21 août 2013

Antidote à la morosité et autres maux



En cherchant de l’info sur le livre À bicyclette (1) j’ai découvert cet éloge au vélo.
Dans le mille, et drôlement bien écrit.

La Désespérance? Une arme : la bicyclette!
Par Michel (?), 9 juillet 2011

Article complet – Muco-Vélo :
http://www.muco-velo.ch/la-desesperance-une-arme-la-bicyclette/

(…)
De façon plus terre à terre, la bicyclette défie la gravité car elle empêche de tourner en rond. Elle éclipse nos mondes à l’horizon souvent bien trop confiné pour nous embarquer tous sur une même planète : celle de l’évolution, de la révolution et de l’idéal anarchique. Elle a ce potentiel de transformer l’adynamie en syntonie, l’anosognosie des sens en Énergie morale, le plus vouloir pouvoir en pouvoir vouloir.

Modèle effarant d’authenticité, puisque inégalé (mais égalitaire car antiségrégationniste), il est le plus civilisé des moyens de transports et le seul que je pourrai jamais aduler tant toute la gamme d’émotions qu’il procure ne ressemble à aucun autre. Le vélo érode la peur, il est une addition de superlatifs, un poing levé au meilleur, une mélopée philosophique, une fraction de quintessence au dénominateur commun: l’Humanité. Une mélodie rythmée au son du vent, des paroles à (s’)inventer au gré des états d’âme et des notes à la tonalité bien frappée des chaudes et surprenantes rencontres. Un chant solidaire qui unit, tout en s’indignant des honteuses inégalités. Pas une de ces chansons insipides au vulgaire du banal. Non, plutôt une sublime symphonie composée par la gracieuse variation des flûtes, allégorie de la Vie, s’il en est une, où peu importerait les vents et les turbulences tant qu’avancer demeurerait la direction. Il faut alors éviter le piège du renoncement en changeant de braquet à temps et garder ainsi une roue d’avance. Tenter avec humilité, de trouver les moyens qui feront naître les ressources permettant d’affronter les bûches jalonnant les routes de l’existence pour, au final, faire trébucher la défiance en celle-ci. Forcer la providence et avancer coûte que coûte sans trop savoir ce qui nous est concocté pour l’avenir. Tout comme Konrad ce vieux monsieur, (81 ans et quatre pontages coronariens!) à l’esprit alerte et aux muscles bien affûtés qui après une matinée à pédaler avec moi me balance : « Si je n’avais pas eu de vélo, je serais mort ». Quel paradoxe! Abattons l’effet nauseabo associé à la soi-disant trop grande difficulté pour une virée vivifiante! Je crois aux vertus mélioratives et curatives de la bicyclette qui est un véritable antidote à la lassitude et, tout comme Morand, je pense que « Ailleurs est un mot plus beau que demain ».

Épatante machine qui, unique en son genre, peut élégamment et allègrement transporter plus de dix fois son propre poids! Loin du « matérialisme intellectuel » et des raisonnements abscons qui nous emballent tels de petits paquets, il décloisonne la façon de percevoir tout en adoucissant le regard posé sur chaque nouvelle situation; les certitudes se transforment en questionnements, les craintes en confiance et la noirceur des prisons intérieures en campagnes vertes. Il oppose l’optimisme de la volonté au pessimisme de l’intelligence. Oserait-on aller jusqu’à dire que, de par son mouvement cyclique, il décolonise l’imaginaire des présupposés négatifs pour les remplacer par de l’empathie, de l’amour. Un vélorutionnaire doté d’une arme de révolution (étrange : les mots vélo et évolution y apparaissent) massive digne d’un cyclo-terroriste, donc? Oui, je pense que les sentiments conjointement scellés de fragilité et « d’inoxydabilité » qu’il procure aiguisent l’attention du cyclotouriste au monde et par corollaire à son prochain. Du haut de sa selle, il se sent les pieds bien sur terre, en connexion avec autrui. Et après tout, un vélo de plus c’est une bagnole de moins! Non?

