30 novembre 2013

Enfin paré!



Toute la journée,
j'ai porté un chapeau
Qui n'était pas sur ma tête 

[All day long,
wearing a hat
That wasn't on my head]

~ Jack Kerouac

Itinéraire dans l’errance
Jack Kerouac et le haïku
De Bertrand Agostini et Christiane Pajotin
Éditions Paroles d’aube

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désolation hivernale
je traverse un hameau
un chien aboie

[fuyuzareno
komurawo ikeba
inuboeyuru]

Shiki : Le mangeur de kaki qui aime les haïku
Poèmes traduits du japonais par CHENG Wing fun et Hervé COLLET
Calligraphie de CHENG Wing fun
Éditions Moundarren

http://www.leonicat.fr/haiku/haiku.htm

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Étoiles

matin de givre -
quelques étoiles restent prisonnières
du pare-brise

~ Yamasemi

Manteau d’Étoiles – L’Haïku de Richard
http://www.manteaudetoiles.net/archive/2013-11/

29 novembre 2013

S’entraîner à la compassion

Photographe : Mark Nixon, "Much Loved" series

Résultat d'une étude clinique menée par Helen Weng, diplômée en psychologie
[Extrait]

Cette recherche intéressante réalisée à l’université Wisconsin Madison conclut que le cerveau peut être entraîné à ressentir de la compassion envers autrui de la même façon qu’il développe n’importe quelle autre aptitude.

Jusqu'à présent, on connaissait (scientifiquement) peu de chose sur la capacité humaine de cultiver la compassion. Il s'agit de la première recherche visant à déterminer si l’entraînement à la compassion pouvait modifier les systèmes neuronaux raccordés au comportement altruiste.

«La question fondamentale était : «Peut-on enseigner la compassion aux adultes, sont-ils capables de l’apprendre? Pouvons-nous devenir plus altruistes si nous développons la compassion? Nos recherches pointent vers un oui», déclare Helen Weng.

Les chercheurs ont entraîné de jeunes adultes à pratiquer la «méditation de compassion», une ancienne technique bouddhiste qui a pour effet d’augmenter le sentiment de compassion envers les gens qui souffrent. Dans cette méditation, les participants pensent pour un moment à quelqu'un qui souffre, puis s’imaginent en train de lui souhaiter un soulagement. Pour faciliter leur concentration sur la compassion ils répétaient des phrases comme : «Puisses-tu être libéré de ta souffrance; puisses-tu éprouver joie et bien-être».

Les participants ont pratiqué avec différentes catégories de personnes, en commençant par un être cher; quelqu'un envers qui ils pouvaient facilement éprouver de la compassion – un ami ou un membre de la famille. Ensuite, ils ont pratiqué la compassion envers eux-mêmes, puis, envers un étranger. Enfin, ils ont pratiqué la compassion envers quelqu'un avec qui ils étaient en conflit, une «personne difficile» comme un collègue ou un colocataire qui les irritait.

«C'est comme s’entraîner à lever des poids» dit Weng. Avec cette approche systématique, nous avons constaté que les gens peuvent effectivement développer leur ‘muscle’ de la compassion et réagir aux souffrances d’autrui avec indulgence et un désir d'aider.»

La compassion, comme les compétences physiques et académiques, ne semble pas statique; elle peut être renforcée par l’entraînement et la pratique. «Le fait qu’une modification des fonctions cérébrales aient été observée après seulement sept heures de training est remarquable», explique le psychiatre Richard J. Davidson de l’université Wisconsin Madison, fondateur et président du Center for Investigating Healthy Minds. «Il y a de nombreuses applications possibles pour ce type d’entraînement, dit Davidson. L’entraînement à la compassion et à la bonté dans les écoles pourraient aider les enfants à être à l'écoute de leurs propres émotions et de celles des autres, ce qui pourrait diminuer l'intimidation. Cet entraînement pourrait également bénéficier aux personnes souffrant de phobie sociale ou ayant un comportement antisocial.»  

28 novembre 2013

Hiver : suite, mais pas la fin…

Artiste : René Richard; 1895 (Suisse) – 1982 (Canada) 
1. Trappeurs, 1955

L’hiver, quand il fait soleil, c’est quand même beau. Et puis, il semble que la meilleure thérapie pour ceux qui souffrent de dépression saisonnière reste la lumière naturelle. «Je n'ai jamais vu un skieur assidu qui souffre de dépression hivernale», dit le Dr Iskandar, un spécialiste de ce type de dépression. La combinaison soleil/neige est assurément une source de lumière particulièrement intense…

(Activité physiologique de la lumière : Par son inhibition de la sécrétion de mélatonine, la lumière permet un réveil amélioré et une meilleure vigilance. Elle régule l'horloge biologique et améliore la synchronisation des rythmes biologiques : ce qui entraînera une meilleure forme et une meilleure énergie vitale. Elle stimule les régions de la base du cerveau et augmente le niveau de sérotonine (neurotransmetteur) qui a un effet antidépresseur et régulateur de l'appétit. Source : Wiki) 

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Trente ans en juillet dernier que l’écrivaine manitobaine était décédée. Je ne me lasse pas de la relire. Parmi mes ouvrages préférés : «Alexandre Chenevert».
Vidéos (Gabrielle Roy), archives de Radio Canada :
http://archives.radio-canada.ca/arts_culture/litterature/dossiers/42/

2. Chiens à traineau, 1940

Passage hivernal extrait de :

La montagne secrète
Gabrielle Roy (1909-1983)  

Chapitre VII

Steve repartit une fois encore seul et, parvenu sur le bord du lac Caribou, tendit le regard. Il pensait tout à coup qu’au-delà de l’immense champ glacé, à douze milles de distance, se trouvait, sur la rive opposée, une réserve indienne. Cela voulait dire une mission, par conséquent une école du gouvernement, par suite quelque Blanc là-bas, maître ou maîtresse d’école, et sans doute quelque petite pharmacie de secours. Il avait le désir de sauver, peut-être autant que Pierre, les ensorcelantes images du printemps qu’il avait pensé deviner du regard. Et c’était là un assez curieux penchant chez Sigurdsen qui jusqu’ici ne s’était guère soucié que de faire bonne chasse l’hiver, pour, il est vrai, en boire, l’été, presque tout le profit.
       De l’œil, il évalua la vaste étendue de neige. Par temps calme et qu’il y eût un peu de clarté, ce n’était pas exactement périlleux de la traverser et d’en revenir. Mais que le vent prît autour d’un être humain engagé en cette plein nue, sans aucun abri, et c’était la mort à peu près certaine.
       Sigurdsen supputant ses chances examinait le ciel lourd. En homme des bois avisé, il connaissait la folie de ce qu’il avait envie d’entreprendre. Il balançait, se sentait sur le bord de renoncer à son projet, puis se vit tout à coup et comme malgré lui engagé sur cette longue surface unie, un point noir cheminant à travers l’infinie blancheur.

C’est lorsqu’il eut atteint le milieu du lac que les vents l’assaillirent. En un instant, le blizzard fut sur lui. Ce que Steve avait pu distinguer de vagues repères fut anéanti. Le trappeur éprouva contre les bons mouvements de son cœur une véritable rage. Mais à quoi, maintenant, cela pouvait-il l’avancer de tant s’en prendre à lui-même. Avec ses chiens, il se coucha sur le sol ravagé, se couvrit de neige, enfouit son visage en ses vêtements. C’était la seule chose à faire. Et il pourrait encore s’en tirer s’il n’usait pas en vain ses forces et celles de ses chiens et si la tempête ne durait pas des jours. Il dormit, malgré tout, dans son faible creux de neige, aux hurlements des rafales.

Quand il s’éveilla, la tempête paraissait avoir diminué. Il put se remettre en route. Enfin, ce même jour peut-être, ou le lendemain – comment savoir! – il discerna devant lui quelques formes imprécises de huttes indiennes; il avait atteint la rive.

