qui a un portrait de Bob Dylan dans son salon », la vingtenaire, dont les poils de chien envahissent son appart, s’est posé cette question : «Pourquoi ça ne ressemble pas à ça chez moi, pourquoi je n’arrive pas à vivre dans un truc aussi joli?» Avant de s’interroger sur elle : «Je ne comprends pas pourquoi je suis jalouse de ces filles qui ont le temps de faire ça alors qu’en réalité, je n’ai pas envie de faire la même chose, c’est assez paradoxal.»
– ...Cette évolution a «le même effet pervers que la publicité : on a l’impression qu’il existe une vie parfaite, une bouffe parfaite, une maison parfaite, une déco parfaite, un mec parfait et des enfants parfaits». Résultat, «ça crée une espèce de frustration permanente car, comme pour la pub, on a beau acheter des crèmes, on n’aura jamais la peau parfaite de la nana. C’est pareil avec la vie parfaite, on ne l’aura jamais non plus». (Titiou Lecoq, auteure, blogueuse, et journaliste spécialiste des réseaux sociaux)

... Et la sienne
– Pourtant, c’est parfois ce que l’on essaye de faire croire aux autres. Lili, 34 ans, s’est déconnectée de Facebook il y a quelques mois après y avoir passé cinq ans. À l’époque, elle est au chômage, elle vient de rompre et Facebook lui fait plus de mal que de bien : «Je trouvais ça très désagréable de tomber sur des photos de mon ex, je l’ai bloqué mais avec tous les amis qu’on avait en commun, je tombais encore dessus et je savais quand il passait une bonne soirée». C’est plus fort qu’elle, la trentenaire a envie de «répliquer»: «Je postais des photos juste pour qu’elles soient vues. Je me souviens d’une fois, j’étais en vacances, j’ai demandé à une pote de me prendre en photo sur la plage, à ce moment-là, c’était juste après ma rupture, j’étais hyper triste et sur le cliché, je suis bronzée et je souris. Tout le monde a commenté en disant ‘trop bien’ alors qu’en vrai, j’avais envie de me noyer, de m’accrocher une pierre autour du cou et de sombrer», raconte-t-elle aujourd’hui en riant.

Si cette scénographie virtuelle peut devenir «galvanisante de puissance car on maîtrise sa propre image et on l’embellit», elle peut aussi nous amener à penser que «notre vie est fausse», estime Sébastien Dupont. En somme, la photo est belle mais on sait qu’elle n’est pas l’exact reflet de ce que l’on vit. Le psychologue se souvient d’ailleurs d’une scène qu’il a vécue un jour dans un restaurant à Prague. Ce dernier dîne à côté d’un couple qui semble passablement se faire chier. À un moment, les deux amoureux décident de faire un selfie, la séance photo est assez longue, ils sourient, ils ont l’air heureux. «Si jamais ils ont publié cette photo sur Facebook ou ailleurs, leurs amis ont dû avoir l’impression qu’ils avaient passé une super soirée, alors que moi, qui ai vu les coulisses, je sais qu’ils se sont emmerdés comme des rats morts, raconte Sébastien Dupont. Cette photo outrageusement heureuse n’accentue-t-elle pas l’amertume de leur vraie vie? Sans elle, l’ennui paraîtrait peut-être moins dur.» Ce n’est donc plus tant le bonheur qui compte que la démonstration de ce dernier.

Ces réseaux sociaux vont-ils définitivement plomber le moral de la génération Y? Non, pas forcément. Pour commencer, tout le monde ne montre pas qu’une vie idéalisée. «Je montre aussi ma vie lambda, mon quotidien, assure Marieke, 23 ans, je ne mens pas sur mes photos, je suis bien dans mes pompes, je n’ai pas besoin de mise en scène.»

Article intégral :
http://m.cheekmagazine.fr/societe/pourquoi-facebook-et-instagram-font-ils-de-nous-des-losers/

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