8 novembre 2014

Moment musical

Best place in the world! (imgflip.com)

Je joue encore l’Andantino de ce Moment avec grand plaisir. À mon humble avis, certains interprètes ont tendance à le jouer un peu trop vite et à s’emballer dans les passages plus enlevés avec une fougue quasi véhémente.
Avec Brendel : de la douceur partout, même dans la passion ou le désespoir... 

Franz SchubertMoment Musical Op.94 (D.780) No.2 en La bémol majeur
Par Alfred Brendel



Un à-côté

Christian Bobin : que tout aille bien ou mal, il suffit de lire quelques citations pour se sentir irrésistiblement propulsé vers la lumière, vers un havre d’amour.

Le portrait dressé par Gil Pressnitzer est tellement juste! (Sur Esprits Nomades – que du beau et du bon sur ce site*...)

Quelques extraits :

Pour présenter Christian Bobin, écrivain solitaire à la pureté franciscaine, autant avoir aux lèvres ses propres devinettes :

D'où vient le vent? d'un livre ancien qu'on a oublié de refermer.
Qui ne vient chez nous qu'en notre absence? l'amour.
Qui rit après sa mort? la pluie dans le feuillage.

Si cette écriture si simple, au risque de paraître simpliste vous touche, poursuivons l'approche d'un homme en retrait, dont les lettres sont devenues livres, ou le contraire, et ont peu à peu apporté jusqu'à nous leurs orbes de tendresse, leurs petites robes de fête. :
«Un jour, dans cette absence égale, chronique, vous recevriez ces lettres. L'apparence d'un livre. L'auteur, ce serait vous, c'est-à-dire un autre. Un passant. Une Ombre, lointaine. Personne.»

Christian Bobin coule comme l'eau. Sans mémoire autre que celle de l'amour. Il écrit une langue orale, musicale, qui vient d'abord dans sa bouche, avant de se réfugier dans sa patrie, la page blanche. Lui il se tient à l'intersection de la solitude et de l'amour des autres. Lenteur et patience sont à son chevet. «Il n'y a pas de connaissance en dehors de l'amour. Il n'y a dans l'amour que de l'inconnaissable.»

Christian Bobin a publié une vingtaine de très courts livres, mais ces livres sont des lumières allant vers la meilleure part de nous-mêmes. Curieux écrivain que l'on ne semble connaître que par ses citations, d'ailleurs il semble construire ses textes comme un vivier d'où écloront quelques phrases à graver dans l'herbier des mémoires.

La longue haleine ne le concerne pas. Il parle doucement, et par ondes concentriques, il arrive à la phrase, cernée, polie, qui va s'incruster en nous. (...) La voie du cœur se doit d'exclure la sainteté, les véritables illuminations sont dans l'incendie de la vie.

La douce lumière de Bobin

Blanche, paisible, étale, une lumière douce monte de sa prose. Sa prose qui songe, se miroite, semble avoir pris le deuil des choses pour mieux les voir. Le silence et le vide sont perchés sur son épaule, avec des hémorragies de silence dans la parole, pour lui qui dit : «La joie va toujours avec la frayeur, les livres vont toujours avec le deuil.»

Il nous faut mener double vie dans nos vies, double sang dans nos cœurs, la joie avec la peine, le rire avec les ombres, deux chevaux dans le même attelage, chacun tirant de son côté, à folle allure. Ainsi allons-nous, cavaliers sur un chemin de neige, cherchant la bonne foulée, cherchant la pensée juste, et la beauté parfois nous brûle, comme une branche basse giflant notre visage, et la beauté parfois nous mord, comme un loup merveilleux sautant à notre gorge.

«Très peu de vraies paroles s'échangent chaque jour, vraiment très peu. Peut-être ne tombe-t-on amoureux que pour enfin commencer à parler. Peut-être n'ouvre-t-on un livre que pour enfin commencer à entendre.» (1)

Et il touche à l'essentiel.
«L'écriture c'est le cœur qui éclate en silence.» 
«Je suis fou de pureté. Je suis fou de cette pureté qui n'a rien à voir avec une morale, qui est la vie dans son atome élémentaire, le fait simple et pauvre d'être pour chacun au bord des eaux de sa mort noire et d'y attendre seul, infiniment seul, éternellement seul.»
«Ce qui ne peut danser au bord des lèvres, s'en va hurler au fond de l'âme.»

«... ceux qui savent nous aimer nous accompagnent jusqu'au seuil de notre solitude puis restent là, sans faire un pas de plus. ceux qui prétendent aller plus loin dans notre compagnie restent en fait bien plus en arrière.» (L'éloignement du monde)

«Il n'y a pas de plus grande joie que de connaître quelqu'un qui voit le même monde que nous. C'est apprendre que l'on n'était pas fou.» (La dame blanche)

http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/bobin/bobin.html

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(1) Selon une étude en psychologie de comportement social, chez la majorité des gens, il semble que les deux tiers du contenu de leur conversation sont des ragots – médisance et calomnie. Chic, non?!

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