Vers cette lueur perçue, il se traîna à bout de forces, se haussa pour voir à l’intérieur d’une pièce éclairée. Ce qu’il vit à travers les houles de neige et de demi-ténèbres lui parut aussi fantastique que certains croquis de Pierre, car il se trouvait à regarder dans une humble salle de classe : à leur pupitre étaient assis une douzaine de petits enfants indiens; élevée de deux marches au-dessus d’eux, la maîtresse parlait et pointait d’un bâton une carte géographique déroulée en toute sa longueur. Un faible son de voix parvenait à Steve Sigurdsen tout ahuri. Au centre de la classe un gros poêle rougeoyant l’attirait. Il trouva le loquet de la porte, apparut. Et alors, dès en entrant, aux mains d’un petit garçon qui dessinait une maisonnette sur du papier, il aperçut des crayons de couleur.

Deux jours s’étaient écoulés, depuis que Steve eût dû être de retour. Dis fois au moins en une heure, Pierre allait à la porte, l’ouvrait, s’efforçait, à travers les bondissements de la tempête revenue, de saisir au loin un bruit d’attelage, ou quelque forme approchante.

Ah! que revienne seulement Sigurdsen, et il ne se plaindra plus de rien; il connait à présent que la seule privation tout à fait intolérable, c’est celle d’un compagnon.

Le lendemain fut une journée claire, presque douce, Pierre allait un peu mieux. Il fit une pâte à galettes pour mieux incliner cette journée à lui ramener Sigurdsen. Et, de fait, les galettes cuites, il entendit la voix de Steve qui excitait ses chiens. Avant même de les déceler il entra, d’une bonne humeur bruyante. Il racontait : son aller à travers le lac, le retour peut-être plus pénible encore. Mais du moins il rapportait de quoi les remettre tous deux en bonne santé : de la vitamine C, des raisins secs, un peu de pommes déshydratées. Et ceci encore!
       Il élevait un petit paquet, demandant à Pierre d’en deviner le contenu.
       C’était des crayons de couleur.
       La bougresse de maîtresse d’école, avait fait toutes sortes d’histoires avant de les lui céder, racontait Steve. « Ses petits Indiens en avaient besoin. Cela ne se donnait pas sans autorisation. C’était propriété de la mission… Tout un tralala! »
       Pierre ne voyait plus bien, un brouillard sur les yeux; il jouait avec les crayons. Puis il leva le regard vers le carreau de la fenêtre. Allant à la fenêtre, de sa manche il l’essuya. On vit un peu mieux les tendres couleurs du jour pâle.
       Steve vint regarder son compagnon au travail Penché en avant, il voyait naître un peu de ciel vivant, reparaître la vie en ces bois, à chaque touche de Pierre renaître le monde.

L’étrange belle vie! En quelques jours, Pierre abattit plus de croquis que naguère en des mois. Ils tombaient de lui comme les feuilles d’un arbre. Presque sans effort. Après les paysages, des traits humains. Sa santé pour longtemps encore ébranlée, un point au côté, une petite toux sèche qui le faisait souffrir : avait-il dès lors le temps de s’arrêter à ces misères? Une joie profonde en lui était à l’œuvre. Du ciel, des rayons de clarté, des arbres ressuscités, tout ce qui est bon à voir provenait des petits crayons déjà presque aux trois quarts usés.
       Un jour, il fit Sigurdsen. En chemise rouge à carreaux, ses forts cheveux roux en broussaille sur le front bas, le voici qui tient sur un genou levé son accordéon; il en joue sans doute un air endiablé; sa physionomie aux clairs yeux pâles brille d’entrain; les épaules paraissent soulevées; les grosses mains sont en mouvement. Sigurdsen ne se détesta point ainsi représenté.
       Puis, un soir, Pierre acheva le portrait d’une jeune fille à la petite bouche serrée, assise auprès d’une grande eau et frileusement enveloppée d’un vaste chandail rouge.
       -- Qui? demanda Steve sans façon.
       -- Nina.
       -- Nina, reprit-il et, cueillant son accordéon, s’installant sur son châlit pour jouer, prétendit la faire danser avec les ombres, mais bientôt, suspendit la plaisanterie, comme interdit tout à coup devant le naïf appel du portrait.

27 novembre 2013

Yack, nous y voilà!

Photographe : Benoit Courti

On a beau se préparer à l’hiver, on n’est rarement prêt – psychologiquement en ce qui me concerne!

À chaque hiver qui s’ajoute au compte des ans, ma répulsion s’accroît. Mais bon, je n’irai pas le passer en Floride, et à défaut d’aimer ou d’accepter, je vais endurer

Notes de lecture (hiver, neige et froid…)

Quelques belles descriptions extraites du roman initiatique «Quelque chose qui prend les hommes» de Patrice Franceschi; Robert Laffont, 1993 * :

- L’hiver était particulièrement dur cette année-là. Il avait pris possession des montagnes dès novembre et on sentait qu’il ne lâcherait pas avant le milieu du printemps. Peut-être même plus tard encore. Il neigeait à gros flocons depuis des jours et le vent hurlait méchamment dans les cols, soulevant des volutes blanches qui se pourchassaient sur les crêtes. L’air était glacial. On n’y voyait pas à dix mètres.

- Dans la salle du café, des hommes étaient attablés derrière les vitres écornées par le givre. La plupart étaient des bergers vêtus de vestes de laine, le visage anguleux, l’œil noir, qui se réchauffaient de petits verres d’eau-de-vie, serrés épaule contre épaule sur des chaises de paille. Ils parlaient à voix basse comme pour ne pas déranger l’hiver, jetant parfois des regards farouches sur le jour boueux qui cognait contre les fenêtres. Ils portaient des musettes à leur cou et aux pieds de gros brodequins dont les fers raclaient le plancher sous les tables. Autour d’eux régnait une odeur de chèvre et de vin qui se mélangeait au relent des lampes à pétrole.
       Dans le fond de la salle un étranger était assis devant un bol de café. Une grosse canadienne bleue enveloppait ses épaules voûtées, retombait jusque sur ses cuisses. Des gants de cuir dépassaient de l’une de ses poches et semblaient dire bonjour, les doigts écartés. L’homme fixait sans paraître les voir les flammèches qui s’échappaient du couvercle de fonte d’un poêle à bois ronflant devant lui. (…) Entre les bords de fourrure qui faisaient un cercle blanc autour de ses yeux noirs, on devinait à peine son visage. On voyait juste ses mains, larges et belles, qui entouraient le bol comme pour y chercher un supplément de chaleur. (…) Pas une fois on ne l’avait vu lever la tête ou s’intéresser aux hommes qui entraient dans le café d’un pas lourd, battaient leurs souliers contre le chambranle de bois pour ôter la neige (…).

- La porte s’ouvrit et un grand escogriffe se découpa sur le ciel gris, crotté de neige jusqu’aux genoux. Une écharpe de froid se faufila derrière lui en ricanant et s’en alla mordre les jambes des bergers qui frissonnèrent.

- … «Par la Madone, qu’avons-nous fait pour mériter un hiver pareil?
-- C’est qu’il aime nos montagnes, lança un vieux berger en levant son cou maigre pour mieux être entendu. L’hiver est fait pour les montagnes, Antoine. C’est comme ça. Ma pauvre mère disait toujours que c’était une histoire d’amour entre eux et qu’elle durerait jusqu’à la fin des temps. Dans les histoires d’amour il y a des coups de colère, tu le sais bien. L’hiver est en colère après la montagne, voilà tout, ça leur passera. On les verra encore ensemble.»

- Antoine se débarrassait du manteau qui le recouvrait jusqu’à la nuque, le secouait de ses grosses mains épaissies par le travail.

