Livre du constant désir
Leonard Cohen
Éditions de l’Hexagone, 2007
(Traduction : Michel Garneau)
le rendait heureux
et maintenant
qu’elle était partie
tout
le rendait heureux
27 septembre 2004, Montréal
(p.218)
FATIGUÉS
Nous sommes fatigués d’être blancs et nous sommes fatigués d’être noirs, et nous allons cesser d’être blancs et nous allons cesser dorénavant d’être noirs. Nous allons être des voix maintenant, des voix désincarnées dans le ciel bleu, des harmonies plaisantes dans les cavités de votre détresse. Et nous allons être ainsi jusqu’à ce que vous vous preniez en mains, jusqu’à ce que vos souffrances vous fassent calmes, et que vous puissiez croire à la parole de D--u qui vous a dit de tant de façons de vous aimer les uns les autres, ou à tout le moins de ne pas torturer et assassiner au nom de quelque stupide idée à vomir et qui fait que D--u se détourne de vous, en assombrissant le cosmos d’une inconcevable tristesse. Nous sommes fatigués d’être blancs et nous sommes fatigués d’être noirs, et nous allons cesser d’être blancs et nous allons cesser dorénavant d’être noirs.
(p. 132)
COUR
Assis dans le jardin
Avec les chiens de ma fille
Contemplant les oranges
Et le ciel
Des fleurs et leurs ombres
Vont deux par deux
Écoutant le trafic
Entendant du neuf
Je commence alors à me débattre
Avec une chétive chanson
Qui me terrassera
À bien des milles de chez moi
(p. 158)
LE BUT
Peux pas sortir de la maison
ou répondre au téléphone.
M’écroule encore une fois
mais je suis pas seul.
Réglant enfin
les comptes de l’âme :
ceci pour les déchets,
paiement final pour cela.
Pour ce qui est de la chute, elle
a commencé il y a longtemps :
Peux pas arrêter la pluie,
Peux pas arrêter la neige.
Je m’assois sur ma chaise.
Je regarde la rue.
Le voisin me rend
mon sourire vaincu.
Je bouge avec les feuilles.
Je brille avec le chrome.
Je suis presque en vie.
Je suis presque à la maison.
Personne à suivre
et rien à enseigner,
à part que le but
ne vaut pas l’effort.
(p. 161)
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