28 février 2014

Du froid, encore du froid

Et puis, en mars nous aurons bien sûr ces fichues grosses bordées de neige qui minent le moral et font croire qu’il n’y aura plus jamais de printemps. Je me répète parce que je n’arrive pas à m’y faire.

Quand j’ai vu cette petite femelle cardinal, toute gonflée pour se protéger du froid, je me suis posé l’éternelle question : comment ces créatures si merveilleuses et fragiles font-elles pour survivre? (Photo : Louise, QC, Météo Média - en passant, très belles photos locales sur ce site)

La mort des oiseaux

Le soir, au coin du feu, j’ai pensé bien des fois,
À la mort d’un oiseau, quelque part, dans les bois,
Pendant les tristes jours de l’hiver monotone
Les pauvres nids déserts, les nids qu’on abandonne,

Se balancent au vent sur le ciel gris de fer.
Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l’hiver!
Pourtant lorsque viendra le temps des violettes,
Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes.

Dans le gazon d’avril où nous irons courir.
Est-ce que «les oiseaux se cachent pour mourir?»

~ François Coppée

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L’hiver du rossignol

Sur les toits la grêle crépite.
Il neige, il pleut, en même temps :
Premières larmes du printemps,
Derniers pleurs de l’hiver en fuite.

Parmi les longs cris qu’en son vol
La première corneille jette,
J’entends une note inquiète;
Est-ce la voix du rossignol?

D’où vient cette roulade ailée
Dont la bise coupe le fil
Ce doux chanteur, pourquoi vient-il
Affronter cette giboulée?

Est-ce le trémulant sifflet,
Le fifre aigu de la linotte?
Est-ce la double ou triple note
Du bouvreuil ou du roitelet?

Il neige, il pleut, il grêle, il vente.
Mais, soudain, voici le soleil,
Le soleil d’un temps sans pareil.
Chante, oh! chante, rossignol, chante!

Il neige, il vente, il grêle, il pleut.
Chante! C’est l’air que rossignole
Ton cœur, ton joli cœur qui vole,
Qui d’un ciel gris, fait un ciel bleu.

Que ta musique, en fines perles,
Change ce brouillard éclatant.
Ah! pourrait-il en faire autant
Le trille aigu de tous les merles?

Il pleut, il neige, c’est en vain
Que le merle siffle à tue-tête.
Pour que tout l’azur soit en fête,
Chante, chante, chanteur divin!

Chante sur la plus haute branche,
Comme l’oiseau de la chanson.
Chante sous le dernier frisson
De la dernière neige blanche.

À pleine gorge, fais vibrer,
Rossignoler ta fine lyre,
Ô toi dont le cœur est à rire,
Pour les cœurs qui sont à pleurer.

~ Nérée Beauchemin, Patrie Intime

Bonne idée!

27 février 2014

Malléabilité du temps

("Le temps passe plus vite que moi.")

J’ai récemment parlé de l’impression de slow motion qu'on ressent lors d’événements à forte charge émotionnelle (mauvaises nouvelles par exemple) ou qui menacent notre intégrité physique. Eh bien l’autre jour, je suis tombée sur cet article qui propose quelques hypothèses pouvant expliquer le phénomène.

Quand les secondes deviennent des minutes
Par Steve Taylor, Ph.D.*

Pourquoi les situations d’urgence et les accidents font-ils ralentir le temps si radicalement?

«J'ai vu le pare-brise de la voiture éclater. Le verre se fracassait lentement et s’étalait comme un éventail, c’était très beau. Tous les morceaux brillaient au soleil. J’avais l’impression de flotter dans l'air et que je ne redescendrais plus. J'ai regardé le soleil, comme lorsqu’on est en avion au-dessus de nuages d'un blanc éclatant.»

Les accidents et les chocs soudains créent souvent un ralentissement extrême du temps. En fait, j'imagine que la plupart des gens ont vécu une telle expérience. Après la publication de mon livre Making Time, j'ai reçu de nombreux témoignages. En voici un de quelqu’un qui avait aidé une vieille dame alors qu’elle allait tomber :
«Je l’ai Instinctivement entourée de mon bras gauche, mais comme elle était en perte d’équilibre, et vu son poids, je suis tombé avec elle. Mais, entre ce moment-là et celui où j’ai heurté le trottoir une fraction de seconde plus tard, tout s'est passé en slow motion. Dans une série de mouvements magnifiquement chorégraphiés, j’ai eu le temps de me retourner pour qu’elle tombe sur moi et de relaxer suffisamment mon corps pour éviter une fracture quelconque au moment de l'impact.»

Le même ralentissement temporel se produit fréquemment en situations d'urgence, lorsque notre vie est en danger. Beaucoup de témoignages confirment que le temps ralentit dramatiquement pendant les tremblements de terre ou avant les accidents d'avion, par exemple. Une femme qui a vécu le tremblement de terre dévastateur de 1988 en Arménie disait : «C'était comme un film au ralenti. Il y avait un panneau de béton qui s’effondrait lentement.» 

Pourquoi le temps semble-t-il ralentir en situation d'urgence? Une explication possible nous vient de la deuxième expérience ci-dessus. L’effet de ralentissement pourrait être un «truc» neurologique ou psychologique que nos ancêtres auraient développé comme aide à la survie. Ce «truc» augmente nos chances de survivre aux situations d'urgence, parce qu'il nous donne plus de temps pour nous préparer et nous positionner afin de répondre à la situation. En ce sens, nous pourrions voir cette capacité comme une adaptation évolutive.

Une autre possibilité serait que le «ralentissement du temps» soit dû à l'augmentation du nombre d'impressions et de perceptions que l'esprit absorbe à ce moment-là. Il semble qu'un accroissement d’information ralentit le temps de perception. Toutefois, en cas d'accidents et de situations d'urgence, cela pourrait être l’effet plutôt que la cause. C'est-à-dire que l’impression de ralentissement nous donnerait la capacité d'absorber beaucoup plus d’information. (On a aussi avancé qu’il n’y avait vraiment de ralentissement du temps, que c’était plutôt la manière dont la mémoire traitait le souvenir  en raison de l’augmentation soudaine d’une grande quantité d’impressions enregistrées. Mais cette explication est démentie par la puissante réalité de ces expériences. Quiconque a vécu pareille situation n’a aucun doute sur le fait que l’expansion du temps se produisait simultanément; qu’il na s’agit pas d’un souvenir déformé.)

C’est une possibilité, mais, mon explication préférée est que le ralentissement du temps résulte d’un brusque changement d’état de conscience. Notre perception du temps qui passe est une fonction de notre état de conscience ordinaire. Il existe de nombreuses variétés d’états de conscience «altérés» où le temps ralentit considérablement : par exemple dans la «zone» d’expérience des athlètes, la méditation profonde ou sous l'influence de drogues psychédéliques comme le LSD. Il y a également des états altérés où le temps semble passer plus vite, comme les états d’hypnose ou de concentration intense. Tous ces états montrent que notre perception normale du temps n'est pas absolue ni fixe – il s’agit simplement d’une construction psychologique qui dépend d'un certain état de conscience.

Plus spécifiquement, nos perceptions du temps radicalement différentes sont dues à la dissolution de notre système «d’auto-perception» ordinaire – ce système de structures et de processus psychologiques constitue notre état d'esprit «normal». Il définit notre perception de nous et de notre expérience du monde à travers le temps. Mais parfois cette auto-perception se dissout, et soudainement, nous expérimentons le monde (et nous-mêmes) d'une façon complètement différente – dont découle notre perception différente du temps.

