Dessin : Serge
Chapleau, caricaturiste au quotidien La Presse. J’adore ce portrait.
Je n'ai pas complété les phases du deuil... Complet-cravate, chapeau et manières courtoises
faisaient partie de l’image de marque de Leonard, mais cela ne l’empêchait
d’être lui-même et de dire ce qu’il pensait.
I love to speak with
Leonard He’s a sportsman and
a shepherd He’s a lazy bastard Living in a suit But he does say what I tell him Even though it isn’t
welcome He just doesn’t have
the freedom To refuse He will speak these
words of wisdom Like a sage, a man
of vision Though he knows he’s
really nothing But the brief
elaboration of a tube
[...]
Leonard Cohen Song: GOING HOME Album: OLD IDEAS
L’habit ne fait pas le moine, euh...
Ma vie en
habits
Après un certain temps Tu ne sais plus Si c’est une femme Qui te manque Ou si tu as besoin D’une cigarette Et plus tard Si c’est la nuit Ou si c’est le jour Puis soudainement Tu sais Le temps Tu t’habilles Tu rentres à la maison Tu t’allumes Tu te maries
Leonard Cohen LIVRE DU CONSTANT DÉSIR Éditions de l’Hexagone, 2007 (Traduction : Michel Garneau)
Dessin :
Pascal, caricaturiste au quotidien
Le Devoir. Hum...
Citation du jour : «Si vous n’arrivez pas à donner un sens à tout ce
qui se passe, essayez de voir ça comme un divertissement.»~ Ashleigh Brilliant
«Ce qui rend si agréable la société de mon chien,
c’est la transparence de son être. Monchien est transparent comme le verre. S’il n’y avait pas de chiens, je
n’aimerais pas vivre.»~ Arthur
Schopenhauer
Il se mit à
creuser un fossé entre leur essence et la sienne
Au cours de son développement culturel, l'homme
s'érigea en maître de ses compagnons dans la création, les animaux. Mais non
content de cette prédominance, il se mit à creuser un fossé entre leur essence
et la sienne. Il leur contesta la raison et s'attribua une âme immortelle, se
réclama d'une haute ascendance divine qui permettrait de rompre le lien de
communauté avec le règne animal. Il est remarquable que cette outrecuidance
soit encore éloignée du petit enfant, tout comme de l'homme primitif et de
l'homme originaire. Elle est le résultat d'un développement ultérieur plein de
prétention. Au stade du totémisme, le primitif ne trouvait pas choquant de
faire remonter sa lignée à un ancêtre animal. Le mythe qui contient le
précipité de cet ancien mode de pensée fait prendre aux dieux une forme
d'animal et l'art des premiers temps figure les dieux avec des têtes d'animaux.
L'enfant ne ressent aucune différence entre son essence propre et celle de
l'animal; dans le conte il fait, sans s'étonner, penser et parler les animaux;
il déplace un affect d'angoisse qui concerne le père humain, sur le chien ou
sur le cheval, sans avoir pour autant l'intention d'abaisser le père. C'est
seulement devenu adulte qu'il se sera rendu étranger à l'animal au point de
pouvoir injurier l'homme en lui donnant le nom d'un animal. Nous savons tous que la recherche de Ch.
Darwin, de ses collaborateurs et de ses prédécesseurs a mis fin, il y a à peine
plus d'un demi-siècle, à cette outrecuidance de l'homme. L'homme n'est rien
d'autre ni rien de meilleur que les animaux, il procède lui-même de la série
animale, apparenté de plus près à certaines espèces, de plus loin à d'autres.
Ses acquisitions ultérieures ne sont pas parvenues à effacer ces témoignages
d'équivalence, qui sont inscrits dans sa conformation corporelle comme dans ses
prédispositions animiques. Telle est donc la deuxième vexation du narcissisme humain,
la vexation biologique.
~ Sigmund
Freud Une difficulté
de la psychanalyse Oeuvres complètes : psychanalyse. 1916-1920, vol.
15; Puf, 1996, p. 47. http://bibliodroitsanimaux.free.fr/
Le «vendredi
fou» d’achat compulsif débute aujourd’hui : quelques clous de plus dans le
cercueil écosuicidaire... À chaque année, certains acheteurs se battent bec et
ongles pour des objets. Résultat : des blessés et parfois même des morts.
Grab,
grab, grab! (Vendredi fou, UK)
Le coût des objets – Une fois qu’on a accumulé des objets, on
doit les conserver, les entretenir, les nettoyer, les ranger, les classer, etc.
