8 mars 2015

Éduc’sexe

Eh oui, Journée internationale des femmes. Il faut encore lutter pour que les droits et libertés des femmes soient respectés.

On devrait créer un volet Éduc’sexe en parallèle à Educ’alcool puisque le tandem sexe/alcool est fréquemment à l’origine du harcèlement et des agressions...   

Madame Kathleen Wynne passe à l’action : 
   La violence et le harcèlement sexuels sont «enracinés dans la misogynie», a déclaré vendredi la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, au moment où elle présentait un plan qui vise à modifier les comportements et remettre en question les normes sociales. Ce plan comprend notamment une nouvelle loi et une campagne de sensibilisation du public. 
   La campagne s’orchestre autour d’une publicité, qui montre un garçon en compagnie d’une fille ivre lors d’une fête, un homme qui caresse l’épaule de collègues féminines clairement inconfortables, un étudiant qui partage des photos de sa copine avec des amis et un homme qui glisse quelque chose dans le verre d’une femme dans un bar. Lors de chaque scène, ils regardent directement la caméra et remercient les téléspectateurs pour leur silence. 
   «Lorsque vous ne faites rien, ce sont eux que vous aidez, dit l’annonce. Mais quand vous faites quelque chose, ce sont elles que vous aidez.» (...)
   (Journal Le Devoir)
 


Mais enfin, en quoi consiste la misogynie? 

«Tant et aussi longtemps qu'elle pense à un homme, personne ne s'oppose à ce qu’une femme pense.» ~ Virginia Woolf

Dans un article de Psychology Today, la philosophe Berit Brogaard (D.M.Sci., Ph.D.) se demande si la misogynie est simplement de la haine envers les femmes.

Imaginez, dit-elle, que M. Smith habite dans une société qui ne compte que dix femmes. Un jour, elles le violent, et par la suite il éprouve légitimement de la haine envers les dix femmes. On pourrait faussement en conclure qu’il déteste toutes les femmes... Dans un tel scénario, il est clair que M. Smith n’est pas misogyne. 
   Selon Brogaard, le misogyne haït ou méprise les femmes (ou un type de femme) en raison de croyances spécifiques : les femmes sont inférieures, elles devraient être sexuellement disponible sur demande, savoir cuisiner et nettoyer, s’habiller comme des Barbie, aimer follement leur homme, être des épouses soumises et des mères dévouées (comme dans le film The Stepford Wives - 1975). 
   Le misogyne déteste les femmes qui n’agissent pas conformément à ses attentes : elles devraient penser et agir comme il le veut. On entend souvent des misogynes déclarer à leur défense : «Je ne déteste pas les femmes. J'adore ma mère et ma soeur. Elles font tout pour moi.» Et tant qu’elles se conformeront au modèle, il les aimera. Cependant, malheur à celles qui contestent leur subordination, leur prétendu statut d’inférieures – il les haïra férocement. 
   Conclusion : la misogynie n’est pas simplement de la haine envers les femmes. Le misogyne n’est pas un individu qui déteste simplement les femmes, c'est un individu qui déteste (ou détesterait) les femmes qui ne se soumettent pas, les femmes qui ont du pouvoir et un statut, les femmes qui peuvent se défendre et prendre leurs propres décisions.

«Quand un homme donne son avis, c’est un homme. Quand une femme donne son avis, c’est une garce.» ~ Bette Davis

Article intégral en anglais ‘What is Misogyny, Anyway’ : https://www.psychologytoday.com/

The Stepford Wives (version 2004) 

India's Daughter

Au lendemain du viol de Jyoti Singh le 16 décembre 2012, une jeune fille brandissait cette pancarte lors d'une manifestation : It's a dress Not a yes!
   Hier, j’ai été chanceuse de voir India’s Daughter sur Youtube car peu après, BBC l'avait retiré – droits d’auteurs obligent. Dommage, car il mérite d’être vu par le plus grand nombre. 
   Le second avocat de la défense, AP Singh, dit des choses absolument odieuses pour justifier ce genre d’agressions, «méritées» selon lui. Entre autres, il affirme sur un ton colérique que si sa soeur ou sa fille avait des relations sexuelles prémaritales, il l'arroserait de pétrole et mettrait le feu! 
   À noter que les violeurs s'étaient soûlés à fond auparavant. En Inde, une femme est violée à toutes les vingt minutes.
   Dans un sens, ce documentaire constitue un percutant réquisitoire en faveur de l’ÉDUCATION. Et ça presse. Cette misogynie haineuse est profondément ancrée dans les mentalités et se transmet de génération en génération par les deux parents. C’est un cercle vicieux car les femmes qui osent contester risquent de se faire mutiler, brûler à l'acide et tuer.
   La violence envers les femmes est plus manifeste et ignoble en certaines cultures évidemment, mais elle existe à des divers degrés partout dans le monde. Tout au long de l’histoire, les pouvoirs religieux et politiques (à majorité masculine) ont tenté de contrôler et de subordonner les femmes; et c’est encore à l’ordre du jour. Qui donc profite de cette culture de la violence envers les femmes?

