18 novembre 2013

Amour ou strangulation mutuelle?


"Il viendra à Atlanta quand il aura sa permission, et toi tu es là à l’attendre, exactement comme une araignée." (Gone With The Wind)  

Les deux pieds sur terre en amour  
Martha Beck

Chacune des déclarations suivantes est à l'opposé de ce que la plupart des Américains pensent de l’engagement amoureux. Mais ces engagements sont aussi essentiels que non conventionnels. Votre relation sera susceptible de durer à la seule condition que vous et votre partenaire puissiez honnêtement vous les dire mutuellement.

1. Je peux vivre sans toi, pas de problème.
«Je ne peux pas vivre sans toi», pleurniche le chanteur. Ça semble tragiquement profond de dire que la perte de l’affection de votre partenaire vous rendrait la vie insupportable – mais avez-vous jamais été en relation avec quelqu'un dont la survie semblait réellement dépendre de votre amour? Quelqu'un qui attendait que vous lui rendiez la vie supportable, qui menaçait de se suicider si jamais vous rompiez? Ou vous êtes-vous retrouvé de ce côté de l'équation, ayant besoin de votre partenaire comme on a besoin d’oxygène? L'émotion qui alimente ce genre de relation n'est pas de l'amour; c’est du désespoir. Ça peut sembler romantique au début, mais avec le temps les partenaires échouent invariablement à répondre aux besoins de l'un ou de l'autre.
       La déclaration «Je ne peux pas survivre sans toi» ne reflète pas l’attraction adulte mais l’enfance, la phase où nous serions morts si nos parents n'avaient pas veillé sur nous, constamment en train d’anticiper nos besoins. Le besoin d’être totalement pris en charge signifie habituellement que nous sommes au milieu d'une régression psychologique, que nous nous sentons comme des nourrissons abandonnés qui ont besoin de leurs parents maintenant, maintenant, maintenant! Si c'est ce que vous ressentez, ne vous lancez pas dans une relation amoureuse. Commencez plutôt une psychothérapie. On vous apprendra que la seule personne responsable de vos besoins et capable d’y répondre, c’est vous. Le syndrome «Je ne peux pas vivre sans toi» se termine lorsque nous apprenons à prendre soin de nous-mêmes tendrement et attentivement comme le fait une maman. À ce stade-là, nous sommes prêts à établir des relations stables, durables qui pourraient durer une vie entière. «Je peux vivre sans toi» ouvre la voie à l'amour vrai.

2. Mon amour pour toi va certainement changer.
La plupart des humains éprouvent une aversion innée envers le changement. Une fois que nous avons atteint un certain niveau de confort ou de stabilité, nous voulons tout fixer pour éviter la possibilité d’une perte. C’est compréhensible, et conséquemment, la promesse «mon amour pour toi ne changera jamais» est bon vendeur, c’est «hot». Malheureusement, c'est une autre promesse qui risque plus de faire échouer une relation que de l’amener à bon port.
       La raison en est que tout le monde – et tout le monde – est en constante évolution. On prend de l'âge, on grandit, on apprend, on tombe malade, on se rétablit, on gagne du poids, on perd du poids, on trouve de nouveaux intérêts et on laisse tombe les anciens. Et quand deux personnes sont constamment en évolution, leur relation doit être fluide pour survivre. Plusieurs personnes craignent que si leur amour est libre de changer, il disparaîtra. Le contraire est vrai. Un amour autorisé à s'adapter aux nouvelles circonstances est pratiquement indestructible. L’engouement d’origine s’atténue pour faire place au compagnonnage tranquille, et ainsi, nous pouvons découvrir de nouvelles choses à aimer chez l’un et l’autre. Durant les épreuves ou la maladie, le sentiment d'obligation peut sembler plus fort que l’attraction – jusqu'au jour où nous réalisons que ces périodes de trouble nous on soudés profondément, plus que jamais. Comme le cours d’eau, l'amour qui change trouve son chemin à travers les obstacles. Congeler l’amour et il sera fragile, rigide et encore plus susceptible de se fracasser.

3. Tu n’es pas tout ce dont j'ai besoin.
Je suis une grande fan de la monogamie sexuelle, mais je suis intriguée par les amoureux qui prétendent que leur partenaire est la seule personne dont ils ont besoin ou que le temps qu’ils passent ensemble est la seule activité qui puisse les combler émotionnellement. Les humains sont conçus pour vivre en groupes, explorer des idées et constamment acquérir de nouvelles compétences. Compter sur une seule personne pour combler ces besoins c’est comme croire qu’en mangeant uniquement de la crème glacée nous absorberons la gamme complète des vitamines. Lorsqu'un couple estime que «chacun doit combler tous les besoins de l’autre», l’effort pour «être tout pour l’autre» sera épuisant, et ni l’un ni l’autre ne pourra se développer pleinement en tant qu'individu.
       Je suis stupéfaite de voir comme mes clients se sentent souvent menacés lorsque le partenaire s’adonne à des passions d'enfance ou à de nouveaux hobbies. J'encourage les gens à amener leurs partenaires craintifs à une session pour discuter de leurs peurs. L’appréhension des partenaires se traduit généralement ainsi : «Comment se fait-il que tu as besoin de consacrer trois heures par semaine au tennis (ou au jardinage ou à la peinture)?  Tu veux dire que je ne suffis pas à te rendre heureux?» La réponse la plus saine à pareille remarque est : «C’est ça, notre relation ne suffit pas à me rendre complètement heureux – et si je prétendais que c’est le cas, je brimerais mon âme et j’empoisonnerais mon amour envers toi. As-tu déjà pensé à ce que tu aimerais faire de ton côté?» Sacrifier tous nos besoins individuels ne renforce une relation. S’aider mutuellement à s’épanouir y contribue.