* Steve Taylor PhD is a senior lecturer in psychology at Leeds Metropolitan University, UK. He is the author of Making Time: Why Time Seems to Pass at Different Speeds and How to Control it. www.stevenmtaylor.com 

En complement : 

LE TEMPS
Par Scott Shaw

1. Là où vous êtes maintenant, c’est là où vous êtes. Vous pouvez désirer être ailleurs, en train de faire autre chose, mais vous êtes ici. Vivez ce moment au maximum.

2. Vite, attrapez-le!
Ce moment a disparu; il ne pourra jamais être revécu.

3. Lorsque vous contemplez le futur dans le TEMPS, on dirait l’éternité. Lorsque vous contemplez le passé dans le TEMPS, on dirait un flash.

4. Pouvez-vous voir le temps? Non. Alors, cessez de le chercher.

5. Vous pouvez surveiller le tic-tac de l’horloge. Vous pouvez être témoin d’un lever ou d’un coucher de soleil. Mais ce n’est pas le temps. C’est simplement le mouvement. Le mouvement est le facteur qui définit le temps. D’une chose à une autre.

6. Cessez  de surveiller le temps et vous serez libéré du temps.

7. Il n’y a ni commencement ni fin au temps. Il y a seulement un commencement et une fin à votre perception du temps. Lorsque vous êtes vivant, vous pouvez être témoin du temps. Lorsque vous êtes mort, vous ne le pouvez pas. Le temps est un concept VIVANT.

8. L’évaluation du temps se fait toujours par rapport au passé. Vous ne pouvez évaluer le temps qu’en matière d’emplacement, c’est-à-dire, en comparant où vous étiez par rapport à où vous êtes maintenant.

9. Plus vous pensez et angoissez à propos du temps, plus il vous contrôle et plus il semble passer vite. Moins vous pensez au temps, plus vous êtes libre et plus vous avez amplement de temps.

10. Pouvez-vous sauver du temps? Non, il n’y a pas de compte d’épargne pour le temps.

11. On a consigné l’histoire du TEMPS sur terre par écrit. Le temps existait-il avant cela? Existait-il avant que vous en preniez conscience?

12. Avez-vous remarqué comme le temps passe parfois très vite ou très lentement? Durant certaines périodes, on peut vivre quantité d’expériences dans un laps de temps très court. Ces moments intenses passent très vite. En d’autres circonstances où la vie semble monotone, tout va lentement. Tirez le meilleur parti de chacun de ces moments car la vie bouge par cycles. Vivez et expérimentez les deux pleinement, au moment où cela se produit. Vivez la rapidité du temps aussi consciemment que possible. Vous réfléchirez à toutes ces nouvelles expériences une fois que le TEMPS aura ralenti.

13. Si l’on pouvait voyager dans le TEMPS, soit dans le futur ou dans le passé, cela voudrait dire que tout serait perpétuellement en train d’arriver. Ce moment existe-t-il pour toujours? Comment ce moment pourrait-il être ailleurs que là où il est, JUSTE ICI, MAINTENANT?

14. Prenez le temps de ne rien faire, simplement; cela vous ouvrira à un monde d’inspirations nouvelles.

Source :
Zen O’clock
TIME TO BE
Éd. Samuel Weiser, Inc.; 1999

25 février 2014

Téléphone cellulaire et sommeil


Photo : Alyssa Miller

Votre iPhone vous prive de bonnes nuits de sommeil
Par Katherine Martinko

Vous connaissez probablement le scénario. Vous venez de plonger dans le sommeil quand soudain la chambre s’illumine. Et aussitôt, vous entendez un bourdonnement déplaisant. Les paupières lourdes, vous coupez le son. Votre fidèle iPhone vous avertissait qu’un message texte venait d’entrer – un ami qui n'est manifestement pas encore au lit. Vous vous retournez et ignorez le message ou vous le lisez. Mais, le mal est fait. Vous aurez de la difficulté à vous rendormir.

Le téléphone cellulaire perturbe nos habitudes de sommeil et cause des dommages biologiques. La plupart des systèmes mobiles ont des écrans LED émettant des ondes de lumière bleue qui bloquent la sécrétion de mélatonine dans le corps. La mélatonine est une hormone qui s’active sous l’effet de l'obscurité; elle calme le corps et le prépare au sommeil. L’hormone opposée, le cortisol, s’active sous l’effet de la lumière et nous pousse à l’action.

«La lumière est comme une drogue, sauf que ce n’en est pas une du tout», disait le neurologue George Brainard au New York Times. Il compte parmi les premiers chercheurs qui ont étudié le rythme circadien et l'effet de la lumière sur le corps humain. Le Dr Brainard a réalisé une expérience à l'Université de Bâle, en Suisse. Treize hommes sont restés devant un écran d’ordinateur pendant cinq heures chaque soir avant d’aller dormir. Pendant une semaine, ils furent exposés à des vieux moniteurs CCFL (à barrettes fluorescentes) émettant une lumière composée de plusieurs couleurs du spectre visible. Pendant une autre semaine, ils furent exposés à des écrans LED (à diodes électroluminescentes) émettant deux fois plus de lumière bleue que les vieux moniteurs. Avec les écrans LED, le niveau de mélatonine mettait beaucoup plus de temps à augmenter, et restait même déficitaire toute la nuit.

Dans une autre expérience, la même équipe compara des ampoules incandescentes à des ampoules fluorescentes. Les ampoules fluo furent modifiées pour émettre plus de lumière bleue. Les personnes exposées aux lampes fluorescentes modifiées produisaient 40 pour cent moins de mélatonine et restaient éveillées une heure de plus après voir éteint les lumières.

Étant donné que nous sommes maintenant inondés de lumière à toutes heures du jour, particulièrement après le crépuscule, notre sommeil est perturbé, et cela peut entraîner des maladies. Fondamentalement, ce phénomène est en contradiction avec notre programmation biologique. Et pourtant, le monde est rempli de lumière bleue. Le New York Times rapportait qu’en 2013 seulement, 1,6 milliards de nouveaux ordinateurs, téléviseurs et téléphones cellulaires ont été vendus, et tous ces écrans s’allument dans nos maisons.

Le Dr Brainard espère qu'un jour on développera une nouvelle génération d'écrans pouvant s’ajuster aux longueurs d’ondes du jour. Cependant, d’ici là, il vaudrait mieux que les gens réduisent l’utilisation de leurs écrans en soirée. Non seulement cela améliorerait la qualité de leur sommeil (résultant en une meilleure santé, à moins de gain de poids, moins de stress et plus de résistance à la dépression saisonnière), mais cela leur donnerait aussi l'occasion de faire autre chose – partager en famille, avoir des conversations en face à face, développer un hobby, lire un livre-papier ou passer du temps seul à réfléchir. Achetez-vous un réveil vintage, fermez ce téléphone et laissez-le dans une autre pièce jusqu'au lendemain matin. Ça ne vous tuera pas; ça pourrait vous sauver!  

http://www.treehugger.com/health/your-iphone-prevents-you-getting-good-nights-sleep.html

24 février 2014

Moi le grand juge


Il y a une différence entre évaluer et juger.

L’évaluation nous permet de discerner ce qui est bon ou non pour nous. Il se peut que je n’aime pas les pamplemousses parce qu’ils me causent des problèmes gastriques. Ce qui ne signifie pas que ce fruit soit nocif pour d’autres.

Mais quand on critique ou qu’on juge, on condamne. Or la plupart du temps nous condamnons les gens de notre entourage sans procès, uniquement sur des apparences, ignorant les raisons profondes de leur attitude ou de leurs comportements. Mais, c’est si simple de juger, et je tombe encore dans le piège à l'occasion.  

À tort ou à raison
Par Gini Gentry

Détachez-vous de votre besoin d’avoir raison. Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas avoir raison, mais cessez simplement de compter les points.

