28 août 2018

Déboulonner des statues ou non

«Et ces myriades de statues qui peuplaient tous les entre-colonnements de la nef et du choeur, à genoux, en pied, équestres, hommes, femmes, enfants, rois, évêques, gendarmes, en pierre, en marbre, en or, en argent, en cuivre, en cire même, qui les a brutalement balayées? Ce n'est pas le temps.» ~ Victor Hugo (Notre-Dame de Paris)

«L’histoire enseigne comment il faut falsifier.» ~ Stanislaw Jerzy Lec

Auteur de ce chef-d’œuvre pictural : Ricardo. Cueilli sur le site d’un journaliste américain vivant en Espagne https://twitter.com/David_Seaton 

Certaines personnalités historiques connaissent la disgrâce en ce moment au Canada. Voilà ce que disait l’historien Frédéric Bastien à Gravel le matin au sujet de Macdonald et Amherst :
«Des groupes militants sont responsables d’une certaine diabolisation de l’histoire du Canada. Ces groupes veulent criminaliser les personnages du passé, pour stimuler la honte et la culpabilité, pour faire passer [une ligne] diversitaire. On prend une figure, on la sort de son contexte et on lui applique des critères du 21e siècle pour la diaboliser. John A. Macdonald n’a pas été célébré pour ce qu’il a fait contre les Indiens. Ce n’est pas la raison pour laquelle on se souvient de lui. Il est un des Pères de la Confédération, et c’est pour ça qu’on voit autant son nom. Quant à Amherst, il a une rue à son nom parce qu’il est le fondateur du Montréal anglophone, non pas parce qu’il a voulu distribuer des couvertures infectées à la variole aux Amérindiens.»

C’est un point de vue. Aucune raison valable de rendre hommage à des génocidaires colonialistes. Si j’étais autochtone, je ne voudrais pas voir la face de l’initiateur des pensionnats autochtones. 

Photo : Jacques Grenier / Le Devoir. À Montréal, en 2010, la statue de John A. Macdonald avait été descendue de son socle, mais c’était alors pour effacer les outrages du temps et des vandales.

Bye-bye Johnny! Photo: Megan Thomas / CBC. A statue of Sir John A. Macdonald was wrapped in foam and strapped to a flat-bed truck on Saturday morning to be placed in storage. City council voted to remove the statue as a gesture of reconciliation. Les conservateurs de l’Ontario veulent récupérer cette statue. Pf!

Que voulez-vous, les individus admirent des traits de personnalité s’accordant avec leur propre système idéologique. Qui déterminera le mérite ou le démérite? En vertu de quelles valeurs? Certains valorisent la violence et la guerre, d’autres préfèrent la bienveillance et la paix. «En enfer le Diable est un personnage positif.» (Stanislaw Jerzy Lec)

L’idéal serait de rassembler dans un musée d’histoire, doté d’un grand parc, les statues, monuments et autres objets commémoratifs déjà existants. Le guide du Musée devrait inclure des mises à jour historiques basées sur des faits réels maintenant reconnus.

Et, à l’avenir, il vaudrait mieux éviter de mettre des humains aussi ordinaires que vous et moi (malgré leur célébrité ou leur succès) sur des piédestaux dont ils tomberont peut-être un jour si l’on découvre des faits peu reluisants de leur vie personnelle et publique. Cela inclut les célébrités du milieu artistique, politique, religieux, et même autochtone. Pas de  statues, ainsi la prochaine génération n'aura pas besoin de les déboulonner dans 10 ou 20 ans.  

Cela dit, ne faisons pas en sorte que les artistes (sculpteurs, peintres, etc.) crèvent de faim. Je propose donc la création d’œuvres d’art rendant hommage aux espèces animales disparues depuis les trente dernières années ou en voie d’extinction, des grands mammifères aux insectes (pas taxidermisés, bien sûr!) en guise d'aide-mémoire. Pour ce qui est de la toponymie, oiseaux, fleurs et plantes seraient une source d’inspiration intarissable. Considérant la rapidité avec laquelle le vivant disparait, les artistes ne manqueraient pas de boulot.

Choix cornélien : John McCain vient de mourir et on le louange de tous bords et tous côtés – le Sénat érigera-t-il une statue à sa mémoire? À suivre...

Retenez vos applaudissements, la campagne de 2008 de John McCain a ouvert la voie à Donald Trump

Mehdi Hasan | The Intercept | August 27, 2018

Quelle belle complicité... Photo: Darren Hauck / Getty Images. Sen. John McCain, R-Ariz., and former Alaska Gov. Sarah Palin attend a campaign rally at Pima County Fairgrounds, March 26, 2010, in Tucson, Ariz.

Et si John McCain n'avait pas été candidat à la présidence en 2008?

Donald Trump ne serait peut-être pas à la Maison Blanche aujourd'hui.

À première vue, cela peut sembler bizarre. Le sénateur républicain de six mandats, qui est décédé samedi, a été reconnu comme un franc adversaire du président, tandis que Trump lui-même méprisait McCain et avait déclaré que l'ancien prisonnier du Viêt-Cong n’était «pas un héros de guerre».

Mccain a aussi été considéré, par la droite comme par la gauche, comme un modèle de civilité politique, d'intégrité et de décence; un républicain non raciste; l'anti-Trump. Bernie Sanders l'a appelé «un homme de décence et d'honneur»; Alexandria Ocasio-Cortez l'a louangé comme «un exemple sans précédent de décence humaine».  

Rien n'est plus faux. Même si vous ne tenez pas compte du fait que McCain a déjà traité sa femme de «salope» en public. Ou qu'il a qualifié deux de ses collègues sénateurs républicains de «connards» et de «trous-de-cul». Ou qu'il se moquait de Chelsea Clinton, alors adolescente, disant qu’elle était «laide». Ou qu'il a refusé de s'excuser pour avoir traité ses ravisseurs vietnamiens d’«idiots». Ou qu'il a traité les manifestants anti-guerre de «racaille».

Ignorez tout cela et il vous restera l’incitation à la haine et au racisme – en précurseur de Trump durant sa campagne présidentielle en 2008 contre le premier candidat démocrate noir à la Maison Blanche. Comment le vitriol et les diffamations d'il y a dix ans ont-ils été si facilement oubliés par ses panégyristes? Relégués avec tant de désinvolte au trou de mémoire des médias?

Souvenez-vous que McCain a présenté la détestable Palin au monde en août 2008, quand il l'a soustraite de l'obscurité de l'Alaska et fait d'elle sa colistière. Ce faisant, il accorda du prestige, de l'influence et de la crédibilité à une démagogue ignorante et à une théoricienne de la conspiration; une femme qui prospérait sur le ressentiment racial et culturel, et qui allait devenir plus tard une figure de proue du Tea party et du “birther movement” [ndlr : contestation de la citoyenneté américaine d’Obama]. C’est familier? «Palin, écrivait Dana Milbank du Washington Post en 2016, est politiquement, la mère de Trump.»

Article intégral en anglais :

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