Image : Saut créatif
Comment la poésie peut aider les gens atteints de démence
Pendant 20 minutes, le silence couvre la salle, ponctué uniquement par la douce respiration de deux femmes assises face à face.
La plus âgée s’efforce de parler – elle souffre de trouble cognitif, et depuis quelque temps, elle a de la difficulté à parler.
Un seul mot, «vie», sort finalement de sa bouche.
L'autre femme, Susanna Howard, est poète. Elle prend des notes dans son carnet. Une fois qu'elle a terminé, elle lève les yeux et attend.
Peu après, grâce aux notes de Howard, les mots de la femme âgée s'assemblent comme par magie, d’une manière à la fois familière et unique :
LIVED A LIFE
Nobody here asks what you did
In your life
It seems they seem to think
We were put on earth with broken legs
And have come here for sympathy
Nobody wants to listen
I’ve had a stroke
Words don’t come out
And they say ‘Yes, yes’ –
Don’t really want to know
It sounds silly
But it’s quite true
We have all lived a life
Donner une voix à ceux que la démence réduit au silence
Howard, dont la devise est «tous les mots sont corrects», est la créatrice de «Living Words», une forme innovatrice d'art-thérapie visant à donner une nouvelle voix aux personnes atteintes de démence.
Trop souvent, dit Howard, la société considère les personnes souffrant de troubles cognitifs comme irrécupérables. Même les amis et la famille ne savent pas comment communiquer avec leurs proches qui ont perdu la capacité de formuler des phrases et d'exprimer des pensées cohérentes. La plupart hésitent à partager avec les personnes atteintes de démence par crainte de les bouleverser en posant une question à laquelle elles ne pourraient pas répondre, ou de dire quelque chose qui pourrait les offenser. Or, ne pas leur parler ne sert qu'à aliéner davantage la personne démente. «Je trouve cela très triste quand les gens disent que l'essence d'une personne disparaît avec la démence», dit Howard. La personne que vous avez aimée est toujours là, fonctionnant avec l’essence d’elle-même.»
Nous voulons tous être entendus
Il existe de nombreuses formes de démence qui affectent les gens de diverses façons. Par exemple, les premiers stades de la maladie d'Alzheimer sont souvent marqués par une perte progressive de la mémoire, tandis que les personnes souffrant de démence Lewy-body ont souvent des délires et des hallucinations.
Il n'est pas étonnant que les gens soient facilement déconcertés et hésitent à causer avec un ami ou un membre de la famille ayant une déficience cognitive.
Mais, éviter les interactions isole la personne encore plus; elle n'est pas écoutée et se sent presque déshumanisée.
Voilà ce qui rend les séances de poésie si utiles.
Selon Howard, franchir les étapes d’écriture d’un poème et ensuite écouter leur verset terminé, peut aider les personnes atteintes de démence à se sentir connectées. «Lorsqu'une personne entend ses propres mots, ceux-ci résonnent en elle, même si elle ne se souvient pas les avoir dits. Cette résonnance suscite le sentiment d’être entendu, du moins à un certain niveau», dit-elle.
NUMBER 65
The chair – it’s so dirty feeling
I’m not in running order
Where do you go to when you
Go out?
I keep out of walking mode
With the mainframe
In the convoy – don’t go around much
I wish
Wish I could drive in a big car
Drive away in a car, oh
Oh I, I wish, wish I could
Fly just fly right away
To number 65 – Not
Drifting along at nothing
Changer notre façon de communiquer
À l’occasion du Mois National de la Poésie, nous avons voulu souligné l'incroyable pouvoir de connexion de la poésie à travers chaque étape de la vie.
Pour sa part, Howard espère que son travail aidera à atténuer un peu l'appréhension qui accompagne la communication entre les gens piégés dans la réalité alternative de la démence et les gens qui fonctionnent dans le monde extérieur.
Howard a de la difficulté à mettre le doigt sur la leçon la plus poignante elle a pu tirer en travaillant avec des hommes et des femmes atteints de trouble cognitif : «On ne peut vraiment pas résumer – je suis constamment surprise du pouvoir de ce travail», dit-elle.
Elle admet qu'un des aspects les plus rafraîchissants de son travail est le fait que ces hommes et ces femmes ont éjecté bon nombre des filtres de bienséance imposés par la société, de sorte que leurs observations restent brutes et honnêtes. «Ces personnes utilisent un langage en lien direct avec leurs émotions. Elles ont tendance à dire ce qu’elles ressentent vraiment.»
Parallèlement à son travail avec les personnes atteintes de démence, Howard offre également des séminaires et ateliers au personnel des établissements de soins aux aînés pour les aider à comprendre comment ces derniers expriment leurs pensées et leurs sentiments.
Son espoir est que la thérapie Living Words (qui s'est rapidement répandue dans tout le Royaume-Uni) devienne un modèle à utiliser dans le monde entier. Howard travaille actuellement à la publication d'un recueil de poèmes écrits par des personnes atteintes de déficience cognitive.
LOST
I don’t know really, because
I’m really
Lost.
It scares me to hell
I don’t know what to do –
I’m scared
It was so disgusting – I just sat there, doing
Nothing
I thought I was
In an asylum I was
Ashamed that I
Sit there
These people were people who, well they are
Old age pensioners. They made me an
Old
Age
Pensioner. I was
Really annoyed – terrible isn’t it
There’s nothing wrong with me –
I just don’t do
Anything.
I feel
Lost – that’s all I can say, because
I’ve never felt
Lost – this is
Just hell
So you now have the whole thing.
I can’t say it myself.
The saddest thing.
Source : AgingCare.com
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