Détachez-vous de votre besoin d'avoir tort. Scruter tous vos actes pour trouver vos «erreurs» sert de justification à l'autocritique. Le contraire d’avoir tort et le contraire d’avoir raison, c’est pareil – c’est simplement être.

Cessez d'essayer de vous rafistoler. Vous n'êtes pas cassé, vous n'avez pas besoin la réparation, et vous n'avez pas besoin de vous acharner. Il suffit de vous accepter tel que vous êtes.

Cessez de penser que votre système de croyances est la pierre angulaire de la réalité. Ce n'est pas le cas. Tout ce que vous pensez réel est basé sur une illusion. Riez, c'est plutôt drôle quand vous y pensez.

Détachez-vous de votre besoin de savoir. Le problème avec la connaissance c’est qu’elle ne fait rien. Quelle quantité de connaissances supplémentaires vous faudra-t-il avant de reconnaître votre magnificence? Vos choix vous distingueront, non pas vos connaissances. (Remarque : il n’y a pas d’exception pour les mauvais jours.)

Cessez de justifier vos actes. Pour sortir de la dualité «tort ou raison», vous devez à arrêter de défendre votre point de vue.

Arrêter blâmer les autres (y compris vous-même) pour la façon dont vous expérimentez le monde. Il n'y a pas de victimes, seulement des volontaires. Assumez la responsabilité de votre expérience de vie, d’où que provienne votre point de vue.

Défaites-vous de l'idée qu’il y a des humains mieux ou pire que d’autres. Si vous vous sentez mieux ou pire qu'un autre, vous êtes toujours sous l'influence du mythe de l'imperfection.

Faites la paix avec vous-même (et avec tout le monde). La paix n’est pas une chose qui va et vient; elle est toujours là. C'est vous qui allez et venez…

Aimez activement. La seule façon d'attirer l’amour est d’aimer. Vous n'avez pas besoin de courir après l'amour. Vous avez besoin d’aimer.

Pratiquez, pratiquez, pratiquez ce que vous voulez maîtriser. Si vous pratiquez l'acceptation, vous maîtriserez la paix.

Pensez avec votre coeur. Pour répondre à n’importe quelle question, demandez-vous simplement : «Qu’est-ce que l’amour ferait ici?» – et FAITES-LE!

Observez votre esprit. Vous pouvez changer en modifiant la façon dont vous percevez votre monde.

Ne vous identifiez pas à vos peurs. Vous n'êtes pas vos pensées ni vos émotions terrifiantes. La peur est tout simplement présente. Rien ne peut vous blesser si vous vous percevez comme aspect immortel du mystère divin.

Souvenez-vous de votre magnificence et vivez selon cette vérité. Il suffit de vous rappeler de ce droit de naissance et de laisser tomber tout le reste.

Une fois pour toutes, cessez de vous raconter des histoires. Si vos actes ne matchent pas avec ce que vous prétendez croire, vous ne leurrez que vous. Soyez intègres, authentiques.

P.S. N'attendez pas le bon moment pour suivre ces étapes. Le futur c’est toujours maintenant.

Source : InspireMeToday.com


Extrait de :
Cesser de juger les gens
(Letting Go of Judging People)  
Par Leo Babauta

Le jugement n'est pas mauvais en soi. C'est son symptôme sous-jacent qui est nuisible; je dis «nuisible» au lieu de «mauvais» parce que j’ai constaté qu'il causait des préjudices.

Quelles sont les raisons/situations qui font en sorte que je juge les autres? Voici quelques exemples :

- J’ignore presque tout de ce que la personne vit.
- Je ne comprends pas la situation.
- J'ai des attentes irréalistes vis-à-vis des gens.
- Je pense que je suis supérieur aux autres.
- Je ne suis pas reconnaissant.
- Je suis égocentré.
- Je ne suis pas intéressé, et plutôt fermé à tout apprentissage.
- Je ne peux pas vraiment aider si je suis dans le jugement.

Trucs pour laisser tomber le jugement

Premièrement, il faut prendre conscience qu’on est en train de juger et de causer du tort – à soi-même et aux autres. Mais, il y a des indices qui montrent qu’on est dans le jugement : on est en colère ou frustré, on exclue dédaigneusement l'autre, on récrimine,ou on commère. Il faut réaliser de ce qui se passe.

Si vous reconnaissez ces symptômes, arrêtez-vous et réfléchissez. Ne vous blâmez pas, mais investiguez votre attitude :

- Que jugez-vous?
- Vos attentes sont-elles réalistes ou non?
- Pouvez-vous essayer de deviner ce que l'autre vit réellement?
- Pouvez-vous en savoir plus? (Ce n'est pas toujours facile, mais parfois c’est possible)
- Que pourriez-vous apprécier chez cette personne?
- Pouvez-vous sortir de votre égocentrisme pour vous mettre dans la peau des autres?
- Essayez de vous rappeler si vous avez déjà vécu quelque chose de similaire?
- Ensuite, demandez-vous si vous pouvez aider : de quoi cette personne aurait-elle besoin?

Parfois, quelqu’un a besoin d’être écouté, de trouver un ami, ou une personne qui l’accepte sans jugement. Parfois quelqu’un a besoin de conseils, d’encouragement ou d’une simple accolade.

Mais vous ne pouvez pas aider tout en jugeant. C’est uniquement en laissant tomber le jugement qu’on peut accepter l’autre, lui démontrer de l’intérêt et de l’empathie, et par la suite l’aider concrètement. Et soit dit en passant, vous serez beaucoup plus heureux dans cette dynamique.

Source : http://zenhabits.net/archives/ 

23 février 2014

Notes de ciné

L'histoire se déroule au Nouveau-Brunswick.

Je ne fréquente plus les salles de cinéma à cause du volume sonore extrême; quand on a l’ouïe fine c’est insupportable. Si j’étais «complotiste», je croirais qu’on s’acharne à bousiller le système nerveux et l’audition des spectateurs.

Alors, je me rattrape en louant plusieurs films à la fois. Je suis en train de passer à travers le lot, à mon rythme et surtout en contrôle du volume...

Still mine (Jusqu’au bout) était sur ma liste depuis mai dernier. Bujold/Cromwell : superbe complicité entre deux grands acteurs. Émotions exprimées à la perfection, humour, lenteur (harmonisée à celle de l’âge…), et images d’une grande beauté. Oh que j’ai aimé!

Le scénario de Michael McGowan s’inspire d’une histoire vraie : Craig Morrison, un octogénaire est harcelé par des inspecteurs en bâtiment parce qu’il construit (de ses mains, sur sa propre terre) une maison supposément non conforme aux nouvelles lois en vigueur. Une petite maison qui facilitera la vie du couple puisque Irene (sa femme) glisse doucement dans la perte de mémoire cognitive.

