10 août 2015

«Dites, quel est le pas»

Un ami m’a envoyé cette perle (auteur inconnu) :

J'avais l'habitude de confier mes secrets à la montagne.
Un jour où j'étais triste, face à la montagne, j'ai crié de toutes mes forces :
«La vie est méchante!» 
Et l'écho m'a répondu :

«CHANTE...CHANTE...CHANTE»

18 août 2015
J’ai trouvé (par hasard!) sur Au fil de mes lectures l’origine de cette petite phrase probablement adaptée d’une chanson de Théodore Botrel (1868-1925).
Amusant quand même...

Rôdant, triste et solitaire
Dans la forêt du mystère,
J'ai crié le coeur très las :
«La vie est triste ici-bas!»
L'Écho m'a répondu : «Bah!»
- «Écho, la vie est méchante!»
Et, d'une voix bien touchante,
L'Écho m'a répondu : «Chante!»
- «Écho, Écho des grands bois,
Lourde, trop lourde est ma croix!»
L'Écho m'a répondu : «Crois!»
- «La haine en moi va germer,
Dois-je rire ou blasphémer?»
Et l'Écho m'a dit : «Aimer!»
Comme l'Écho des grands bois
M'a conseillé de le faire :
J'aime, je chante et je crois!
Et je suis heureux sur terre!

Théodore Botrel

(L'Écho, in Les Chansons de Jean-qui-chante, éd. J. Rueff, 1907.)

 http://www.gilles-jobin.org/citations/index.php?page=accueil
 

Photographe : Jane English. Mount Shasta, Alpenglow, 2002

Au passant d’un soir
Émile Verhaeren

Dites, quel est le pas
Des mille pas qui vont et passent
Sur les grand’routes de l’espace,
Dites, quel est le pas
Qui doucement, un soir, devant ma porte basse
S’arrêtera?

Elle est humble, ma porte,
Et pauvre, ma maison.
Mais ces choses n’importent.

Je regarde rentrer chez moi tout l’horizon
À chaque heure du jour, en ouvrant ma fenêtre;
Et la lumière et l’ombre et le vent des saisons
Sont la joie et la force et l’élan de mon être.

Si je n’ai plus en moi cette angoisse de Dieu
Qui fit mourir les saints et les martyrs dans Rome,
Mon coeur, qui n’a changé que de liens et de voeux,
Éprouve en lui l’amour et l’angoisse de l’homme.

Dites, quel est le pas
Des mille pas qui vont et passent
Sur les grand’routes de l’espace,
Dites, quel est le pas
Qui doucement, un soir, devant ma porte basse
S’arrêtera?

Je saisirai les mains, dans mes deux mains tendues,
À cet homme qui s’en viendra
Du bout du monde, avec son pas;
Et devant l’ombre et ses cent flammes suspendues
Là-haut, au firmament,

Nous nous tairons longtemps
Laissant agir le bienveillant silence
Pour apaiser l’émoi et la double cadence
De nos deux coeurs battants.

Il n’importe d’où qu’il me vienne
S’il est quelqu’un qui aime et croit
Et qu’il élève et qu’il soutienne
La même ardeur qui monte en moi.

Alors combien tous deux nous serons émus d’être
Ardents et fraternels, l’un pour l’autre, soudain,
Et combien nos deux coeurs seront fiers d’être humains
Et clairs et confiants sans encor se connaître!

On se dira sa vie avec le désir fou
D’être sincère et d’être vrai jusqu’au fond de son âme,
De confondre en un flux : erreurs, pardons et blâmes,
Et de pleurer ensemble en ployant les genoux.

Oh! belle et brusque joie! Oh! rare et âpre ivresse!
Oh! partage de force et d’audace et d’émoi,
Oh! regards descendus jusques au fond de soi
Qui remontez chargés d’une immense tendresse,
Vous unirez si bien notre double ferveur
D’hommes qui, tout à coup, sont exaltés d’eux-mêmes
Que vous soulèverez jusques au plan suprême
Leur amour pathétique et leur total bonheur!

Et maintenant
Que nous voici à la fenêtre
Devant le firmament,
Ayant appris à nous connaître
Et nous aimant,
Nous regardons, dites, avec quelle attirance,
L’univers qui nous parle à travers son silence.

Nous l’entendons aussi se confesser à nous
Avec ses astres et ses forêts et ses montagnes
Et sa brise qui va et vient par les campagnes
Frôler en même temps et la rose et le houx.

Nous écoutons jaser la source à travers l’herbe
Et les souples rameaux chanter autour des fleurs;
Nous comprenons leur hymne et surprenons leur verbe
Et notre amour s’emplit de nouvelles ardeurs.

Nous nous changeons l’un l’autre, à nous sentir ensemble
Vivre et brûler d’un feu intensément humain,
Et dans notre être où l’avenir espère et tremble,
Nous ébauchons le coeur de l’homme de demain.

Dites, quel est le pas
Des mille pas qui vont et passent
Sur les grand’routes de l’espace,
Dites, quel est le pas
Qui doucement, un soir, devant ma porte
S’arrêtera?

(Les flammes hautes)

Via : http://www.poetica.fr  

Émile Adolphe Gustave Verhaeren (1855-1916), né à Saint-Amand dans la province d'Anvers, Belgique, est un poète belge flamand, d'expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, il pratique le vers libre. Il a su traduire dans son œuvre la beauté de l'effort humain.  

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