«Depuis qu'il y a eu des hommes sur la terre, cela a été un écœurant spectacle de les regarder agir. Cela n'a pas changé depuis et ne changera vraisemblablement jamais. C'est pourquoi celui qui a deux onces de sagesse dans le cerveau préfère la solitude des grands espaces vides, les spectacles des nuages qui courent dans le ciel, les étoiles qui sont si loin de nous que nous ne pouvons rien savoir d'elles, ce qui nous permet de les imaginer comme autant de paradis; et les fleurettes minuscules des steppes qui sont tout proches de nous mais dont nous ne connaissons pas davantage les pensées. (…) Les vrais compagnons, ce sont les arbres, les brins d’herbe, les rayons du soleil, les nuages qui courent dans le ciel crépusculaire ou matinal, la mer, les montagnes. C’est dans tout cela que coule la vie, et l’on n’est jamais seul quand on sait la voir et la sentir.»
Extrait de :
Le sortilège du mystère
Alexandra David-Néel
Plon, 1972
Introduction
Le rayonnement du leurre des «Îles fortunées» est toujours aussi puissant. L’extension de nos connaissances géographiques a éliminé le mythe des terres paradisiaques et nul n’en cherche plus les contours matériels à travers les océans, mais le désir d’atteindre la domaine mystérieux inaccessible au vulgaire, la poursuite anxieuse de révélations ésotériques n’ont point cessé de hanter le cerveau de nos contemporains.
De même qu’autrefois des pèlerins extasiés s’embarquaient sur de frêles esquifs et, absorbés dans leur rêve, voguaient vers l’horizon où la terre et le ciel se joignent, comme pour dérober aux regards le secret d’immensités infiniment lointaines, sans voir se lever la tempête menaçante, ainsi, de nos jours, des troupes d’hallucinés cheminent à la suite de grotesques charlatans ou pseudo-mages, pontifiant en oripeaux de carnaval, abusés par la promesse d’aborder, grâce à ces mystificateurs, aux rives d’«Îles fortunées» spirituelles.
Aussi pathétiques que leurs naïfs devanciers, la plupart de ces modernes amoureux de chimères sont promis eux aussi au naufrage.
Au cours de mes voyages, j’ai été amenée à faire de fréquentes incursions dans ce monde aux aspects multiples, tantôt invraisemblables et grotesques, tantôt infiniment pitoyables, des spirites, des apprentis occultistes, des adeptes des sectes secrètes et de pratiques de rites funambulesques. Ce sont quelques-uns des « paysages humains », ainsi rencontrés, que je me propose d’esquisser dans le présent livre. Peut-être pourra-t-il amuser certains de mes lecteurs; et je souhaite qu’il puisse en éclairer d’autres, car la poursuite sincère et louable des hauts buts spirituels suit une route difficile, exposée à bien des erreurs.
Conclusion
Je terminerai ici ce défilé de faits étranges et de personnalités bizarres que j’ai côtoyés tout au long de mes routes d’Orient et d’Occident; il aurait pu être plus étendu, et peut-être le compléterai-je un jour ou l’autre. (1)
Il y a, aussi voilés ou déformés qu’ils puissent l’être, des germes de spiritualité et de sagesse décelables, chez ces amateurs d’«exercices» extravagants. Aussi, tout en nous gardant d’une crédulité simpliste ne devons-nous rien nier à priori. Il y a un seuil au-delà duquel s’étend l’inconnu; on ne doit le franchir qu’en tenant à la main la torche de la raison et en gardant l’esprit constamment en alerte.
C’est ici que prennent tout leur sens les mots d’Hamlet : «Il y a plus de choses dans le Ciel et sur la Terre que n’en imaginent nos philosophies.»
Autres citations
«Alors que nous voyons les anciennes religions occidentales multiplier leurs efforts pour se moderniser, certains se sont demandé quelle pourrait être l’attitude des Bouddhistes dans les circonstances actuelles?
Ces circonstances sont, pour ces religions, leur rencontre avec les découvertes de la science et les réflexions que celles-ci peuvent engendrer dans les esprits de leurs fidèles. Des préoccupations de ce genre ne peuvent atteindre des bouddhistes. Mais d’abord, le bouddhisme est-il une religion?
À cette question nous pouvons sans hésitation répondre : Non.»
~ A.
D.-N. (1965)
Peu avant sa mort (le 8 septembre 1969)
«Ils n’ont
pas véritablement exploré la Lune. Empaquetés comme ils l’étaient… Explorer un pays,
c’est marcher pieds nus, c’est poser ses paumes sur les pierres, c’est vivre
avec ses habitants.»
(En réponse à Anne-Marie Cazalis qui la
questionnait au sujet de l’apparition des hommes sur la Lune.)
«Je ne me suis pas à vrai dire convertie au
bouddhisme : il m’habitait dès ma naissance. Le second livre que je
prépare traitera du yoga authentique. L’Occident ne comprend pas l’Orient et
dénature tout ce qui y touche de près ou de loin. Aussi, le yoga, ce n’est pas
ces exercices physiques pour femmes du monde dont on nous parle sans cesse. C’est
faire ce que j’appellerai des cogitations mentales pour entrer en vrai rapport
avec les objets par le contact de nos sens. Si nous avions d’autres sens, nous
verrions autrement. Pour vous, pour moi, un arbre, c’est la même chose. Pour
une fourmi, un arbre, c’est différent de ce qu’il présente pour l’homme, car,
elle le voit et l’appréhende avec d’autres sens. Alors, qu’est-ce qui est vrai?
Qu’est-ce qui est l’arbre? Celui que nous regardons nous-mêmes, ou celui que
regarde la fourmi? Voilà le yoga authentique.» (1)
«La vie politique des hommes est pareille à nos
plages que de hautes vagues balaient et recommencent par moments. Les vagues
redescendent. La plage est telle qu’auparavant.»
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(1) Alexandra est morte (à 101 ans) avant de pouvoir réaliser les nombreux projets qu’elle avait encore…
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Religions, dogmes, croyances : libellé «Religions», blog Situation planétaire
Philosophie de vie bouddhique : libellé «Joko Beck», blog Situation planétaire
«Il y a plus de choses dans le Ciel et sur la Terre que n’en imaginent nos philosophies.» C'est très beau...
RépondreEffacerBel article...passionnant...merci
Amicalement...Jack
http://sousleregarddejack.blogspot.fr/
Merci.
RépondreEffacerÇa me rappelle ce passage du «Voyage au bout de la raison, la déroute des logiciens» de George Barbarin :
«La Vie est de l’équilibre en mouvement, comme la bicyclette. Jamais un homme ne ressemble à un autre homme. Jamais une journée d’un homme ne ressemble à une autre journée de cet homme. Il faut renaître tous les matins, toutes les heures, toutes les secondes. Règles et théories sont des masques commodes pour dissimuler le neuf et l’exception. Le propre de la logique est de rester égale à elle-même sous peine de n’être plus logique. Sa carapace fictive l’empêche d’évoluer. Or la Vie est d’abord évolution, donc transformation et, de fait, la Vie abat les théories comme des quilles à mesure qu’on les dresse sur son chemin.
Ce n’est pas la science qui fait faillite, c’est la théorie. Tout le crie, fût-ce la météorologie, cet exemple d’impuissante systématisation. Il existe pourtant des hommes qui s’obstinent avec un insuccès persévérant à prédire chaque jour le temps qu’il fera demain. Le ciel se moque d’eux, le soleil les bafoue, l’anticyclone leur fait la nique.»
Amitiés