Quelques commentaires de Geneviève Bujold (compilation non textuelle notée au fil des interviews) :

«Je suis fière de ce film. C’est beau, intelligent, et rempli de lumière. C’est une histoire d’amour entre deux vieilles personnes. Ça me touche. C’est comme si je n’étais pas dans le film et que je pouvais le regarder, et j’en suis émue … Ça me rejoint. Ce film, c’est l’amour. C’est ça l’amour!  
       Ce sont des fermiers. Ces gens-là travaillent très fort, ils sont tough. Ils s’aiment toujours après 60 ans de vie commune. Il y a cette complicité silencieuse entre eux, on se donne du coude. La mémoire d’Irene faiblit, elle est au début, et Craig veut la protéger, en prendre soin. L’amour triomphe. Dans la vraie vie, Craig Morrison a dû éventuellement placer Irene en foyer parce qu’il ne pouvait plus s’en occuper. Nous l’avons rencontré. Il avait cet œil pétillant. Malheureusement, il est mort dernièrement, à 92 ans, avant la sortie du film.
       J’ai voyagé au cœur du personnage Irene, il faut aller au cœur des personnages, quelle que soit la durée du tournage. J’ai passé cinq belles semaines avec elle. J’avais hâte de me lever à l’aube pour jouer. Un cadeau divin. Le scénario de McGowan était très clair; un minimum de mots, mais un langage qui transporte. J’ai suivi fidèlement le scénario et les directives de plateau. Ce n’était pas difficile.  
       Je connaissais James Cromwell à travers ses films, bien sûr. Il travaille beaucoup, mais je crois qu'il obtient rarement des rôles principaux. Je ne pouvais pas rêver d'un meilleur partenaire, non seulement à cause de ses qualités humaines, mais aussi parce qu'il est un acteur exceptionnel, sur qui on peut toujours compter. Professionnel jusqu'au bout des ongles. James et moi étions conscients qu'à nos âges, de beaux rôles comme ceux-là se font plus rares. Surtout dans un grand film d'amour. Parce que Still Mine, c'est d'abord ça : deux êtres qui, même après toutes ces années, sont encore très amoureux l'un de l'autre. James et moi sommes entrés là-dedans comme si on dansait une grande valse. Et avec un aussi bon partenaire, on peut danser toute une vie!»

Au sujet du vieillissement et de la mort :

«On se pose les mêmes questions. Plus on vieillit, plus on devient conscient et plus on se sent responsable. Je vis dans le moment. Je fais ce que mon cœur aime. Les choses s’enchaînent naturellement.
       Il serait à peu près temps qu’on s’intéresse à la vie des personnes âgées. C’est formidable d’avoir notre âge. Vraiment. C’pas juste des rides, des cheveux blancs et des douleurs. Quelque chose de merveilleux nous visite et reste avec nous. On a des expériences à partager. Les acteurs âgés ont plus à partager, et d’une façon plus consciente. On est meilleur… comme le vin. Les réalisateurs devraient penser aux vieux acteurs; faut pas en avoir peur. La vieillesse, c’est une étape dans une éternité. Il faut que ce soit beau, il faut s’aider, se stimuler, s’encourager.
       La mort… de toute façon, on se retrouve toujours seul avec son intériorité, si on a la chance d’en avoir une.»

«L’âge n’est qu’une abstraction, pas une camisole de force.»
~ Craig Morrison

Une autre actrice qui n’a pas succombé au botox défigurant ni à la chirurgie. Bravo!

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Quant à moi, ça me faisait réfléchir (encore une fois!) aux défis des «aidants naturels». Je suis certaine que la tâche est plus facile si le couple est soudé par un amour profond, comme dans cette histoire. Mais je crois que c’est peu commun.
       Que se passe-t-il quand l’aidant naturel n’éprouve plus de lien affectif envers le conjoint ou le membre de la famille? La tâche peut facilement devenir une corvée car tout le monde n’est pas doué d’abnégation innée. Et puis, qui peut prétendre avoir les compétences nécessaires pour composer avec la sénilité et la maladie d’Alzheimer? Or le système pousse pour que les malades restent le plus longtemps à domicile ou chez un parent.
       Parallèlement au cancer, on nous promet que la maladie d’Alzheimer frappera de plus en plus de gens de tous âges dans les années qui viennent. Charmante perspective.
       Nos animaux de compagnie ont les mêmes maladies que nous. Un biologiste affirmait que le cancer du foie est très répandu chez les ours bruns, et que le phénomène est connu depuis de nombreuses années. Que mangent les ours? Des fruits, des baies, du poisson. Ce qui tend à prouver que la toxicité de l’air, de l’eau et de la terre en général contribue certainement à la prolifération de tous nos maux, de la fièvre des foins à l’Alzheimer.

22 février 2014

«Selfisance»

Où doit-on s'arrêter? (Illustrateur : Poleurs)

Un jeune internaute se vantait d’avoir publié plus de 2000 selfies (autoportraits) sur son site. Narcissisme ou besoin viscéral d’affirmer son existence? Les humains ont toujours voulu s’immortaliser. Autrefois c’était réservé aux «grands» de ce monde (tableaux, effigies, etc.). Mais aujourd’hui, la photographie a démocratisé l’immortalité. En remplissant le web des moments prétendument mémorables de leur vie, d’instant en instant, les gens ont peut-être l’impression de faire reculer l’inévitable terminaison de leur chronologie photographique : la mort elle-même.

L’apparition de la photographie (en 1839) a modifié notre expérience de la réalité. Chronique de notre monde et de sa diversité, elle est devenue un média de masse durant la seconde moitié du XXe siècle. Si au départ elle satisfaisait notre curiosité, force nous est de constater qu’à l'ère numérique elle a largement changé notre dynamique psychosociale.
       «Notre besoin de confirmer et d’améliorer la réalité par la photographie s’est transformé en consumérisme esthétique auquel chacun est maintenant dépendant. (…) La photographie est un mécanisme de contrôle qu’on exerce sur le monde – sur notre propre réalité et la perception qu’en ont les autres. (…) La photographie recèle une violence inhérente. Comme la voiture, l’appareil photo se vend de la même manière qu’une arme. Les fabricants rassurent les clients en leur disant que prendre des photos ne requiert ni compétence ni expertise, que la machine sait tout, et qu’il suffit d’appuyer sur le bouton à volonté. C’est aussi simple que tourner une clé de contact ou actionner une gâchette. Comme les fusils et les voitures, les caméras sont des machines irrésistibles qui mènent invariablement à la dépendance.» ~ Susan Sontag (essai On Photography, 1977)

Vision prémonitoire. Il y a plus de trente ans, Sontag disait que la photographie était «un amusement, au même titre que le sexe et la danse». «À travers les photographies, chaque famille construit sa chronique – un kit portable d’images témoignant de sa vie.»

Le cercle familial a été remplacé par le réseau social. Aujourd’hui, dans une ultime tentative de se valoriser, d’idéaliser leur image et de s’inventer une vie excitante, les gens dévoilent les moindres gestes de leur intimité la plus intime au monde entier. Beaucoup de trash qu’on ne peut même pas esquiver quand on cherche d'anodines photos sur Internet.

«Mais comment ne pas voir dans cet ego trip planétaire le miroir d'une société gavée d'elle-même et oublieuse de toute forme de pudeur? (…) En mai dernier, le magazine Time a consacré sa Une à celle qu'il surnomme la ‘génération moi moi moi’, en référence à la ‘génération moi’ des baby-boomers. Les troubles de la personnalité narcissique sont trois fois plus élevés chez les jeunes de 20 ans que chez les plus de 65 ans, s'alarme, en préambule, l'hebdomadaire américain, citant une étude des National Institutes of Health.» (L’Express.fr, août 2013)

Quelque chose cloche avec ce compulsif besoin de d’exhibition, de valorisation, d’appréciation et d’approbation. 

Alors, si vous prenez beaucoup de selfies, rappelez-vous qu’aucune règle ne vous oblige à les publier sur Instagram, Facebook ou Twitter. Vous avez le contrôle : vous êtes le photographe, le sujet et le distributeur. Après tout, ça ne regarde que vous.

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Droit de regard
Jacques Prévert

Vous
je ne vous regarde pas
ma vie non plus ne vous regarde pas
J'aime ce que j'aime
et cela seul me regarde
et me voit
J'aime ceux que j'aime
je les regarde
ils m'en donnent droit.

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Tu te racontes
Esther Granek 

Tu te racontes sans le savoir
même quand tu poses et fais semblant.
Tes gestes sont comme le miroir
de tes pensées d’hier, de maintenant.

