20 juillet 2013

Ah, les notes!

Si quelqu’un te dit «Tu as changé», cela signifie simplement
que tu as cessé de vivre à sa manière.

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Je ne compte plus les carnets ni les piles de petits papiers que j’ai remplis de phrases «intelligentes». À quoi ça sert?

Dany Laferrière a trouvé le moyen d’en tirer parti.

Journal d’un écrivain en pyjama
Dany Laferrière 

Ce journal n’est qu’une collection de notes d’écriture et de lecture, prises au fil des jours, et qui ne sont destinées qu’à moi, ou du moins au jeune écrivain que je fus. (…) Je ne peux espérer aujourd’hui que ce journal tombe entre les mains d’un écrivain amateur. 

Je me donne des conseils qui ne me sont plus nécessaires, étant déjà assez enfoncé dans le tunnel. (…) Mais si vous vous trouvez à l’entrée du tunnel, alors emportez avec vous ce petit manuel. Il ne vous servira à rien si vous avez du talent, et il ne fera que vous retenir inutilement si vous n’en avez pas, mais emportez-le pour n’avoir pas à l’écrire plus tard. Juste un mot à propos de cette notre musicale qui ponctue chaque mini-chronique : il faut l’imaginer comme ce «biscuit chinois» qu’on vous offre à la fin du repas dans les restaurants asiatiques. Vous devez briser la coquille pour lire ce qui est à l’intérieur. Une fois cela tombe juste; la fois suivante, non.

On gaspille son énergie à passer trop de temps devant la page blanche. (…) Quand ça arrive, au lieu de s’entêter à continuer, on devrait noter pour le lendemain les idées intéressantes qui nous viennent à l’esprit. 

Un bon roman n’est pas loin d’un poème en ce sens qu’il laisse traîner chez le lecteur un sillage nostalgique. On reste un long moment, sans bouger. Comme si on venait de voir remonter à la surface un monde que l’on croyait depuis longtemps englouti. 

On a peur de ces écrivains qui excluent toute cruauté de leurs livres, comme on a peur de ces ménagères qui n’arrêtent pas de frotter les moindres recoins de leur maison avec des gants de caoutchouc jaunes.

C’et difficile de comprendre pourquoi certains jours, contrairement à tant de mauvais jours, on a l’impression d’être habité. De ne pas être seul. La sensation que cette histoire ne nous est pas venue à l’esprit par hasard. On dirait que ce sont des idées, comme des émotions, qui cherchent un esprit à coloniser. (…) Et brusquement, on rejoint la chaîne d’écrivains qui, depuis l’aube des temps, cherchent à dire quelque chose que les autres ne parviennent pas à comprendre. Et cela, malgré qu’ils s’expriment dans un langage accessible. Pourquoi donc ce livre, s’il n’y a rien à y apprendre? Je n’en sais rien.

Il y a des images qui tiennent le lecteur par la nuque pour lui enfoncer la tête dans le livre, lui faisant ainsi croire qu’il ne lit pas un livre mais un écrivain. 

J’adore celle-là :
Quand vous cherchez depuis un moment à décrire la pluie qui tombe, essayez : il pleut.

Je n’ai pas encore terminé ce journal (Laferrière est un autre auteur que je savoure à doses homéopathiques), mais je le recommande fortement à ceux qui «veulent comprendre la mécanique du roman (…) pour pouvoir écrire (…) ou mieux lire» (4. Pourquoi ces notes?; p. 26).

La vie est remplie de surprises.

Parti tôt, pris mon chien
Kate Atkinson

Linda avait travaillé toute sa vie dans la protection de l’enfance, elle avait dû voir le pire côté de l’humanité. Tracy avait vu le pire et davantage encore. Elle s’étaie sentie souillée par tout ce dont elle avait été témoin. De l’obscénité pure et simple. Des salons de massage et des clubs de lap-dancing à une extrémité et à l’autre des DVD hardcore de gens qui faisaient des dégueulasseries entre eux. Des trucs illégaux qui vous brouillaient les synapses à force de dépravation. Des gamines vendant leur âme avec leur corps, des bordels et des saunas à prix cassés, un univers sordide à n’y pas croire, des accros au crack prêtes à faire n’importe quoi pour un bifton de dix livres. N’importe quoi. On arrêtait des filles pour racolage et on les voyait retourner directo sur le trottoir; des étrangères qui croyaient venir travailler comme serveuses et comme nounous et qui se retrouvaient enfermées dans des chambres sordides à enchaîner les passes à longueur de journée; des étudiantes travaillant dans des «clubs de gentlemen» (tu parles!) pour payer leurs études. Liberté de parole, bonnes âmes aux idées larges, les droits de la personne – tant que ça ne fait de mal à personne. Blablabla. Ça menait où? À Rome sous Néron. Le mal était sans fin, au fond.

Pourquoi les hommes tuaient-ils les femmes? Au bout de toutes ces années, Jackson ne connaissait toujours pas la réponse. Il n’était pas certain d’avoir envie de la connaître.

C'était le boulot des femmes d'améliorer les hommes. Et celui des hommes de résister à toute amélioration. 

Depuis l’accident, tout était dénué de sens. Tout espoir enfui. Mais il continuait à mettre un pied devant l’autre. Affronter la futilité de toutes choses.

À mesure qu’on vieillissait, on s’apercevait que le moindre détail comptait. Surtout les morts.

Il lui arrivait de penser que le passé n’était pas seulement un pays étranger, c’était un continent perdu gisant quelque part au fond d’un océan inconnu.

