31 août 2013

Poésie et déficience cognitive


Image : Saut créatif

Comment la poésie peut aider les gens atteints de démence

Pendant 20 minutes, le silence couvre la salle, ponctué uniquement par la douce respiration de deux femmes assises face à face. 
       La plus âgée s’efforce de parler – elle souffre de trouble cognitif, et depuis quelque temps, elle a de la difficulté à parler.
       Un seul mot, «vie», sort finalement de sa bouche. 
       L'autre femme, Susanna Howard, est poète. Elle prend des notes dans son carnet. Une fois qu'elle a terminé, elle lève les yeux et attend. 
       Peu après, grâce aux notes de Howard, les mots de la femme âgée s'assemblent comme par magie, d’une manière à la fois familière et unique :

LIVED A LIFE
Nobody here asks what you did
In your life
It seems they seem to think
We were put on earth with broken legs
And have come here for sympathy

Nobody wants to listen
I’ve had a stroke
Words don’t come out
And they say ‘Yes, yes’ –
Don’t really want to know

It sounds silly
But it’s quite true
We have all lived a life


Image : Le faiseur de mots (original ce portrait en mots...)  

Donner une voix à ceux que la démence réduit au silence

Howard, dont la devise est «tous les mots sont corrects», est la créatrice de «Living Words», une forme innovatrice d'art-thérapie visant à donner une nouvelle voix aux personnes atteintes de démence.
       Trop souvent, dit Howard, la société considère les personnes souffrant de troubles cognitifs comme irrécupérables. Même les amis et la famille ne savent pas comment communiquer avec leurs proches qui ont perdu la capacité de formuler des phrases et d'exprimer des pensées cohérentes. La plupart hésitent à partager avec les personnes atteintes de démence par crainte de les bouleverser en posant une question à laquelle elles ne pourraient pas répondre, ou de dire quelque chose qui pourrait les offenser. Or, ne pas leur parler ne sert qu'à aliéner davantage la personne démente. «Je trouve cela très triste quand les gens disent que l'essence d'une personne disparaît avec la démence», dit Howard. La personne que vous avez aimée est toujours là, fonctionnant avec l’essence d’elle-même.»

Nous voulons tous être entendus

Il existe de nombreuses formes de démence qui affectent les gens de diverses façons. Par exemple, les premiers stades de la maladie d'Alzheimer sont souvent marqués par une perte progressive de la mémoire, tandis que les personnes souffrant de démence Lewy-body ont souvent des délires et des hallucinations. 
       Il n'est pas étonnant que les gens soient facilement déconcertés et hésitent à causer avec un ami ou un membre de la famille ayant une déficience cognitive. 
       Mais, éviter les interactions isole la personne encore plus; elle n'est pas écoutée et se sent presque déshumanisée.
       Voilà ce qui rend les séances de poésie si utiles. 
       Selon Howard, franchir les étapes d’écriture d’un poème et ensuite écouter leur verset terminé, peut aider les personnes atteintes de démence à se sentir connectées. «Lorsqu'une personne entend ses propres mots, ceux-ci résonnent en elle, même si elle ne se souvient pas les avoir dits. Cette résonnance suscite le sentiment d’être entendu, du moins à un certain niveau», dit-elle.

NUMBER 65
The chair – it’s so dirty feeling
I’m not in running order
Where do you go to when you
Go out?
I keep out of walking mode
With the mainframe
In the convoy – don’t go around much
I wish
Wish I could drive in a big car
Drive away in a car, oh
Oh I, I wish, wish I could
Fly just fly right away
To number 65 – Not
Drifting along at nothing


Changer notre façon de communiquer

À l’occasion du Mois National de la Poésie, nous avons voulu souligné l'incroyable pouvoir de connexion de la poésie à travers chaque étape de la vie. 
       Pour sa part, Howard espère que son travail aidera à atténuer un peu l'appréhension qui accompagne la communication entre les gens piégés dans la réalité alternative de la démence et les gens qui fonctionnent dans le monde extérieur. 
       Howard a de la difficulté à mettre le doigt sur la leçon la plus poignante elle a pu tirer en travaillant avec des hommes et des femmes atteints de trouble cognitif : «On ne peut vraiment pas résumer – je suis constamment surprise du pouvoir de ce travail», dit-elle.
       Elle admet qu'un des aspects les plus rafraîchissants de son travail est le fait que ces hommes et ces femmes ont éjecté bon nombre des filtres de bienséance imposés par la société, de sorte que leurs observations restent brutes et honnêtes. «Ces personnes utilisent un langage en lien direct avec leurs émotions. Elles ont tendance à dire ce qu’elles ressentent vraiment.» 
       Parallèlement à son travail avec les personnes atteintes de démence, Howard offre également des séminaires et ateliers au personnel des établissements de soins aux aînés pour les aider à comprendre comment ces derniers expriment leurs pensées et leurs sentiments. 
       Son espoir est que la thérapie Living Words (qui s'est rapidement répandue dans tout le Royaume-Uni) devienne un modèle à utiliser dans le monde entier. Howard travaille actuellement à la publication d'un recueil de poèmes écrits par des personnes atteintes de déficience cognitive.

LOST
I don’t know really, because
I’m really
Lost.

It scares me to hell
I don’t know what to do –
I’m scared

It was so disgusting – I just sat there, doing
Nothing
I thought I was
In an asylum I was
Ashamed that I
Sit there

These people were people who, well they are
Old age pensioners. They made me an
Old
Age
Pensioner. I was
Really annoyed – terrible isn’t it
There’s nothing wrong with me –
I just don’t do
Anything.

I feel
Lost – that’s all I can say, because
I’ve never felt
Lost – this is
Just hell
So you now have the whole thing.
I can’t say it myself.
The saddest thing.


Source : AgingCare.com

28 août 2013

Dire non à … c’est dire oui à …

Tellement vrais ces aphorismes. Oh là là!

Lorsque nous changeons, notre environnement change aussi. Conséquemment, les relations avec les partenaires, membres de la famille et amis peuvent être soumises à dure épreuve. Mais, si elles n’y survivent pas, une ouverture à d’autres relations plus harmonieuses et bénéfiques peut aussi se produire.

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Si vous changez

Parfois, la forme d'une relation se modifiera parce que quelqu'un vous quitte ou vous fréquente moins souvent. Quand vous changez, les gens réagissent différemment. Certains se réjouiront de votre nouvelle  lumière et de votre force intérieure grandissante. Certains ne remarqueront rien, ou n’en seront pas perturbés. D’autres pourront se sentir menacés et essaieront de vous contrôler pour vous empêcher de changer. D’autres s’éloigneront parce qu'ils ne sont pas prêts à matcher votre énergie plus limpide et équilibrée. Ils pourraient avoir besoin de revivre les mêmes défis dans une relation similaire à celle que vous aviez avec eux. Si tel est le cas, ils s’éloigneront probablement. Ils se trouveront des personnes ayant les mêmes patterns que vous aviez avant de changer. Quant à vous, si vous avez résolu vos propres défis, vous pourrez passer à autre chose.

Si quelqu’un se distancie, est indifférent ou vous rejette, ne perdez pas de temps à vous demander ce que vous pourriez dire ou faire pour ranimer la relation. Demandez-vous si les attitudes de l'autre ne sont par qu'un miroir de ce qui se passe en vous. Réfléchissez à la façon dont vous avez vous-même laissé la relation se détériorer. Peut-être étiez-vous émotionnellement désengagé, ou physiquement absent pendant de longues périodes. Vous avez sans doute eu des doutes, ou des intuitions vous pressant de changer ou de quitter la relation, mais sans agir en conséquence.

Si vous éprouvez de la souffrance par rapport à la séparation, vous pouvez l’utiliser pour créer une ouverture de cœur. Libérez et transformez la blessure, en transférant son énergie de votre plexus solaire vers votre centre du cœur. Accueillez l'amour de votre âme dans votre cœur et laissez la douleur se dissoudre dans sa lumière. Affirmez que vous êtes une personne aimante et digne d’être aimée, et qu'il n'y a rien de travers en vous qui ait pu provoquer cette séparation.