De toi tu n’arrêtes de parler
tout en ne cessant de te taire.
Tu es, malgré toi, livre ouvert
qui traduit ton langage codé.

Souvent rien qu’un tic te résume.
En lui s’abrite ton amertume
et dans chacun de tes mouvements
tu trahis tes rêves latents.

Pourtant tu te tiens sur tes gardes
et à personne ne te confies.
À quoi cela sert-il, ma fille ?
puisque tous tes secrets bavardent…

(Ballades et réflexions à ma façon, 1978)

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«Une relation humaine honorable – c'est-à-dire, une relation entre deux personnes qui ont le droit d'utiliser le mot «amour» – est un processus délicat, violent, souvent terrifiant pour les deux personnes impliquées; c’est un processus de raffinement des vérités qu’elles peuvent se dire l’une à l’autre.

C’est important de le faire car cela brisent les illusions sur soi et l'isolement.
C’est important de le faire car cela rend justice à notre propre complexité. 
C’est important car il y a très peu de gens capables de réelle franchise envers nous.

Je ne pense pas que nous puissions séparer l’amour de la dignité humaine...» 

~ Adrienne Rich
On Lies, Secrets, and Silence: Selected Prose 1966-1978

20 février 2014

Ici ou là-bas


En complément au message d’hier.

Si en 1939, après son séjour de deux ans en Europe, Gabrielle Roy était retournée enseigner à Saint-Boniface au lieu de rester au Québec, serait-elle devenue l’écrivaine extraordinaire que nous connaissons? Mystère.

Voici un extrait de son autobiographie où elle raconte ses hésitations devant un choix difficile, d’autant plus qu’elle est sans le sou : rester à Montréal ou reprendre le chemin de Saint-Boniface.

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Pour l’instant, je logeais dans la plus misérable petite chambre qui se puisse trouver en dehors des prisons. Elle était si étroite qu’entre le lit de fer et la commode de tôle grise, je ne parvenais à passer que de biais. La fenêtre donnait sur la cour arrière de la gare centrale d’autobus de Montréal alors située rue Dorchester. Des vingtaines d’autobus y étaient rangés, plusieurs ronronnant ensemble à l’étouffée et envoyant droit dans ma chambre des exhalaisons à m’étouffer. (…)
       Cette atmosphère d’errance, de Babel et de tournoiement insensé ne me déplaisait pourtant pas. Elle convenait à mon état d’âme et m’était certainement plus proche, plus amie que ne l’aurait été une de ces tranquilles petites rues où habitent depuis des années les mêmes gens d’allure paisible. Il semble que j’ai toujours eu au bon moment l’endroit qu’il me fallait.
       Deux lettres m’arrivèrent à la poste restante que je n’osai ouvrir en cours de route, préférant attendre d’avoir atteint le refuge de ma chambre, si fragile fût-il. L’une était de la Commission scolaire de Saint-Boniface, me rappelant qu’elle m’avait gardé mon poste sans solde pour une deuxième année d’absence mais ne pouvait me renouveler ce privilège. Je devrais donc réintégrer mon poste ou y renoncer. L’autre était de ma mère. Je me revois assise au bout du petit lit de fer, les feuilles sur mes genoux, lisant la pauvre lettre déchirante : «Mon enfant, te voilà donc de retour à Montréal, plus tellement loin maintenant de la maison. C’est-à-dire nous n’avons plus de maison. Mais avec les quelques sous que j’ai encore et ce que tu gagneras, nous nous ferons une assez bonne vie, tu verras, et je tâcherai, toi qui es indépendante et moi peut-être trop possessive, d’apprendre à te laisser vivre à ta guise… Je peux attendre ton retour bientôt, j’imagine…»
       Je levai les yeux sur le miroir de la petite commode toute proche et m’y vis un visage défiguré. Par le mauvais tain de la glace? Par ma propre émotion? Ah, ce nœud dans la gorge revenu comme au temps de notre pire pauvreté, de nos perpétuelles craintes et de tout ce courage dépensé en vain!
       Je me regardais et savais que l’heure était venue de prendre une décision irrévocable, bonne ou mauvaise, qu’il n’y avait plus à tergiverser.
       Je laissai sur la commode les feuillets couverts de cette écriture un peu défaite qui en elle-même m’a toujours dit mieux que tout combien maman, sous ses dehors stoïques, était une femme aux nerfs blessés et torturés.
       Je partis errer dans la ville. (…) Et ici, comme là-bas ou à Paris, je cherchais à capter, je suppose, dans la foule indifférente, un regard qui tout au moins s’arrêterait un moment sur moi. (…) D’où vient que je me suis toujours sentie moins solitaire parmi le peuple que dans les salons et les réceptions même lorsqu’y brillent à mon endroit des regards affectueux?
       J’allais, me demandant à chaque pas : Que faire? Que faire? La pauvre interrogation me martelait l’esprit comme l’avaient martelé le Chant du Destin et la lugubre cloche sur bouée de Liverpool. Que faire? Rester? M’en retourner?
       Ici je n’avais ni soutien, ni certitude d’emploi même le plus modeste, ni même une main amie pour se tendre vers moi à l’occasion. Mais saurais-je, maintenant que je connaissais mieux, vivre dans cet air français raréfié du Manitoba, dans son air raréfié tout court? Car si c’était déjà une sorte de malheur d’être né au Québec, de souche française, combien plus ce l’était, je le voyais maintenant, en dehors du Québec, dans nos petites colonies de l’Ouest canadien! Ici du moins, en marchant, toute solitaire comme je l’étais, j’avais sans cesse à droite et à gauche recueilli le son de voix parlant français avec un accent qui m’avait peut-être paru un peu lourd après de celui de Paris, mais c’étaient paroles, c’étaient expressions des miens, de ma mère, de ma grand-mère, et je m’en sentais réconfortée.
       J’atteignis je ne sais comment, sans en connaître le chemin, les bords du vieux canal Lachine. Je m’y arrêtée subjuguée. Des péniches glissaient lentement, écorchant de leurs flancs les vieux revêtements de bois. (…) Je rêvai ici des heures, je pense, sans savoir à quoi, comme abandonnée de mes propres pensées mais non pas pour autant désolée. La nuit était assez douce, je crois me le rappeler, loin du printemps miraculeux de Londres, mais contenant quelque bonté de notre printemps d’ici, avec un bruit d’eau qui courait le long des trottoirs et ça et là des flaques de neige molle… (…) Sans cesse ce quartier de Saint-Henri que je parcourais, sans même en connaître le nom, était ébranlé par le passage des trains. On entendait d’abord la grêle sonnerie qui en signalait l’arrivée à chaque croisée de rues sur le parcours des rails. Alors s’abaissaient les barrières de sûreté aux longs bras striés de noir et de blanc et s’allumaient les sémaphores. Puis les grands trains en direction de l’est et de l’ouest dévalaient en faisant trembler le sol, les vitres des maisons, quelque chose peut-être de l’âme humaine qui restait suspendu à ce bruit, à ce tressaillement après que le vacarme eut cessé.
       Tout de cette atmosphère de départ et de voyage que je trouvai dès ce soir-là à Montréal était bien de nature à me retenir, car longtemps elle constitua ma seule patrie, me consolant en quelque sorte de n’en avoir pas d’autre, me soufflant que nous ne sommes jamais que des errants et qu’il est mieux de ne rien posséder si l’on veut du moins bien voir le monde que nous traversons en passant.
       Ce quartier où, à peine un an plus tard, j’allais délibérément revenir écouter, observer, en pressentant qu’il me devenait le décor et un peu la matière d’un roman, me retenait déjà, ce soir d’avril, d’une curieuse façon que je ne peux encore m’expliquer. Car ses cris, ses appels de voyage, ses odeurs n’étaient pas seuls à me fasciner. Sa pauvreté m’émouvait. Sa poésie m’atteignait avec ses airs de guitare ou de musiquette un peu plaintive s’échappant de sous les portes closes et le son du vent errant dans les couloirs d’entrepôts. Je me sentais moins seule ici que dans la foule et les brillantes rues de la ville.
       (…) Je retrouvai, après m’être maintes fois égarée, ma petite rue Stanley. Installée sur mon lit, le dos au mur, mon papier sur mes genoux, j’écrivis d’abord à la Commission scolaire, disant ma gratitude pour le poste resté à ma disposition et auquel maintenant je renonçais. Ensuite j’écrivis à ma mère. Que lui ai-je dit? Sans doute d’être patiente, d’attendre mon retour encore un an ou deux, à elle qui allait avoir soixante-douze ans. Quand après sa mort, je reviendrais à Saint-Boniface et chercherais parmi les pauvres effets qui lui restaient – presque rien – des cartes de ses enfants, de petites photos, je ne trouverais pas cette première lettre que je lui avais écrite de Montréal et dans laquelle j’ai tant espéré avoir du moins trouvé des mots pour atténuer le coup que je lui portais. (…)
       Mes lettres écrites, je fis le compte de ce qui me restait d’argent : quinze dollars et quelques cents, le loyer de ma chambre acquitté pour une semaine. J’écrivis à deux de mes amies qui jadis m’avaient paru les plus sûres. Il m’en coûtait beaucoup d’emprunter. Je ne l’avais fait que très rarement et jamais sans les plus cruels scrupules. En réponse, je reçus de l’une une longue lettre toute pleine à mon endroit de louanges sur mon talent, mon courage, mon sens de l’initiative… et du regret de ne pouvoir me venir en aide, car, me précisait-elle, il lui avait fallu s’acheter un manteau de fourrure neuf, payer son abonnement au tennis, et vraiment il ne lui restait rien, rien!... Mon autre amie avait griffonné en hâte : «Hélas! je n’ai que cela à t’offrir mais c’est de bon cœur…» Sa lettre contenait trois billets de cinq dollars. Venue de la plus pauvre des deux, la somme me parut énorme. Je pensai pouvoir dès lors tenir quelques semaines et avoir le temps de voir venir. Mieux encore j’étais remontée moralement pas la confiance en moi de qui m’envoyait pour ainsi dire ses derniers sous.
       Conseillée par un journaliste de la Gazette pour qui j’avais une lettre de recommandation d’un de ses collègues en poste à Londres, j’entrepris la tournée de quelques hebdos et revues. (…)
       Je rentrai dans mon cagibi. Je m’installai sur le lit, le dos au mur, ma petite machine à écrire sur les genoux … J’étais saisie de terreur à la pensée qu’il n’y avait plus à reculer, que je devais désormais, pour gagner ma vie, plonger dans l’écriture, moi qui tout à coup percevais combien peu je savais encore m’y prendre.
       Je commençai par la narration sur le ton de l’anecdote de mes aventures en Angleterre et en France. Hé quoi! marquée comme je l’étais déjà par la douleur, ayant connu aussi l’enivrement, je ne savais tirer de moi que des banalités. Il me faudrait encore à peu près un an avant qu’au Bulletin des agriculteurs, qui allait me fournir l’occasion de traiter de sujets me rapprochant des faits, de la réalité, de l’observation serrée des choses, je commence à donner des reportages qui auraient enfin une certaine consistance. Et plus longtemps avant que, des rêveries nées ce soir d’avril au bord du vieux canal, j’en vienne, par étapes, à la grande tâche dont en l’apercevant je prendrais une bien plus terrible peur encore que j’en eus rue Stanley, en ce soir du commencement. Mais du moins alors je serais happée entière par le sujet, aidée et soutenue par tout ce que j’aurais acquis de ressources, de connaissances de l’humain et par la solidarité avec mon peuple retrouvé, tel que ma mère, dans mon enfance, me l’avait donné à connaître et à aimer.
       Pour aujourd’hui, je n’étais encore capable que de faibles récits où l’on aurait sans doute bien en vain cherché trace de la détresse et de l’enchantement qui m’habitaient depuis que je suis au monde et ne me quitteront vraisemblablement qu’avec la vie.
       L’oiseau pourtant, presque dès le nid, à ce que l’on dit, connaît déjà son chant.