Le chien lui était complètement sorti de l’esprit. Il attendait anxieusement derrière la porte comme s’il ne savait que trop qui allait apparaître. Voyant que ce n’était pas l’abominable Colin, il agita la queue frénétiquement. Jackson s’accroupit et, l’espace d’une minute, s’abandonna au bonheur du chien. Il se sentit coupable de l’avoir laissé tout seul une nuit durant. S’il l’avait emmené, hier soir, peut-être que le chien l’aurait empêché de faire des siennes, été le gardien de sa moralité – une patte amicale sur l’épaule à un moment donné, un conseil d’y réfléchir à deux fois, Rentre Jackson. Ne fais pas ça. Refuse.

La tâche suivante fut l’achat d’un stock conséquent de sacs à crottes de chien pour faire face à l’inévitable avalanche de merde qui l’attendait. Une fois équipé de pied en cap, Jackson eut l’impression d’être un citoyen plus de digne de ce nom. Il aurait dû vérifier que le plastique des sacs était biodégradable pour ne pas encombrer la planète de déchets supplémentaires, mais, certains jours, il y avait des limites à ce qu’un homme peut faire.

Le boîtier émetteur que le serveur du room-service avait attaché au collier du chien était présentement dans la boîte à gants de la Saab. (…) La traque marchait dans les deux sens, la proie et le chasseur dans la même quête, pas tant un duel qu’un duo.

Elle eut un sentiment de défaite, d’une chape de plomb qui s’abattait sur elle. À quoi bon? Elle ne pouvait ni courir ni se cacher, il y aurait toujours quelqu’un pour les chercher. Pour leur coller un dispositif de localisation. Des satellites tout là-haut dans la stratosphère tournaient à leur moindre mouvement. Des caméras étaient braquées sur elles. Des yeux dans le ciel et des drones jouaient aux devinettes : ça commence par un «T». Le Pentagone et le Kremlin les surveillaient dans doute aussi. Des extraterrestres les avaient dans un rayon tracteur invisible. Aucun moyen de s’échapper, aucune issue. [Les caméras de surveillance], des commères déguisées en nichoirs.

Il y eut une seconde quantique de silence qui compta pour du beurre dans une dimension et s’étira à l’infini dans l’autre. Durant la valse-hésitation entre triomphe et désastre, Tracy pressentit l’inévitabilité du dénouement.

– Je ne peux pas être à deux endroits à la fois, se plaignit Jackson.
– Un atome en est capable, d’après la physique quantique.
– Je ne suis pas un atome.
– Tu n’es que ça, Jackson.
– Peut-être bien, n’empêche que je ne peux pas être dans deux endroits à la fois. Il n’y a qu’un Jackson.

Le devoir avant l’amour. Quelle foutaise. L’amour devrait toujours passer en premier.

Série Revenge 

Par curiosité, j’ai regardé les deux premiers épisodes avec l’impression d’avoir affaire à un vieux soap comme Dallas (ou Dynastie) reformaté. Mais, après le 3e épisode je suis montée dans le train à cause de quelques réflexions «philosophiques». La prison de la vengeance gâche autant la vie du redresseur de torts que celle du coupable – parce que l’un comme l’autre éprouve du plaisir à être méchant. L’on peut tuer sans faire couler de sang. Nous sommes tous le méchant d’un autre, et pour s’en rendre compte, il suffit de s’écouter penser et parler.

***
- Ne prenez jamais un souhait pour une certitude.
- Les gens voient uniquement ce qu'ils sont prêts à affronter.
- Ce que vous voyez est ce que vous percevez.
- La vraie personnalité se révèle à la fin du voyage.
- La vérité c’est la liberté et la sécurité.
- L’intuition peut être un cadeau... parfois une malédiction.

- Les liens du destin :
amour vs haine
loyauté vs trahison

- Le destin a deux façons de nous écraser... en refusant nos souhaits et en les réalisant.
(Henry Frederic Amiel)

- Pour réussir à créer une illusion, la première chose dont on a besoin c’est la confiance. Mais pour parfaire une illusion, la fausse réalité doit paraître aussi authentique que celle qu'elle cache. On doit être attentif à chaque détail. La moindre imperfection peut faire éclater l'illusion comme un ballon; et la vérité est révélée.

- Exposer les secrets que nous essayons désespérément de cacher n'élimine pas tous les dangers autour de nous, mais plus que tout, ces révélations sont des fenêtres dans notre vrai moi – le bon et le mauvais… et ceux qui vacillent entre les deux.

- Le pouvoir réel ne peut jamais être gagné ou perdu. Car le vrai pouvoir vient de l'intérieur.

Série Mad Men

Cette série dépeint les comportements de la société américaine des années 60 : tabagisme, alcool, sexisme, adultère, homophobie, antisémitisme, racisme et absence totale de préoccupations pour l'environnement. À mon avis, à part les décors et un meilleur camouflage des vices, rien n’a changé. La publicité sert d’abord à vendre de l’illusion. Profit vs probité.
       «Il est difficile et douloureux de voir les façons dont les femmes et les hommes se comportent les uns avec les autres, ainsi qu'avec le pouvoir. C'est douloureux parce que ces comportements ne sont pas si éloignés de nous que nous voudrions le croire. Nos filles reçoivent continuellement le message que le pouvoir vient avec les hommes puissants. Être jolie reste toujours une qualité qui peut vous faire monter les échelons, sans pour autant vous amener tout en haut.» ~ Marie Wilson (The Washington Post)

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Nostalgia
It’s delicate, but potent…
Teddy told me that in Greek, nostalgia literally means the pain from an old wound.
It’s a twinge in your heart, far more powerful than memory alone.
This device… isn’t a spaceship, it’s a time machine.
It goes backwards, forwards.
It takes us to a place where we ache to go again.
It’s not called the Wheel.
It’s called the Carousel.
It lets us travel the way a child travels.
Around and around and back home again, to a place where we know we are loved.
(Don Draper)

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