Automne
Comme un monde qui meurt écrasé sous son Or,
La Forêt automnale en son faste agonise
Et ses feuilles, comme les pièces d’un trésor,
S’amoncellent sous le râteau fou de la bise.
Parmi la langueur des sous-bois, on sent flotter
La même odeur de lente mort et de luxure
Qui vous accable au cœur des trop riches cités :
Tout l’Or de la Forêt s’exhale en pourriture!
Mais nous savons que de l’amas de ce fumier
Doit fleurir, en l’élan de la sève prochaine,
La gaieté des coucous, la grâce des aubiers,
La douceur de la mousse et la beauté des chênes.
Notre Société ressemble à la Forêt,
Nous sommes en Novembre, et l’Automne est en elle.
Ô fumier d’aujourd’hui! plus ton lit est épais
Plus l’Avril sera vert dans la Forêt nouvelle!
~ Gaston Couté (Les saisons)
Chemineau-poète et chansonnier beauceron (1880-1911)
Dédié au sud-ouest
Sur la bruyère longue infiniment
Voici le vent cornant novembre;
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent
Qui se déchire et se démembre,
En souffles lourds, battant les bourgs;
Voici le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Aux puits des fermes,
Les seaux de fer et les poulies
Grincent;
Aux citernes des fermes.
Les seaux et les poulies
Grincent et crient
Toute la mort, dans leurs mélancolies.
Le vent rafle, le long de l’eau,
Les feuilles mortes des bouleaux,
Le vent sauvage de Novembre;
Le vent mord, dans les branches,
Des nids d’oiseaux;
Le vent râpe du fer
Et peigne, au loin, les avalanches,
Rageusement du vieil hiver,
Rageusement, le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Dans les étables lamentables,
Les lucarnes rapiécées
Ballottent leurs loques falotes
De vitres et de papier.
- Le vent sauvage de Novembre! -
Sur sa butte de gazon bistre,
De bas en haut, à travers airs,
De haut en bas, à coups d’éclairs,
Le moulin noir fauche, sinistre,
Le moulin noir fauche le vent,
Le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Les vieux chaumes, à croupetons,
Autour de leurs clochers d’église.
Sont ébranlés sur leurs bâtons;
Les vieux chaumes et leurs auvents
Claquent au vent,
Au vent sauvage de Novembre.
Les croix du cimetière étroit,
Les bras des morts que sont ces croix,
Tombent, comme un grand vol,
Rabattu noir, contre le sol.
Le vent sauvage de Novembre,
Le vent,
L’avez-vous rencontré le vent,
Au carrefour des trois cents routes,
Criant de froid, soufflant d’ahan,
L’avez-vous rencontré le vent,
Celui des peurs et des déroutes;
L’avez-vous vu, cette nuit-là,
Quand il jeta la lune à bas,
Et que, n’en pouvant plus,
Tous les villages vermoulus
Criaient, comme des bêtes,
Sous la tempête?
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent hurlant,
Voici le vent cornant Novembre.
~ Émile Verhaeren
Poète belge flamand, d'expression française (1855-1916)
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