- Antoine était toujours devant la porte. Il avait accroché le manteau à une patère. Il en sortit une vieille pipe, la porta à sa bouche et cria : « Ho! Dominique, une cédratine. Va, fais vite que j’ai déjà le ventre tout glacé. » Et il frotta ses mains l’une contre l’autre pour montrer qu’il ne mentait. Il avait une poitrine puissante, le visage mangé d’une barbe de trois jours qui creusait ses joues d’ombres noires. Il embrassa la salle d’un seul regard pour chercher où s’asseoir et, lorsqu’il aperçut la canadienne bleue au milieu des gilets de velours, des vestes de laine et des manteaux de poils de chèvre, il eut un mouvement de la tête comme s’il comprenait soudain quelque chose. Il se dirigea aussitôt vers l’étranger, et en quatre enjambées de paysan solide fut devant lui.

- Il y eut encore un silence et au milieu du silence le poêle qui crépitait toujours, et la neige qui soupirait contre les vitres.


* Le roman a changé de titre :
L’homme de Verdigi; Éditions Archi Poche, 2008

Un soir de tempête de neige, il y a longtemps, un étranger débarque dans un village corse si perdu qu’aucune carte ne le mentionne. Astronome déchu, il vient d’acheter un pic dressé au-dessus du village pour y construire un observatoire. C’est là qu’au soir de sa vie il va tenter sa dernière chance, afin de mettre un terme à la quête impossible dans laquelle il s’est lancé quarante ans plus tôt. Le choc provoqué par le sens de cette quête déclenche un formidable face à face entre les habitants, qui tourne bientôt à la déchirure tragique. Parabole sur les pays où l’on n’arrive jamais, L’Homme de Verdigi est aussi une métaphore sur l’écoulement inexorable du temps et la précarité des entreprises humaines.

Site de l'auteur:
http://la-boudeuse.org/la-boutique/

26 novembre 2013

Pendant qu’il en reste


- Moi, j'adore regarder les arbres. Depuis toute petite, et même maintenant. Quand j'ai le temps, je m'assieds sous un arbre, je touche le tronc, ou bien je lève les yeux vers les branches, je peux rester des heures comme ça sans rien faire de plus. 
~ Haruki Murakami - in La Fin des temps

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Conseil
Théodore de Banville (1823-1891)

Eh bien! mêle ta vie à la verte forêt,
Escalade la roche aux nobles altitudes.
Respire, et libre enfin des vieilles servitudes,
Fuis les regrets amers que ton cœur savourait.

Dès l'heure éblouissante où le matin paraît,
Marche au hasard; gravis les sentiers les plus rudes.
Va devant toi, baisé par l'air des solitudes,
Comme une biche en pleurs qu'on effaroucherait.

Cueille la fleur agreste au bord du précipice,
Regarde l'antre affreux que le lierre tapisse
Et le vol des oiseaux dans les chênes touffus.

Marche et prête l'oreille en tes sauvages courses;
Car tout le bois frémit, plein de rythmes confus,
Et la Muse aux beaux yeux chante dans l'eau des sources

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Quelque chose dans cette forêt évoquait une obscure magie préhistorique. Les arbres règnent sur ces bois, tout comme les créatures vivant au fond des océans règnent sur les abysses. La forêt peut me rejeter ou m’avaler, selon ses besoins. Il vaut mieux garder une crainte révérencieuse envers ces arbres.

Je veux vérifier à quel point cette forêt est profonde. Je sais que c'est dangereux, mais je dois voir de mes yeux quelle sorte de danger elle recèle, je veux le sentir avec ma peau. Il faut que je le fasse. C'est comme si quelqu'un me poussait dans le dos.

~ Haruki Murakami - in Kafka sur le rivage

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Arbres 
Jacques Prévert

En argot les hommes appellent les oreilles des feuilles
c’est dire comme ils sentent que les arbres connaissent la musique
mais la langue verte des arbres est un argot bien plus ancien
Qui peut savoir ce qu’ils disent lorsqu’ils parlent des humains
les arbres parlent arbre
comme les enfants parlent enfant

Quand un enfant de femme et d’homme
adresse la parole à un arbre
l’arbre répond
l’enfant entend
Plus tard l’enfant
parle arboriculture
avec ses maitres et ses parents

Il n’entend plus la voix des arbres
il n’entend plus leur chanson dans le vent
pourtant parfois une petite fille
pousse un cri de détresse
dans un square de ciment armé
d’herbe morne et de terre souillée

Est-ce… oh… est-ce
la tristesse d’être abandonnée
qui me fait crier au secours
ou la crainte que vous m’oubliiez
arbre de ma jeunesse
ma jeunesse pour de vrai

Dans l’oasis du souvenir
une source vient de jaillir
est-ce pour me faire pleurer
J’étais si heureuse dans la foule
la foule verte de la forêt
avec la crainte de me perdre
et la crainte de me retrouver

N’oubliez pas votre petite amie
arbres de ma forêt.

(Arbres I, recueil Histoires) 

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Quantifier avec précision la déforestation mondiale est extrêmement difficile : certaines zones sont peu couvertes par les satellites, d’autres sont très éloignées ou peu étudiées, la reforestation localement peut générer des erreurs, le prélèvement spécifique d’essences d’arbres au sein de la forêt n’est pas comptabilisé et enfin, certaines données nationales sont volontairement falsifiées…

L’expression courante «La surface d’un terrain de football disparaît toutes les deux secondes» semble exagérée si on se réfère aux chiffres officiels de la FAO qui eux-mêmes ne peuvent malheureusement pas être pris pour certitude. Ils restent une estimation.

Nous avons quand même choisi les chiffres de la FAO pour deux raisons :
- Ils émanent d’une organisation indépendante et mondialement reconnue
- La vitesse de déforestation est inférieure à celle communément répandue.
Ainsi, on ne pourra pas nous taxer d’être alarmiste ou sensationnaliste !

Voici donc ces fameux chiffres :

Il disparaît dans le monde chaque année depuis 15 ans : 80 000 km2 de forêt (solde tenant compte de la reforestation), soit la surface de l’Autriche.

Avec une perte moyenne de 0,5 % par an depuis 15 ans, les forêts du monde, à ce rythme, n’en auraient plus que pour 200 ans à vivre.

À noter que la Chine déclare une augmentation annuelle de 40 000 km2 de ses forêts, durant les 5 dernières années, soit une augmentation de 2,2 % par an! Si cette seule donnée devait être révisée ne serait-ce que de moitié, la déforestation mondiale annuelle dépasserait les 100 000 km2, soit un terrain de football toutes les 3 secondes (données Worldmeters). L’espérance de vie des forêts tomberait alors à 150 ans… Le compte à rebours a déjà commencé!

Source :
http://www.geo-trotter.com/pollution/deforestation_mondiale.htm
http://www.fao.org/forestry/32033/fr/

24 novembre 2013

Qui mène?

Léon Bonnat; Jacob luttant avec l'ange

La vérité au sujet de votre ego
Par Mark Myhre

C’est effrayant de comprendre pleinement l’existence de l’ego – cette partie de vous bien vivante qui a des pensées et des sentiments plutôt distincts des vôtres. Et vous vivez tous les deux dans le même corps. C'est comme être enfermé dans un placard obscur avec un total inconnu.

Imaginer le feeling. Toute votre vie, vous avez pensé que vous étiez seul dans votre placard. Puis, vous découvrez soudain qu'il y a un étranger avec vous. Holà! Comment se fait-il que vous ne l’avez pas vu? Quelqu'un d'autre était là pendant tout ce temps – et vous l’ignoriez?

C’est tellement plus facile de prétendre qu'il n'y a rien de tel qu'un ego.
Ou de prétendre qu'il n'a pas d'importance. Qu'il n'a aucun impact.

Mais, s’il n’y avait réellement qu'une seule 'partie' en vous – un seul aspect de votre moi – eh bien, vous n’auriez jamais besoin de dialoguer mentalement. Tout serait tranquille dans votre tête parce qu'il n'y aurait personne d'autre à qui parler.

La plupart des gens croient qu'ils SONT leur ego.
Sans faire de différence entre le moi-je et le moi-ego.
«Je suis mon ego; mon ego est moi.»