La détresse et l’enchantement (autobiographie)
Gabrielle Roy 
Éditions Boréal Express

Note de l’éditeur : Cet ouvrage réunit les deux volets de l’autobiographie que Gabrielle Roy commença d’écrire vers 1976 et qui l’occupa pratiquement jusqu’à sa mort à l’été 1983. Il s’agit donc de sa toute dernière œuvre.

Gabrielle Roy en 1945,
année de publication de Bonheur d'occasion 
Photo : Annette et Basil Zarov,
Fonds Gabrielle-Roy, Bibliothèque et Archives Canada

19 février 2014

Ce désir de changer de cap


Qui n’a pas un jour souhaité faire table rase, partir (avec ou sans valise) et laisser sa petite vie propre et nette, programmée comme une carte d’ordinateur? Beaucoup de romans et films ont abordé ce thème, mais j’ai trouvé «Train de nuit pour Lisbonne» (d’après le roman de Pascal Mercier*) différent et plus captivant.

L’homme dans un livre dans un roman dans un film : un professeur d’université Bernois tombe par hasard sur un ouvrage intitulé Um Ourives Das Palavras (L’orfèvre des mots) écrit par Amadeu Inacio De Almeida Prado – médecin, poète, passionné de littérature et opposant au régime dictatorial de Salazar. Raimund Gregorius (le prof) est subjugué par la vision de la vie et la quête d’authenticité de l’écrivain, et sur un coup de tête, il part au Portugal afin de suivre ses traces. (Pour plus de contenu, il faut lire le roman de Mercier.) 

En qualité, ça me rappelait le très beau film «Tout ce que tu possèdes» (au sujet de l’écrivain Edward Stachura) du cinéaste Bernard Émond.  


Notes (du film) :

S’il est vrai que nous ne pouvons vivre qu’une petite partie de ce qui est en nous, qu’advient-il du reste? (Amadeu)

Nous vivons ici et maintenant; ce qui était avant et dans d’autres lieux est du passé pour la plus grande partie oublié. Que pouvait-on? Que devait-on faire de tout le temps qui s’étendait maintenant devant nous, ouvert et sans forme, léger comme une plume dans sa liberté et lourd comme du plomb dans son incertitude? (Amadeu)

S’agit-il du souhait, le souhait semblable à un rêve pathétique d’en être encore à ce point-là de ma vie et de pouvoir prendre une direction toute différente de celle qui a fait de moi celui que je suis maintenant? (Amadeu)

Nous laissons quelque chose de nous quand nous quittons un lieu. Nous y restons bien que nous en partions et il y a des choses en nous que nous ne pouvons retrouver qu’en y retournant. (Amadeu)

Nous partons vers nous-mêmes quand la monotone trépidation des roues nous porte vers un lieu où notre vie a fait un bout de son chemin, aussi court fut-il. Mais en partant vers nous-mêmes, nous devons affronter notre propre solitude. Et s’il est vrai que tous nos actes sont en grande partie déterminés par la peur de la solitude, est-ce pour cela que nous renonçons à toutes les choses que nous regretterons à la fin de notre vie? (Amadeu)

Est-il finalement question de l’image qu’on a de soi, de l’idée déterminante de ce que l’on devrait avoir accompli et vécu, pour que cela devienne une vie dont on pourrait être satisfait? Si c’est le cas, la peur de la mort pourrait être décrite comme la peur de ne pas pouvoir être celui qu’on s’était donné pour but de devenir. (Amadeu)

Il s’est détourné de moi; c’était comme si je n’étais rien. (Adriana)

Si Jésus avait été mis à mort par décapitation, aujourd’hui nous prierions tous devant un beau et grand couperet; s’il avait été électrocuté, nous ferions la génuflexion devant une chaise. (Raimund)

Notre imagination est notre ultime sanctuaire. L’intimité est notre dernier sanctuaire. (Amadeu)

Dans notre jeunesse, nous vivons comme si nous étions immortels. La connaissance de notre caractère mortel flotte autour de nous comme un sec ruban de papier qui touche à peine notre peau. Quand est-ce que cela change dans la vie? Quand le ruban commence-t-il à nous enserrer plus étroitement jusqu’à ce qu’à la fin il nous étrangle? (Amadeu)

Épitaphe du poète : Quand la dictature est un fait, la révolution est un devoir.

