Le gratte-ciel
Max Horkheimer (1895-1973)
Crépuscule, Notes en Allemagne; 1926-1931
Payot & rivages, 1994, p.81-83
Une coupe à travers l’édifice de la société actuelle donnerait à peu près ceci : au sommet, les magnats des trusts des différents groupes de pouvoir capitalistes, qui dirigent mais se combattent entre eux; en dessous, les petits magnats, les grands propriétaires terriens et tout l'état major des collaborateurs importants; en dessous réparties par couches séparées, les masses des professions libérales et des petits employés, des exécutants politiques, des militaires et des professeurs, des ingénieurs et des chefs de bureau jusqu'aux dactylos; encore en dessous, les restes de petites existences indépendantes, les artisans, commerçants, paysans e tutti quanti, puis le prolétariat, depuis les couches de travailleurs qualifiés hautement payés, en passant par les ouvriers spécialisés, jusqu'aux chômeurs perpétuels, aux pauvres, aux vieillards, aux malades. Au dessous de tout cela commence le véritable socle du dénuement, sur lequel s'élève cet édifice, car nous n'avons jusqu'ici parlé que des pays du grand capitalisme; or toute leur existence est supportée par ce terrible appareil d'exploitation qui fonctionne dans les territoires à moitié ou entièrement colonisés, donc dans la partie de la terre de loin la plus grande. De vastes régions des Balkans sont une maison de torture, la misère des masses indiennes, chinoises, africaines dépasse tout ce que l'on peut concevoir. Au dessous des espaces où les coolies de la terre crèvent par millions, il faudrait encore représenter l'indescriptible, l'inimaginable souffrance des animaux, l'enfer animal dans la société humaine, la sueur, le sang, le désespoir des animaux.
On parle beaucoup aujourd'hui de «vision essentialiste». Celui qui a «contemplé» une seule fois l'«essence» du gratte-ciel, dans les étages supérieurs duquel nos philosophes ont le droit de philosopher, ne s'étonne plus qu'ils connaissent si mal la hauteur réelle où ils se trouvent, mais ne fassent toujours que discourir à propos d'une hauteur imaginaire; il sait, et eux-mêmes peuvent le pressentir, que, sinon, ils pourraient être pris de vertige. II ne s'étonne plus qu'ils préfèrent édifier un système des valeurs plutôt qu'un système des non valeurs, qu'ils préfèrent traiter «de l'homme en général» plutôt que des humains en particulier, de l'Être tout court plutôt que de leur être propre : sinon, ils pourraient être obligés, en punition, d'aller s'installer à un autre étage, plus bas. II ne s'étonne plus qu'ils bavardent de l'«Éternel», car leur bavardage est une composante du mortier qui fait tenir la maison de l'humanité actuelle. Cette maison, dont la cave est un abattoir et le toit une cathédrale, offre en fait, depuis les fenêtres des étages supérieurs, une belle vue sur le ciel étoilé.
Source : http://bibliodroitsanimaux.voila.net/index.html
Gratte-ciel... «griffé»!
-------
Tu n’es pas obligé de rester dans ce misérable job de merde.
En travaillant fort, un jour tu pourrais avoir le misérable job de merde de ton patron.
En travaillant fort, un jour tu pourrais avoir le misérable job de merde de ton patron.
Dialogue entre
esclaves
Gerry Spence
Oui,
tous les vivants sont soumis à une forme quelconque d'esclavage. Quelques
esclaves sont plus favorisés que d’autres. Au temps de l'esclavage sudiste, les
esclaves vivant plus près de la résidence du maître bénéficiaient d’un confort auquel
les malheureux esclaves travaillant dans les champs n’avaient pas droit. Les
contremaîtres, des esclaves eux aussi, faisaient claquer leurs fouets sur le dos
des autres esclaves. Mais l'esclavage, non pas la pauvreté, consume la vie des
riches et des pauvres, des patrons et des directeurs généraux qui, étant
eux-mêmes des esclaves, font claquer leurs fouets économique et émotionnel sur
le dos des travailleurs-esclaves.
Le maître
(le système corporatif) jouit d’une pernicieuse assurance contre toute réforme,
lui garantissant un pouvoir perpétuel. L'esclave riche exploite l’esclave pauvre.
