4 août 2014

Lettres – 4


Étrange lettre d'amour…
Mais, quand on a lu les romans de cet auteur, on est peut-être moins étonné – était-il aussi excentrique que ses personnages?

Tout finit un jour ou l’autre

Le 9 novembre 2004, Stieg Larsson, journaliste et romancier, auteur de la trilogie Millénium, décède d’un infarctus. Sa compagne de longue date, Eva Gabrielsson, a trouvé après son décès une lettre avec mention «à n’ouvrir qu'après ma mort», celle-ci avait été écrite en 1977 avant son départ pour l'Afrique.


Eva a lu des extraits de cette lettre aux funérailles de Stieg.

   Stockholm, le 9 février 1977

   Eva, mon amour,

C'est fini. D’une façon ou d'une autre, tout finit. Un jour, c'est terminé. C'est peut-être l'une des plus fascinantes vérités de l'univers. Les étoiles meurent, les galaxies meurent, les planètes meurent. Et les gens meurent aussi. Je n'ai jamais été croyant, mais le jour où j'ai commencé à m'intéresser à l'astronomie, je pense que j'ai éliminé tout ce qui restait de ma peur de la mort. J'avais réalisé qu'en comparaison à l'univers, un être humain, un seul être humain, moi... est infiniment petit. Et je ne suis pas en train d'écrire cette lettre pour livrer un exposé religieux ou philosophique. Je t’écris pour te dire «adieu». Je te parlais au téléphone tantôt. J’entends encore le son de ta voix. Je t'imagine, devant mes yeux... une belle image, un agréable souvenir que je garderai jusqu'à la fin. En ce moment même, si tu lis cette lettre c’est parce que tu sais que je suis mort.

Il y a des choses que je veux que tu saches. Comme je pars pour l'Afrique, je sais ce qui m’attend. J'ai même l’impression que je pourrais mourir pendant ce voyage, mais c'est quelque chose que je dois vivre, en dépit de tout. Je ne suis pas né pour rester assis dans un fauteuil. Je ne suis pas comme ça. Correction : je n'étais pas comme ça... je ne vais pas en Afrique uniquement comme journaliste, j’y vais surtout en mission politique, et voilà pourquoi je pense que ce voyage pourrait mener à ma mort.

C'est la première fois que je t’écris en sachant exactement quoi dire : je t'aime, je t'aime, t'aime, t'aime. Je veux que tu le saches. Je veux que tu saches que je t'aime plus que je n'ai jamais aimé personne. Je veux que tu saches que je le dis sérieusement. Je veux que tu te souviennes de moi, mais je ne veux pas que tu pleures. Si je signifie vraiment quelque chose pour toi, et je sais que c’est le cas, probablement que tu souffriras quand tu apprendras ma mort. Mais si je signifie vraiment quelque chose pour toi, ne souffre pas, je ne veux pas. Ne m'oublie pas, mais continue à vivre. Vis ta vie. La souffrance s'estompera avec le temps, même si c'est difficile à imaginer en ce moment. Vis en paix, mon cher amour, vis, aime, déteste, et continue de te battre...

J'avais beaucoup de défauts, je le sais, mais de bonnes qualités aussi, je l'espère. Mais toi, Eva, tu m’inspirais tant d’amour, que je n'ai jamais réussi à te l'exprimer...

Relève-toi, redresse les épaules, garde la tête haute. D’accord? Prends soin de toi, Eva. Va prendre un café. C’est terminé. Merci pour les merveilleux moments que nous avons vécus. Tu m’as rendu très heureux.

   Adieu Eva, je t’embrasse,
       De Stieg, avec amour

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Source : Letters of Note http://www.lettersofnote.com/

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