30 juillet 2015

Industrie du sexe 3 : Les Soixante Glorieuses de la pornographie

30 juillet : Journée mondiale de la dignité des victimes de la traite d’êtres humains (ONU)

Cinquante nuances de Grey – que je n’ai pas lu ni vu – semble promouvoir les pratiques sexuelles perverses du courant BDSM (bondage, domination, soumission, sadomasochisme). Les adeptes contemporains n’ont rien à envier à Caligula qui disait cyniquement à chaque fois qu’il embrassait la nuque de son épouse ou d’une concubine : «cette si jolie nuque sera tranchée dès que j’en donnerai l’ordre!» 


On ne peut s’empêcher de penser à Jian Ghomeshi. L’ex-animateur de l'émission culturelle Q à la radio de CBC est accusé d'avoir vaincu la résistance de ses victimes par l'étouffement pendant des relations sexuelles à caractère BDSM. Après que CBC ait mis fin à sa relation avec l’animateur en octobre 2014 la police de Toronto a ouvert une enquête criminelle et déposé une série d’accusations à son endroit.

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«Parallèlement à la croissance de la pornographie, il y a eu explosion des violences liées au sexe, y compris des abus domestiques, des viols et des viols en groupe. Un viol est signalé toutes les 6,2 minutes aux USA, mais le total estimé, qui prend en compte les assauts non-rapportés, est peut-être 5 fois plus élevé. Il y a tellement d’hommes qui assassinent leurs partenaires et anciennes partenaires, que nous avons bien plus de 1000 homicides de ce type chaque année – ce qui signifie qu’à tous les trois ans le nombre total de morts est la première cause d’homicides relevés par la police, bien que personne ne déclare la guerre contre cette forme particulière de terreur.»

~ Rebecca Solnit, auteur de «Les hommes m’expliquent des choses» 

Les hommes tuent également leur enfants; encore des meurtres intrafamiliaux récemment. Le manque de maturité émotionnelle et sexuelle est ahurissant : 
   «Je suis horrifiée d’entendre combien de conjoints font référence à l’affaire [Guy] Turcotte pour paralyser les femmes, pour leur inspirer la plus grande peur qui existe, soit celle de voir ses enfants se faire assassiner.»
~ Une intervenante qui a maintes fois entendu cette menace et ressenti la terreur chez les femmes. 
   Il est terrifiant en effet de penser qu'un homme qui a assassiné ses enfants devienne un modèle. À ce propos :
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2014/12/femmes-et-enfants-en-otage.html 
http://situationplanetaire.blogspot.ca/2014/12/derriere-la-haine-la-colere-et-la.html