Les objets nous obligent à avoir des
tablettes, du rangement et de l’espace. Combien de pieds carrés dans nos
maisons servent uniquement à les ranger et les contenir? (...) Selon le Los Angeles Times paru en 2014, un
ménage américain moyen posséderait 300 000 objets. ~ Pierre-Yves
McSween (En as-tu vraiment besoin?,
Guy Saint-Jean Éditeur, 2016)
Allons vers
les vivants.
Les Moineaux François Fabié
La neige
tombe par les rues, Et les
moineaux, au bord du toit, Pleurent
les graines disparues. «J’ai
faim!» dit l’un; l’autre : «J’ai froid!»
«Là-bas,
dans la cour du collège, Frères,
allons glaner le pain Que
toujours jette – ô sacrilège! – Quelque
écolier qui n’a plus faim».
À cet
avis, la bande entière S’égrène
en poussant de grands cris, Et s’en
vient garnir la gouttière Du vieux
collège aux pignons gris.
C’est
l’heure vague où, dans l’étude, Près du
poêle au lourd ronflement, Les
écoliers, de lassitude, S’endorment
sur le rudiment.
Un seul
auprès de la fenêtre, – Petit
rêveur au fin museau, – Se plaint
que le sort l’ait fait naître Écolier,
et non pas oiseau.
Vous
aimez les oiseaux? Visitez Bird Cams. Si vous habitez
un appartement où il est défendu de nourrir les oiseaux, vous pourrez regarder
les activités aux mangeoires en temps réel grâce aux caméras installées par
Cornell, en Ontario (Canada) par exemple. Je watch en écrivant : mésanges dans
les mangeoires suspendues, gros-becs et durbecs des pins dans le plateau. Une corneille est venue tantôt. Les geais bleus ont mangé toutes les
cacahuètes. Un superbe pic arrive! En plus on les entend jacasser. Trop pâmant ce
site, je suis déjà accro. Quelques heures plus tard, achalandage et petites querelles dans le plateau, comme chez Walmart lors du Black Friday. J'ignore ce qui nous faire croire que nous sommes des animaux différents des autres animaux. Vraiment!
Des
dizaines de milliers d’années d’évolution! C’est sûr qu’on va achever les
oiseaux de rivage migrateurs à coups de drones-jouets, de déversements
pétroliers ou autres... on ne manque pas de ressources pour y arriver.
Publiée
le 31 oct. 2016 Cornell Lab of Ornithology
The intertidal mudflats of the Yellow Sea contain the
most important stopover sites for migratory shorebirds in the East Asian-Australasian
Flyway - a flyway that has transported birds from breeding grounds in the
Russian and Alaskan Arctic to wintering areas in Southern Asia, Australia and
New Zealand for hundreds of thousands of years. The productivity of the Yellow
Sea’s mudflats and the food they provide to migratory birds are critical to the
survival of many species.
This film provides a primer on the basic biological
principles of migratory shorebird ecology and why the Yellow Sea is a critical
international hub for bird migration.
Film is also available in Korean, Mandarin, Japanese
and Russian.
Filmed and narrated by Gerrit Vyn Edited by Tom Swarthout
@Twittakine
– «L’élection de Trump démontre une
chose, c’est qu’il ne faut pas hésiter à postuler pour un job, même quand on n’a
pas d’expérience.» (Commentaire d’un internaute)
«Les grands se piquent d’ouvrir une allée dans une
forêt, de soutenir des terres par de longues murailles, de dorer des plafonds,
de faire venir dix pouces d’eau, de meubler une orangerie; mais de rendre un
cœur content, de combler une âme de joie, de prévenir d’extrêmes besoins ou d’y
remédier, leur curiosité ne s’étend point jusque-là.» ~ Jean de La Bruyère
Il y a trois sortes d'ambition : la première, c'est de gouverner un peuple et d'en
faire l'instrument de ses desseins; la seconde, c'est d'élever son pays et de lui
assurer la suprématie sur tous les autres; la troisième, c'est d'élever l'humanité tout
entière, en augmentant le trésor de ses connaissances. ~
Francis Bacon
L’ambition saine est certes un moyen de se
réaliser. Mais elle peut se transformer en esclavage, en obsession, en
compétition malsaine, voire, en instrument de torture envers soi-même et autrui
car il n’y a pas de plafond, ni de béton ni de verre :
«De l’ambition naissent les jalousies dévorantes;
et cette passion si basse et si lâche est pourtant le vice et le malheur des Grands.
