10 août 2013

Poètes et écrivains d’ici – 2

Claude Vallières
Auteur, compositeur et interprète  

Extrait de l’album Souffles

Que les étoiles s’éteignent

Quand nous ferons semblant de ne pas nous connaitre
Lorsque l’un fuira l’autre, ne serait-ce que du regard
Après que l’un de nous ait détourné la tête
Comme si la tendresse désertait la mémoire

Quand nous ferons semblant comme par inadvertance
De ne plus nous souv’nir de ces instants fragiles
Où parfois le bonheur nous frôlait en silence
À l’heure tendre où l’amour nous semblait si facile

Ça ne se verra pas, ça n’fera pas de bruit
Qui s’attarde à un cœur qui s’émiette dans la nuit
Je baisserai les bras, je m’étonnerai à peine
Il faut bien un bon jour que les étoiles s’éteignent

Quand on n’se dira plus les détours que l’on prend
Pour mener notre vie loin des rues sans issue
Quand il sera trop tard pour prendre encore le temps
Quand les mots seront vides quand on n’se parlera plus

Ça ne se verra pas, ça n’fera pas de bruit
Qui s’attarde à un cœur qui s’émiette dans la nuit
Je baisserai les bras, je m’étonnerai à peine
Il faut bien un bon jour que les étoiles s’éteignent

Alors je m’en irai cachant mes états d’âme
Sous le manteau morose de la mélancolie
Il n’y aura pas de pleurs, il n’y aura pas de blâmes
J’apprivoiserai les parfums de l’oubli

Ça ne se verra pas, ça n’fera pas de bruit
Qui s’attache à un cœur qui s’émiette dans la nuit
Je baisserai les bras, je m’étonnerai à peine
Il faut bien un bon jour que les étoiles s’éteignent

***

Daniel Bélanger
Auteur, compositeur et interprète   

Extraits d’Erreur d’impression (Éd. : Coronet liv, 2000) 

Il faut alphabétiser les tapis, les cendriers, les napperons et tout ce qui a le droit logiquement à cet alphabet. Nourrir les pantalons, les voitures et pas seulement celles de l’année.
   Héberger les gaufres, les forêts, les pneus, les tissus et certaines couleurs de cheveux. Privatiser les douanes, l’armée. Ouvrir des portes, fermer des fenêtres.
   Oui, chers électeurs, nous nous reposerons demain.
   (11 octobre 1996)

Là-bas dans un coin, immobile et figé, un objet inanimé rêve de cadence. Un peu plus à gauche et un peu plus haut aussi, une colombe espère un jour rencontrer le corbeau de sa vie.
   Un plancher envie le plafond, une tapisserie jalouse une laque parfaite. Un baril s’imagine être un carafon, le regret, lui, un espoir. Bonjour, bonsoir.
   (Paris, 14 octobre 1996)

Dans les hôtels cossus de Paris, le jet-set international va et vient. Il regarde tout le monde au cas où il serait quelqu’un.
   (Paris, 1999) 

Une fois qu’on a assumé qu’en été il fait chaud, qu’en hiver, plein froid, qu’en amour il y a aussi la solitude, qu’en amitié on est parfois déçu, qu’il y a des jours d’abondance, d’autres de dépouillement, que le temps passe et qu’on vieillit, assumé qu’à la fin la mort survient, mais qu’au début on peut aussi allumer une vie. Assumé les départs, les adieux, mais aussi les fêtes et les fous rires.
   Une fois le tout assumé, on dirait que le reste marche tout seul.
   (20 octobre 1996)

Un nuage s’occupait d’un jardin en pleuvant dessus et lui promettait du soleil pour le lendemain. Pas fou, le jardin but ce qu’il put, faisant semblant de souffrir à la hauteur des tomates et des carottes et d’éprouver une certaine faiblesse dans les concombres.
   Je pourrais continuer, mais c’est une histoire tellement banale.
   (5 mars 1997)

Il y a trois ans et deux mois, nous fêtions les sept ans et trois semaines et quatre jours de notre amour ponctuel. À chaque heure, mon sentiment augmente de 0,004 %. C’est bon.
   (15 juillet 1998)

Je n’ai pas eu le temps de te téléphoner. Normal, on n’a pas eu de saison. Un temps sans saison est un temps orphelin.
   (7 décembre 1998) 

Et puis un jour, on découvre dans la froideur des temps modernes que les banques ne prêtent pas d’argent et que l’État veut notre bien mais pas celui qu’on pense. On découvre aussi que Big Brother n’est pas qu’un méchant héros de livre de poche. C’est aussi celui qui vous incite à le lire.
   (12 décembre 1998) 

La vérité dépose des fleurs là où le mensonge, invariablement, les tue.
   (29 décembre 1998)

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