Faux. L’ego est crucial pour votre survie. Mais il n'est pas vous. C'est une PARTIE de vous. Vous êtes plus que votre ego. Beaucoup plus. Cependant, beaucoup de gens «fonctionnent» avec leur ego.

L’ego est bête et répétitif. Et tellement cynique! Autodestructeur. Amer. Furibond. Comme un bouillon qui fermente. Si vous fonctionnez avec votre ego, demain sera comme hier. Hier est comme demain. Prévisible. Et la moindre surprise occasionnera beaucoup de souffrance et de lutte.

Tous les humains ont un ego. Votre ego est né en même temps que vous et il restera avec vous toute votre vie. Vous ne pourriez pas survivre sans lui. Le but de l'ego est de saisir des informations du monde environnant et de vous les livrer. Comme votre facteur. Votre tâche est d’interpréter et de répondre aux informations.

Malheureusement, la souffrance et la honte vécues dans l'enfance bousillent souvent le système. Nous décidons de ne pas prendre de décisions par rapport à ce qui nous arrive. Et nous choisissons de ne pas faire de choix. Au lieu de cela, nous forçons l’ego à nous livrer ses propres interprétations de la vie.

Le jeune enfant qui se fait punir ne peut pas comprendre ce qui se passe. L'enfant ne peut pas comprendre le lien entre le lait renversé et l’avertissement ou la raclée. Il peut modifier son comportement – s'adapter à la violence – mais ça, c'est une tout autre histoire. Il s'adapte même s'il ne comprend pas.

Or les humains cherchent toujours un sens. L’enfant cherchera toujours à rationaliser la souffrance infligée par ces «dieux» qu'on appelle parents. Ne trouvant pas de réponse, l'enfant se tourne vers son ego.

«Pourquoi crient-ils après moi?»
L'ego – déjà moins bien équipé que l'enfant – revient invariablement avec cette réponse :
«Parce qu'il y a quelque chose qui cloche en toi.» C'est l’unique réponse qui a un sens.

Et conséquemment, les tendances s’installent.

Premièrement, la tendance à chercher des réponses auprès de l’ego. Forcer l'ego à interpréter les données qu'il livre. Rendre l'ego responsable de choses dont il ne peut être responsable. C'est comme si vous demandiez au facteur de lire votre courrier à votre place, de répondre à chaque lettre et de payer toutes vos factures.

Deuxièmement, le transfert de la honte. La honte est comme une patate chaude. Si quelqu'un vous en lance une, la réaction normale est de la relancer immédiatement. Pour un enfant, le seul endroit où il peut jeter sa honte est son ego.
«Tu es stupide. Tu es mauvais. Tu te trompes. Tu ne peux pas être réparé

Bien sûr, l'enfant ne sait pas qu'il a un ego. Il ne comprend pas la nature du dialogue intérieur. Il sait simplement qu'il a mal, et il veut faire quelque chose avec ces feelings. Le seul endroit où l’enfant peut dumper sa honte est son propre ego.

Or l'ego a ses propres pensées et sentiments, ses propres désirs et sa propre imagination. Il a son propre esprit. Et il peut facilement commencer à vous haïr à un âge précoce. Vous le forcer à penser, ressentir et évaluer à votre place. Vous le forcer à trouver des réponses. Vous le forcer à être responsable de votre vie. Vous le forcer à prendre votre honte, votre souffrance et votre haine de soi.

Vous abusez de votre ego de la même manière qu’on a abusé de vous.

Eh bien, devinez ce qui se passe lorsque vous dumper, et dumper et dumper sur quelqu'un d’autre? Il vous déteste et veut se venger. Avez-vous jamais vu une photo de ce personnage avec un petit ange sur une épaule et un petit diable sur l'autre?

L’ego est le petit diable sur votre épaule.

Au départ il était votre allié, mais il est probablement devenu votre ennemi. Et il chuchote constamment à votre oreille. C'est la petite voix qui vous dit que tout ceci est absurde.
Cette petite voix qui est toujours en train d'essayer de vous distraire de ce qui est réel.
Cette voix qui veut toujours vous juger sans vous évaluer.
Cette voix qui vous dit que vous êtes soit mieux soit moins bien que... Jamais à la hauteur.
Cette voix qui vous dit «tu es vraiment une victime», et qui vous en fournit 45 preuves.

Arrêtez-vous une seconde, fermez les yeux et demandez-vous : «ai-je un ego?».
Et écoutez la réponse. Voilà comment votre ego s’exprime.

http://www.join-the-fun.com/

COMMENTAIRE

La corrida mentale

Il y a toujours des éléments opposés qui se chamaillent en nous. Et nous avons en effet tendance à laisser l’ego gérer, les intérêts de la tête prenant souvent le dessus sur les besoins du cœur et du corps. Nous essayons de terrasser notre source de sagesse intérieure, à l’instar du Jacob de la bible luttant contre son ange…
       Prendre le temps de s’asseoir et d’examiner calmement nos désirs contraires, est la seule façon de laisser filtrer un choix lucide devant ces innombrables possibilités d’action-réaction qui jaillissent sans arrêt dans notre cerveau.

«J’ai la tête si pleine de messages entrants, qu’il reste peu de place pour mes propres pensées.»
~ Ashleigh Brilliant  

23 novembre 2013

Pourquoi vivent-ils moins longtemps?


Je suis vétérinaire. Un jour, on m’a appelé pour examiner un chien-loup âgé de 10 ans appelé Belker. Les propriétaires et leur petit garçon, Shane, étaient tous très attachés à Belker et comptaient sur un miracle. J'ai examiné Belker et constaté qu’il était en train de mourir du cancer. J’ai dit à la famille que je ne pouvais pas faire de miracle pour lui, et je leur ai proposé de l'euthanasier à domicile. Tandis que nous prenions les dispositions nécessaires, les parents me dirent qu’ils souhaitaient que leur fils de quatre ans observe la procédure, étant convaincus qu'il pourrait apprendre quelque chose de l'expérience.

Le lendemain, j’ai ressenti cette boule familière dans ma gorge tandis que la famille se rassemblait autour de Belker. Shane était si calme pendant qu’il caressait le vieux chien pour la dernière fois, que je me demandais s'il comprenait ce qui se passait. Belker partit paisiblement en quelques minutes.

Le petit garçon semblait accepter la transition de Belker facilement ou sans confusion. Nous nous sommes assis ensemble après la mort de Belker, réfléchissant tout haut sur le triste fait que la vie des animaux de compagnie était beaucoup plus courte que celle des humains. Shane, qui avait écouté en silence jusque-là, se fit entendre : «Je sais pourquoi.» Surpris, nous nous sommes tournés vers lui. Ce qu’il a dit ensuite m’a étonné – je n'avais jamais entendu explication plus réconfortante. Il a dit : «Tout le monde naît pour apprendre à mener une bonne vie – comme aimer tout le monde et être gentil, non?» Puis, le petit garçon de quatre ans ajouta : «Eh bien, les animaux savent déjà comment faire ça, alors ils n'ont pas besoin de rester aussi longtemps.»

Source :
http://www.oksaveadog.org/stories/belkers-story/


Citaquote du jour :

Si ton chien est obèse c’est parce que tu ne fais pas assez d’exercice.
(Inconnu)

S’il n’y a pas de chiens au ciel, alors quand je mourrai j’irai là où ils sont allés.
~ Will Rogers

Tant qu’on n’a pas aimé un animal, une partie de l’âme reste endormie.
~ Anatole France

Le chien n’est pas quasi humain, et je ne connais pas plus grave insulte à l’espèce canine que de le dire tel.
~ John Holmes

Si un chien ne vient pas vers vous après vous avoir dévisagé, vous devriez retourner chez vous et faire un examen de conscience.
~ Woodrow Wilson

Si votre chien n’aime pas quelqu’un, vous devriez probablement en faire autant.
(Inconnu)

There never yet has been a dog
Who learned to double cross,
Nor catered to you when you won
Then dropped you when you lost.
~ Mary Hale

21 novembre 2013

Amour et bonté améliorent la santé mentale



Que la vie est donc étrange par bout. En cherchant quelque chose sur Random Acts of Kindness pour souligner la semaine de sensibilisation à l’intimidation je suis tombée sur cet article. Tout à coup je me suis souvenu qu’il y a plus de vingt ans, une amie et moi avions fait quelque chose de similaire pour le plaisir de la chose (le nouvel-âge battait son plein…), ne soupçonnant pas du tout que notre santé mentale pourrait en bénéficier.