Jaloux de la réputation d’autrui, la gloire qui ne leur appartient pas est pour
eux comme une tache qui les flétrit et qui les déshonore. Jaloux des grâces qui
tombent à côté d’eux, il semble qu’on leur arrache celles qui se répandent sur
les autres. ... Enfin cette injuste passion tourne tout en amertume, et on
trouve le secret de n’être jamais heureux, soit par ses propres maux, soit par
les biens qui arrivent aux autres.»
~
Jean-Baptiste Massillon
L'ESPOIR ET
LA PEUR (p. 73)
Un des enseignements classiques du bouddhisme qui
porte sur l'espoir et la peur se subdivise en quatre paires de contraires :
quatre choses qu'on aime et auxquelles on s'attache et quatre autres qu'on
déteste et qu'on cherche à éviter. Le message essentiel à retenir, c'est que
lorsqu'on est pris au piège de ces huit dharmas*, on souffre.
Premièrement, on aime le plaisir, on s'y attache.
À l'inverse, on n'aime pas la douleur. Deuxièmement, on aime les louanges et on
y est attaché. On s'emploie à éviter les critiques et le blâme. On n'aime pas
le déshonneur et on fait tout pour y échapper. Enfin, on est attaché au gain,
on tient à obtenir ce qu'on veut. On n'aime pas perdre ce qu'on possède.
D'après cet enseignement très simple, s'enfoncer
dans ces quatre paires de contraires –le plaisir et la douleur, les louanges et
le blâme, la célébrité et le déshonneur,
le gain et la perte–, c'est ce qui nous garde coincés dans la douleur du samsara**.
On pourrait avoir l'impression qu'il faudrait en
arriver à éliminer complètement ces sentiments de plaisir et de douleur, de
perte et de gain, de louange et de blâme ou de célébrité et de déshonneur. Il
serait plus pratique de les connaître intimement, de voir comment on s'y
accroche, et à quel point ils n'ont rien de permanent. C'est alors que les huit
dharmas temporels deviennent des moyens de devenir plus sages, plus
bienveillants et plus heureux.
--- * Dharma : «loi cosmique», la vérité de ce qui
est. ** Samsara : «la continuation du voyage» – le
cercle vicieux de la souffrance qui résulte de la croyance erronée en la
solidité et la permanence du moi et de l’autre
SE DÉTENDRE
ET PASSER À AUTRE CHOSE (p. 75)
Arriver à se détendre, c’est la clé pour se sentir
chez soi dans son corps, son esprit et son monde affectif, pour sentir qu’on
mérite de vivre sur cette planète. Par exemple, lorsqu’on entend ce slogan
: «adopte toujours un même esprit joyeux», et qu’on commence à se taper dessus
parce qu’on n’a jamais la pêche, on peut dire que ce genre de témoin y va un
peu trop fort.
La gravité, le sérieux à propos de tout et de rien
et l’attitude obsessive du genre «ça va se passer comme ça, sinon...» sont les
plus grands rabat-joie du monde. On n’apprécie rien parce que tout est trop solennel.
Par contraste, quand on est joyeux, l’esprit est ordinaire, détendu. On a donc
intérêt à se calmer. Ce n’est pas la peine d’en faire toute une histoire.
Quand on aspire à se détendre, on commence à avoir
le sens de l’humour. Impossible de se prendre au sérieux longtemps. À part l’humour,
porter attention, s’intéresser à ce qui est autour de soi, être curieux de tout
sont autant de moyens d’avoir l’esprit joyeux. Le bonheur n’est pas nécessaire,
mais il est bon de rester curieux sans porter de jugements catégoriques. Et
quand on se surprend à porter des jugements, il est bon de s’interroger
là-dessus.
La curiosité favorise la bonne humeur. Tout comme
se souvenir tout bonnement de faire quelque chose d’autre. On est tellement
pris au piège d’un sentiment de lourdeur – le grand bonheur ou le grand malheur
– qu’il est parfois utile de changer tout simplement ses habitudes. Tout ce qui
sort de l’ordinaire peut aider. Aller à la fenêtre et regarder le ciel, se
lancer de l’eau froide dans le visage, chanter sous la douche, faire du
jogging, tout ce qui vient rompre les habitudes. C’est comme ça que les choses
perdent de leur lourdeur.
~Pema Chödrön
Bien-être
et incertitude Cent huit
enseignements Pocket Spiritualité; 2002
An eagle may fly higher, but the bee would win any contest in pollinating flowers, and each creature following its own instincts, is part of other purposes larger than its own.