En complément

Misogynie 2.0 : harcèlement et violence en ligne
Texte collectif

«Suivant la logique de la misogynie en ligne, le droit d’une femme à la liberté d’expression est beaucoup moins important que le privilège que s’accorde un homme de la punir pour s’être exprimée librement.» Laurie Penny, Cybersexism
(...)
Lorsque nous prenons la parole sur le web, surtout pour dénoncer la violence sous toutes ses formes que subissent les femmes, le retour de bâton s’associe à une pluie d’insultes et de menaces : «Conne», «J’vais te venir dessus», «Féminazie», «Ostie, j’te fourrerais avec ta p’tite jupe», «Sale chienne», «Grosse truie», «Je te cockslaperais jusqu’à ce que tu fermes ta yeule», «Tu mérites de te faire gang raper», «Tu ne devrais pas avoir le droit de te reproduire», «Si j’étais ton mari, tu serais séquestrée à ton fourneau», «Fermez don’vos gueules… pendant qu’elles ferment encore!» Ceci n’est qu’un échantillon du refrain entonné ad nauseam par les graphomanes misogynes qui sévissent sur la Toile. Ces mots témoignent d’un sexisme, d’un antiféminisme, voire d’une haine des femmes si répandue qu’ils frôlent désormais la banalité.

Article intégral :
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/433712/misogynie-2-0-harcelement-et-violence-en-ligne


Mondialisation, militarisme et trafic sexuel
Par Jean Enriquez, CATW
(Extraits)

Les conséquences sur la santé des femmes et des filles trafiquées de la violence et des abus sexuels qu’elles subissent sont les mêmes que celles que vivent les femmes battues et violées. Le problème, c’est que lorsque les femmes et les filles vivent ce genre de violences dans la prostitution, on qualifie leur expérience de «sexualité» (Raymond, et al., 2001). Contrairement à la prétention selon laquelle la prostitution serait un travail comme un autre, celle où aboutissent la plupart des femmes trafiquées est un monde où sévit la violence. Dans la prostitution, les femmes sont agressées, violées, battues, soumises à des actes sadiques, au harcèlement sexuel, aux agressions verbales, à une utilisation sexuelle par plusieurs hommes et à de nombreux autres actes inhumains. Dans un tel climat de terreur, nombre de femmes survivent en se droguant et en abusant de l’alcool pour oublier le traumatisme qu’est leur vie quotidienne. Plusieurs études ont déjà démontré qu’après quelques années dans la prostitution, les femmes souffrent de SSPT (syndrome de stress post-traumatique), une condition normalement associée aux traumatismes vécus en temps de guerre.
   Il est donc urgent de remettre en question la demande de services de prostitution, les définitions de la masculinité et la mondialisation – des systèmes dont l’idéologie nourrit et aggrave la vente et l’achat de femmes. 
   Le défi actuel consiste à s’opposer à l’idéologie de la mondialisation qui normalise la prostitution en la présentant comme une forme d’empowerment, du fait de le qualifier de «travail du sexe». Ce phénomène très récent, lié à la montée du postmodernisme, consiste à refuser de situer la pornographie et la prostitution dans le contexte du patriarcat et des inégalités structurelles économiques et politiques. Et à refuser de les situer dans un continuum de viol, d’hétérosexisme et d’utilisation du viol comme arme de guerre. 
   Le défi actuel consiste à exercer des pressions sur les États, non seulement pour exiger des programmes destinés aux survivantes de la prostitution, mais pour qu’ils s’attaquent aux causes profondes de la prostitution et du trafic sexuel : d’une part, le patriarcat, dans lequel les hommes définissent leur sexualité par leur supériorité sur les femmes et par l’accès aux corps des femmes; et d’autre part, les inégalités économiques mondiales, opérationnalisées par la mondialisation néolibérale, où le travail des femmes est exploité pendant qu’elles demeurent appauvries et privées de contrôle sur les ressources.