Nous imprimions quantité de messages motivants que nous glissions sous les essuie-glaces des voitures dans les centres commerciaux. Puis, assises sur un banc, nous observions les gens. C’était fantastique de voir leur tête. D’abord méfiants, ils regardaient autour au cas où ce serait une mauvaise blague. Puis, ils relisaient et souriaient. Peut-être que c’était ce dont ils avaient besoin ce jour-là, comme le dit Hannah Brencher. Ça me donne envie de recommencer… Si vous avez envie d’essayer, allez-y, c’est tripatif. En tout cas, c’est plus satisfaisant que d’envoyer des messages haineux via les réseaux sociaux ou autres.

Les lettres d'amour et la bonté peuvent améliorer notre santé mentale
By Lorna Stewart

«Vous comptez pour moi. D'une certaine façon, je ne peux pas l’expliquer, mais vous comptez pour moi. Et vous êtes une merveilleuse personne... tout ce que vous êtes est pure merveille.»

Ce n'est pas le genre de chose que l’on écrit normalement à un parfait inconnu.

Après avoir gradué et être déménagée à New-York, Hannah Brencher se sentait anxieuse et déprimée. Elle ne voulait voir personne et se sentait vraiment démoralisée.

Alors, elle a commencé à écrire des lettres d'amour à des étrangers qu’elle laissait partout dans la ville. La première lettre qu'elle a laissée dans un train commençait simplement ainsi : «Si vous trouvez cette lettre, c'est qu’elle est pour vous».

Ensuite, elle a laissé des lettres dans des bibliothèques, des cafés, dont plusieurs cachées autour de l’édifice des Nations Unies.

Bonté inattendue

La campagne de Hannah, More Love Letters, est utilisée par un nombre croissant d'organismes qui proclament haut et fort que les actes de bienveillance faits au hasard sont bénéfiques tant pour les donneurs que pour les récipiendaires.

Certaines personnes peuvent trouver que ça ressemble à une absurdité nouvel-âge, mais de nouvelles recherches suggèrent qu’être bienveillant peut améliorer notre santé mentale.

Une étude publiée dans le journal Emotion rapporte que les actes de gentillesse peuvent aider les personnes qui souffrent de phobie sociale à se sentir plus positives.

Les docteurs Lynn Alden et Jennifer Trew (University of British Columbia), ont demandé à des volontaires ayant de graves problèmes de phobie sociale de faire plusieurs actes de bienveillance – deux jours par semaine pendant un mois.

«Par exemple, les gens offraient un petit cadeau, allaient chercher quelqu'un au travail, visitaient des malades, remerciaient un conducteur de bus, etc. En fait, c’était de tous petits gestes», expliquait le Dr Alden.

C’était peut-être des petits gestes, mais ceux-ci ont eu un impact plus grand.

Croyances par rapport à soi mises au défi

Le traitement le plus standard pour la phobie sociale est la thérapie comportementale cognitive, adaptée pour les personnes qui craignent de dire ou de faire quelque chose d’embarrassant en société.

Dans le cadre de cette thérapie, les patients sont encouragés à faire face à leurs craintes à propos des contacts sociaux en se plaçant dans des situations que normalement ils éviteraient, ou en engageant la conversation avec des inconnus.

À des fins de comparaison, le Dr Alden a expérimenté simultanément avec deux groupes de volontaires. Le premier devait répondre à des défis inhabituels tels que décrits précédemment. Les volontaires ont augmenté le nombre de contacts sociaux, de comportements inhabituels, et leur attention aux réactions des autres; des choses indispensables pour surmonter leur phobie sociale.

À la fin des quatre semaines, les participants du groupe qui avaient posé des gestes de bienveillance avaient réussi tout autant, mais avec en plus une augmentation de leur degré de satisfaction. Globalement, les actes de bonté semblaient donner de meilleurs résultats que la thérapie comportementale cognitive.

Le Dr Nick Gray, psychologue et directeur du Centre for Anxiety Disorders and Trauma à Londres, était initialement méfiant à l'idée que les actes de bienveillance pouvaient avoir une valeur thérapeutique pour les patients souffrant de problèmes d'anxiété. «Je n'avais pas vu le document et, pour être honnête, le titre me rendait sceptique. Mais c'est un bon document qui provient d'une équipe respectée. Je ne pense pas que ça puisse être une thérapie en soi, mais ce genre d'activités pourrait bien être intégré à un traitement plus complet.» 

Le Dr Alden suggère que les actes de bienveillance pourraient être la première étape d'un long cheminement thérapeutique. «L’engagement à poser des gestes de bonté peut aider la personne à aller vers les autres, et en parallèle avec d'autres techniques, cela pourrait aussi l’aider à changer ses croyances vis-à-vis d'elle-même.»

Mais elle exhorte à la prudence. Les actes de bonté ne devraient être choisis par quelqu'un d'autre, ou exécutés juste pour impressionner les autres. «Je pense qu'ils doivent être faits de telle manière que l'individu se sente pleinement autonome. Ils font le geste parce qu'ils le veulent et non parce que le groupe l’a exigé.» 

(Health Check, BBC World Service)

Source:
http://www.randomactsofkindness.org/
Kindness research:
http://www.randomactsofkindness.org/kindness-research

Lettre de Hannah Brencher

À quiconque trouvera cette lettre

Vous et moi, nous ne nous connaissons pas. (...) mais cela n'a vraiment pas d'importance pour moi. C’est tellement petit et insignifiant comparé à ce que j'aimerais que vous sachiez : vous êtes une personne charmante, vous avez de la valeur, vos mains ont été faites pour de grandes choses.

Vous pensez sans doute que je suis folle. Vous êtes probablement assis là avec cette lettre dans les mains, vous ne pouvez pas savoir que... vous ne me connaissez pas... vous ne savez pas rien de moi. Oui, vous avez raison. Mais je connais toutes les choses que je croyais ne pas mériter. Je me rappelle comme il était très difficile de m’aimer, et de m’apprécier, et même de regarder mon reflet dans le miroir. Et je sais que je ne suis pas la seul à avoir besoin d'un remontant certains jours, besoin de savoir que je compte pour quelqu'un quelque part.

Vous comptez pour moi. D'une certaine façon, je ne peux pas l’expliquer, mais vous comptez pour moi. Et vous êtes une merveilleuse personne ... tout ce que vous êtes est pure merveille. 

