21 avril 2015

L’histoire ne se répète pas, elle continue

Autre temps, autres protagonistes, mêmes religions, et même arrière-plan : luttes pour l’appropriation du pouvoir et des richesses ou pour la liberté, la coopération et l’harmonie. 

Lors du Sac de Béziers en 1209, les légats, craignant que les soldats hésitent à égorger pêle-mêle les catholiques avec les Cathares, auraient dit : «Tuez-les tous, Dieu saura bien reconnaître les siens!» Bien sûr les historiens catholiques ont contesté cette exhortation, l’attribuant à des protestants ou à des libres-penseurs de mauvaise foi plus soucieux de leur passion que de la probité historique : «La vérité, c’est que si le vicomte de Béziers, protecteur avéré des Cathares, ne s’était point obstiné follement dans sa résistance, la croisade eût pu se terminer là, sans effusion de sang, par le seul effet de l’intimidation des rebelles et par la répression des hérétiques anarchistes, sous l’action normale des tribunaux.» 
   Il est difficile d’assigner une date précise à la fondation de l’Inquisition. «À la mort d’Innocent III, l’organisme judiciaire que mit sur pied Grégoire IX était déjà ébauché. L’Inquisition n’a pas été arbitrairement conçue ni imposée par l’ambition de l’Église; mais elle était l’aboutissement normal et naturel et presque nécessaire des forces en action au XIIIe siècle. Au milieu de ces efforts confus et irréguliers pour supprimer l’hérésie, il était naturel que le Saint-Siège intervînt et cherchât à établir un système uniforme en vue de l’accomplissement de cette grande tâche. On a seulement lieu de s’étonner qu’il ait tellement tardé à le faire et qu’il l’ait fait d’abord si timidement.» (H. Ch. Lea in L’Inquisition, Les Temps, Les Causes, Les Faits, par Mgr M. Landrieux, évêque de Dijon; P. Lethielleux, Libraire-Éditeur, 1929) 
   Le bon Mgr conclut à la fin de son ouvrage : «Si les catholiques n’ont pas à être fiers de l’Inquisition, parce que l’acuité du mal n’empêche pas de déplorer la rigueur du traitement, ils n’ont pas davantage à en rougir, car le masque hideux dont on l’a affublée est usé. L’Histoire ne ratifie pas ces jugements passionnés de la rancune, et, tous les jours, la révision se fait, par la force des choses, au bénéfice de l’Église.»

Hallucinant!


Donc, plus de huit cents ans après l’Inquisition, et treize ans après sa parution en 2002, The Treasure of Montségur est d’une actualité poignante : croyants contre croyants, croyants contre apostats...

Résumé 

Le roman se déroule en France au début du XIIIe siècle durant l'Inquisition catholique, une période de terreur et de génocide durant laquelle voisins et amis vivaient dans la peur constante d'être déclarés hérétiques. L’héroïne Jeanne de Béziers n’est qu’un bébé lorsqu’on la trouve après un massacre mené par l'Église catholique; elle est alors adoptée par des Cathares, une secte chrétienne dont les infractions contre le catholicisme incluaient la traduction de la Bible en dialecte, le refus de payer la dîme à l'Église et le rejet de l'autorité du pape.
   Jeanne et sa meilleure amie Baiona passent leur enfance sous la tutelle de Lady Esclarmonde, une cathare qui enseigne que «Dieu se trouve dans le silence, la tranquillité et la prière». Baiona est un modèle de jeune femme cathare, Jeanne est une rêveuse passionnée – qui aimerait même se lancer dans le vide et... «voler». 
   À l'âge adulte, Jeanne tombe amoureuse de William, un homme qui milite pour la liberté. Il la trahit en épousant Baiona parce qu’elle est plus riche. Mais il revient bientôt dans les bras de Jeanne. Ils se retrouvent tous les trois piégés dans la forteresse de Montségur lors du siège. Jeanne s'échappe dans l’espoir de sauver le trésor cathare. Elle découvre éventuellement que son destin sera de le perpétuer.