Article intégral et statistiques : http://sisyphe.org/spip.php?article2470

Qu’est-ce que la libération? Le féminisme hier, aujourd’hui et demain
Par Gail K. Golden, psychothérapeute
(Extraits)

Des échanges importants portent, aujourd’hui, sur un phénomène surprenant au sein d’un groupe donné de femmes contemporaines. Ces échanges concernent certaines jeunes femmes qui se rallient à la pornographie, à la prostitution et à l’objectification sexuelle des femmes. Rejetant les luttes féministes de la génération précédente, ces jeunes femmes cherchent à promouvoir ce qu’on appelle un agenda «postféministe». Le présent article se veut une contribution à cet échange, dans un effort pour comprendre et pour commenter cette manifestation d’un nouveau genre de prétendue libération des femmes. 
   Dans ses conversations avec des femmes qui visionnent et lisent cette pornographie, Ariel Levy (Female Chauvinist Pigs : Women and the Rise of Raunch Culture) tente de comprendre ce que les femmes y gagnent. On lui parle surtout d’empowerment, de plaisir et de l’importance d’être «cool». On lui parle aussi beaucoup de l’importance d’être acceptée par les gars. 
   Dans un pays où près de 25% des États-Uniennes signalent des agressions sexuelles ou physiques, de quelle nature est le pouvoir auquel prétendent certaines en faisant le choix de devenir danseuses ou prostituées? Dans un pays où plus de 700 femmes sont violées ou agressées sexuellement chaque jour, à quel pouvoir prétendent les femmes qui s’habillent comme des actrices porno et les étudiantes qui baisent en groupe pour des vidéastes amateurs? Et qu’est-ce que ces femmes ont à dire du niveau incroyable de violence qui caractérise la presque totalité de cette pornographie? 
   On ne peut nier que certaines femmes expriment un sentiment de libération en exerçant de nouveaux choix sexuels après des siècles de répression. Longtemps contraintes par des codes d’habillement restrictifs et moralisateurs, nous pouvons maintenant choisir de porter ce que nous voulons, très peu de vêtements ou aucun. Nous pouvons prendre des décisions sur l’usage à faire de notre propre sexualité. Nous pouvons prendre l’initiative d’approches sexuelles. (...) C’est perçu comme une avancée dans la mesure où la sexualité a longtemps été un domaine où les hommes étaient entraînés à se percevoir comme naturellement dominants et à traiter les femmes comme naturellement passives (Robert W. Jenson, A Cruel Edge). 
   Mais ce que la culture porno a peut-être de plus troublant est sa tendance à banaliser la souffrance et l’exploitation des femmes partout dans le monde. En propageant une attitude qui en fait une partie de plaisir, elle trahit les femmes qui sont forcées d’offrir des danses-contact, qui sont prostituées contre leur volonté, qui sont forcées au tournage de films pornographiques, qui sont poussées dans ce qu’on appelle le «travail du sexe» par la faim, la maladie ou les ravages de la guerre. En popularisant une culture de «y’a rien là, c’est cool», cette culture jette le doute sur les cris des femmes exploitées. Après tout, si certaines femmes libérées ont autant de plaisir, à quoi bon prévenir l’exploitation sexuelle des femmes? La promotion de la culture porno par quelques personnes se fait sur le dos de millions de femmes opprimées. Voilà pourquoi nous ne pouvons jamais permettre à ce groupe «privilégié» de détourner les échanges sur la libération des femmes. Elles ont entièrement le droit de prendre leurs propres décisions et de faire leurs propres choix, mais leur rhétorique fait fi des réalités qui gouvernent la vie de la plupart des femmes. 
   Nous devons continuer la lutte menant à des chances vraiment égales, plutôt qu’à une situation définie par le droit des hommes à abuser du pouvoir et du contrôle. Il nous faut continuer à lutter pour une société où la violence faite au corps des femmes n’est ni érotisée, ni commercialisée. Tant que ces objectifs ne sont pas atteints, nous ne pouvons prétendre avoir réalisé le programme féministe. Quant à la liberté de nous mettre en marché comme objets du désir masculin, c’est une victoire qui apparaît bien mince.

Article intégral et statistiques : http://sisyphe.org/spip.php?article2550

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