(If We Live
Again, Poetry by Jane Roberts; Prentice-Hall Inc., 1982)
[Desseins L'aigle vole
peut-être plus haut, mais
l'abeille gagnerait n’importe
quel concours de
pollinisation des fleurs, et chaque
créature qui suit
ses propres instincts, participe
à d'autres desseins plus
vastes que le sien.]
Parlant d’aigle
et d’abeille...
Entre le pygargue à tête blanche et le
Donald à tête blonde Boucar Diouf
«Lorsque Jefferson a proposé le pygargue
comme oiseau emblématique, Benjamin Franklin, qui s'y connaissait en biologie,
s'y était opposé en expliquant que cet oiseau est loin d'être noble et
puissant, lui qui bat parfois en retraite devant des adversaires de plus petit
gabarit», raconte Boucar
Diouf. Photomontage
La Presse.
[...] «Cette
victoire cache aussi une prime aux burnes qui récompense plus les testicules
que les ovaires dans une Amérique encore phallocrate qui ne jure que par ses
pères fondateurs. Enfin, dans la victoire de Trump, il y a indéniablement des
démons de l'Amérique incarnés par des suprémacistes qui ont sans doute
entendu : Let's make America
«white» again! Faisons une Amérique blanche! Blanche comme la tête de leur
emblème aviaire, dont justement je veux vous entretenir en m'inspirant d'un
article de la biologiste Catherine Raven, publié dans la revue American Scientist en
2006.» [...]
[Boucar
Diouf est humoriste, biologiste, animateur et auteur d'origine sénégalaise;
il vit au Québec depuis 1991]
~~~
La sixième
extinction Boucar
Diouf
«Notre
planète a peut-être plus besoin d'une abeille que d'un humain», écrit
Boucar Diouf.
L'anthropocène, c'est cette période de temps marquée
par l'arrivée de l'humain sur la planète bleue. C'est un clin d'oeil dans
l'histoire de la Terre. J'ai bien dit un clin d'oeil, parce qu'on a calculé que
si on ramenait l'histoire terrestre à une échelle de 24 heures, l'espèce
humaine y serait apparue à 23h59 et 56 secondes. Donc, en seulement 4 secondes
d'existence, nous avons saccagé profondément ce que la Terre a mis 24 heures à
construire, car l'anthropocène est aussi synonyme de cet incontestable drame
appelé la sixième extinction. Nous
assistons aujourd'hui à un anéantissement de la biodiversité dont le principal
responsable est l'Homo sapiens. La paléontologie nous enseigne que depuis 450
millions d'années, la Terre a connu cinq extinctions massives causées par des
changements environnementaux fatals à certains groupes d'êtres vivants. La
cinquième et dernière grande extinction naturelle s'est produite au jurassique,
il y a 65 millions d'années.
L’ambition motivée par la vanité rend sans-dessein *
Par
exemple, pour son 375e anniversaire, Montréal souhaite trouver un sapin d’au
moins 28 mètres pour détrôner l’arbre de Noël du Rockefeller Center. Il faudra
une grue pour garder l’arbre en place pendant la coupe. Chaque branche devra être
emballée individuellement et l’arbre transporté avec des véhicules d’escorte
sur une remorque télescopique qui peut déplacer des arbres allant jusqu’à 35
mètres.
«Chacun de ces majestueux arbres abrite une
diversité végétale et animale qui s’écroule en même temps que le géant se
couche. [...] Les grands et vieux arbres, tant désirés par l’industrie
forestière, seraient un peu à la forêt ce que les matriarches sont au troupeau
d’éléphants de la savane africaine. [...] Si l'arbre savait ce que lui réserve
la hache, il ne lui fournirait pas le manche.» ~ Boucar Diouf(Rendez à ces arbres ce qui
appartient à ces arbres)
* L’expression
québécoise «sans-dessein» signifie : 1) Imbécile, personne qui ne
réfléchit pas ou pas assez. Personne qui dit n’importe quoi, n’importe quand,
n’importe comment, à n’importe qui. 2) Maladroit. Synonyme : bon-à-rien – qui semble incompétent en
tout. (Dictionnaire des injures
québécoises; Stanké 1996) ~~~
Destin du sans-dessein
«Aller à
l’encontre de sa nature profonde, c’est s’assurer de souffrir.Tout désir de paraître fort aux yeux des autres
est une faiblesse secrète. La réalité, c’est que nous ne sommes jamais trahis par
une personne que nous croyons forte, mais par une personne qui est faible,
cruelle ou sournoise. Nous sommes trahis chaque fois que nous accueillons
l’idée fausse que le nombre est un gage de force; de sorte que nous devons
maintenant trouver une façon de nous mettre au diapason des autres si nous voulons nous sentir en sécurité.