La séparation est peut-être la meilleure chose qui puisse vous arriver de part et d’autre, même si vous avez de la difficulté à le croire pour l’instant. Vous aimerez peut-être cette personne plus facilement puisque vous vous relierez d’une autre manière. La séparation vous permet aussi de rencontrer quelqu'un d’autre qui correspondra à ce que vous êtes devenu. Vous pourrez vous concentrer sur votre propre vie. Rappelez-vous que rien ne vous quitte sans être remplacé par mieux*. Vous avez tout ce qu'il faut en vous pour construire des relations agréables et valorisantes.

* Dans le sens de convenir, d'être plus en harmonie.

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Principes éthiques personnels à cultiver

▪ Je bannis la résignation, la soumission, l’attaque et la défense à tout jamais en moi et autour de moi!

▪ Je dis maintenant des vrais OUI et des vrais NON pour délimiter mes frontières physiques, émotionnelles et intellectuelles.

▪ Je refuse le pathétique «marchandage» – à savoir faire semblant d’aimer une chose pour en obtenir une autre.

▪ Personne n’est obligé de répondre à mes besoins contre son gré.

▪ Je vais maintenant vers les autres par Amour plutôt que par besoin ou obligation, et ainsi je crée des relations satisfaisantes, favorables à la joie de vivre.

Quand vous dites non à …
des gens qui n’ont aucune intention d’apprendre quoi que ce soit des autres (je suis comme je suis et je ne changerai pas!), et sont déterminés à rester
▪ des violents (verbalement et physiquement);
▪ des parasites/victimes/vampires qui drainent l’énergie vitale des autres avec leurs sempiternels drames;
▪ des éteignoirs/pompiers qui ne peuvent tolérer l’enthousiasme et la joie de vivre des autres;
▪ des manipulateurs sournois qui sont prêts à tout pour obtenir ce qu’ils veulent;
▪ des dominateurs arrogants qui n’hésiteront pas à écraser les autres pour se valoriser et réussir;
▪ des invalidants qui se grandissent en diminuant les autres;
▪ des critiqueurs dépressifs/déprimants qui cherchent toujours la «petite bête noire» et ce qui ne fonctionne pas;
▪ des prétentieux (les smarts) qui savent tout et veulent prouver qu’ils ont toujours raison;
▪ des égoïstes chroniques qui se prennent pour le nombril du monde et ne sont attentifs qu’à leurs propres besoins;
…et tous les autres saboteurs de vie pas encore rencontrés!

Vous dites oui à …
des personnes qui vous aident et
▪ veulent contribuer à votre vie en vous donnant du temps, de l’attention et de l’amour sans attente;
▪ sont capables de décrocher de «leurs petites/grosses affaires» et de vous écouter avec compassion quand vous en avez besoin;
▪ sont autonomes et vous fréquentent parce qu’elles vous apprécient pour ce que vous êtes et non pour ce qu’elles peuvent retirer de vous;
▪ sont capables de reconnaître vos talents, vos qualités et tout ce que vous êtes sans se sentir menacées;
▪ sont authentiques et franches : vous pouvez compter sur elles pour toujours savoir la vérité, même lorsque c’est inconfortable et risqué;
▪ ont choisi d’expérimenter leurs relations dans un monde de gagnant/gagnant, et qui n’accepteront jamais de gagner à vos dépens;
▪ sont capables d’écouter vos points de vue sans vous invalider, et de partager les leurs d’une manière responsable et respectueuse;
▪ sont engagées à évoluer avec vous parce qu’elles vous aiment et qu’elles veulent contribuer à votre qualité de vie;
▪ ne vous tiennent pas responsable de leur propre qualité de vie;
▪ reconnaissent vos accomplissements et se réjouissent de vos joies, de votre enthousiasme et de vos succès.

Source : Violette Lebon, L’Essentiel : l’estime de soi
(Relations : soutien ou sabotage?) 

On peut se demander s’il est possible d’expérimenter des relations aussi exigeantes mais tellement exaltantes. Si notre cœur le désire sincèrement, il nous faut d’abord consentir à ÊTRE ce genre de personne agréable! Ensuite, de par la loi d’attraction, nous attirerons des «semblables».

Charte de vos droits et liberté

1. Vous avez le droit de déterminer la pertinence de vos comportements, de vos pensées et de vos émotions, et d’assumer la responsabilité de leur déclenchement aussi bien que leurs conséquences sur vous.

2. Vous avez le droit de ne pas fournir de justifications à votre conduite.

3. Vous avez le droit de juger si je vous êtes responsable de trouver des solutions aux problèmes des autres.

4. Vous avez le droit de changer d’idée.

5. Vous avez le droit de commettre des erreurs – et d’en assumer la responsabilité.

6. Vous avez le droit de dire «Je ne sais pas».

7. Vous avez le droit de vous affranchir du zèle des autres avant de traiter avec eux.

8. Vous avez le droit d’être illogique lorsque vous prenez des décisions.

9. Vous avez le droit de dire «Je ne comprends pas».  

10. Vous avez le droit de dire «Je m’en balance!». 

VOUS AVEZ LE DROIT DE DIRE NON SANS VOUS SENTIR COUPABLE

NB : bien sûr, vous n’oublierez pas d’accorder ces mêmes droits à tout le monde…

Source : Manuel J. Smith, When I Say No, I Feel Guilty

26 août 2013

Plus vert que les «verts»

Photo Boudacool   

Je vois l’Île d’Anticosti
après le forage  
j’ai froid dans le dos
et mal au cœur 

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La ville
Émile Verhaeren (1855-1916)

Tous les chemins vont vers la ville.

Du fond des brumes,
Avec tous ses étages en voyage
Jusques au ciel, vers de plus hauts étages,
Comme d’un rêve, elle s’exhume.

Là-bas,
Ce sont des ponts musclés de fer,
Lancés, par bonds, à travers l’air;
Ce sont des blocs et des colonnes
Que décorent Sphinx et Gorgones;
Ce sont des tours sur des faubourgs;
Ce sont des millions de toits
Dressant au ciel leurs angles droits :
C’est la ville tentaculaire,
Debout,
Au bout des plaines et des domaines.


Le haut soleil ne se voit pas :
Bouche de lumière, fermée
Par le charbon et la fumée.

Un fleuve de naphte et de poix
Bat les môles de pierre et les pontons de bois;
Les sifflets crus des navires qui passent
Hurlent de peur dans le brouillard;
Un fanal vert est leur regard
Vers l’océan et les espaces.

Des quais sonnent aux chocs de lourds fourgons;
Des tombereaux grincent comme des gonds;
Des balances de fer font choir des cubes d’ombre
Et les glissent soudain en des sous-sols de feu;
Des ponts s’ouvrant par le milieu,
Entre les mâts touffus dressent des gibets sombres
Et des lettres de cuivre inscrivent l’univers,
Immensément, par à travers
Les toits, les corniches et les murailles,
Face à face, comme en bataille.

Et tout là-bas, passent des chevaux et roues,
Filent les trains, vole l’effort,
Jusqu’aux gares, dressant, telles des proues
Immobiles, de mille en mille, un fronton d’or.
Des rails ramifiés y descendent sous terre
Comme en des puits et des cratères
Pour reparaître au loin en réseaux clairs d’éclairs
Dans le vacarme et la poussière.
C’est la ville tentaculaire.

La rue – et ses remous comme des câbles
Noués autour des monuments –
Fuit et revient en longs enlacements;
Et ses foules inextricables,
Les mains folles, les pas fiévreux,
La haine aux yeux,
Happent des dents le temps qui les devance.
À l’aube, au soir, la nuit,
Dans la hâte, le tumulte, le bruit,
Elles jettent vers le hasard l’âpre semence
De leur labeur que l’heure emporte.
Et les comptoirs mornes et noirs
Et les bureaux louches et faux
Et les banques battent des portes
Aux coups de vent de la démence.

