22 mai 2016

Parler aux arbres et rire avec le gazon...


On peut avoir tendance à rester encabané, par paresse. Or la plupart des activités quotidiennes que nous faisons à l’intérieur peuvent se faire dehors – lire, manger, faire la sieste – dans notre cour ou à défaut, dans les jardins publics. La belle saison est courte sous notre latitude, autant en profiter au maximum.

Une amie et moi avions l’habitude de lire à haute voix dehors, une fois par semaine pendant la saison estivale. Nous nous installions à flanc de colline près de la source qui dévalait jusqu’au pré où gambadaient des chevaux en liberté, au delà du chemin de terre. À l’automne, certains auteurs n’avaient plus de secrets pour nous. Parfois, nous ne disions pas un mot pendant deux heures, juste pour écouter les sons de la nature. Pur délice audiovisuel vivant. Après avoir quitté notre promontoire, nous allions saluer les chevaux. Que de joie et de bonheur gratuits!

Vœu
Victor Hugo

Si j’étais la feuille que roule
L’aile tournoyante du vent,
Qui flotte sur l’eau qui s’écoule,
Et qu’on suit de l’oeil en rêvant;

Je me livrerais, fraîche encore,
De la branche me détachant,
Au zéphyr qui souffle à l’aurore,
Au ruisseau qui vient du couchant.

Plus loin que le fleuve, qui gronde,
Plus loin que les vastes forêts,
Plus loin que la gorge profonde,
Je fuirais, je courrais, j’irais!

Plus loin que l’antre de la louve,
Plus loin que le bois des ramiers,
Plus loin que la plaine où l’on trouve
Une fontaine et trois palmiers;

Par delà ces rocs qui répandent
L’orage en torrent dans les blés,
Par delà ce lac morne, où pendent
Tant de buissons échevelés;

Plus loin que les terres arides
Du chef maure au large ataghan,
Dont le front pâle a plus de rides
Que la mer un jour d’ouragan.

Je franchirais comme la flèche
L’étang d’Arta, mouvant miroir,
Et le mont dont la cime empêche
Corinthe et Mykos de se voir.

Comme par un charme attirée,
Je m’arrêterais au matin
Sur Mykos, la ville carrée,
La ville aux coupoles d’étain.

J’irais chez la fille du prêtre,
Chez la blanche fille à l’oeil noir,
Qui le jour chante à sa fenêtre,
Et joue à sa porte le soir.

Enfin, pauvre feuille envolée,
Je viendrais, au gré de mes voeux,
Me poser sur son front, mêlée
Aux boucles de ses blonds cheveux;

Comme une perruche au pied leste
Dans le blé jaune, ou bien encor
Comme, dans un jardin céleste,
Un fruit vert sur un arbre d’or.

Et là, sur sa tête qui penche,
Je serais, fût-ce peu d’instants,
Plus fière que l’aigrette blanche
Au front étoilé des sultans.

Les orientales

Via http://www.poetica.fr/a-propos/

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