Raif Badawi croupit derrière les barreaux depuis
maintenant trois ans et demi pour avoir exprimé ses opinions, notamment sur la
place de la religion dans la société saoudienne, les droits des femmes et la
démocratie. Ensaf Haidar recevra au nom de son mari le prix
Sakharov 2015, une prestigieuse récompense honorant les défenseurs des droits
de la personne et des libertés fondamentales que le Parlement européen a
attribuée cette année à Raif Badawi. Il semble qu’il ait été transféré dans une
nouvelle prison réservée aux prisonniers dont le dossier est «clos». Raif Badawi
aurait entrepris une grève de la faim. (LaPresse)
À mon avis, nos gouvernements fédéral et
provincial sont «frileux» et ne poussent pas très fort pour faire avancer la
cause. Sans doute en raison d’intérêts politico-économiques occultes. En passant, un article
intéressant de Stéphane Stapinsky sur l’ambigu projet de loi 59 :
L’islamisme en terre québécoise, ou Les
mille et une nuits de Philippe Couillard
Cette première version du projet de loi [59],
avec son désir apparent de ménager la chèvre et le chou, est-il un reflet des
ambigüités et de la confusion manifestés par le premier ministre sur la
question de l’intégrisme et de l’islamisme en général? S’il agit avec prudence
(certains diront : mollesse), est-ce uniquement en raison de son adhésion au
multiculturalisme officiel et avec le souci de ménager la base électorale
historique du Parti libéral? Sachant que l’Arabie saoudite finance certains
centres et certaines mosquées qui prêchent un islam faisant peu de compromis
avec la modernité, Philippe Couillard aura-t-il tendance à appuyer sur le
frein, compte tenu du lien particulier, sinon privilégié qu’il entretient avec
ce pays? (2015-11-27) http://agora.qc.ca/documents/lislamisme_en_terre_quebecoise_ou_les_mille_et_une_nuits_de_philippe_couillard
Disons par exemple que je n’aime pas les
comportements misogynes de mon beau-frère, et que je ne me gêne pas pour critiquer –
pas lui, sa misogynie. Suis-je raciste? Ou suis-je une beaufrèrophobe convaincue que tous les
beaux-frères sont misogynes? Incroyables toutes ces «...o-phobies» qui ne servent qu'à semer toujours plus de confusion.
Ce «cri de fureur» de Louise Ackermann, adressé à
Pascal, vaut pour tous les théologiens, moralistes, prêcheurs et défenseurs (intégristes) des grandes
religions monothéistes. Était-ce de la propagande haineuse contre les chrétiens
ou simplement une critique des objets de la Foi? En tout cas, quelques siècles plus tôt
elle aurait passé au bûcher de l’Inquisition pour s’être «vider le cœur», c’est
sûr.
Holy
Inquisition (Dark History, strange images) https://frankzumbach.wordpress.com/2012/01/page/189/
Le Dieu de
Pascal
Louise
Ackermann (1813-1890), poétesse française
Un dernier mot, Pascal! À ton tour de m'entendre
Pousser aussi ma plainte et mon cri de fureur.
Je vais faire d'horreur frémir ta noble cendre,
Mais du moins j'aurai dit ce que j'ai sur le
coeur.
À plaisir sous nos yeux lorsque ta main déroule
Le tableau désolant des humaines douleurs,
Nous montrant qu'en ce monde où tout s'effondre et
croule
L'homme lui-même n'est qu'une ruine en pleurs,
Ou lorsque, nous traînant de sommets en abîmes,
Entre deux infinis tu nous tiens suspendus,
Que ta voix, pénétrant en leurs fibres intimes,
Frappe à cris redoublés sur nos coeurs éperdus,
Tu crois
que tu n'as plus dans ton ardeur fébrile,
Tant déjà
tu nous crois ébranlés, abêtis,
Qu'à dévoiler
la Foi, monstrueuse et stérile,
Pour nous
voir sur son sein tomber anéantis.
À quoi bon le nier? dans tes sombres peintures,
Oui, tout est vrai, Pascal, nous le reconnaissons
:
Voilà nos désespoirs, nos doutes, nos tortures,
Et devant l'Infini ce sont là nos frissons.
Mais parce
qu'ici-bas par des maux incurables,
Jusqu'en
nos profondeurs, nous nous sentons atteints,
Et que nous
succombons, faibles et misérables,
Sous le
poids accablant d'effroyables destins,
Il ne nous
resterait, dans l'angoisse où nous sommes,
Qu'à courir
embrasser cette Croix que tu tiens?
Ah! nous ne
pouvons point nous défendre d'être hommes,
Mais nous
nous refusons à devenir chrétiens.
