10 janvier 2014

Regards sur la souffrance du monde

 
Parfois, seule la Nature peut consoler de l’horreur du monde que nous avons créé…

Je ne puis regarder une feuille d’arbre sans me sentir écrasé par la perfection de l’univers. … Plus j’observe la magnificence et la perfection de l’univers, plus je me convaincs que tout cela ne peut être le fruit du hasard.
~ Victor Hugo

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Je reste à promener mes regards sur toutes les douleurs du monde

       Je reste à promener mes regards sur toutes les douleurs du monde et sur toute l’oppression et la honte,
       J’entends de secrets sanglots convulsifs de jeunes gens torturés d’eux-mêmes, pleins de remords après méfaits commis,
       Je vois dans les bas-fonds la mère maltraitée par son mari,
       Je vois le perfide séducteur de jeunes femmes,
       Je remarque les fureurs de la jalousie et de l’amour malheureux que l’on s’efforce à cacher, je vois ces spectacles sur la terre,
       Je vois les œuvres de combat, pestilence, tyrannie, je vois martyrs et prisonniers,
       J’observe une famine en mer, j’observe les marins tirant au sort qui sera tué pour sauver l’existence des autres,
       J’observe le mépris et l’avilissement jetés par les gens arrogants sur les travailleurs et les pauvres, les nègres et leurs pareils;
       Sur tout cela – sur toute la vilenie et l’agonie sans fins, je reste à promener mes regards,
       Vois, entends et me tais.

~ Walt Whitman
Feuilles d’herbe
Traduction Bazalgette; Éd. Mercure de France

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Whitman croyait en la réincarnation. Nous savons cela par sa biographie et nous le savons aussi par le contenu de ses poèmes sur lequel on ne peut se tromper. Et nous pouvons reconnaître dans le détachement sublime et le silence avec lesquels il regarde la souffrance infinie du monde, la sagesse authentique de celui qui voit la cause dans chaque effet et l’effet dans chaque cause. L’inaction est l’accompagnement caractéristique du philosophe non par indifférence ou par sagesse – mais plutôt à cause de la capacité de voir la nécessité inhérente à l’enchaînement des causes. Ce poème de Whitman semble presque un manifeste en faveur de la sagesse que représente l’inaction silencieuse devant l’angoisse inéluctable de l’homme.
       Et, pourtant, nous savons que Whitman fut, pendant plusieurs années, brancardier sur les champs de bataille de la guerre civile; toute cette vie étrange et plutôt solitaire fut généreuse et, du fond de sa solitude, un don de soi. Ainsi ce poème exprime non la totalité de la vision de l’univers, mais seulement une partie de cette vision. C’est un état momentané; une perspective prise d’un sommet; un point d’orgue, peut-être, posé à la mélodie plus énergique de sa vie de tous les jours. Car sa vie n’était pas inactive devant les souffrances de ses frères humains; et cela, parce qu’il possédait, à un très haut degré, la vertu de l’amour.

~ Gina Cerminara (De nombreuses demeures…)

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“Many of us have set out on the path of enlightenment. We long for a release of self-hood in some kind of mystical union with all things. But that moment of epiphany – when we finally see the whole pattern and sense our place in the cosmic web – can be a crushing experience from which we never fully recover. Compassion hurts. When you feel connected to everything, you also feel responsible for everything. You cannot turn away. Your destiny is bound to the destinies of others. You must either learn to carry the Universe or be crushed by it. You must grow strong enough to love the world, yet empty enough to sit down at the same table with its worst horrors. To seek enlightenment is to seek annihilation, rebirth, and the taking up of burdens. You must come prepared to touch and be touched by each and every thing in heaven and hell. I am One with the Universe and it hurts.”

~ Andrew Boyd (Daily Afflictions: The Agony of Being Connected to Everything in the Universe)

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