Le long du fleuve, une lumière ouatée,
Trouble et lourde, comme un haillon qui brûle,
De réverbère en réverbère se recule.
La vie avec des flots d’alcool est fermentée.
Les bars ouvrent sur les trottoirs
Leurs tabernacles de miroirs
Où se mirent l’ivresse et la bataille;
Une aveugle s’appuie à la muraille
Et vend de la lumière, en des boîtes d’un sou;
La débauche et le vol s’accouplent en leur trou;
La brume immense et rousse
Parfois jusqu’à la mer recule et se retrousse
Et c’est alors comme un grand cri jeté vers le soleil et sa clarté :
Places, bazars, gares, marchées,
Exaspèrent si fort leur vaste turbulence
Que les mourants cherchent en vain le moment de silence
Qu’il faut aux yeux pour se fermer.

Telle, le jour – pourtant, lorsque les soirs
Sculptent le firmament, de leurs marteaux d’ébène,
La ville au loin s’étale et domine la plaine
Comme un nocturne et colossal espoir;
Sa clarté se projette en lueurs jusqu’aux cieux,
Son gaz myriadaire en buissons d’or s’attise,
Ses rails sont des chemins audacieux
Vers le bonheur fallacieux
Que la fortune et la force accompagnent;
Ses murs se dessinent pareils à une armée
Et ce qui vient d’elle encor de brume et de fumée
Arrive en appels clairs vers les campagnes.

C’est la ville tentaculaire,
La pieuvre ardente et l’ossuaire
Et la carcasse solennelle.

Et les chemins d’ici s’en vont à l’infini
Vers elle.

La Villes tentaculaires

Cent poèmes pour l’écologie
Choisis par René Maltête
Le cherche midi éditeur; 1991

25 août 2013

Pour qui aime Mark Twain


Aujourd’hui, les célébrations autour du discours de Martin Luther King me faisaient penser à Mark Twain – ce virulent anti-impérialisme-colonialisme-esclavagisme, etc. 
J’entendais un jeune noir américain dire en interview ce matin :
«Les Caucasiens ne voient toujours que la couverture du livre.»

Suggestion


Le premier volume de l’autobiographie «officielle» de Mark Twain est paru en français à l’automne dernier. J’ai bien aimé les commentaires du traducteur Bernard Hoepffner concernant sa méthode de traduction «adaptée». Tout à fait d’accord avec sa façon de voir… S’il y a un auteur difficile à traduire, c’est bien Mark Twain…!

«Une langue qui se défend est une langue qui meurt» – Le nouveau traducteur de «Tom Sawyer» et «Huck Finn» explique son approche des textes de Twain, et le sens qu'il donne à son métier, artisanal plutôt qu'intellectuel.

Comment est né le projet de retraduire ces deux livres? [Les aventures de Tom Sawyer et Huckleberry Finn]
Bernard Hoepffner : Je les lis et relis depuis de nombreuses années, particulièrement Huck Finn. Ce n'est qu'il y a dix ans quand, traduisant l'autobiographie de Mark Twain, j'ai été amené à comparer les deux textes pour insérer des citations, que je me suis rendu compte à quel point la traduction française non seulement trahissait la langue de Twain, mais dénaturait totalement le livre. Alors que Huck, qui écrit le livre à la première personne, est un garçon illettré, gouailleur et s'exprime dans un langage foisonnant, on lui faisait employer un français châtié, avec imparfaits du subjonctif et passés simples… L'envie de retraduire les deux livres s'est concrétisée grâce aux Éditions Tristram, qui nourrissaient le même projet. Ils m'ont donné une totale liberté, celle d'écrire «mal bien».

Cette question de l'inventivité du langage n'est-elle pas proche de nombreux débats idéologiques actuels sur le nivellement du français?
C'est la paresse qui nourrit une langue, elle s'enrichit toujours par le bas. Le latin a donné l'italien, le français et le roumain parce que chaque culture a eu une paresse différente de la langue. Une langue qui se défend est une langue qui meurt. Si un langage est pauvre c'est parce que la culture qui le sous-tend est pauvre, c'est l'univers qui crée la langue. Le parler des banlieues est formidable, ce n'est pas lui qui est problématique mais la violence qu'il peut parfois véhiculer. On a malheureusement tendance à confondre les deux. Le traducteur doit faire feu de tout ce bois, il est partie prenante.

Article complet :
http://www.la-croix.com/Culture/Livres-Idees/Livres/Mark-Twain-tel-qu-on-ne-l-avait-jamais-lu-_NG_-2008-10-01-678338

Commentaire du traducteur Bernard Hoepffner (vidéo) :
https://www.youtube.com/watch?v=dx4TBTxmtog

Résumé de l'éditeur (Tristram) :
       Au cours des quinze dernières années de sa vie, Mark Twain, écrivain le plus célèbre de son temps, s'est consacré à l'écriture d'une immense autobiographie. En 2010, les responsables du Mark Twain Project, au sein de l'Université de Californie, ont rendu public le premier volume de cette somme étourdissante.
       Twain y est à son meilleur, généreux, déchaîné et plus drôle que jamais, en particulier à travers les très nombreux portraits de ses contemporains. Il embrasse histoire personnelle, passion de l'écrit (un domaine où il a fait tous les métiers, ayant commencé comme ouvrier typographe) et Histoire de l'Amérique — dans ce qui apparaît comme étant peut-être ce fameux "Grand Roman Américain", qui est depuis toujours le mythe ultime de la littérature des Etats-Unis.
       Du moins est-ce ainsi que l'ouvrage a été accueilli à sa sortie en novembre 2010 et suscitant l'engouement jusqu'à la Maison Blanche...

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Je n’ai pas lu cette traduction car je préfère lire dans la langue originale (quand c’est possible). Si c'est votre cas, vous trouverez le premier volume (deux autres suivront) en anglais (publié en 2010, selon les vœux de MT) sur le site Mark Twain Project :
http://www.marktwainproject.org/xtf/view?docId=works/MTDP10362.xml;chunk.id=fr0001;toc.depth=1;toc.id=fr0001;citations=;style=work;brand=mtp#X

J’ai lu celle-ci (publiée en 2004 et qui couvre sensiblement le premier volume de MT Project) :
http://gutenberg.net.au/ebooks02/0200551h.html
http://gutenberg.net.au/ebooks02/0200561h.html

En passant, de nombreux trésors sur ce site…  
http://gutenberg.net.au/

Des droits, les animaux?

Photo : La Libre.be

Je sais que parler des droits des animaux peut sembler superflu lorsqu’on bafoue les droits humains à la grandeur de la planète. Mais l’un ne va pas sans l’autre : on traite les humains comme on traite les animaux – c’est-à-dire, comme des choses. 

Hier soir, Jacques Languirand démarrait sa 43e saison de Par 4 chemins sur les ondes de «Ici Radio Canada Première» (nouvelle appellation améliorée)… Je lui lève mon chapeau encore une fois : un record Guinness en matière de longévité radiophonique (ici)!
Archives Radio Canada : http://www.radio-canada.ca/par4/
Site de Languirand : http://www.repere.tv/

Il débutait avec des extraits du livre Les animaux aussi ont des droits.
Bonne idée; à mon avis, on n’en parlera jamais assez.

Si le sujet vous intéresse voyez le libellé «Zoofriendly» et «Végétarisme» sur Situation planétaire (lien dans Zones parallèles sous Boudacool) et également sous le libellé Animaux/Nature de ce blogue.

Je n’ai pas lu l’ouvrage; alors voici un condensé :

Les animaux, si proches des hommes
Par Guy Duplat
(Vendredi 12 juillet 2013)
Source : http://www.lalibre.be/culture/livres/les-animaux-si-proches-des-hommes-51da347d35708f4775a0646f

Les animaux aussi ont des droits, analysent trois grands philosophes. Une démonstration qui montre qu’ils sont de moins en moins bêtes.