Point de vue de l’auteur Sophy Burnham 

De tous mes romans, c’est mon préféré. Il a pris vie dans ce sentiment d'horreur que j’ai éprouvé en voyant éclater une nouvelle guerre sectaire, religion contre religion, tout cela au nom d’un Dieu d'amour et de paix. Ma question était la suivante : comment trouve-t-on espoir et courage au milieu du véritable désespoir?
   J'ai choisi la période historique de1200-1250, alors que l'Église catholique livrait une guerre féroce de ‘chrétiens contre chrétiens’, de ‘catholiques contre hérétiques’. C'est une histoire que tous les écoliers français connaissent mais que la plupart des Américains ignorent. L'Inquisition voulut au cours de cette période éradiquer l'église de l'amour, les amis de Dieu; et c’est seulement après avoir exterminé trois millions de chrétiens protestants, que l'Inquisition tourna son attention vers les Juifs et autres dissidents.
   Mon histoire – basée sur des faits historiques – commence en 1244, lorsque 220 Parfaits ou Purs (les perfecti, hommes et femmes) furent piégés dans la forteresse de Montségur, dans le sud-ouest de la France. Quand il fut évident qu'ils ne pourraient pas tenir bon contre l'armée française, quelques Cathares traversèrent les lignes ennemies avec leur trésor («pecuniam infinitam», aux dires de l'Inquisition) et l’enterrèrent. Dans la nuit précédant la capitulation, où 220 hérétiques seraient brûlés sur le bûcher, trois parfaits descendirent des falaises et s’échappèrent afin de poursuivre l’œuvre de l'église de l'amour. C’est là que le roman débute, avec mon héroïne Jeanne, leur guide. Jeanne perd de vue les trois parfaits et part à leur recherche. Les Inquisiteurs la recherche, et tout le monde est à la recherche du trésor. 
   Une histoire d'amour physique et spirituelle, d'horreurs terrestres, et de recherche de Dieu.

Mon commentaire favori est venu d'une femme musulmane originaire d’Arabie Saoudite. Elle n'a pas révélé son nom. Elle disait n’avoir jamais lu sur d'autres religions auparavant. Mais, se disant profondément touchée par The Treasure of Montségur, elle avait décidé d'en apprendre plus sur le christianisme et le judaïsme.

Croire en Dieu ou en une source de guidance parce que quelqu'un vous le dit est le comble de la stupidité. On nous donne des sens pour recevoir notre information à l'intérieur. Avec nos propres yeux, nous voyons, et avec notre propre peau nous ressentons. Avec notre propre intelligence, nous sommes supposés comprendre. Mais, chaque personne doit résoudre le puzzle par elle-même.

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Selon le point d’observation, les humains peuvent ressembler aux lilliputiens de J. Swift ou encore aux mouches de Shakespeare à la merci des dieux.


Dans un monde de perception différent, l’auteur observe l’observatrice :

Maintenant, elle pouvait mieux regarder la manière dont ils vivaient; ce qui la faisait rire encore plus. Or cette fois, elle nota à quel point ils lui étaient chers. Ils erraient partout, des hordes courant dans les rues entre les structures. Et c’était hilarant de les voir vivre à l'intérieur de structures sombres, avec de petits trous pour laisser passer l’air et la lumière auxquels ils essayaient d’échapper. Cette absurdité la saisit. Mais tout à propos de ces êtres là était attachant : leur préoccupation autour de problèmes qui n'étaient pas du tout des problèmes. C’est ainsi qu’ils passaient leur temps à courir partout, à discuter de ragots sans importance et à se fâcher ou s’impatienter les uns contre les autres, ou à être jaloux ou blessés, ou temporairement soucieux des autres, avant que leur attention de courte durée ne soit balayée par la prochaine émotion ou préoccupation. Elle ressentit une bouffée d'amour envers eux : comme ils lui étaient chers, comme ils étaient touchants dans leur incapacité de distinguer ce qui est réel. Pleins d’appétits et de bonnes intentions – et ces dernières tournaient mal parce qu'ils n’arrivaient pas à se concentrer longtemps sur quoi que ce soit, mais ils aimaient (ils appréciaient vraiment!) la sensation que procurent la peur et le deuil. 
   Comme elle aimait ces êtres! (...) Sa tâche consistait à les aider, à la condition qu’ils le demandent. Elle ne pouvait pas intervenir, par exemple, s’ils se battaient ou commençaient une guerre, puisque c'était ce qu'ils voulaient. Alors elle se contentait d’attendre joyeusement et d’observer leurs futiles va-et-vient; sans arrêt, ils sortaient et retournaient dans leurs trous. (...) «Les chers!» s'écria-t-elle, soudain envahie par un sentiment d’amour et de sollicitude. 

~ Sophy Burnham (A Book of Angels; Ballantine, 1990) 

Citaquote du jour 

- Un jour, quand nous aurons maîtrisé l’espace, les vents, les marées et la pesanteur, nous maîtriserons l'énergie de l'amour. Et ce jour-là, pour la seconde fois de l’histoire du monde, nous aurons découvert le feu.

- Exercez-vous à voir large, net et simple, et allez tout droit, paisiblement, sans vous inquiéter de ce qui se dit.

- Depuis quand nos désirs seraient-ils devenus la mesure du réel? Et du reste comment ferait le réel pour se plier à la multiplicité contradictoire de nos désirs?

- La terre est ronde pour que l'amitié en fasse le tour.

~ Pierre Teilhard de Chardin

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