La bicyclette est une drogue douce, une saine toxicomanie qui permet d’atteindre un paradis non-artificiel où il n’est nul nécessaire d’être un CRACK pour atteindre un trip auto-mobile. Pas question de dopage non plus pour un shoot d’évasion. Dans ce deal d’insoumission, il est stupéfiant d’avoir ainsi le choix de son héroïne. Pour autant que son consommateur ne soit pas « accro » à trop d’inactivité, il verra son état de conscience se modifier au gré de ses sujétions. Une dépendance physique et psychique à nulle autre pareille puisqu’elle aboutit à la découverte de sa propre fortitude. Les montées sont souvent brutales et délirantes alors que les redescentes, elles, se font sans hallucinations mais avec cet impérieux manque : y succomber à nouveau pour le PLAISIR. Accessible à toutes les bourses (ou en tout cas il devrait l’être!), il est prestigieux de par sa simplicité de fonctionnement, et son entretien est en quelque sorte auto-suffisant. Ce fabuleux instrument de rassemblement et de communication ne connait ni les frontières linguistiques ni géographiques et encore moins sociales, il enseigne avec finesse l’indulgence, la dépossession et l’impermanence des événements. Une connexité de l’émotionnel, du visuel et de la réalité. En plus d’être trans-générationnel, il réconcilie l’Homme avec ce qu’il a de plus précieux : sa liberté de mouvement et celle de sa pensée. Suis-je naïf et idéaliste en affirmant qu’il participe à sauver notre idéal, qu’il est sans conteste, en apportant sa vision humaniste, le vecteur d’un monde meilleur? Oui! Je le pense et le revendique avec vivacité, mais sur un vélo uniquement! A quand le musée de la bicyclette, ode au sublime qui célèbrerait sa mécanique de corps et de cœur?

Pas un jour n’est passé (sauf celui où la météo était tellement exécrable que rester sous la tente s’est imposé comme une nécessité) sans qu’une personne ne me fasse part de sa bonté de cœur, d’une main tendue, souvent au travers de petites attentions mais toujours de manière inconditionnelle. C’est aussi de là que j’ai puisé l’énergie lorsque le « sale temps » était venu de me battre (et de me débattre) comme un dinosaure face à ces vents mammouths ayant mûri au-dessus de la mer soufflant 3/4 face à 67km/h en rafale… Voilà le véritable carburant pour le cycliste, sa matière première, il l’extrait de la spontanéité de ces échanges, les plus souvent enrichissants, qui ponctuent sa progression. Bien sûr qu’il y a aussi parfois la rencontre avec des personnages désagréables. Oh le vilain jugement de valeur! Mais puisque le vélo déconstipe, cette personne présumée imbuvable ne devrait-elle pas simplement pratiquer plus d’activité cyclopédique afin de retrouver un transit harmonieux; celui du sourire?

Le voyage à vélo induit un renouveau constant. Une dérive qui ne consiste pas autant à perdre de vue la rive. Il pousse son sujet à faire preuve de créativité au moment de choisir ses détours. Il doit composer un poème anacyclique où le TRACÉ sinueux sera vécu comme un ÉCART lumineux. Une chance offerte pour apprivoiser ces voix inconnues qui sublimeront la voie afin de s’assurer le Graal des quêtes vaines : la Liberté.
(…)

 
(1) À bicyclette, Edward Nye; Éd. Les Belles Lettres; 2013 (première publication en 2000)

Voici deux cents ans d'écrits littéraires sur le vélo. Edward Nye, professeur de littérature française à l'Université d'Oxford, a réuni les plus beaux textes sur le sujet, à commencer par le premier qu'on ait jamais publié, et c'était une comédie de 1818, par Eugène Scribe, le célèbre auteur de théâtre admiré de Stendhal. Cinquante-trois autres écrivains le suivent pour chanter les joies, les douleurs, les peines et les triomphes de la vélocipédie : Ernest Hemingway, Antoine Blondin, Émile Zola, H-G Wells, William Saroyan, Maurice Leblanc, Alfred Jarry, Samuel Beckett... Quinze de ces textes sont publiés pour la première fois en français. La plus étonnante redécouverte d'un moyen de locomotion, d'un sport, d'un art.

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Par exemple :

- Pablo Neruda : Ode à la bicyclette
- Roch Carrier : La céleste bicyclette
- Herbert Georges Wells: Les roues de la chance
- Tôpher Mills : Le vélo est une crêpe facile
- Jacques Perret : Bicyclum tremens
- San Antonio (Frédéric Dard) : Courzidor, Anguenille et autres champions

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