Un des phénomènes les plus marquants des dernières années est la montée en puissance des philosophes et éthologues qui évoquent la nécessité de donner des droits aux animaux. L’époque est définitivement terminée de l’animal assimilé à une machine, comme le disait Descartes, l’époque du philosophe Malebranche qui pouvait donner un coup de pied sur le ventre d’une chienne en disant que cela n’avait pas d’importance car l’animal ne ressentait rien.

Aujourd’hui, un consensus se fait : les animaux, au minimum ceux à sang chaud, peuvent souffrir, ressentir la douleur, exprimer des émotions et des sentiments. Et la cruauté dont l’homme s’est montré capable envers les animaux apparaît insupportable : élevages en batterie, mutilations des poulets et cochons, expérimentations sur les animaux, etc. Le livre sidérant de Jonathan Safran Foer sur l’élevage animal, «Faut-il manger des animaux?», a ouvert beaucoup d’yeux.

Au niveau du grand public, on voit croître les adeptes du végétarisme et du végétalisme qui refusent désormais de manger de la viande car cela implique nécessairement qu’on tue des animaux. Aux États-Unis, le mouvement vegan croît, plus radical, qui supprime aussi le cuir, l’équitation, bref, toute forme d’exploitation de l’animal. Certains évoquent même le fait que notre civilisation revient sur l’acquis fondamental du néolithique qui fut de domestiquer les animaux à notre usage.

De nombreuses études vont plus loin que la seule compassion à l’égard de la souffrance animale et montrent que les animaux, du moins ceux qui nous sont les plus proches, ont une vie autonome, une singularité un caractère, une conscience de soi. Plus rien de fondamental ne distingue vraiment l’homme de l’animal. Depuis Darwin, on sait d’ailleurs que l’homme est un animal parmi d’autres et qu’il est plus proche des grands singes que les grands singes ne sont proches d’un ver de terre.

Tous ceux que ces questions passionnent doivent lire «Les animaux aussi ont des droits» où la journaliste Karine Lou Matignon interroge trois «stars» de ces questions : le philosophe américain Peter Singer, fondateur du mouvement de libération animale, la philosophe Élisabeth de Fontenay qui publia le bouleversant «Le silence des bêtes» et l’éthologue et neuropsychiatre Boris Cyrulnik. De longues interviews fouillées, pleines d’informations éclairantes et d’opinions parfois diverses.

Ainsi ces spécialistes se divisent sur la question du «spécisme». Peter Singer est un «antispéciste» qui estime qu’aucune espèce (ici l’homme en l’occurrence) n’a le droit de dominer les autres. Et pour lui, le combat pour la libération des animaux est le prolongement du combat de libération des Noirs, des femmes, des minorités diverses, qui tous, luttèrent contre la prétention d’une partie des hommes de pouvoir dominer les autres. Son antispécisme, refusant à l’homme une primauté en soi, peut avoir des conséquences éthiques délicates. Une question - théorique- est posée : s’il faut sacrifier un être vivant, qui faut-il choisir entre un homme réduit à l’état végétatif et sans espoir de guérison ou un grand singe qui garde toutes ses facultés cognitives et d’émotions? Pour Peter Singer, il faut garder le singe.

Elisabeth de Fontenay est «spéciste». Pour elle, il y a eu un saut qualitatif avec l’homme, par le langage «performatif», qui peut impliquer une action, une action politique par exemple. Mais ceci étant dit, elle est tout aussi claire dans sa volonté de donner des droits à des animaux qui ne peuvent plus, en droit, être liés à des choses, des objets marchands. Ces animaux pourraient avoir des droits (sans devoirs) de «patients moraux» comme en ont les enfants ou les handicapés.

Ce combat législatif est très lent. Ce n’est qu’en 1963 que la cruauté sur un animal est devenue un délit et ce n’est qu’en 1997, par le traité d’Amsterdam, que les animaux ne sont plus rangés dans la rubrique «marchandises et produits agricoles» mais qu’on exige dorénavant «le respect des animaux en tant que créatures douées de sensibilité».  Il a fallu bien du temps pour arriver à cela. Léonard de Vinci écrivait déjà qu’un jour viendrait où tuer un animal sera pointé du doigt et considéré tel un assassinat.

Le livre est riche de dizaines de citations frappantes. Telle celle d’Ovide qui disait : «Quel mal a fait le bœuf, cet animal sans ruse ni malice, inoffensif, ingénu, fait pour supporter les fatigues? Oui, vraiment, c’est un ingrat, indigne des présents de la terre, celui qui peut égorger son laboureur à peine délivré du poids de la charrue recourbée, et frapper de la hache ce cou usé par le travail, après s’en être servi tant de fois pour retourner le dur terrain de son champ et pour préparer ses moissons». Ou Marguerite Yourcenar qui écrivait : «C’est déjà un gain immense de s’apercevoir que la vie n’est pas seulement incluse dans la forme à laquelle nous sommes accoutumés à vivre. Et, puis, il y a toujours pour moi, cet aspect bouleversant de l’animal qui ne possède rien, sauf la vie, que si souvent nous lui prenons».

Ou Lévi-Strauss qui a écrit : «En s’arrogeant le droit de séparer radicalement l’humanité de l’animalité, en accordant à l’une tout ce qu’il retirait à l’autre, l’homme occidental ouvrait un cycle maudit. La même frontière, constamment reculée, a servi à écarter des hommes d’autres hommes et à revendiquer, au profit de minorités toujours plus restreintes, le privilège d’un humanisme corrompu, aussitôt né, pour avoir emprunté à l’amour-propre son principe».  

Ce sont les soi-disant nécessités économiques, nécessités de l’expérimentation scientifique et les habitudes alimentaires qui s’opposent aux changements. Le livre pointe aussi le rôle du catholicisme. La question de la souffrance animale s’est, en effet, posée au Moyen Âge : les animaux n’ayant pas été chassés du paradis, ils n’ont pas la liberté de l’homme. Alors, si Dieu est bon et tout-puissant, pourquoi laisse-t-il les animaux souffrir? La réponse fut claire : les animaux dès lors ne peuvent pas souffrir, par définition, sinon, ils nient en quelque sorte Dieu. Leur apparente souffrance n’est qu’un réflexe sans conscience. C’est sur base de cela que Descartes expliqua que les animaux n’étaient que des machines.

Les animaux aussi ont des droits, Boris Cyrulnik, Elisabeth de Fontenay, Peter Singer; Éditions du Seuil (2012) 

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En complément, et pour preuve que les animaux sont intelligents (ou à tout le moins guidés par une intelligence quelconque – tout comme nous, si nous y sommes ouverts…) : un témoignage assez poignant.

Résumé 

Un chien errant vient à la rescousse d’une femme accidentée -- Shannon Lorio avait perdu le contrôle de sa voiture sur une route rurale en Géorgie. Une route où il y a beaucoup de courbes, et elle roulait un peu trop vite… 

«La voiture a dévié et crashé loin de la route. J’ai été projetée à moitié sur le siège arrière, et j’étais paralysée de douleur. Et comme il y a peu de circulation sur ce chemin de campagne, je ne croyais pas recevoir de secours. Personne aux alentours. Tout à coup j’ai senti une présence. Je pouvais sentir son souffle. Je ne connaissais pas ce chien, je ne l’avais jamais vu. Il a sauté dans la voiture et a commencé à me lécher le visage; je saignais. Puis, il m’a retournée et m’a tirée par ma chemise. Il m’a traînée 100 pieds plus loin pour m’amener sur le bord de la route. Arrivée là, j’ai entendu un camion ou une voiture arriver. Je me suis suspendue à son cou pour signaler ma présence, et le conducteur s’est arrêté. Et là j’ai totalement perdu conscience. On m’a transportée à l’hôpital où j'ai repris conscience (j’avais une commotion cérébrale). Aujourd’hui je crois, dans mon cœur, que s’il n’avait pas été là, je serais morte. Je suis vraiment reconnaissante qu’il ait été là.» 