Amour,
Une fille qui essaie simplement de trouver son chemin



Transcription TED :

A l'université, j'étais une des seules élèves ayant une bonne raison d'aller à sa boîte aux lettres chaque soir, et cette bonne raison était principalement que ma mère n'a jamais cru aux emails, à Facebook, aux SMS, ou même simplement aux portables. Et donc, alors que tous les autres envoyaient des messages Blackberry à leurs parents, j'attendais littéralement à côté de ma boîte aux lettres une lettre de la maison qui me dirait comment le weekend s'était passé, ce qui était assez agaçant quand Mamie était à l'hôpital, mais j'attendais juste quelques gribouillages, quelques lettres griffonnées par ma mère.
       Et donc, quand j'ai déménagé à New York City à la fin de l'université, et qu'une dépression m'a violemment poignardée dans le dos j'ai fait la seule chose à laquelle je pouvais penser à ce moment-là: j'ai écrit le même genre de lettres que celles que ma mère m'envoyait; pour des étrangers. Je les ai disséminées dans la ville, des douzaines et des douzaines de lettres. Partout. Dans des cafés, dans des bibliothèques, à l'O.N.U, partout. Je tenais un blog à propos de ces lettres et des jours où je ressentais le besoin de les écrire, puis j'ai fait une promesse folle à Internet: j'ai promis qu'à quiconque me demanderait une lettre manuscrite j'en écrirai une, sans poser de question. En une nuit, ma boîte mail s'est métamorphosée en un asile pour les chagrins, d'une mère célibataire à Sacramento à une fille persécutée dans le Kansas rural, tous me demandaient à moi, une jeune femme de 22 ans même pas certaine de comment elle aimait son café, de leur écrire une lettre d'amour et de leur donner une raison d'attendre à côté de la boîte aux lettres.
       Aujourd'hui, j'alimente une ONG internationale elle-même alimentée par ces aller-retour à la boîte aux lettres, alimentée par la possibilité d'utiliser les réseaux sociaux de façon tout à fait nouvelle, pour écrire et envoyer des lettres à des étrangers, quand ils en ont le plus besoin, mais surtout, alimentée par des conteneurs de courrier comme celui-ci, mon gentil conteneur de courrier, rempli des écritures de gens ordinaires, d'étrangers écrivant des lettres à d'autres étrangers pas parce qu'ils se croiseront un jour pour prendre un café et se raconter des blagues, mais parce qu'ils se sont rencontrés grâce à une conversation épistolaire.
       Mais, vous savez, ce qui me surprend toujours au sujet de ces lettres, c'est que la plupart sont écrites par des gens qu'on n'a jamais aimé sur des feuilles de papier. Ils ne peuvent pas vous raconter l'encre de leurs propres lettres d'amour. Ce sont ceux de ma génération, ceux qui ont grandi dans un monde où tout est virtuel, et où nombre de nos meilleures conversations ont eu lieu par écrans interposés. Nous avons fait de Facebook notre journal intime, et sommes des as du discours en 140 caractères ou moins.
       Mais si le but n'était pas l'efficacité, cette fois? J'étais dans le métro hier, avec ce conteneur à lettres, qui est par ailleurs un excellent moyen d'engager une conversation; si vous ne savez pas par où commencer, prenez un de ces conteneurs avec vous (Rires) et un homme qui me dévisageait me demanda: "Pourquoi n'utilisez-vous pas Internet?" Et j'ai pensé : "Monsieur, je ne suis ni stratège ni spécialiste. Je suis à peine une conteuse." Ainsi, je pourrais vous parler d'une femme dont le mari vient de rentrer d'Afghanistan, et qui peine à déterrer cette chose qu'on nomme "conversation", alors elle dissémine des lettres d'amour partout dans la maison comme pour dire "Reviens vers moi. Trouve-moi quand tu le pourras." Je pourrais vous parler d'une fille qui décide de poser des lettres d'amour partout dans son campus de Dubuque, Iowa, pour découvrir son oeuvre décuplée le lendemain en sortant dans la cour où elle voit des lettres d'amour suspendues aux arbres, coincées dans les buissons, posées sur les bancs. Je pourrais vous parler d'un homme qui décide de se suicider, qui utilise Facebook comme medium pour dire au revoir à ses amis et sa famille. Eh bien, ce soir il dort paisiblement avec une pile de lettres juste comme celles-ci cachées sous son oreiller, écrites par des étrangers qui furent là pour lui quand il en eût besoin.
       Ce sont ces histoires qui m'ont convaincue que les lettres manuscrites n'auront jamais besoin d'un lifting ou de se mettre à parler d'efficacité, parce que ce sont désormais une forme d'art. Tout en elles, la signature, l'écriture, l'envoi, les gribouillis dans les marges, le simple fait que quelqu'un s'asseye, prenne une feuille et pense à quelqu'un tout au long de la rédaction, avec un dévouement qui est tellement plus difficile à trouver devant son navigateur, pendant que l'iPhone bippe et qu'on a six conversations qui apparaissent en même temps, tout cela est une forme d'art qui ne se soumet pas au Goliath "Toujours plus vite", peu importe le nombre de réseaux sociaux qu'on rejoint. On presse toujours ces lettres tout contre sa poitrine, ces mots qui parlent plus fort que fort alors que nous changeons les pages en palettes pour dire ce que nous avons besoin de dire, dire les mots que nous avons besoin d'écrire à nos soeurs et nos frères, et même à des inconnus, depuis bien trop longtemps. Merci. (Applaudissements)

20 novembre 2013

Simplement, sans «ostentation»


Il n’y a pas de petits courages
Patrick Estrade * 
Octobre 2013 

Lorsque je reçois une personne pour la première fois en consultation à mon cabinet, je l’accueille avec ces mots : «Qu’est-ce qui vous amène à cet acte de courage de venir dans le cabinet du psychothérapeute». Les réponses diffèrent, certaines assurent n’avoir eu aucun mal à venir, tandis que d’autres avouent au contraire avoir eu toutes les peines du monde à se décider à décrocher le téléphone ; quelques unes confient même avoir mis des années avant d’oser faire ce premier pas. Ce constat me conduit à trois réflexions que je voudrais vous soumettre.

La première, c’est que chacun réagit de façon différente face aux événements de la vie. Ce qui paraît banal ou insignifiant à certains peut paraître incroyablement difficile, voire infranchissable à d’autres. Ainsi, pour prendre un exemple, le fait que votre copine Nathalie ait décidé de retourner à l’école pour entreprendre des études de langues vous paraîtra d’autant plus courageux que vous avez vous-même un problème d’infériorité culturel ou que vous vous estimez définitivement incompétent(e) pour les langues étrangères. Dans le même ordre d’idée, vous observerez que plus la chose est inhabituelle ou originale, plus grande sera l’aura de courage dont vous parerez l’autre. Par exemple, si votre meilleure copine Caroline s’inscrit à un cours de cuisine, vous serez content(e) pour elle, mais sans plus ; par contre si elle décide de passer son permis moto et s’achète une 1000 CC, vous n’en reviendrez pas.

Deux poids, deux mesures

Ma deuxième réflexion est que nous tendons à minimiser systématiquement les actions qui entrent dans le champ habituel de nos activités. Ce que je sais faire est catalogué de naturel ou de normal (puisque je sais le faire, c’est que c’est banal). Ainsi, Caroline arguera probablement qu’il n’y a rien d’extraordinaire à passer un permis moto, que c’est juste une question de décision.

La troisième chose qui m’interpelle, c’est que nous inclinons à trouver formidables ou audacieuses les actions entreprises par les autres, alors que tendons à rétrograder les nôtres au rang de normales ou allant de soi. Ce deux poids deux mesures tient à l’impératif d’humilité qui règne largement dans notre société : que l’on encense les actions des autres passe, mais qu’on se vante de ses propres mérites reste totalement inconcevable. Mais il tient aussi et probablement davantage au fait que l’idée qu’on se fait d’une chose est toujours vécue plus fortement que la chose elle-même. Ainsi, pour reprendre l’exemple de Caroline, ce n’est pas tant l’idée qu’elle passe son permis moto qui importe, mais la représentation fantasmatique que son action déclenche en nous. En l’occurrence, son projet fait d’elle une sorte de wonder-women chevauchant une mégamoto dans les endroits les plus tendance, fréquentés par les personnes les plus originales que la terre n’ait jamais portées.

Rares sont ceux d’entre nous qui reconnaissent leurs mérites

Ce qu’il faudrait comprendre, c’est que si nous sommes impressionnés par certaines personnes, il y en a d’autres qui elles, sont impressionnées par nous. Que nous nous en rendions compte ou non, nous sommes toujours l’impressionnant de quelqu’un. Et cela, nous avons du mal à l’accepter. Que j’admire quelqu’un, cela va de soi, mais que quelqu’un m’admire me gêne quelque part.

Rares sont ceux d’entre nous qui reconnaissent leurs mérites. Je trouve qu’il y a là quelque chose d’injuste. D’un peu choquant même. Cela me choque car je sais qu’il manque souvent trois fois rien pour qu’une personne réalise quelque chose de superbe dans un domaine ou dans un autre, et que s’il s’était trouvé quelqu’un pour l’encourager, lui donner un petit déclic, elle aurait osé.

