Vous aimerez peut-être : L’art de refuser
Cela dit, je me réjouis pour ceux qui adorent la
période des fêtes. Si les récompenses valent les efforts, pourquoi se priver?
Toutefois je compatis avec ceux qui détestent, non
pas les congés, mais l’odieuse machine à fric, les déplacements dans les
bouchons de circulation, les files d’attente dans les épiceries, les partys de
famille et de bureau «obligés», le magasinage, et toutes les formes possibles de
pollution – visuelle (partout), sonore (dans les rues, les boutiques et les
épiceries) et olfactive (parfums synthétiques et chandelles potpourri). L’orgie
donne la migraine, la nausée. Même si, par
choix, on ne participe pas, on subit la dictature de l’industrie.
La fête
du plastique commence au début de novembre et s’étend jusqu’à la mi-janvier. Les
fêtes créent des millions de tonnes de déchets qui prendront le chemin de la
poubelle ou du bac de recyclage : arbres de Noël, décorations, babioles, emballages,
guirlandes en aluminium, jeux de lumières, cadeaux, jouets défectueux ou
toxiques, jeux électroniques obsolètes, etc.
Create
memories, not garbage. (Metro Vancouver)
C’est aussi
la saison du gaspillage alimentaire. L’abattage de porcs, de dindes et de
poulets prend des proportions hors du commun. Que dire de la quantité de bouteilles
de vin et d’alcool souvent non recyclées?
C’est vraiment fou.
Le défouloir londonien
Le Rudolph's Christmas Rage Room proposait un exercice de défoulement consistant à fracasser des accessoires et des décorations de Noël à l’aide d’une batte de baseball dans une pièce réservée à cette fin; les participants pouvaient choisir une irritante chanson-velcro de Noël pour accompagner la session. L’organisatrice disait : «Nous savons tous que Noël peut être une période stressante pour beaucoup de gens. C'est pourquoi nous avons voulu leur donner un moyen imaginatif de libérer leurs tensions avant les fêtes. C’est l’ultime expérience de catharsis pour gérer le stress causé par les vacances de Noël.» Certains experts craignaient que cela normalise la violence et l'agressivité. À mon avis, c’est plutôt une alternative au passage à l’acte dans les rues ou chez un voisin comme dans les cas de road rage...
J’aurais
aimé aplatir une grosse face en plastique embossé de Santa Coca, fracasser
quelques hideuses boules de Noël et plusieurs CD du «Minuit Chrétien». Mais
bon, puisque l’expérience mène à plus de déchets dans les dépotoirs, il vaut
mieux s’abstenir.
La ville de Yiwu (province chinoise de Zhejiang) est
en réalité un marché colossal d’objets non durables, un véritable monument
érigé à la surconsommation globale, à la pollution et à l’esclavage.
Les ouvriers travaillent 10 heures par jour, 7/7; c’est Noël 12 mois par année. Ce marché fournit 60 % de toutes les décorations de Noël vendues en Europe, aux États-Unis et en Amérique du sud. La chaine de fabrication requiert quantité de matières toxiques à la fois pour la main-d’oeuvre et les acheteurs : plastique (PVC), polystyrène, métal, aluminium, colorants et peintures, ignifugeants, etc. Les manufactures fabriquent les mêmes babioles inutiles année après année pour répondre à la demande des grands fournisseurs, comme Wal-Mart par exemple.
Les ouvriers travaillent 10 heures par jour, 7/7; c’est Noël 12 mois par année. Ce marché fournit 60 % de toutes les décorations de Noël vendues en Europe, aux États-Unis et en Amérique du sud. La chaine de fabrication requiert quantité de matières toxiques à la fois pour la main-d’oeuvre et les acheteurs : plastique (PVC), polystyrène, métal, aluminium, colorants et peintures, ignifugeants, etc. Les manufactures fabriquent les mêmes babioles inutiles année après année pour répondre à la demande des grands fournisseurs, comme Wal-Mart par exemple.
Source :
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Hors piste
J’entre en hibernation en excellente
compagnie. Ce qui me donnera du temps pour m’adonner à un plaisir coupable : lire Correspondance 1944-1959, Albert Camus et Maria
Casarès (Gallimard, 2017). Je dis coupable
en pensant au sentiment d’intrusion éprouvé en lisant les lettres d’amour de
mes parents. Je suppose que c’est naturel, mais l’intérêt l’emporte car les
échanges épistolaires révèlent tant de choses sur les personnalités, ainsi que les
sentiments profonds, les émotions, les espoirs et les déceptions liées aux
relations intimes.
Avant internet, pour écrire il fallait s’asseoir,
réfléchir et prendre le temps de choisir les mots qui traduiraient le mieux ce
qu’on ressentait. La lettre était toujours adressée au bon destinataire, et
puis, on attendait avec impatience une réponse par la poste. Il aurait été
impensable d’établir une correspondance amoureuse authentique avec une douzaine
de personnes (et plus) simultanément, comme on le fait par courriel de nos
jours.
À notre époque, les gens s’écrivent à la mitrailleuse,
sans penser ni peser leurs mots. Clic, et c’est parti – si vous vous êtes
trompé de destinataire, eh bien, tant pis. À l’heure du flirt électronique, les
amours arobase naissent et meurent à haute vitesse. Plusieurs internautes
voient ces interactions comme un jeu de séduction pouvant ajouter du piquant au
quotidien. Néanmoins, il est préférable d’être conscient, de part et d’autre, qu’il
s’agit d’un jeu.
Dans son avant-propos, Catherine Camus a écrit :
[...]
Cette correspondance, ininterrompue pendant douze
ans, montre bien le caractère d’évidence irrésistible de leur amour :
‘Nous
nous sommes rencontrés, nous nous sommes reconnus, nous nous sommes abandonnés
l’un à l’autre, nous avons réussi un amour brûlant de cristal pur, te rends-tu
compte de notre bonheur et de ce qui nous a été donné?’
Maria Casarès, 4 juin 1950.
‘Également
lucides, également avertis, capables de tout comprendre donc de tout surmonter,
assez forts pour vivre sans illusions, et liés l’un à l’autre, par les liens de
la terre, ceux de l’intelligence, du cœur et de la chair, rien ne peut, je le
sais, nous surprendre, ni nous séparer.’
Albert Camus, 23 février 1950.
En janvier 1960, la mort les sépare, mais ils
auront vécu douze ans « transparents l’un pour l’autre », solidaires,
passionnés, éloignés très souvent, vivant pleinement, ensemble, chaque jour,
chaque heure dans une vérité que peu d’êtres auraient la force de supporter.
[...]
Merci à eux. Leurs lettres font que la terre est
plus vaste, l’espace plus lumineux, l’air plus léger simplement parce qu’ils
ont existé.
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