(Raimund et Mariana)
– Leur vie était si intense (…) ils se sentaient vivants.
– Mais ils ont dû se séparer…
– J’ai laissé passer ma vie, excepté ces derniers jours, ici.
– Et aujourd’hui vous rentrez pour reprendre le même chemin…
– …
– Vous pourriez peut-être rester?
– Pardon…?   
– Vous pourriez peut-être rester?


* Peter Bieri (de son vrai nom) : philosophe et romancier suisse.


La liberté, un métier
À la découverte de sa volonté propre
Peter Bieri
Éditeur Libella-Maren Sell Editions

La liberté a ses conditions

Comment appréhender la liberté? En sortant d’abord de deux impasses : pour Peter Bieri, ni le déterminisme ni l’acte libre – ni la chaîne des événements, ni l’arbitraire de ma décision –, ne permettent d’en rendre compte. Le déterminisme enferme l’individu dans une logique d’actions fixées par des conditions antérieures conduisant à une seule voie possible, déjà tracée. Il est trop étroit, inflexible. Quant à l’acte libre, inconditionnel, il laisse au contraire trop de place à l’aléatoire et déconnecte l’action de l’histoire de la vie de celui qui agit. L’auteur prône une pensée de la «conditionnalité» : la liberté s’exerce à certaines conditions. Et ces conditions sont toujours multiples. On devient l’auteur de ses actes justement parce qu’on aurait pu faire autrement : «Aucune ligne ne nous est tracée d’avance. Bien au contraire, ce qui constitue notre liberté, c’est que nous puissions aller dans des directions complètement différentes. La ligne de notre agir offre quantité de ramifications possibles.»

Imaginer

Mais alors comment choisir entre ces différentes possibilités? Face à cette multiplicité de routes, l’imagination joue un rôle majeur. Telle est l’originalité de la thèse de Peter Bieri, qui prône une vision créative et dynamique de la liberté. C’est l’imagination qui me permet de me projeter dans le futur et d’inventer ma liberté propre. «De tout ce que je peux m’imaginer devenir, qu’est-ce que je veux être, en fin de compte, sachant que je ne peux pas tout être?» se demande l’auteur. Peter Bieri propose une approche où s’articulent différents impératifs : n’être ni dupe ni sous contrôle, comprendre sa propre volonté au filtre de ses expériences passées et de la morale. Ce travail, seul, permet de tracer une ligne mentale sans compromis. La libre volonté s’impose alors comme un exigeant «métier».

Source :
http://www.philomag.com/les-livres/fiche-de-lecture/la-liberte-un-metier-a-la-decouverte-de-sa-volonte-propre-2044

18 février 2014

Êtes-vous patient?

Image : MAGNUS

Le pouvoir de la patience
Par Sharon Salzberg

Si nous sommes plus calmes et davantage présents à ce qui se passe, un monde de perceptions s’ouvre à nous, là où nous sommes, non pas là où nous aimerions être un de ces jours. «Personne ne voit vraiment une fleur; elle est si petite», dit l’artiste Georgia O’Keeffe. «Nous n’avons pas de temps, et voir prend du temps, tout comme se faire un ami prend du temps.» Si nous apprenions à prendre le temps, à être plus attentif, là où nous sommes, nous pourrions voir de nouvelles fleurs et avoir plus d’amis.

La patience, cette vertu démodée, peut nous aider à tenir à nos valeurs sans tirer de conclusions hâtives, ni nous sentir automatiquement vaincus, ni perdre de vue ce que la vie peut nous apporter de bon aujourd’hui. La patience est généralement mal perçue. Être patient ne veut pas dire pactiser avec le démon du déni, ou ignorer ses émotions et ses aspirations. Cela signifie accepter pleinement que les choses évoluent à leur propre rythme – au lieu de tirer sur nos carottes, de déchirer le bourgeon d’une fleur ou de demander à une chenille de se dépêcher à devenir un papillon. 

La vraie patience ne grince pas des dents en se disant : «Je vais endurer encore un peu. Je sais que ce sera bientôt fini et que quelque chose de mieux se présentera.» La patience n’est ni intransigeante ni triste. La patience est une force stable qu’on peut appliquer à chacune de nos expériences. Si une situation requiert une action, il faut agir, bien sûr, car la patience n’est pas synonyme d’inertie ou de complaisance. Néanmoins, elle nous donne le courage de nous dévouer à long terme, ainsi que la volonté d’examiner les vérités multiples reliées à la situation du moment.

Si nous ne sommes pas naturellement enclins à la patience, sommes-nous condamnés à crier après nos enfants et nos parents séniles, à fracasser sur le plancher les pièces de notre ordinateur éventré, ou à morigéner contre nous-mêmes à chaque fois que nous ne sommes pas à la hauteur de nos attentes? Ou, pouvons-nous privilégier une façon différente de réagir?

À chaque fois que nous sommes en attente – d’un retour d’appel, d’une confirmation de rendez-vous chez le médecin ou d’excuses de la part d’un ami qui nous a blessé – rappelons-nous que nous sommes en vie, maintenant. Nous pouvons choisir d’utiliser ce moment pour être plus attentifs, pour grandir et nous ouvrir.

Prenons le temps de respirer à chaque fois que nous voulons accélérer le cours des événements, croyant que si nous poussons très fort nous y parviendrons. Quelle que soit notre vision de ce que devrait être notre futur, ce qui importe c’est ce que nous devons faire aujourd'hui. Et quand nous sommes furieux et impatients parce que nos compagnons sont plus lents, qu’un email est arrivé trop tard, qu’on nous ignore, que nous n’arrivons pas à nous concentrer, que nous ne trouvons pas nos mots, ou qu’une des innombrables contrariétés du quotidien surgit, choisissons plutôt de nous concentrer sur ce qui va bien maintenant. Puis, si nous travaillons à redresser ce qui va mal, en ne laissant pas la belligérance, l'agitation et la frustration nous dépouiller de notre «maintenant», notre monde pourra évoluer plus harmonieusement, supporté par la force tranquille et bienveillante de la patience. 

Source : www.awakin.org

COMMENTAIRE
 
En réalité, c'est toujours le besoin de tout contrôler qui se cache derrière l'impatience.

Disons aussi que si patience et détermination se transforment en vain acharnement il vaut mieux abandonner :
«Laisser tomber ne fait pas de vous un lâcheur, un perdant ou un raté, mais plutôt un sage qui ne s’accroche pas à ce qui refuse d’être retenu. Voilà pourquoi je vous dis : laisser aller fait mal, mais s’accrocher à ce qui n'est plus là, fait encore plus mal.»
~ Nomthandazo Tsembeni


17 février 2014

À nous de jouer


Extraits/adaptation de : 
Want World Peace? Start with Inner Peace
InspireMeToday.com 

(…) La guerre est l'expression d'une idée sauvegardée dans la conscience de la race. Les humains ont toujours (semble-t-il) cru à la mort, à la peur, à l'insécurité, à la violence et au pillage. Voilà pourquoi il y a des guerres. Si beaucoup d’individus partout dans le monde nourrissent leur conscience de guerre, alors il y a de la guerre.