Après avoir sauvé la vie de Shannon, en 2010, le chien errant a été pris en charge par Humane Society, et fut entraîné pour devenir chien sauveteur par Heidy Drawdy. On l’a baptisé (à juste titre) Hero.

Dans la vidéo ci-dessous, Shannon raconte les événements reliés à son sauvetage (reconstitution).
Source :
http://www.dogheirs.com/tamara/posts/1700-stray-dog-comes-to-the-rescue-of-woman-in-car-crash-video

23 août 2013

La «multiplication» des chiens

Photo : site Sandra et le chien

En ce moment c’est la chasse aux chiens abandonnés à Détroit, elle-même une ville abandonnée…

Si vous aimez les chiens «pour vrai» visitez Sandra et le chien
http://sandraetlechien.com/

Voici un de ses articles.

Les puppy mills offrent une évasion
Par Sandra (12/08/2013)

Au Québec, la mise à mort est la solution choisie pour contrôler cette surpopulation animale sur l’ensemble du territoire (http://www.caacq.ca).

Et si la réponse à cette situation se trouvait dans le problème? Et s’il fallait non pas chercher une  solution, mais regarder le problème. Pourquoi les Québécois ont besoin d’animaux? Pourquoi les Québécois ont besoin d’autant de bébés animaux dans leur vie? Car il est dit que près de la moitié (45 %) des ménages québécois ne gardent leur animal qu’en moyenne 2 ans.

La logique est simple, elle est pulsionnelle. Ces bêtes vivantes sont soulageantes. Tout part d’un refus. Refus d’une tension, d’un inconfort, d’une douleur. Refus de la simple intensité du vivant. Nous refusons le vide de nos existences. Nous recherchons un réconfort pour nous sortir de notre isolement. Nous achetons un animal. On se paie un être de chaleur pour plaquer devant notre manque, pour éviter de sentir le vide. Vide révélé par le refus de vivre. L’équation est simple. Nous avons un problème (notre vie a-t-elle un sens?) que nous refusons d’aborder, nous nous ruons sur une solution (acheter un être qui va nous sortir de notre déni), ça fonctionne tant que l’animal est petit, tout rond, tout mignon.

Nous nous accrochons avec volonté jusqu’à ce que les sensations que nous écartions refassent surface. Alors on se trouve avec deux vrais problèmes sur les bras : le chat ou le chien a bien grandi, il a besoin d’une bonne éducation, il a besoin qu’on s’investisse, il est là devant nous et nous, en dedans de nous, une terreur indicible nous étreint, la même qu’on fuyait. « L’animal ouvre devant moi une profondeur qui m’attire et qui m’est familière. Cette profondeur, en un sens, je la connais : c’est la mienne. Elle est aussi ce qui m’est le plus lointainement dérobé, ce qui mérite ce nom de profondeur qui veut dire avec précision ce qui m’échappe »,  p. 52-53, Georges Bataille Théorie de la religion, 1948, Idées/Gallimard.

C’est un cercle infernal. Comme il y a marché, les vendeurs produisent des animaux en quantité. Pour soulager cet automatisme stupide. Les puppy mills font fureur au Québec car ils offrent une évasion : fuir le monstre qui gît au fond de nous. Les attentes que nous projetons sur nos animaux sont des stratégies de soulagement de cette souffrance. Mais personne (animal ou être humain) ne peut combler ce manque et encore moins être cet objet de consolation. C’est en quoi Françoise Armengaud Réflexions sur la condition faite aux animaux Édition Kimé, disait : « Cela pourrait nous conduire à distinguer entre ce que j’appellerai le ‘principe prédateur’ : ta vie nourrit et soutient ma vie et le ‘principe sacrificiel’ : non seulement comme précédemment ta vie – en tant que nourriture – soutient ma vie, mais de surcroît et peut-être essentiellement ta mort garantit et légitime ma vie », p. 18

Le connu est toujours enraciné dans le passé et c’est à partir de ce connu que la pensée projette l’avenir.  Se délier de son passé pour aborder la question de la relation au chien au Québec. Ça ne passera pas par la volonté. Mais par le sentir, fond commun de l’homme comme de l’animal. À l’homme de sentir du dedans (p. 61, Sandrine Willems L’animal à l’âme, Seuil, 2011)

Sandra Friedrich
Blogueuse sans frontière ni censure, Sandra Friedrich multiplie les thèmes.

Forte d’une scolarité de doctorat en anthropologie et journaliste pigiste, elle a choisi l’Internet pour partager ses idées. Sandra Friedrich se spécialise dans la relation entre l’homme et l’animal de compagnie, plus précisément le phénomène anthropo-canin. Comme elle le dit si bien : « pour moi l'important reste l'humain en contact avec une autre espèce et le fait que dans notre société, le chien est encore vu comme une mécanique, un outil. On ne peut plus penser l'animal comme ça. C'est contre-productif et contraire aux expériences scientifiques du monde éthologique ».

Elle concrétise également sa passion du contenu à titre de journaliste humanitaire par le biais de ses articles, dossiers et collaborations sur la zoothérapie, les médias communautaires, l’Afghanistan, l’Afrique, l’eau, les soins palliatifs, le prématuré en croisement avec ses critiques littéraires, enquêtes et essais.

Manifesto
Est-ce qu’un blogue peut changer le cours des choses? Est-ce qu’écrire et découvrir peuvent nous aider à mieux vivre? Est-ce que partager une opinion et multiplier la différence peuvent nous aider à mieux être? Avec ce blogue à la ligne éditoriale forte assurée par Sandra Friedrich, elle nous fait la démonstration qu’on peut bloguer pour aider, éveiller, partager et pourquoi pas éduquer. L’opinion peut devenir quelque chose de collectif, la prise de position est donc de mise et permise sur ce blogue.

21 août 2013

Antidote à la morosité et autres maux



En cherchant de l’info sur le livre À bicyclette (1) j’ai découvert cet éloge au vélo.
Dans le mille, et drôlement bien écrit.

La Désespérance? Une arme : la bicyclette!
Par Michel (?), 9 juillet 2011

Article complet – Muco-Vélo :
http://www.muco-velo.ch/la-desesperance-une-arme-la-bicyclette/

(…)
De façon plus terre à terre, la bicyclette défie la gravité car elle empêche de tourner en rond. Elle éclipse nos mondes à l’horizon souvent bien trop confiné pour nous embarquer tous sur une même planète : celle de l’évolution, de la révolution et de l’idéal anarchique. Elle a ce potentiel de transformer l’adynamie en syntonie, l’anosognosie des sens en Énergie morale, le plus vouloir pouvoir en pouvoir vouloir.

Modèle effarant d’authenticité, puisque inégalé (mais égalitaire car antiségrégationniste), il est le plus civilisé des moyens de transports et le seul que je pourrai jamais aduler tant toute la gamme d’émotions qu’il procure ne ressemble à aucun autre. Le vélo érode la peur, il est une addition de superlatifs, un poing levé au meilleur, une mélopée philosophique, une fraction de quintessence au dénominateur commun: l’Humanité. Une mélodie rythmée au son du vent, des paroles à (s’)inventer au gré des états d’âme et des notes à la tonalité bien frappée des chaudes et surprenantes rencontres. Un chant solidaire qui unit, tout en s’indignant des honteuses inégalités. Pas une de ces chansons insipides au vulgaire du banal. Non, plutôt une sublime symphonie composée par la gracieuse variation des flûtes, allégorie de la Vie, s’il en est une, où peu importerait les vents et les turbulences tant qu’avancer demeurerait la direction. Il faut alors éviter le piège du renoncement en changeant de braquet à temps et garder ainsi une roue d’avance. Tenter avec humilité, de trouver les moyens qui feront naître les ressources permettant d’affronter les bûches jalonnant les routes de l’existence pour, au final, faire trébucher la défiance en celle-ci. Forcer la providence et avancer coûte que coûte sans trop savoir ce qui nous est concocté pour l’avenir. Tout comme Konrad ce vieux monsieur, (81 ans et quatre pontages coronariens!) à l’esprit alerte et aux muscles bien affûtés qui après une matinée à pédaler avec moi me balance : « Si je n’avais pas eu de vélo, je serais mort ». Quel paradoxe! Abattons l’effet nauseabo associé à la soi-disant trop grande difficulté pour une virée vivifiante! Je crois aux vertus mélioratives et curatives de la bicyclette qui est un véritable antidote à la lassitude et, tout comme Morand, je pense que « Ailleurs est un mot plus beau que demain ».