Souvent l'esclave riche accumule cent fois plus (voire mille fois plus) de
richesses que l’esclave pauvre – généralement à même la sueur et le labeur de ce
dernier. Pour légitimer ses excès, l'esclave riche proclame qu'il a travaillé très
dur et qu'il est parti de rien, tandis qu’il tient l’esclave pauvre pour irresponsable,
paresseux ou stupide, et ne méritant qu’un salaire de famine. En raison de son
égocentrisme, l’esclave riche refuse de reconnaître et de renoncer à son propre
esclavage, et se joindre aux esclaves pauvres en vue d’une mutuelle de liberté.
L'esclave riche se bat plutôt pour le maître et le système corporatif, se
dressant contre ses frères et sœurs plus pauvres. Mais certains esclaves riches
commencent à comprendre que la richesse n’est pas garante de liberté. Les
richesses créent seulement un style d'esclavage différent.
J’affirme
que le maître est mort parce que le système corporatif ne peut ni respirer, ni
aimer, ni ressentir. La durée de vie peut se calculer en respirations; et contribuer
à l'avidité d'un maître mort, à même le nombre limité de nos respirations, est pour
le moins monstrueux. Et l'esclavage est en soi une forme de mort. Certes, on
peut apprendre aux esclaves à accepter presque n'importe quelle condition de
vie dégradante et inhumaine – à adorer ça, à se battre et à mourir pour elle,
et même à en éprouver de la gratitude. La façon dont le maître mort a établi son
pouvoir illimité sur nous s'appelle propagande. Nos maîtres contrôlent les ondes-radio
que nous écoutons, les chaînes de télévision que nous regardons et les journaux
que nous lisons. Nos maîtres sont passés maîtres en propagande et nous
bombardent sans pitié tout au long de notre vie de faux messages au sujet de
notre liberté.
En
conséquence, nous, les bons et obéissants esclaves (riches ou pauvres) croyons
que nous sommes libres. Nous avons cru à cette fable, d’abord parce que nous pouvions
comprendre les idées les plus simples. Quand nous étions enfants, on nous enseignait
que nous vivions dans une nation de gens libres où liberté, justice et chances égales
étaient offertes à tous. Une fois devenus adultes nous avons candidement glorifié cette fausse liberté, et
en son nom, nous avons simplement acquis la liberté d’imposer souffrances et
misère aux esclaves pauvres qui se croyaient inférieurs parce qu’ils n’avaient
pas réussi à obtenir leur juste part de cette vie promise. Et, au nom de leur
liberté, nous soutenons des guerres funestes menées contre d’autres esclaves
dans d'autres pays; des guerres qui, en définitive sont livrées par nos propres
enfants qui perdent leur sang et leur vie pour enrichir le maître.
Notre
maître mort continuera d'exister longtemps après notre départ. Le plus fou dans
tout ça est que le maître corporatif, bien que mort, jouit d'une vie éternelle
et qu’il continuera d'éduquer les générations successives d'esclaves qui se croiront
libres. Et le maître continuera d’en tirer profit tant que nous nous croirons
libres – tant que nous ne réaliserons pas que, riches ou pauvres, nous sommes tous
des esclaves.
Alors,
comment pouvons-nous dialoguer entre esclaves? Ne devrions-nous pas dialoguer avec
nos frères et sœurs avec respect et amour? Ne sommes-nous pas à même de
comprendre les sinistres maux de l'esclavage chez nos frères les plus pauvres, pour
les avoir nous-mêmes connus? Notre propre servitude ne devrait-elle pas nous pousser à nous entraider les uns les autres par
des moyens différents, inexplorés jusqu’à maintenant?
(Traduction/adaptation maison)
Source : http://gerryspence.wordpress.com/2011/03/23/848/
COMMENTAIRE
Notez que je n’ai rien contre les Américains en particulier puisque le système esclavagiste soutenu par toutes les grandes puissances du monde existe depuis l’aube des temps… Sauf qu’en ce moment, il y a près de 7 milliards d’esclaves qui ne comptent pas du tout aux yeux des organisateurs de cette structure pyramidale. Voilà ce qui me rebute, quel que soit le pays d’origine.
L’on prétendait que l’industrialisation, la robotisation, l’électronique et les technologies informatiques allaient libérer les humains. Avons-nous jamais vu autant d’esclaves qu’aujourd’hui?!
Liberté…? (photos tirées d’un diaporama)
Aucun commentaire:
Publier un commentaire