Photographe : John Phillips
Mis à part les personnes en phase terminale, ou
qui bénéficient de l’aide médicale à mourir, ou qui choisissent de se suicider,
peu de gens connaissent leur date d’expiration. On peut être victime d’un
accident de la route, avoir une crise cardiaque, s’endormir le soir et ne pas
se réveiller le matin.
Personne ne soupçonnait que les tours du WWC
allaient s’écrouler le 11 septembre 2001. Oui, c’était un événement terrifiant
et tragique. Mais, au Moyen-Orient, les populations civiles sont toujours sur le qui-vive
car elles savent que des drones peuvent frapper à tout moment. Ce qui faisait
dire à un civil syrien : «Recevoir des bombes fait partie de la vie
quotidienne, c’est comme se faire frapper par une voiture.» Il ne voulait surtout
pas banaliser, mais plutôt rendre compte de la fréquence des bombardements.
Lettre de Teresa à son conjoint Joseph Mathai décédé lors de l'attentat.
Date inconnue
Mon cher Joseph,
En ce mardi matin fatidique, je revenais à la
maison après avoir déposé les enfants à l’école. La radio nous a informés qu’un
avion s’était écrasé sur le World Trade Center. J’étais inquiète pour toi, je
savais que tu étais à une conférence à New York : tout allait être plus
chaotique encore. Je voulais t’appeler pour te prévenir, mais je ne voulais pas
te déranger au milieu de ta conférence. Quand je suis arrivée à la maison et
que j’ai allumé la télévision, j’ai décidé de t’appeler malgré tout et j’ai
réussi à te joindre sur ton portable à 9h11 précises. Mon appel est le seul
auquel tu as pu répondre ce matin-là.
Tu m’as dit que ta conférence se déroulait chez
«Windows on the World» au 107ème étage de la tour Nord et qu’un avion venait de
s’écraser sur le bâtiment. Je ne voulais pas t’inquiéter en te disant qu’un
deuxième avion avait frappé la tour Sud, juste après le premier. En silence,
nous avons tous les deux réalisé qu’il s’agissait de quelque chose de bien plus
grave qu’un malheureux accident d’avion. Tu m’as dit qu’il y avait de la fumée
blanche partout, que ça devenait difficile de respirer, et qu’on annonçait des
plans d’évacuation via les haut-parleurs. Je t’ai dit d’appeler ton bureau pour
leur dire que tu étais en sécurité et qu’on se reparlerait ensuite. À ce
moment-là, il y a eu une lourde pause dans la conversation. Je me suis rendue
compte que tu voulais me dire que tu m’aimais mais tu hésitais. Tu as toujours
été l’homme fort de la famille. Tu ne voulais pas que je pense que tu avais
peur de mourir, que tu n’étais pas sûr de t’en sortir; tu ne voulais pas
m’inquiéter.
Je t’ai dit que je prierais pour ta sécurité. Je
voulais te dire que je t’aimais, mais je me suis mordu les lèvres. Je ne
voulais pas que tu penses que c’était la dernière fois qu’on se parlait, que
c’était notre dernière chance de se dire au revoir, que c’étaient nos derniers
mots.
Dès que j’ai posé le téléphone, j’ai changé
d’avis. J’ai essayé de te rappeler mais le réseau était saturé. J’ai essayé
encore et encore... Mais je tombais toujours sur ta messagerie. Je n’arrêtais
pas d’appuyer sur bis... Puis, paralysée par l’horreur, j’ai regardé la tour
Nord exploser et s’effondrer comme quelque chose d’irréel sorti d’un film
catastrophe.
Ce jour-là, je n’ai pas eu la chance de te dire
que je t’aimais. Nous t’aimons tous! Nous n’avons pas eu la chance de te dire
au revoir. Des années plus tard, tu nous manques toujours, nous t’aimerons
toujours, même si ces mots n’ont pas été exprimés en ce jour funeste.
Depuis j’ai évoqué ce moment avec les enfants, qui
sont maintenant de jeunes adultes. Je leur ai dit : «La vie est précieuse et la
vie peut être courte. Si vous aimez quelqu’un, si vous appréciez quelqu’un,
prenez le temps de lui dire ce qu’il signifie pour vous. Plusieurs fois par
jour, si c’est nécessaire.» Et c’est ce que nous faisons encore aujourd’hui.
Avec tout notre amour... Jusqu’à ce qu’on se
rencontre à nouveau... De l’autre côté de l’arc-en-ciel.
À toi,
Teresa.
Source : https://www.deslettres.fr/
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