Il est une chose dont nous devons nous convaincre : les petits courages n’existent pas. Il y a des courages. C’est tout. La question ne sera donc pas de savoir si l’on est ou non courageux, mais de savoir que chaque action entreprise doit être perçue et valorisée comme il convient, et que ce n’est pas le type ou la grandeur de l’action qui importe, mais l’action en elle-même. Bon, je crois que vous avez compris ce qui vous reste à faire… 

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Passeur de valeurs
Rejeter la violence, mettre du sens

Les guerres, petites ou grandes, officielles ou cachées, sont insupportables. Les peuples, comme les êtres, doivent apprendre à vivre ensemble dans la paix et dans la reconnaissance mutuelle. La psychologie peut et doit contribuer à ce mouvement de solidarité. Mais par où commencer?

Faire de notre vie personnelle et de notre environnement naturel, affectif, social et familial quelque chose de beau, de créatif et de sensé, c’est non seulement s’offrir et offrir à nos proches une écologie personnelle de premier ordre, mais aussi apporter notre pierre à cet édifice qui en a si urgemment besoin. Bâtir autour de nous, à partir de nous, un monde relationnel plus humain, plus aimant et plus tolérant, c’est prendre conscience de notre propre capacité à y contribuer.

~ Patrick Estrade
http://www.patrickestrade.com/

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* Psychologue, psychothérapeute, écrivain, conférencier, Patrick Estrade (N° Adeli 069312155) pratique la psychologie et la psychothérapie analytique depuis plus de 30 ans. Après avoir étudié la psychologie à l'Institut de Psychologie Analytique de Berlin, il s'installe à Nice où il partage son temps entre ses consultations en cabinet, l'écriture et les formations qu'il assure un peu partout en France et à l'étranger.

Quelques titres :
La maison sur le divan – Tout ce que nos habitations révèlent de nous; 2009, LAFFONT

Ces souvenirs qui nous gouvernent Les interpréter, les comprendre; 2006, LAFFONT

Comment je me suis débarrassé de moi-même – Les sept portes du changement; paru dans la collection Réponses; 2004, LAFFONT

19 novembre 2013

Plus pacifiant que la romance

Photo : Nicolas Abdoul Amherd (Nicou) (104923) http://www.trekearth.com/

L'amitié
Tarot Zen

Les branches de ces deux arbres fleuris se touchent, on dirait que le ciel et la terre sont reliés par un pont d’amour. (…) Pourtant, chaque arbre est un individu avec ses propres racines bien plantées dans le sol. Ils symbolisent l’essence de l’amitié authentique. Les deux compagnons sont mûrs, à l’aise l’un près de l’autre, naturels. Aucun des deux ne désire changer et remodeler l’autre.

Cette lame de l’amitié suggère l’aptitude à vivre l’amitié. Vous vous désintéressez probablement des mélodrames et des histoires romanesques qui occupent tant de gens. Ce n’est certainement pas un appauvrissement, mais l’avènement d’une qualité supérieure d’amour née de la plénitude de ce que vous vivez. Voici l’amour vrai, inconditionnel, dénué d’attentes et d’exigences.

(…) Quand vous avez trouvé votre sérénité intérieure, beaucoup d’amour survient spontanément. Être seul est alors merveilleux, être en compagnie de quelqu’un d’autre tout autant. Et tout est simple. Vous ne dépendez pas d’autrui et ne rendez personne dépendant de vous. Vous vivez dans un climat d’amitié, d’affection. Vous êtes libéré des attachements et savez enfin ce qu’est une vraie relation. Cette relation authentique est une expression de l’amour. (…)

(Éditions du Gange)
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L’amitié n’exige rien en échange, que de l’entretien.
~ Georges Brassens

L’amitié, c’est gérer les affinités. L’amour, c’est concilier les différences.
~ Auteur inconnu

A good friend is worth pursuing – but why would a good friend be running away?
~ Ashleigh Brilliant

18 novembre 2013

Amour ou strangulation mutuelle?


"Il viendra à Atlanta quand il aura sa permission, et toi tu es là à l’attendre, exactement comme une araignée." (Gone With The Wind)  

Les deux pieds sur terre en amour  
Martha Beck

Chacune des déclarations suivantes est à l'opposé de ce que la plupart des Américains pensent de l’engagement amoureux. Mais ces engagements sont aussi essentiels que non conventionnels. Votre relation sera susceptible de durer à la seule condition que vous et votre partenaire puissiez honnêtement vous les dire mutuellement.

1. Je peux vivre sans toi, pas de problème.
«Je ne peux pas vivre sans toi», pleurniche le chanteur. Ça semble tragiquement profond de dire que la perte de l’affection de votre partenaire vous rendrait la vie insupportable – mais avez-vous jamais été en relation avec quelqu'un dont la survie semblait réellement dépendre de votre amour? Quelqu'un qui attendait que vous lui rendiez la vie supportable, qui menaçait de se suicider si jamais vous rompiez? Ou vous êtes-vous retrouvé de ce côté de l'équation, ayant besoin de votre partenaire comme on a besoin d’oxygène? L'émotion qui alimente ce genre de relation n'est pas de l'amour; c’est du désespoir. Ça peut sembler romantique au début, mais avec le temps les partenaires échouent invariablement à répondre aux besoins de l'un ou de l'autre.
       La déclaration «Je ne peux pas survivre sans toi» ne reflète pas l’attraction adulte mais l’enfance, la phase où nous serions morts si nos parents n'avaient pas veillé sur nous, constamment en train d’anticiper nos besoins. Le besoin d’être totalement pris en charge signifie habituellement que nous sommes au milieu d'une régression psychologique, que nous nous sentons comme des nourrissons abandonnés qui ont besoin de leurs parents maintenant, maintenant, maintenant! Si c'est ce que vous ressentez, ne vous lancez pas dans une relation amoureuse. Commencez plutôt une psychothérapie. On vous apprendra que la seule personne responsable de vos besoins et capable d’y répondre, c’est vous. Le syndrome «Je ne peux pas vivre sans toi» se termine lorsque nous apprenons à prendre soin de nous-mêmes tendrement et attentivement comme le fait une maman. À ce stade-là, nous sommes prêts à établir des relations stables, durables qui pourraient durer une vie entière. «Je peux vivre sans toi» ouvre la voie à l'amour vrai.

2. Mon amour pour toi va certainement changer.
La plupart des humains éprouvent une aversion innée envers le changement. Une fois que nous avons atteint un certain niveau de confort ou de stabilité, nous voulons tout fixer pour éviter la possibilité d’une perte. C’est compréhensible, et conséquemment, la promesse «mon amour pour toi ne changera jamais» est bon vendeur, c’est «hot». Malheureusement, c'est une autre promesse qui risque plus de faire échouer une relation que de l’amener à bon port.
       La raison en est que tout le monde – et tout le monde – est en constante évolution. On prend de l'âge, on grandit, on apprend, on tombe malade, on se rétablit, on gagne du poids, on perd du poids, on trouve de nouveaux intérêts et on laisse tombe les anciens. Et quand deux personnes sont constamment en évolution, leur relation doit être fluide pour survivre. Plusieurs personnes craignent que si leur amour est libre de changer, il disparaîtra. Le contraire est vrai. Un amour autorisé à s'adapter aux nouvelles circonstances est pratiquement indestructible. L’engouement d’origine s’atténue pour faire place au compagnonnage tranquille, et ainsi, nous pouvons découvrir de nouvelles choses à aimer chez l’un et l’autre. Durant les épreuves ou la maladie, le sentiment d'obligation peut sembler plus fort que l’attraction – jusqu'au jour où nous réalisons que ces périodes de trouble nous on soudés profondément, plus que jamais. Comme le cours d’eau, l'amour qui change trouve son chemin à travers les obstacles. Congeler l’amour et il sera fragile, rigide et encore plus susceptible de se fracasser.

