27 septembre 2013

Difficile de donner «gratuitement»?


Pourquoi nous est-il si difficile de donner? D’une part, pour donner, il faut être adulte, et nous sommes restés, pour la plupart d’entre nous, de grands enfants. D’autre part, donner nécessite un véritable apprentissage, et rares sont ceux qui maîtrisent la chose. Pourquoi cet apprentissage ne se fait-il pas plus naturellement? C’est très simple : il ne nous vient jamais à l’esprit que nous n’agissons pas en adultes, ou que nous ne savons pas donner. On se méprend sans le vouloir. On a l’air d’être adulte et on donne toutes les apparences de quelqu’un de généreux. Mais nos indicibles sentiments souterrains, c’est-à-dire l’espoir plus ou moins conscient de recevoir en échange, viennent contredire les apparences.
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Apprendre à donner est l’un des plus grands apprentissages de la vie, et cette leçon est une réponse à la peur.
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Au fil des années, nous nous comportons comme des êtres de plus en plus indépendants, capables de nous prendre en charge, du moins en apparence. On apprend à s’habiller seul, à se nourrir seul, puis à gagner sa vie. Pourtant, une part de nous-mêmes semble ne jamais devoir franchir le stade de la petite enfance. Pour employer une métaphore, nous gardons profondément enfouie en nous la peur que personne ne soulagera notre faim : faim de nourriture, soif d’argent, désir d’amour, appétit d’éloges, etc. Et, comme tout assouvissement est par définition temporaire, on sait qu’on ne sera jamais définitivement rassasié.
       Cruel dilemme que nous vivons au quotidien : nous sommes incapables de donner et d’aimer. Consciemment ou non, nous manipulons les autres, parce qu’il y va de notre survie. Si ses besoins interfèrent avec les nôtres, nous ne pouvons supporter le bien-être d’autrui. Nous nous sentons impuissants, pris au piège, furieux, frustrés, mécontents et insatisfaits. Pour couronner le tout, nous avons peur.
       Existe-t-il une chose plus terrifiante que de savoir sa survie dépendante de quelqu’un d’autre? Adultes tenaillés par la peur, enfants ou nourrissons, même combat! Les années n’ont rien changé et les questions restent toujours les mêmes : «Vont-ils me quitter? M’aimeront-ils toujours? Vont-ils s’occuper de moi? Vont-ils tomber malades et mourir?»
       La peur empêche de donner véritablement. On est obsédé par l’éventualité d’une carence, d’un manque, comme si notre existence allait manquer de «carburant» et tomber en panne. Pas assez d’amour, pas assez d’argent, pas assez de reconnaissance sociale, pas assez d’attention… Pour résumer : pas assez de tout. Habituellement, la peur prend sa source dans un certain domaine de notre vie. Puis elle s’étend comme une hydre et se généralise. Vient alors la tentation du repli sur soi. On se referme comme une huître et on protège jalousement son territoire. Les gens qui ont peur pourraient être représentés comme des êtres prostrés, accroupis, les bras refermés sur eux. Extérieurement, ils ont une tout autre allure. Il peut s’agir d’un brillant homme d’affaires recherchant l’approbation de son supérieur, d’un cadre d’entreprise prenant des décisions dangereuses et irresponsables, d’une mère au foyer reprochant à son mari ou à ses enfants de l’empêcher de vivre sa vie, d’une femme carriériste si exigeante avec les hommes qu’elle se retrouve seule, d’un homme ne pouvant tolérer l’indépendance de son épouse, etc.
       À titres divers, toutes ces personnes sont mues par un sentiment de peur qui les fait agir dans le seul intérêt de leur propre survie. Intérieurement, ce sont autant de gens prostrés.
       Si vous vous reconnaissez dans ce genre de description, il est temps de mûrir et de redresser la barre. Rares sont les personnes qui détiennent vraiment le secret de la maturité et de la générosité. Comme nous faisons attention à notre santé et à notre corps, nous avons aussi appris à nous méfier de ceux qui pourraient nous flouer ou se servir de nous. C’est pourquoi, à moins de recevoir quelque chose en échange, on se sent comme le dindon de la farce.
       Ceci ne veut pas dire qu’il faut s’interdire de jouir d’un «retour» des choses. Quand on donne par amour plutôt que par intérêt, on reçoit souvent plus qu’on ne pouvait imaginer.

Relâcher l’étreinte!

Quand on vit perpétuellement dans l’attente, on perd un temps infini à penser que le monde est décidément trop cruel. C’est dans ce douloureux état d’esprit que j’ai vécu jusqu’à l’âge d’environ trente-cinq ans. Un jour, je me suis enfin rendu compte que, même si je pouvais tout avoir dans la vie, «ce ne serait jamais asse!». Plus j’avais, plus j’étais insatisfaite. Je voulais toujours plus d’amour, d’argent, de reconnaissance professionnelle, etc. J’étais dans un état d’angoisse permanent. Je croyais dur comme fer que tout ce que j’obtiendrais finirait pas s’évanouir. Et qu’il ne me resterait plus rien au final. Bref, je me cramponnais de toutes mes forces à une foule de choses sans parvenir à jouir de quoi que ce soit.
       De toute évidence, une telle attitude ne me profitait guère, ni à quiconque de mon entourage. Il était temps pour moi de porter un autre regard sur la vie. Comme je l’ai déjà dit, j’ai consulté beaucoup d’experts en psychologie, lesquels ont su apporter des réponses à bon nombre de mes questions. En substance, pour me débarrasser de cette peur du manque, j’ai appris que je devais me comporter de manière diamétralement opposée, c’est-à-dire faire le contraire de ce que j’avais toujours fait! Au lieu de m’agripper désespérément à quelque chose, je devais progressivement relâcher mon étreinte, pour finalement en faire cadeau. C’est un exercice difficile, mais il n’y a pas de potion magique pour devenir adulte. Cela prend du temps, et je n’ai pas terminé. Cependant, depuis que je m’applique à devenir généreuse au sens profond du terme, j’ai eu le plaisir immense de constater que mon sentiment de pouvoir personnel, mon aptitude à aimer et ma confiance en moi ont décuplé Si vous y mettez la même persévérance, vous observerez les mêmes résultats, je vous en fais la promesse solennelle! 

Extrait de :
Tremblez mais osez!
Docteur Susan Jeffers
(Psychologue et auteur de nombreux ouvrages)

Cette merveilleuse psychologue est décédée en octobre 2012; mais le site reste bien vivant (articles de Jeffers, ateliers basés sur ses enseignements, etc.) :
http://www.susanjeffers.com/home/index.cfm?CFID=2959418&CFTOKEN=85275983

COMMENTAIRE

En effet, nous naissons avec la peur au ventre (celle de notre mère et la nôtre) et avec un sentiment d’insécurité incontournable puisque nous sommes dépendants de nos parents pour tous nos besoins. Si nous n’apprenons pas à nous défaire de cette peur atavique du manque par nous-mêmes, eh bien, la vie s’en charge… parfois durement.  

Pensée du jour :
L’apprentissage le plus important est de savoir désapprendre.

«Je suis absolument sûr de deux ou trois choses que j’ai pris toute ma vie à apprendre… et j’ai des doutes sur celles-là aussi!» (Denis Gagné, psychologue)

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