17 novembre 2014

Crains-tu de vivre?

Photo : Denis Stock, New York; 1950

Crains-tu le vent?

Crains-tu la force du vent,
La pluie cinglante?
Affronte-les et lutte,
Redeviens sauvage.
Aies faim et froid comme le loup,
Patauge dans la boue comme la grue :
Les paumes de tes mains épaissiront
La peau de tes joues brunira
Tu seras éreinté et fatigué et basané,
Mais tu marcheras comme un homme!

~ Hamlin Garland (Do you fear the wind?)

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«Si tu es coincé quelque part et que tout se retourne contre toi, au point où tu as l’impression que tu ne tiendras pas une minute de plus, ne lâche pas car c’est exactement à ce moment-là que le cours des événements changera.»

~ Harriet Beecher Stowe

Source (traduction maison) :
Elbert Hubbard’s Scrap Book
W.M. H. Wise & Co., Inc.
New York; 1955

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Il y a très peu de choses dans la vie sur lesquelles nous avons du pouvoir. Par exemple, nous ne pouvons rien contre les forces déchaînées de la nature et de la férocité humaine. Mais, succomber à la terreur ne résoudra rien. Nous mettons tellement d’énergie à tout prévoir pour nous garer de la moindre difficulté, qu’au moment où survient une vraie catastrophe, nous n’en n’avons plus pour y répondre de manière appropriée.

Le trois fois rien

[Extrait]

(...) Qu’est-ce que la terreur? Une manière parfois très subtile de prévenir sans cesse l’action en la neutralisant, en la rendant impossible. Manière inquiète et angoissée de vivre, la terreur juge tout à l’aune de la catastrophe imminente. Elle focalise son attention sur cette part accidentelle de l’existence, érigée en absolu, en absolue nécessité. C’est comme si de sortir et de vivre dans le monde, bref, d’exister, nous étions condamnés de toutes les façons, à subir, c’est-à-dire à mourir. Le possible est nié comme possible, le caractère aventurier de la vie miné avant tout commencement et déploiement. Prévenir n’est alors qu’une machine à faire fonctionner la peur en nous et en dehors de nous. Que cette machine soit à usage privé ou à usage politique, elle généralise son système d’inertie («ne vis pas, tu vas mourir») et tue la dynamique de la liberté. N’osant risquer, n’osant voir qu’il y a des choses qui nous échappent, elle résiste de toutes ses forces à vivre et à accueillir ce qui vient. 
        Ce qu’ignore la peur, c’est que la vie, l’existence humaine est l’expérimentation immédiate de la vulnérabilité. En naissant, l’homme est nu de peau. Vulnérabilité et imprévisibilité. En langage des signes (c’est peut-être le Je ne sais quoi d’autre et Presque rien de Jankélévitch), ce qui est vulnérable se montre dans ce geste du «trois fois rien», ce geste de poussière, de ce qui glisse et s’échappe du bout des doigts, évanouissement qui dit combien toute chose et tout être sont fragiles et méritent notre attention. Mais sans terreur. 
       Or, face à cette vulnérabilité, il y a l’autre bout des conduites et des attitudes, celle qui fonce devant et qui fait exploser tous les périmètres de sécurité autour de l’action. Hardiesse folle qui provoque les occasions de risquer enfin quelque chose. Il y a peut-être du désespoir en elle, de la lassitude, du grand ennui, enfer ou ciel qu’importe! dit le poète. Alors celui ou celle qui est sans peur et sans conscience se fait presque un devoir de ne pas penser, et de toujours agir d’abord. 
       Qui sait? On se prend parfois pour Don Quichotte.

(p. 137-138)

Marie-Noëlle Agniau
MÉDITATIONS DU TEMPS PRÉSENT
La philosophie à l’épreuve du quotidien 2
L’Harmattan; 2008

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