Quand de son Golgotha, saignant sous l'auréole,
Ton Christ viendrait à nous, tendant ses bras
sacrés,
Et quand il laisserait sa divine parole
Tomber pour les guérir en nos coeurs ulcérés;
Quand il
ferait jaillir devant notre âme avide
Des sources
d'espérance et des flots de clarté,
Et qu'il
nous montrerait dans son beau ciel splendide
Nos trônes
préparés de toute éternité,
Nous nous
détournerions du Tentateur céleste
Qui nous
offre son sang, mais veut notre raison.
Pour
repousser l'échange inégal et funeste
Notre bouche
jamais n'aurait assez de Non!
Non à la
Croix sinistre et qui fit de son ombre
Une nuit où
faillit périr l'esprit humain,
Qui, devant le Progrès se dressant haute et
sombre,
Au vrai libérateur a barré le chemin;
Non à cet instrument d'un infâme supplice
Où nous voyons, auprès du divin Innocent
Et sous les mêmes coups, expirer la justice;
Non à notre
salut s'il a coûté du sang;
Puisque
l'Amour ne peut nous dérober ce crime,
Tout en
l'enveloppant d'un voile séducteur,
Malgré son
dévouement, Non! même à la Victime,
Et Non
par-dessus tout au Sacrificateur!
Qu'importe
qu'il soit Dieu si son oeuvre est impie?
Quoi! c'est
son propre fils qu'il a crucifié?
Il pouvait
pardonner, mais il veut qu'on expie;
Il immole,
et cela s'appelle avoir pitié!
Pascal, à
ce bourreau, toi, tu disais : «Mon Père.»
Son odieux
forfait ne t'a point révolté;
Bien plus,
tu l'adorais sous le nom de mystère,
Tant le
problème humain t'avait épouvanté.
Lorsque tu te courbais sous la Croix qui
t'accable,
Tu ne voulais, hélas! qu'endormir ton tourment,
Et ce que tu cherchais dans un dogme implacable,
Plus que la vérité, c'était l'apaisement,
Car ta Foi n'était pas la certitude encore;
Aurais-tu tant gémi si tu n'avais douté?
Pour avoir reculé devant ce mot : J'ignore,
Dans quel gouffre d'erreurs tu t'es précipité!
Nous, nous restons au bord. Aucune perspective,
Soit Enfer, soit Néant, ne fait pâlir nos fronts,
Et s'il faut accepter ta sombre alternative,
Croire ou désespérer, nous désespérerons.
Aussi bien, jamais heure à ce point triste et
morne
Sous le soleil des cieux n'avait encor sonné;
Jamais l'homme, au milieu de l'univers sans borne,
Ne s'est senti plus seul et plus abandonné.
Déjà son désespoir se transforme en furie;
Il se traîne au combat sur ses genoux sanglants,
Et se sachant voué d'avance à la tuerie,
Pour s'achever plus vite ouvre ses propres flancs.
Aux applaudissements de la plèbe romaine
Quand le cirque jadis se remplissait de sang,
Au-dessus des horreurs de la douleur humaine,
Le regard découvrait un César tout puissant.
Il était là, trônant dans sa grandeur sereine,
Tout entier au plaisir de regarder souffrir,
Et le gladiateur, en marchant vers l'arène,
Savait qui saluer quand il allait mourir.
Nous, qui saluerons-nous? à nos luttes brutales
Qui donc préside, armé d'un sinistre pouvoir?
Ah! seules, si des Lois aveugles et fatales
Au carnage éternel nous livraient sans nous voir,
D'un geste résigné nous saluerions nos reines.
Enfermé dans un cirque impossible à franchir,
L'on pourrait néanmoins devant ces souveraines,
Tout roseau que l'on est, s'incliner sans fléchir.
Oui, mais
si c'est un Dieu, maître et tyran suprême,
Qui nous
contemple ainsi nous entre-déchirer,
Ce n'est
plus un salut, non! c'est un anathème
Que nous
lui lancerons avant que d'expirer.
Comment! ne
disposer de la Force infinie
Que pour se
procurer des spectacles navrants,
Imposer le
massacre, infliger l'agonie,
Ne vouloir
sous ses yeux que morts et que mourants!
Devant ce
spectateur de nos douleurs extrêmes
Notre indignation
vaincra toute terreur;
Nous entrecouperons
nos râles de blasphèmes,
Non sans
désir secret d'exciter sa fureur.
Qui sait?
nous trouverons peut-être quelque injure
Qui
l'irrite à ce point que, d'un bras forcené,
Il arrache
des cieux notre planète obscure,
Et brise en
mille éclats ce globe infortuné.
Notre audace du moins vous sauverait de naître,
Vous qui dormez encore au fond de l'avenir,
Et nous triompherions d'avoir, en cessant d'être,
Avec l'Humanité forcé Dieu d'en finir.
Ah ! quelle immense joie après tant de souffrance!
À travers les débris, par-dessus les charniers,
Pouvoir enfin jeter ce cri de délivrance :
«Plus d'hommes sous le ciel, nous sommes les
derniers!»
(1871)
Aucun commentaire:
Publier un commentaire