Épatante machine qui, unique en son genre, peut élégamment et allègrement transporter plus de dix fois son propre poids! Loin du « matérialisme intellectuel » et des raisonnements abscons qui nous emballent tels de petits paquets, il décloisonne la façon de percevoir tout en adoucissant le regard posé sur chaque nouvelle situation; les certitudes se transforment en questionnements, les craintes en confiance et la noirceur des prisons intérieures en campagnes vertes. Il oppose l’optimisme de la volonté au pessimisme de l’intelligence. Oserait-on aller jusqu’à dire que, de par son mouvement cyclique, il décolonise l’imaginaire des présupposés négatifs pour les remplacer par de l’empathie, de l’amour. Un vélorutionnaire doté d’une arme de révolution (étrange : les mots vélo et évolution y apparaissent) massive digne d’un cyclo-terroriste, donc? Oui, je pense que les sentiments conjointement scellés de fragilité et « d’inoxydabilité » qu’il procure aiguisent l’attention du cyclotouriste au monde et par corollaire à son prochain. Du haut de sa selle, il se sent les pieds bien sur terre, en connexion avec autrui. Et après tout, un vélo de plus c’est une bagnole de moins! Non?

La bicyclette est une drogue douce, une saine toxicomanie qui permet d’atteindre un paradis non-artificiel où il n’est nul nécessaire d’être un CRACK pour atteindre un trip auto-mobile. Pas question de dopage non plus pour un shoot d’évasion. Dans ce deal d’insoumission, il est stupéfiant d’avoir ainsi le choix de son héroïne. Pour autant que son consommateur ne soit pas « accro » à trop d’inactivité, il verra son état de conscience se modifier au gré de ses sujétions. Une dépendance physique et psychique à nulle autre pareille puisqu’elle aboutit à la découverte de sa propre fortitude. Les montées sont souvent brutales et délirantes alors que les redescentes, elles, se font sans hallucinations mais avec cet impérieux manque : y succomber à nouveau pour le PLAISIR. Accessible à toutes les bourses (ou en tout cas il devrait l’être!), il est prestigieux de par sa simplicité de fonctionnement, et son entretien est en quelque sorte auto-suffisant. Ce fabuleux instrument de rassemblement et de communication ne connait ni les frontières linguistiques ni géographiques et encore moins sociales, il enseigne avec finesse l’indulgence, la dépossession et l’impermanence des événements. Une connexité de l’émotionnel, du visuel et de la réalité. En plus d’être trans-générationnel, il réconcilie l’Homme avec ce qu’il a de plus précieux : sa liberté de mouvement et celle de sa pensée. Suis-je naïf et idéaliste en affirmant qu’il participe à sauver notre idéal, qu’il est sans conteste, en apportant sa vision humaniste, le vecteur d’un monde meilleur? Oui! Je le pense et le revendique avec vivacité, mais sur un vélo uniquement! A quand le musée de la bicyclette, ode au sublime qui célèbrerait sa mécanique de corps et de cœur?

Pas un jour n’est passé (sauf celui où la météo était tellement exécrable que rester sous la tente s’est imposé comme une nécessité) sans qu’une personne ne me fasse part de sa bonté de cœur, d’une main tendue, souvent au travers de petites attentions mais toujours de manière inconditionnelle. C’est aussi de là que j’ai puisé l’énergie lorsque le « sale temps » était venu de me battre (et de me débattre) comme un dinosaure face à ces vents mammouths ayant mûri au-dessus de la mer soufflant 3/4 face à 67km/h en rafale… Voilà le véritable carburant pour le cycliste, sa matière première, il l’extrait de la spontanéité de ces échanges, les plus souvent enrichissants, qui ponctuent sa progression. Bien sûr qu’il y a aussi parfois la rencontre avec des personnages désagréables. Oh le vilain jugement de valeur! Mais puisque le vélo déconstipe, cette personne présumée imbuvable ne devrait-elle pas simplement pratiquer plus d’activité cyclopédique afin de retrouver un transit harmonieux; celui du sourire?

Le voyage à vélo induit un renouveau constant. Une dérive qui ne consiste pas autant à perdre de vue la rive. Il pousse son sujet à faire preuve de créativité au moment de choisir ses détours. Il doit composer un poème anacyclique où le TRACÉ sinueux sera vécu comme un ÉCART lumineux. Une chance offerte pour apprivoiser ces voix inconnues qui sublimeront la voie afin de s’assurer le Graal des quêtes vaines : la Liberté.
(…)

 
(1) À bicyclette, Edward Nye; Éd. Les Belles Lettres; 2013 (première publication en 2000)

Voici deux cents ans d'écrits littéraires sur le vélo. Edward Nye, professeur de littérature française à l'Université d'Oxford, a réuni les plus beaux textes sur le sujet, à commencer par le premier qu'on ait jamais publié, et c'était une comédie de 1818, par Eugène Scribe, le célèbre auteur de théâtre admiré de Stendhal. Cinquante-trois autres écrivains le suivent pour chanter les joies, les douleurs, les peines et les triomphes de la vélocipédie : Ernest Hemingway, Antoine Blondin, Émile Zola, H-G Wells, William Saroyan, Maurice Leblanc, Alfred Jarry, Samuel Beckett... Quinze de ces textes sont publiés pour la première fois en français. La plus étonnante redécouverte d'un moyen de locomotion, d'un sport, d'un art.

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Par exemple :

- Pablo Neruda : Ode à la bicyclette
- Roch Carrier : La céleste bicyclette
- Herbert Georges Wells: Les roues de la chance
- Tôpher Mills : Le vélo est une crêpe facile
- Jacques Perret : Bicyclum tremens
- San Antonio (Frédéric Dard) : Courzidor, Anguenille et autres champions

20 août 2013

Le nouveau se tient là, muet

«C’est nous qui nous mouvons dans l’espace infini.» R.M.R.
(Photo : Olivier Ramonteu)

Lettres à un jeune poète 
Rainer Maria Rilke

Borgedy gård, Fläde, Suède, le 12 août 1904

S’il nous était possible de voir un peu plus loin que notre savoir ne porte, et encore un peu au-delà des avant-postes de notre intuition, peut-être supporterions-nous alors nos tristesses avec plus de confiance que nos joies. Car elles sont les instants où quelque chose de nouveau est entré en nous, quelque chose d’inconnu; nos sentiments se taisent, en une réticence craintive, tout en nous recule, il se fait un silence, et le nouveau, que personne ne connaît se tient là, au milieu, muet.

Je crois que presque toutes nos tristesses sont des moments de tension que nous ressentons comme de la paralysie, sourds que nous sommes à la vie de nos sentiments frappés d’étrangeté. C’est que nous sommes seuls avec l’étranger qui est entré en nous; c’est que tout le familier, tout l’habituel nous est pour un instant enlevé; et que nous nous trouvons au milieu d’une transition où nous ne pouvons rester arrêtés. Voilà pourquoi la tristesse est passagère : le nouveau en nous, venu s’ajouter, est entré dans notre cœur, a pénétré dans sa loge la plus intime, mais, là même, il n’est plus – est déjà dans le sang. Et nous n’avons pas connaissance de ce que c’était. On pourrait facilement nous faire croire que rien ne s’est passé; et pourtant nous nous sommes transformés comme se transforme une maison ou un hôte est entré. Nous ne pouvons dire qui est venu, nous ne le saurons peut-être jamais, mais bien des indices donnent à penser que c’est l’avenir qui, de cette manière, entre en nous, pour se transformer en nous, longtemps avant de survenir.