4. Je ne te tiendrai pas toujours collé contre moi.
La ligne est fine entre une déclaration amoureuse comme «Je t'aime tellement, que je veux partager ma vie avec toi jusqu'à ce que la mort nous sépare» et l’hymne lunatique «Je t'aime tellement que si tu essayes de me quitter, je vais te tuer». Les gens qui disent de telles choses aiment les autres comme les araignées aiment les mouches; ils aiment capturer, enrober et immobiliser leurs proies dans la toile et s’en nourrir dans les moments creux. Ce n'est pas le genre d'amour que vous voulez.
       Différencier l’amour-araignée de l’amour vrai est assez simple. D’une part, possessivité et exploitation impliquant le contrôle de l’être aimé, et d’autre part, amour véritable laissant la liberté à l’être aimé de faire ses propres choix. Comment on utilise le mot faire est également une astuce. Quand vous dites : «Il me fait me sentir…» ou «Il m'a fait faire…», vous jouez à la victime, à la mouche piégée. Encore plus révélatrices sont les phrases comme : «Je vais lui faire voir qu'il a tort» ou «Je vais dissimuler ce que je pense vraiment parce que ça le mettra en colère». À ce moment-là, vous n'êtes pas une victime mais une araignée rusée qui camoufle et utilise la manipulation pour contrôler les sentiments et les gestes de l’autre. L'une ou l'autre de ces stratégies signifie que quelqu'un se tient trop près, enveloppé dans la soie de l'araignée.
       Sortir de ces situations collantes est simple : dites la vérité, toute la vérité, et rien d’autre que la vérité. Commencez par assumer vos propres choix – y compris le choix d'avoir obéi à l'homme araignée (ou femme araignée) qui vous a peut-être asservi. Puis, communiquez vos véritables sentiments, vos besoins et vos désirs à votre partenaire, sans forcer pour obtenir la réaction que vous voulez. Si votre relation ne peut pas prospérer dans la claire lumière de l'honnêteté, il est préférable d'en sortir que de sombrer plus profond dans la manipulation et le contrôle.

5. Toi et moi nous ne sommes pas un.
Vous n'êtes peut-être pas une araignée ni une mouche, mais plutôt un caméléon qui se métamorphose pour s’harmoniser à la personne aimée. Ou vous fréquentez peut-être des caméléons, choisissant des partenaires qui se conformeront à votre personnalité. Quoiqu'il en soit, vous n'êtes pas dans une relation saine. En fait, vous n'êtes pas du tout dans une relation.
       J’avais l’habitude de tellement m’ajuster aux désirs et aux besoins de mes proches, que je ne connaissais même pas les miens, littéralement. Éventuellement, le déni de soi se transforma en ressentiment et empoisonna plusieurs de mes relations intimes. Ensuite – chat échaudé craint l’eau froide – j’ai donné brièvement dans l'extrême opposé. Je me suis retrouvée dans beaucoup de déjeuners peu brillants avec des gens qui buvaient la moindre de mes paroles et approuvaient tout ce que je disais. Je peux être narcissique, mais je ne suis pas Narcisse; se tenir avec des miroirs grossissants humains, même si ça peut être flatteur, nous isole.
       Si vous vivez l’utopique «nous sommes un», il est grand temps de découvrir que l’amour à deux est formidable. Suivez votre cœur, allez dans la direction où votre partenaire n’irait jamais. Osez explorer vos différences. Acceptez de ne pas être d'accord. Si vous avez l’habitude de vous effacer, cela vous permettra de voir que vous pouvez être aimé tel que vous êtes. Si vous avez tendance à dominer, vous découvrirez comme il est intéressant d'aimer une personne réelle plutôt qu'un miroir humain.

Bouddha disait que si nous reconnaissons toujours l'océan à son goût de sel, nous reconnaissons toujours l’illumination à son goût de liberté. Il n'y a pas de différence essentielle entre le véritable amour et l’illumination. Alors que plusieurs personnes voient l'engagement comme un piège, en réalité celui-ci, dans ses versions saines, libère à la fois les deux amoureux, fait ressortir la saveur de leur vrai moi, et construit un amour satisfaisant, durable et absolument délicieux.

Ouvrage :
Finding Your Own North Star (Crown) and Expecting Adam; Berkeley  

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