3. Tu n’es pas tout ce dont j'ai besoin.
Je suis une grande fan de la monogamie sexuelle, mais je suis intriguée par les amoureux qui prétendent que leur partenaire est la seule personne dont ils ont besoin ou que le temps qu’ils passent ensemble est la seule activité qui puisse les combler émotionnellement. Les humains sont conçus pour vivre en groupes, explorer des idées et constamment acquérir de nouvelles compétences. Compter sur une seule personne pour combler ces besoins c’est comme croire qu’en mangeant uniquement de la crème glacée nous absorberons la gamme complète des vitamines. Lorsqu'un couple estime que «chacun doit combler tous les besoins de l’autre», l’effort pour «être tout pour l’autre» sera épuisant, et ni l’un ni l’autre ne pourra se développer pleinement en tant qu'individu.
       Je suis stupéfaite de voir comme mes clients se sentent souvent menacés lorsque le partenaire s’adonne à des passions d'enfance ou à de nouveaux hobbies. J'encourage les gens à amener leurs partenaires craintifs à une session pour discuter de leurs peurs. L’appréhension des partenaires se traduit généralement ainsi : «Comment se fait-il que tu as besoin de consacrer trois heures par semaine au tennis (ou au jardinage ou à la peinture)?  Tu veux dire que je ne suffis pas à te rendre heureux?» La réponse la plus saine à pareille remarque est : «C’est ça, notre relation ne suffit pas à me rendre complètement heureux – et si je prétendais que c’est le cas, je brimerais mon âme et j’empoisonnerais mon amour envers toi. As-tu déjà pensé à ce que tu aimerais faire de ton côté?» Sacrifier tous nos besoins individuels ne renforce une relation. S’aider mutuellement à s’épanouir y contribue.

4. Je ne te tiendrai pas toujours collé contre moi.
La ligne est fine entre une déclaration amoureuse comme «Je t'aime tellement, que je veux partager ma vie avec toi jusqu'à ce que la mort nous sépare» et l’hymne lunatique «Je t'aime tellement que si tu essayes de me quitter, je vais te tuer». Les gens qui disent de telles choses aiment les autres comme les araignées aiment les mouches; ils aiment capturer, enrober et immobiliser leurs proies dans la toile et s’en nourrir dans les moments creux. Ce n'est pas le genre d'amour que vous voulez.
       Différencier l’amour-araignée de l’amour vrai est assez simple. D’une part, possessivité et exploitation impliquant le contrôle de l’être aimé, et d’autre part, amour véritable laissant la liberté à l’être aimé de faire ses propres choix. Comment on utilise le mot faire est également une astuce. Quand vous dites : «Il me fait me sentir…» ou «Il m'a fait faire…», vous jouez à la victime, à la mouche piégée. Encore plus révélatrices sont les phrases comme : «Je vais lui faire voir qu'il a tort» ou «Je vais dissimuler ce que je pense vraiment parce que ça le mettra en colère». À ce moment-là, vous n'êtes pas une victime mais une araignée rusée qui camoufle et utilise la manipulation pour contrôler les sentiments et les gestes de l’autre. L'une ou l'autre de ces stratégies signifie que quelqu'un se tient trop près, enveloppé dans la soie de l'araignée.
       Sortir de ces situations collantes est simple : dites la vérité, toute la vérité, et rien d’autre que la vérité. Commencez par assumer vos propres choix – y compris le choix d'avoir obéi à l'homme araignée (ou femme araignée) qui vous a peut-être asservi. Puis, communiquez vos véritables sentiments, vos besoins et vos désirs à votre partenaire, sans forcer pour obtenir la réaction que vous voulez. Si votre relation ne peut pas prospérer dans la claire lumière de l'honnêteté, il est préférable d'en sortir que de sombrer plus profond dans la manipulation et le contrôle.

5. Toi et moi nous ne sommes pas un.
Vous n'êtes peut-être pas une araignée ni une mouche, mais plutôt un caméléon qui se métamorphose pour s’harmoniser à la personne aimée. Ou vous fréquentez peut-être des caméléons, choisissant des partenaires qui se conformeront à votre personnalité. Quoiqu'il en soit, vous n'êtes pas dans une relation saine. En fait, vous n'êtes pas du tout dans une relation.
       J’avais l’habitude de tellement m’ajuster aux désirs et aux besoins de mes proches, que je ne connaissais même pas les miens, littéralement. Éventuellement, le déni de soi se transforma en ressentiment et empoisonna plusieurs de mes relations intimes. Ensuite – chat échaudé craint l’eau froide – j’ai donné brièvement dans l'extrême opposé. Je me suis retrouvée dans beaucoup de déjeuners peu brillants avec des gens qui buvaient la moindre de mes paroles et approuvaient tout ce que je disais. Je peux être narcissique, mais je ne suis pas Narcisse; se tenir avec des miroirs grossissants humains, même si ça peut être flatteur, nous isole.
       Si vous vivez l’utopique «nous sommes un», il est grand temps de découvrir que l’amour à deux est formidable. Suivez votre cœur, allez dans la direction où votre partenaire n’irait jamais. Osez explorer vos différences. Acceptez de ne pas être d'accord. Si vous avez l’habitude de vous effacer, cela vous permettra de voir que vous pouvez être aimé tel que vous êtes. Si vous avez tendance à dominer, vous découvrirez comme il est intéressant d'aimer une personne réelle plutôt qu'un miroir humain.

Bouddha disait que si nous reconnaissons toujours l'océan à son goût de sel, nous reconnaissons toujours l’illumination à son goût de liberté. Il n'y a pas de différence essentielle entre le véritable amour et l’illumination. Alors que plusieurs personnes voient l'engagement comme un piège, en réalité celui-ci, dans ses versions saines, libère à la fois les deux amoureux, fait ressortir la saveur de leur vrai moi, et construit un amour satisfaisant, durable et absolument délicieux.

Ouvrage :
Finding Your Own North Star (Crown) and Expecting Adam; Berkeley  

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17 novembre 2013

Proportion et perspective

Spectaculaire timing...! (photographe inconnu)

Il est un être confus qui existait avant le ciel et la terre.
Ô qu'il est calme! Ô qu'il est immatériel!
Il subsiste seul et ne change point.
Il circule partout et ne périclite point.
Il peut être regardé comme la mère de l'univers.
Moi, je ne sais pas son nom.
Pour lui donner un titre, je l'appelle Voie (Tao).
En m'efforçant de lui donner un nom, je l'appelle grand.
De grand, je l'appelle fugace.
De fugace, je l'appelle éloigné.
D'éloigné, je l'appelle l'être qui revient.
C'est pourquoi le Tao est grand, le ciel est grand, la terre est grande.
Dans le monde, il y a quatre grandes choses.
L'homme imite la terre; la terre imite le ciel, le ciel imite le Tao; le Tao imite sa nature.

Sans sortir de ma maison, je connais l'univers;
Sans regarder par ma fenêtre, je découvre les voies du ciel.
Plus l'on s'éloigne et moins l'on apprend.

Tao Te King
Livre I 

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Si tu es déprimé, tu vis dans le passé.
Si tu es impatient, tu vis dans le futur.
Si tu es en paix, tu vis dans le présent.

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Be still thy soul
Relinquish this hold
Make thee again whole
Be still thy mind
Let thee unwind
And seek out a shrine

Harvest the gold
That's planted around you
Strand by strand
You'll be somewhat more certain
Carve out your role
And reach for the heavens
All you can dream
What you can be
Know that the sky will deliver

Bestir thy heart
With journeys afar
And rivers of stars
Bestow thy love
On all that ye touch
On all that ye may

Hence, let it be told
That rhyme will be reason
Paint your world
With shades that will uplift you
And break, break from the mold
Shake off the illusions
Never again lost in dismay
All that you need is within you

Be still thy soul
And fix on the goal
Thy tale will be told
Be still thy mind
Make thee one
With the source of life.

(Anael)