Voilà pourquoi il est si important d’être solitaire et attentif, lorsqu’on est triste; car l’instant où, apparemment, rien n’arrive ni ne bouge, est celui où notre avenir entre en nous, et c’est un instant qui se trouve tellement plus près de la vie que cet autre, bruyant et contingent, où l’avenir nous vient comme du dehors. Plus nous sommes, dans la tristesse, silencieux, patients, ouverts, et plus le nouveau entre en nous profondément, imperturbable, mieux nous en prenons possession, plus il sera notre destin; de lui, lorsqu’un jour, plus tard, «il surviendra» (autrement dit : sortant de nous se joindra aux autres), nous nous sentirons au plus profond parents proches. Et voilà qui est nécessaire. Il est nécessaire – et c’est dans cette direction que se fera peu à peu notre développement – que rien d’étranger ne nous advienne, rien d’autre que ce qui nous appartient depuis longtemps. Il a déjà fallu repenser tant de notions de mouvement, on apprendra aussi à reconnaître, graduellement, que ce que nous appelons destin sort des hommes, loin d’entrer en eux du dehors. C’est seulement parce que tant de gens ne se sont pas imprégnés de leur destin, tant qu’il vivait en eux, et parce qu’ils ne l’ont pas transformé en eux-mêmes, qu’ils n’ont pas reconnu ce qui sortait d’eux; ils le trouvaient si étrange qu’ils pensaient, dans leur effroi désorienté, qu’à coup sûr, il venait tout juste d’entrer en eux, car ils juraient n’avoir auparavant jamais rien trouvé de semblable en eux. De la même façon qu’on s’est longtemps trompé sur le mouvement du soleil, on continue de se tromper sur le mouvement de ce qui vient. L’avenir est fixe, cher Monsieur Kappus, et c’est nous qui nous mouvons dans l’espace infini.

Comment ne nous serait-ce pas difficile?

Et, pour revenir à la solitude, il sera de plus en plus clair qu’elle n’est au fond rien qu’on puisse choisir ou laisser. Nous sommes solitaires. On peut s’illusionner, et faire comme s’il n’en était pas ainsi. C’est tout. Mais il vaut bien mieux comprendre que nous sommes seuls, il vaut mieux, tout simplement, partir de là. Alors il arrivera assurément que nous aurons le vertige; car tous les points sur lesquels notre œil avait l’habitude de se reposer nous serons soustraits; il n’y a plus rien de proche, et tout lointain est infiniment loin. Qui serait transporté, sans presque aucune préparation ni transition, de sa chambre sur la cime d’une haute montagne, devrait ressentir quelque chose de semblable : dans une incertitude sans pareille, à la merci de ce qui n’a pas de nom, il serait quasi anéanti. Il aurait l’impression de tomber, ou bien se croirait expulsé dans l’espace, ou brisé, dispersé en mille morceaux : quel énorme mensonge son cerveau ne devrait-il pas inventer pour rejoindre ses sens dans cet état et pour l’éclaircir? C’est ainsi que changent, pour qui devient solitaire, toutes les distances, toutes les mesures; beaucoup de ces changements s’accomplissent subitement, et, comme chez cet homme au sommet de la montagne, il se forme alors des imaginations inhabituelles, des sensations bizarres, qui semblent croître au-delà de tout supportable. Mais il est nécessaire que cela aussi, nous le vivions. Nous devons accepter notre existence aussi largement qu’il se peut; tout, même l’inouï, doit être possible. C’est au fond le seul courage que l’on exige de nous : être courageux envers ce qui, venant à nous, est le plus bizarre, le plus étonnant, le moins éclaircissable. (…)

La paresse n’est pas seule à faire que les rapports humains se répètent, cas après cas, avec tant d’indicible monotonie, sans se renouveler; il y a aussi la timidité devant toute expérience nouvelle, imprévisible, et pour laquelle on ne se sent pas de taille.

Seul celui qui est prêt à tout, et n’exclut rien, pas même le plus énigmatique, vivra la relation avec quelqu’un d’autre comme une chose vivante, et épuisera sa propre existence. (…)

Aussi, cher Monsieur Kappus, ne faut-il pas vous effrayer lorsqu’une tristesse se dresse devant vous, si grande que vous n’en avez jamais vue de pareille; lorsqu’une inquiétude, telles la lumière et l’ombre des nuages, passe sur vos mains et sur tous vos actes. Vous devez penser qu’il vous arrive quelque chose, que la vie ne vous pas oublié et vous tient dans sa main; elle ne vous laissera pas tomber. Pourquoi voulez-vous exclure de votre vie toute espèce de trouble, de douleur, de mélancolie, quand vous ne savez rien du travail que ces états font sur vous? Pourquoi vous persécuter vous-même en vous demandant d’où tout cela peut bien venir et pour aller où? Car vous le savez bien, vous êtes dans les transitions, et n’auriez de plus grand plaisir que de vous transformer. (…)

Ne vous observez pas trop vous-même. Ne tirez pas de conclusions trop rapides de ce qui vous arrive; laissez-le simplement vous arriver. (…)

Et si je dois vous dire encore une chose, la voici : ne croyez pas que celui qui essaie de vous réconforter vit sans peine parmi les mots simples et calmes qui parfois vous font du bien. Il y a dans la vie beaucoup de peine et de tristesse, dans cette vie qui reste loin en deçà de vous. Si, à vrai dire, il en était autrement, il n’aurait jamais pu trouver ces mots.

19 août 2013

La juste place de l’intuition


Au fur et à mesure que la fréquence vibratoire de la conscience collective évolue, nous progressons vers une période que Dr Neala Peake appelle Âge de l’Intuition (belle trouvaille!). Cet éveil de masse laisse entrevoir une possible transition de l’agressivité et de la violence vers la bienveillance et la compassion.

L’intuition constitue une guidance directe que nous pouvons écouter -- ou ignorer car savoir, percevoir, deviner ne fait pas toujours le bonheur de l’ego/personnalité. Néanmoins, ce peut être une source de protection, de progression (vers de meilleurs choix) et de résolution de problèmes.

Quelques vieux trucs efficaces pour développer cette faculté :

1. Méditez à tous les jours, assis tranquille dans le silence et l’inaction, ne serait-ce que dix minutes. (Cela ne vous empêche pas de méditer dans l’action… bien entendu.)

2. La voix de l’intuition n’est pas tonitruante comme celle de l’ego, donc elle est plus difficile à entendre. Apprenez à faire la différence entre les deux.

3. Soyez attentifs aux signes, aux symboles, qui peuvent vous indiquer si vous êtes sur la bonne voie ou non. Vous pouvez recevoir sous forme d’images mentales ou de rêves.

4. Essayez de vous rappeler vos rêves, comme le suggérait Carl Jung. Et si vous êtes capable de pratiquer le «rêve lucide», ce sera une valeur ajoutée… Vous aimerez
peut-être ce classique en matière de rêve lucide (formidable cet ouvrage) :
http://www.reves.ca/theorie/28.htm

Même ordre d'idée : http://artdanstout.blogspot.ca/2013/03/se-fier-aux-intuitions.html

La glande pinéale : un senseur

Cette glande endocrine pas plus grosse qu’un pois, logée dans le cerveau, possède les mêmes propriétés que l’œil externe – elle peut «voir» et c’est pour cette raison qu’on la nomme souvent «troisième œil». On parle ici de perceptions invisibles à l’œil nu.