Collectivement, nous contribuons tous à définir la conscience humaine en exprimant nos points de vue. Chacun a son input, bon ou mauvais, sur la manière dont la conscience évolue. À tous égards, la conscience collective est la somme de toutes nos projections individuelles. De sorte que si une majorité d’humains pense d’une certaine façon, cela se traduit en comportements et en actions équivalents; et ces énergies deviennent très puissantes. Lorsque nous sommes plusieurs à nous concentrer intensément sur des idées, celles-ci peuvent s’enraciner fermement dans la conscience collective. Et chaque individu est responsable de ses projections.

L’agressivité verbale et le dénigrement sur Internet ou dans les magazines à potins, la circulation d’opinions négatives, les railleries et l’argumentation incessante chargent la conscience collective de cette violence. Nous continuerons à recycler cette énergie négative tant que nous ne serons pas prêts à nous en libérer individuellement.

Pour que la paix fasse son chemin dans la conscience de masse, il faut commencer par la cultiver dans notre propre conscience. Soyez un artisan de la paix. Pensez «paix» et manifestez-la dans vos relations, vos paroles et vos écrits, à la maison et au travail. Commencez par de petites choses. Faites la paix avec ceux qui vous irritent ou qui ont des propos négatifs. Essayez de pardonner. Appelez votre mère. Passez par-dessus les défauts que vous voyez chez les autres. Privilégiez les interactions pacifiques avec les gens. Abstenez-vous de sortir de vos gonds et évitez les doigts d’honneur quand on vous coupe sur l'autoroute… Il est possible de vivre les choses simples du quotidien avec plus d'humour et de joie.

Cultivez la paix et l'amour. Voyez le divin en tout et en tous, quelles que soient les apparences. Synchronisez-vous à un niveau supérieur d’idées. Soyez la paix, ne vous contentez pas d’en parler.

16 février 2014

Voir «Slochi» et…

Je regarde parfois des fragments de JO. Difficile de skier dans la sloche d'une station balnéaire, et facile de se twister les genoux parce que les skis bloquent (même avec un fartage adéquat).

Étrangement, certains athlètes olympiques se sentent coupables (vis-à-vis leur pays) de ne pas remporter de médailles…! Mais il est vrai que les JO n’ont jamais perdu leur forte connotation patriotique/politique.

Ambition et acharnement à tous crins jusqu’à l’affaissement total s’il le fautthe show must go on. Dans un sens, c'est presqu'aussi grave que l'autodestruction par calage d'alcool. 

À l’émission Samedi et rien d’autre (Ici Radio Canada Première) on parlait justement des dangers reliés au non respect des limites du corps :
    Se ruiner le corps pour une médaille d'or Les Jeux olympiques sont le théâtre des exploits les plus prestigieux, mais également des blessures les plus graves. Michel Portmann, ancien entraîneur et professeur au Département de kinanthropologie de l'UQAM, porte un regard critique sur la condition physique de nos grands athlètes olympiques.
    De futurs handicapés Michel Portmann fait clairement la distinction entre la pratique d'un sport pour le plaisir et l'entraînement de haut niveau qui pousse le corps aux limites de ses capacités. Malgré un suivi médical serré lors des entraînements, rien ne garantit que la mécanique puisse résister à la pression d'un entraînement trop intense. Plusieurs grands athlètes terminent leur carrière avec de graves problèmes de dos, d'articulations, d'arthrite, sans compter le remplacement de certaines parties du corps et des problèmes de dopage.

Portmann disait aussi que les acrobaties et prouesses ridicules de certaines disciplines (patin courte piste, ski acrobatique par exemple) font des JO un spectacle de cirque plutôt qu’une compétition sportive.

Petit conte taoïste :  

Épuiser les Chevaux

Dong Yeji était un écuyer remarquable. Un jour, il fit une démonstration de ses talents au Duc Zhuang.

Il fit une centaine de tours de piste avec les chevaux du Duc.
- Les chevaux de Dong Yeji vont avoir des problèmes, dit Tchouang Tseu.
Troublé, Yan He remarqua :
- Croyez-vous?
Dong Yeji accouru en disant :
- Les chevaux se sont écroulés.
Yan He demanda à Tchouang Tseu :
- Comment le saviez-vous?
- L’énergie des chevaux est limitée. Ils étaient épuisés, mais il continuait à les pousser. C’est ainsi que j’ai su qu’ils risquaient de mourir.

Moralité :
Les actions délibérées provoquent souvent une grande perte d’énergie et conduisent à l’échec. Il en résulte l’épuisement extrême et l’autodestruction.

Source :
Tchouang Tseu 2, La musique de la vie  
Tsai Chih Chung  
Philo Bédé, Carthame Éditions

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Sometimes the only way you can win is to stay out of the game.
~ Ashleigh Brilliant

Parfois quand on gagne on perd; parfois quand on perd on gagne.
(Film Au-delà de nos rêves – What Dreams May Come)

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On dit souvent qu’on apprécie vraiment ce qu’on a seulement quand on le perd (la santé entre autres!). Un auteur (dont j’oublie le nom) disait : «En réalité nous apprécions ce que nous avons, mais le problème c’est que nous croyons que ce sera là pour toujours. Mais il n’en est rien.» Il nous invitait donc à apprécier et à prendre soin de tout ce que nous avons, en tout temps. Ainsi, quand des circonstances hors de notre contrôle les feront disparaître de notre vie, il sera plus facile de lâcher prise car nous n’aurons pas le sentiment que c’est dû à notre manque d’appréciation.

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Tout ce que nous faisons pour nous magnifier devient cela même qui nous diminue.

Un esprit sans surveillance est un sol fertile pour l’autodestruction. Les efforts sont toujours récompensés par une lucidité accrue. Les énergies gaspillées sont des occasions ratées.

Nous essayons toujours de construire un moi qui ne disparaîtra pas à partir d’éléments qui descendent le cours du temps, sans comprendre que rien de ce que l’on bâtit dans le temps n’est éternel.

La seule souffrance psychologique qui existe dans cette existence physique est causée par le fait que nous confondons ce qui est temporaire avec ce qui est permanent.

Tous nos chagrins ou souffrances découlent du fait que nous croyons à tort posséder un pouvoir ou un bien.

Pour découvrir les vrais pouvoirs dont vous avez besoin pour tenir la barre de votre vie, vous devez d’abord comprendre les faux pouvoirs qui la régissent actuellement.

Tous les changements secrets que vous voulez apporter à ce que vous êtes perpétuent ce que vous êtes.

Vous ne changerez pas tant que vous ne comprendrez pas que vous vivez dans un monde qui est, en général, inconcevablement plus grand dans son invisibilité que dans sa visibilité.

C’est la principale préoccupation de la pensée que de convoiter ce qui se trouve tout juste hors de sa portée ou d’être insatisfaite de ce qu’elle possède, de sorte qu’une fois son désir assouvi, elle doit convoiter quelque chose de «nouveau».

Pour comprendre comment sortir du cercle de l’ego, vous devez voir ce cercle dans sa totalité; lorsque vous l’aurez vu en entier, vous comprendrez qu’il ne possède rien de bénéfique à ce que vous êtes ou voulez vraiment.

~ Guy Finley
Prier pour lâcher prise

Si nous pouvions pénétrer la réalité éternelle de notre être, nous trouverions dans chaque situation la seule solution qui soit tout à fait appropriée à notre propre vérité.
~ Maurice Nicoll