28 avril 2015

De rouge et de jaune

Tableau : Zhu Yi Yong, Red Star

Made in China-Québec

Il est de plus en plus évident que le Québec a été vendu à divers méga investisseurs étrangers, incluant les Chinois. Probablement depuis un bon moment. Comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là? Mystère et boule de riz. Sortons nos baguettes.
   Ainsi, après le Cirque du Soleil, bientôt un méga sino-market, sur la Rive-Sud, destiné à devenir une plateforme internationale pour les riches investisseurs chinois. Rien de moins. La colonisation n’est même plus subtile.

-------
En ce moment, je lis Les barbares d’Alessandro Baricco – un must... 

«... [l’essai] Les barbares a beaucoup fait discuter, il y a eu de nombreuses polémiques. À l’évidence, il traitait d’un sujet qui intéressait tout le monde et dont il était urgent de débattre : l’impression que notre planète était victime d’une sorte d’apocalypse culturelle, d’une spectaculaire plongée dans une barbarie nouvelle. Face à un tel phénomène, le trouble, voire la terreur, était tel qu’il m’a fallu un certain temps pour faire comprendre que mon livre n’était pas une critique des barbares : patiemment, j’ai souvent dû expliquer que je l’avais écrit pour tenter de comprendre les barbares, au cas où ils aient en fait raison, eux.» (Préface à l’édition française, mai 2014; p. 9-10)

«Ils arrivent de partout, les barbares. Ce qui nous trouble un peu, si bien que nous avons du mal à réunir les pièces du puzzle, à constituer une image cohérente de l’invasion dans sa totalité. On se met à parler des grandes librairies, des fast-foods, de la téléréalité, de la politique à la télévision, des jeunes qui ne lisent pas et d’autres choses de cet ordre, mais ce que nous n’arrivons pas à faire, c’est regarder d’en haut et reconnaître le dessin que les innombrables villages saccagés tracent à la surface du monde. Nous voyons les saccages, mais nous ne voyons pas l’invasion. Et nous ne parvenons donc pas à la comprendre. 
   Croyez-moi, c’est d’en haut qu’il faudrait regarder. 
   C’est d’en haut que, peut-être, on peut reconnaître la mutation génétique, c’est-à-dire les mouvements que nous observons. Je vais essayer de le faire en isolant certaines opérations qui me semblent communes à bon nombre des actes barbares auxquels nous assistons depuis quelque temps. Des opérations qui suggèrent une logique précise, bien que difficile à comprendre, et une stratégie claire, bien qu’inédite. Je voudrais étudier ces saccages, moins pour expliquer comment c’est arrivé, que pour y déchiffrer la manière de penser des barbares. Et je voudrais étudier les mutants avec leurs branchies afin de voir se refléter en eux l’eau dont ils rêvent et qu’ils recherchent. 
   Partons d’une impression assez répandue, peut-être superficielle, mais légitime : loin d’agoniser, beaucoup de gestes qui ont fait partie pendant des années des habitudes élevées de l’humanité se multiplient aujourd’hui avec une vitalité surprenante. Le problème est que, dans cette régénérescence fertile, ils semblent perdre le trait le plus profond qui les caractérisait, la richesse à laquelle ils étaient arrivés dans le passé, et peut-être même leur plus intime raison d’être. Comme s’ils vivaient indépendamment de leur sens; celui qu’ils avaient, et bien défini, Mais qui semble être devenu inutile. Une perte de sens. 
   Ils n’ont pas d’âme, les mutants. Et les barbares n’en ont pas non plus. C’est ce qu’on dit. C’est ce qu’affirme le shérif de Cornac McCarthy en pensant à son tueur : ‘Quoi dire à un type qui de son propre aveu n’a pas d’âme?’ 
   Pourquoi ne pas étudier la question de plus près? ...nous ne sommes pas face à des gestes essentiels de notre civilisation. Mais c’est précisément ce qui me plaît : étudier les barbares à travers leur saccage des villages périphériques, pas à travers leur assaut contre la capitale. Il est possible que là où la bataille est plus simple, circonscrite, il soit plus facile de saisir la stratégie de l’invasion et les gestes fondateurs de la mutation.»
(p. 39-41)

«Dans les mots d’ordre des barbares résonne le doux diktat de l’Empire.» (p. 53)

«... ce qui se produit là, c’est aussi qu’une certaine masse de gens envahit un territoire auquel, jusqu’à présent, elle n’avait pas droit. Et, quand ces gens s’y installent, ils ne se contentent pas des derniers rangs; souvent, même ils changent le programme et passent le film qui leur plaît.» (p. 54-55)

«... Comprenez comment ils se battent et vous comprendrez peut-être qui ils sont.» (p. 55)

«... la commercialisation poussée, comme effet de l’instinct qui tend à occuper tout le marché possible, n’est pas une condition suffisante pour justifier le massacre de la qualité. Elle ne l’a jamais été. Donc, si nous continuons à sentir un air d’apocalypse et d’invasion barbare, nous devons plutôt nous demander ce qui l’a réellement engendré, et nous interdire la réponse facile qui consiste à dire que tout est la faute d’une mafia d’affairistes. Au fond, la question correcte à se poser est peut-être celle-ci : quel type de qualité est produit par le marché que nous voyons aujourd’hui à l’œuvre? Quelle idée de qualité ont imposée les barbares de la dernière vague...?» (p. 85)

LES BARBARES
Alessandro Baricco
ESSAI SUR LA MUTATION
Gallimard, 2014

Extrait du résumé : Que peut notre culture face aux assauts du monde actuel? ... Le village de la culture est-il mis à sac par les barbares? se demande Baricco. Oui, mais son but n’est pas de juger. Il s’agit au contraire de comprendre qui sont ces barbares et plus encore comment ils procèdent, quels sont leur logique, leur mode de fonctionnement, les dégâts qu’ils ont causés et les leçons qu’on peut en tirer. [...]

Aucun commentaire:

Publier un commentaire