Des chercheurs scientifiques ont observé que la pinéale contenait des cristaux d’apatite et que ces derniers captaient les ondes électromagnétiques du soleil, de la lune, de la terre (et de l’environnement général) et stimulait l’activité physique et mentale. En réalité elle agit comme un radar. Ces cristaux donnent à la glande une structure semblable à celle d’une caisse de résonance : l’apatite comporte de nombreux électrons à sa surface, et repousse le champ magnétique. Lorsqu’un champ magnétique s’approche de la glande, il touche l’un des cristaux qui ricoche sur un autre, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le champ soit fait prisonnier. Plus une personne dispose de cristaux, plus elle aura de facilité à capter les ondes électromagnétiques. Les médiums ostensifs ont beaucoup de cristaux.

Selon l’hypothèse du Dr Sergio Felipe de Oliveira*, «la médiumnité est une faculté de perception sensorielle, donc, elle a besoin d’un organe qui capte et d’un autre qui interprète. Les gènes ne sauraient fonctionner sans qu’un esprit n’induise leur fonctionnement (embryogenèse). La glande pinéale est un organe sensoriel de médiumnité (semblable à un téléphone portable) qui capte les ondes du spectre électromagnétique provenant de la dimension spirituelle; le lobe frontal procède au jugement critique du message à l’aide des autres zones encéphaliques.»

Croire que c’est le cerveau qui produit la pensée, c’est comme croire que les acteurs vivent à l’intérieur du téléviseur. Selon le théorème de Gödel, «de par une impossibilité mathématique, le corps ne peut pas être auto-conscient, la conscience doit donc provenir de l’extérieur».

* Sergio Felipe de Oliveira (d’origine brésilienne) est l’un des plus grands chercheurs en neuropsychiatrie, il est titulaire d’un magistère en sciences de la faculté de médecine de l’université de São Paulo, et directeur de la clinique «pineal mind» de São Paulo.

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Pensées du jour :

Deviner avant de démontrer! Ai-je besoin de rappeler que c’est ainsi que sont faites toutes les découvertes importantes? (…) C’est par la logique qu’on démontre, c’est par l’intuition qu’on invente. 
~ Henri Poincaré (physicien, mathématicien et philosophe français)

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On tient pour suspectes l'induction et l'intuition.
L'induction, le grand organe de la logique
L'intuition, le grand organe de la conscience.
~ Victor Hugo

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· La sensation constate ce qui existe autour de nous, elle est «perception pure». C'est la «fonction du réel».

· La pensée, nous indique ce que signifie la chose perçue.

· Le sentiment nous transmet la valeur que cette chose a pour nous, comment elle s'inscrit dans notre histoire. Il établit le rapport entre le sujet et l'objet, il admet ou il refuse.

· L'intuition vise les possibilités que cache la chose (l'être, la situation) perçue, pensée et ressentie. C'est une fonction de compréhension spontanée, non réfléchie, venue par la voie de l'inconscient. On dit de quelqu'un qu'il est intuitif s'il porte avec aisance des jugements justes sans justification logique, ni possibilité d'analyse.
~ Carl G. Jung

18 août 2013

Parlure philo avec une nonagénaire

Amusante cette photo. Une seconde prison expulsée de la prison initiale.
Et là encore, nous ferons du temps – plus de 9 mois, peut-être 90 ans…

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Hier, ma mère et moi étions assises au jardin du foyer d’accueil.
[Entretien rapporté tel quel, dans l'ordre, avec ses mots exacts; décousu, mais il y a un fil conducteur…]

– J’ai donné mes deux derniers gâteaux à mon voisin; le pauvre, il n’a jamais de visite…

– T’as bien fait, c’est gentil! 

– C’est vrai. Plus on donne, plus on reçoit, non?

– Oui… 

À chaque fois que je la vois, elle me pose la même question :
– Comment se fait-il que je n’ai pas de nouvelles de mes frères et sœurs ni de ton père? Où sont-ils? 

À chaque fois je lui réponds la même chose :
– Ils sont tous morts depuis longtemps; tu es la dernière survivante de toute la compagnie – ta famille et celle de papa.

À chaque fois elle tombe en bas de sa chaise.  
– C’est vrai? Je croyais qu’ils ne voulaient pas me voir et que tu ne parlais pas d’eux pour éviter de me faire de la peine. Je n’en reviens pas, ils sont tous morts? Est-ce que j’étais là quand ils sont morts?

– Oui. Tu ne te souviens pas? Tu ne vois pas d’images?

– … Non, rien. Comme ça, ils sont tous morts? Je le réalise là. Ce sont tous des inconnus ici. Alors, qu’est-ce que je fais ici?

– À quoi penses-tu quand tu es éveillée, t’as aucun souvenir? 

– Non, je n’y arrive pas; j’ai tout oublié. Parfois quelque chose survient, mais ça s’enfuit tout de suite. Alors, je ne pense qu’à la routine, à ce qu’il faut faire de moment en moment.

– C’est peut-être mieux comme ça. À quoi sert de vivre dans le passé ou le futur de toute façon?

– T’as bien raison, ça rend triste. Mais qu’est-ce que je fais ici? 

– Rien de spécial. Comme tout le monde. Depuis que j’ai cessé de me demander ce que je fais ici, je me porte mieux.

– Quand je vois tous les beaux arbres et les fleurs, ça me donne le spleen.

– Pourquoi?

– Je ne sais pas. C’est trop beau, ça me donne le spleen.

– Pourquoi tu ne te réjouis pas du spectacle pendant qu’il est là? Tu auras encore le spleen quand il n’y aura plus de feuilles ni fleurs… Tout peut être triste ou joyeux, ça dépend de notre façon de voir les choses.

– Je vais y penser. Mais je trouve que la vie ne sert à rien, elle n’a pas de sens.

– Le philosophe Joseph Campbell disait «la vie n’a aucun sens, sauf celui que vous lui donnez». Ça te dit quelque chose?

– Pas fou. Le sens que je donne à la vie, c’est la présence de ceux qu’on aime. S’ils ne sont plus là, c’est triste et ça ne vaut pas la peine. Mais au moins tu es encore ici. Merci. 
[Câlins]

– Dieu, la foi, la religion, je n’y crois plus. J’ai l’impression d’avoir prié toute ma vie pour rien. Mais peut-être que tout aurait été pire si je n’avais pas prié? Mais c’est fini maintenant.

– Ben, si la religion rend meilleur, pourquoi s’en priver?

– Ouais… t’as raison. Mais je ne crois plus.

J’allonge les jambes sur la chaise en face.
– T’as des belles jambes.

– Euh…

– C’est vrai, t’as de belles jambes, la forme...

Elle tripote ses bras et son cou.
– Regarde toute cette peau plissée qui pend. À quoi ça sert? C’est horrible, elle va finir par tomber jusqu’à terre…

– Oui, je pense qu’elle va tomber avant toi…!
[Grand éclat de rire simultané]

J’approche mon avant-bras pour qu’elle le voie de près.
– Regarde, ça commence à plisser.

– Oui, c’est comme ça que ça commence.
[Rires]

– Oh regarde, c’est un chat?

– Non, c’est un écureuil.
(Certains écureuils sont si gros maintenant, que de loin on peut les prendre pour des petits chats…)

– Je voudrais avoir un chat; un petit chat tout noir.

– C’est impossible ici. Ça demande des soins, et tu ne pourrais pas t’en occuper.

– T’as bien raison. Et il pourrait déranger les voisins.

– T’as tout compris. Mais tu vois régulièrement un petit chien en zoothérapie, non?

– Oui. J’aime vraiment ça quand il vient.

Et nous sommes retournées admirer les fleurs avec attention, une par une, dans la joie du moment présent. J’ai pris plein de photos que je lui imprimerai comme aide-mémoire… Et la prochaine fois, nous aurons sensiblement la même conversation. Au début ça m'agaçait de répéter toujours les mêmes affaires. Maintenant, ça ne me dérange plus – il se passe la même chose dans ma fichue tête. Alors...