12 janvier 2014

Stratégies d’affranchissement


Les affranchis

Tout changement, toute amélioration, toute évolution viennent toujours de personnes qui sortent des sentiers battus.
       La plupart des progrès dans l’art, les sciences, la technologie, les sports même, viennent du fait que quelqu’un a défié les règles et commenté quelque chose de différent. On qualifie ces novateurs d’avant-gardistes.
       Dans un monde en perpétuel changement, les règles établies ne sont valables que pour un temps, pour des raisons et des circonstances particulières. Le temps passe, les besoins et les conditions changent. Les règles n’ont plus leur raison d’être, mais comme on s’en est accommodé, on continue de les suivre jusqu’à ce que quelqu’un en démontre l’absurdité.

Les impasses personnelles

Les impasses personnelles se présentent sous deux dimensions inextricablement reliées. La dimension interne c’est-à-dire toute la relation avec soi, avec la vie et avec les événements; la vision du monde et son interprétation; les conflits entre ses désirs et ses obligations; les limites de choix. La dimension externe, soit l’insertion dans son milieu familial et social; les transactions avec son entourage notamment avec l’autorité, ses pairs et ses subordonnés.
       Les impasses personnelles se caractérisent essentiellement par l’impuissance à se sortir de situations complexes et douloureuses. La principale aide qui puisse être apportée aux individus aux prises avec une impasse, c’est d’abord de bien les écouter afin de comprendre comment se tisse leur problématique. Si on réussit ensuite à bloquer leur processus habituel, d’eux-mêmes ils créeront de nouvelles façons d’aborder leur situation. (…)
       Les gens adoptent souvent des solutions qui ne font que maintenir le problème dans leurs systèmes relationnels. Le seul fait de laisser de côté ces solutions amène souvent de très grands changements.

Interventions stratégiques

Il ne s’agit pas de recettes applicables à n’importe quelle situation, ni de petits trucs de passe-passe visant à déjouer les observateurs.
       Il est essentiel qu’une personne soit rejointe émotivement dans ce qui la «touche» pour qu’une intervention soit magique. Les émotions n’étant pas d’ordre logique, l’inattendu court-circuite le niveau rationnel et le contact se fait directement avec l’inconscient.
       L’intervention magique, c’est une façon tout aussi inattendue et farfelue de voir les choses qui imposent une logique de solution bien différente. Elle présente les situations sous un aspect inhabituel et déstabilise momentanément l’esprit qui ne peut que se réorganiser rapidement et selon de nouvelles avenues. On peut dire aussi que c’est une action percutante et surprenante qui s’inspire absolument de la dynamique des personnes aux prises avec une problématique apparemment insoluble et qui a pour unique but de les aider à dénouer leurs impasses en suscitant leur propre créativité. Une intervention aussi personnalisée est taillée sur mesure et ne peut servir qu’une seule fois. En ce sens, on ne peut faire un simple truc de magie ni une recette applicable à d’autres situations. Chaque intervention est inédite, unique et non-reproductible.
       Ces interventions qu’on peut dire stratégiques à cause de leur caractère imprévisible, provoquent surprise et étonnement et engagent un changement immédiat tant au niveau de la conceptualisation que de l’action. En sortant du prévisible, on ajoute un impact énorme à l’intervention. Naissent alors de nouvelles attitudes et des comportements mieux adaptés.

Les outils stratégiques [utilisées par le psychothérapeute] sont nombreux, en voici quelques-uns :

Le recadrage : qui offre une perception ou une vision autre de la réalité, insoupçonnée et délivrante.

La métaphore : une image, une comparaison, qui applique à une réalité des propriétés tirées d’une autre avec laquelle on établit une ressemblance. Le problème apparaît sous un nouveau jour, car on entrevoit des possibilités de solutions.

Le paradoxe : un énoncé à la fois vrai et faux, parce qu’il juxtapose deux ordres logiques différents. L’attention est mobilisée sur une partie reconnue comme vraie pour critiquer et rejeter la partie perçue comme fausse.

Le défi : qui mobilise l’énergie de l’amour-propre pour des enjeux stimulants et rend capable de surmonter la difficulté. L’intérêt devient un puissant catalyseur pour provoquer le changement.

L’épreuve : une alternative reliée au symptôme et qui offre une aversion profonde. En voulant y échapper, on évite en même temps le symptôme.

La provocation.

Prédire les rechutes.

Utiliser les mêmes tactiques de fuite ou de résistance que les clients (c’est-à-dire l’énergie qu’ils déploient pour maintenir leur problème) comme levier de changement.

Commander ou interdire des réactions spontanées qui ne relèvent évidemment pas de la volonté.

Réagir de façon illogique ou inappropriée.

Afficher une réaction de surprise susceptible de semer le doute dans un système de croyances rigide.

Plaider en faveur de la problématique pour en faire ressortir les avantages (c’est ce qu’on appelle la connotation positive).

Prescrire une tâche simple et plaisante, souvent amusante, apparemment non engageante, qui sert la stratégie, et qui met en place de nouvelles règles de fonctionnement à travers ce qui paraît un jeu. Ces apprentissages passent par une nouvelle conception du changement qui se traduit par des actions de la vie quotidienne et se prolonge au-delà des sessions de thérapie.

La thérapie stratégique jouit d’une grande souplesse d’intervention; elle laisse place à l’inventivité dans des contextes très variés. L’inspiration provenant du système de croyances, des valeurs, des attitudes et des comportement même des clients, il n’y a pas de limite à la créativité. Tout l’art du thérapeute consiste à substituer de nouveaux apprentissages à ceux qui ont généré les symptômes. Par ses tactiques, il crée un cadre dans lequel un changement peut se produire. Par exemple, si on modifie le moindre élément dans le contexte d’une dispute, comme le changement de lieu, l’utilisation d’un magnétophone, ou simplement le fait de se chicaner à un temps précis et déterminé, il en résulte spontanément un changement dans le comportement des belligérants.

Rachel Guay (in La magie de l’inattendu)

* Rachel Guay comptait déjà quinze ans de carrière d’enseignement dans le domaine des sciences pures quand elle a décidé d’un virage vers les sciences humaines. Après cinq autres années d’études elle obtenait une maîtrise en service social concentrée sur les problématiques conjugales et familiales. Elle s’est spécialisée par la suite en psychologie individuelle, conjugale et familiale, ainsi qu’en sexothérapie. Ses orientations en psychothérapie peuvent se résumer ainsi : ses bases théoriques fondamentales tiennent principalement du cadre de référence systémique, humaniste et existentielle enrichies de l’analyse transactionnelle, de la Gestalt, de l’approche stratégique. 

Autres extraits du même ouvrage :
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2010/07/inattendu.html

Aucun commentaire:

Publier un commentaire