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«Les féministes de la troisième vague ont un avis sur les aspects politiques du sexe, articulés sur les questions du pouvoir, du sexe biologique (mâle/femelle) et de la sexualité. Elles pensent aussi que la hiérarchie qui place les hommes au-dessus des femmes est injuste, mais elles ont des idées différentes en ce qui concerne les moyens d’ébranler cette hiérarchie, particulièrement lorsqu’il est question de sexualité. Ainsi, par exemple, elles pensent qu’une femme défie cette hiérarchie lorsqu’elle joue un rôle de dominatrice, ou lorsqu’elle devient consommatrice sexuelle (par ex., en consommant de la pornographie ou en faisant du «lap dance» dans un club de strip-tease) – c’est-à-dire lorsqu’elle adopte le kit de rôles et d’activités sexuelles conformes aux standards masculins. Une femme résiste également, selon cette logique, quand elle use du «pouvoir» de la féminité – sa beauté, son sex-appeal, son piquant, etc. – pour son supposé propre avantage. Selon la troisième vague, une femme peut promulguer une politique sexuelle libératrice et féministe en adoptant une posture sexuelle soit typiquement féminine soit typiquement masculine et se débrouiller avec – tant qu’elle le fait librement et avec de bonnes attitudes et intentions. Ce faux féminisme nourrit davantage qu’il ne heurte la culture porno. 
   Le concept de «préférences adaptatives» est indispensable pour comprendre les dynamiques d’autoreproduction des systèmes oppressifs. Je pense notamment que ceci peut nous aider à comprendre la nouvelle vague du féminisme à laquelle j’appartiens, et que Marcelle Karp et Debbie Stoller considéraient comme représentatives de cette version qu’on appelle parfois «Dome Feminism», mais pour laquelle il y a également un sobriquet moins poli : «Féminisme baise-moi» («Fuck-me Feminism»). Un blogueur le résume comme suit (pas de manière très sympathique mais avec justesse) : «Le ‘féminisme baise-moi’ (…) est un courant de pensée qui propose que les femmes s’autonomisent en reprenant et contrôlant le fait d’être un objet sexuel, en réclamant le pouvoir de la pornographie et de l’industrie du sexe pour elles-mêmes, et en vantant leur désir et leur volonté d’avoir des relations sexuelles. En d’autres termes, être l’objet sexuel d’un homme ne peut pas me faire du mal puisque je souhaite être un objet sexuel; la pornographie et l’industrie du sexe ne peuvent me dégrader si ça me plaît ou si j’en tire profit; l’utilisation sexuelle ne peut me dévaluer puisque je l’utilise aussi; être considérée comme une chatte à baiser ne peut pas me déshumaniser puisque je veux qu’il baise ma chatte.» Il nous faut noter ici ce thème important : selon ce point de vue, et en ce qui concerne cette sorte de féminisme : ce n’est pas ce que je fais qui importe, mais plutôt ce que je veux ou choisis de faire. ... 
   «Aujourd’hui, les choses ont changé. Les gens de ma génération veulent que la sexualité occupe une place importante dans leur vie; ils veulent être libres et ouverts dans leur sexualité. Voilà pourquoi ils veulent faire et consommer du porno». Le commentaire de cette jeune femme présuppose deux choses. Pour qu’une expérience, une activité, soit considérée comme importante, réelle, digne de considération, elle doit être mise en images : il faut prendre en photo, faire tourner la caméra, allumer la webcam. Nous vivons dans une culture basée sur l’image. Tout doit être mis en images et nous tirons notre conception de ce que et de qui nous sommes principalement des images qui nous entourent. En outre, pour qu’une expérience, une activité, soit perçue comme importante, réelle, digne de considération, elle doit être transformée en produit achetable et vendable. On rencontre un phénomène étrange dans de nombreuses discussions sur la pornographie : lorsqu’il est question de sexualité, des personnes progressistes et de gauche prétendent que la mettre sur le marché capitaliste la rendra plus libre (ou serait la preuve qu’on est plus libre ainsi).»

~ Rebecca Whisnant (colloque de la National Feminist Antipornography Conference, Wheelock College de Boston, le 24 mars 2007) Article intégral :
http://sisyphe.org/spip.php?article4191

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«On dit aux femmes qu’elles ont deux choix dans notre société. Elles sont soit baisables soit invisibles. Être baisable signifie se conformer à la culture du porno, avoir l’air sexy, être soumise et faire ce que veut l’homme. C’est la seule façon d’être visible. Vous ne pouvez pas demander aux filles adolescentes, qui aspirent plus que tout à se faire remarquer, de choisir l’invisibilité. 


Le porno a émergé de la culture de la marchandise, du besoin de vendre des produits qu’ont les capitalistes corporatistes. Après la guerre, ce dont [les capitalistes] avaient besoin pour faire démarrer l’économie c’était des gens prêts à dépenser leur argent pour des choses dont ils n’avaient pas besoin. ... Qui a appris aux hommes à dépenser leur argent? Ce fut le génie de Hugh Hefner qui en 1953 lança son magazine Playboy. Il a compris qu’il ne suffisait pas de marchandiser la sexualité, mais qu’il fallait sexualiser les marchandises. Playboy ne promettait pas les filles où les femmes, il disait que si vous achetiez beaucoup, que si vous consommiez au niveau promu par Playboy, alors vous obtiendriez la récompense que sont les femmes. La condition cruciale pour obtenir la récompense était la consommation de marchandises. Il a introduit le porno, qui sexualisait et marchandisait le corps des femmes, dans le manteau de la classe moyenne. Il lui a donné un vernis de respectabilité. 

Marilyn sur la couverture du premier numéro de Playboy Magazine. Appelons un lapin un lapin : Hefner était en fait un proxénète.  

L’Amérique, et la majeure partie du reste du monde, se pornifia. Les revenus de l’industrie mondiale du porno sont estimés à 96 milliards de $, le marché des USA comptant pour environ 13 milliards. Il y a 420 millions de pages porno sur internet, 4,2 millions de sites web porno, et 68 millions de requêtes porno dans les moteurs de recherches chaque jour. 
    Avec un téléphone mobile vous pouvez fournir du porno aux hommes qui vivent dans les zones densément peuplées du Brésil et de l’Inde. Si vous avez un seul ordinateur portable dans la famille, l’homme ne peut pas s’assoir au milieu du salon et se masturber. Avec un téléphone, le porno devient portable. L’enfant moyen regarde son porno sur son téléphone mobile.»

~ Gail Dines, auteur de Pornland: How Porn Has Hijacked Our Sexuality

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