Imaginez qu’un homme en vienne à croire que
la pizza est la clé de la paix dans le monde. Ses idées erronées sur le
bien-être de la planète créent ses nombreux faux besoins. Par exemple, il croit
sincèrement que, pour que la paix règne, il doit y avoir une pizzeria à chaque
coin de rue dans toutes les villes du monde entier. C’est ainsi que ses faux
besoins, fondés sur une idée à la noix selon laquelle la pizza et l’harmonie
mondiale sont reliées, engendrent de faux désirs. Ceux-ci en retour donnent
lieu à de fausses peurs, des peurs qu’il ressent
comme étant réelles, mais qui n’ont aucun fondement réel. Cet homme passe
ses nuits à craindre que la pâte ne vienne à manquer ou que quelqu’un accapare
le marché de la sauce à pizza ou du saucisson! La possibilité d’un monde sans
pizza qui ne connaîtrait jamais la paix le fait sans cesse souffrir. Sa
souffrance recrée son faux besoin. Le cycle de l’aveuglement est complet. Puis
tout recommence. Voilà la vie du faux moi. Maintenant, remplaçons la pizza par une
image moins ridicule. Prenons n’importe quelle valeur à laquelle notre société
attache beaucoup de prix : le désir d’argent, d’approbation, de pouvoir,
de compagnie, de renommée, d’estime, d’autorité ou de possession. Les raisons de
nous sentir emprisonnés sont illimitées.»
~ Guy
Finley (Freedom From The Ties That Bind)
Le pire c’est
que ça marche! On n’a qu’à penser aux Trump Towers, à McDonald’s, Coca-Cola, etc.
Un documentaire intéressant : La dictature du bonheur (zone vidéo de Télé
Québec). Sur
Facebook et Instagram, on affiche des vies parfaites alors que parfois, dans
l'intimité, tout s'écroule. Le bonheur est devenu un impératif social, au même
titre que la minceur, la beauté et la réussite. Dans La dictature du bonheur, Marie-Claude
Élie-Morin cherche à mieux comprendre
cette recherche obsessive du bonheur qui occupe notre époque, avec un regard à
la fois journalistique et humain. Disponible jusqu'au 25 octobre 2019. http://zonevideo.telequebec.tv/media/30118/la-dictature-du-bonheur/la-dictature-du-bonheur
Bien sûr, les pensées positives peuvent favorablement
modifier notre humeur. On ne peut pas nier non plus que nos actes motivés par un
mixe de pensées/émotions ont des conséquences à plus ou moins long terme. Mais de là à
croire que nos malheurs et nos bonheurs résultent uniquement de nos pensées
négatives ou positives est irréaliste et plutôt enfantin. C’est ouvrir la porte
à de grandes déceptions, car la vie est plus complexe que ça. De nombreux
imprévus, sur lesquels nous n’avons aucun contrôle (une maladie, un décès, une rupture, par ex.), peuvent changer notre vie.
L’humain étant par nature un insatisfait
chronique il cherche toujours à améliorer son sort. C’est correct. Mais,
on peut programmer/visualiser jusqu’à devenir bleu-banane sans
obtenir de résultat. Il vaudrait mieux apprendre à vivre avec les déceptions
car il y en aura toujours. J'aime ce qu'en dit Pierre-Yves McSween : «...On pourrait pratiquement définir le bonheur en fonction du degré de satisfaction des attentes. On ne peut pas vraiment mettre un chiffre sur cette satisfaction, mais on peut mettre un ordre de grandeur (égal, plus grand ou plus petit, meilleur ou pire que les attentes). Comme on ne contrôle pas toujours le numérateur de l'équation (le résultat réel), on peut se concentrer sur le dénominateur, c'est-à-dire nos attentes. [...] Un autre principe important dans la gestion des attentes, c'est admettre que les objectifs et les attentes sont en constante évolution. Par conséquent, on doit accepter de les ajuster en fonction des événements de sa vie, et ce, pour le meilleur ou pour le pire.» (Réf. : En as-tu vraiment besoin?, Guy Saint-Jean éditeur, 2016)
En d'autres mots : suis ton coeur, mais n’oublie d’emmener ta
tête...
Complément : un article publié sur Situation
planétaire en mai 2014, plus que jamais pertinent vu le contexte social,
économique et politique actuel...
Buffet
«bonheur à volonté»
Un article rapportait que le mot «bonheur» avait
récemment atteint 75 millions de clics sur Google, et qu’il y avait quelque 40
000 ouvrages sur ce thème chez Amazon.
Taper bonheur dans les moteurs de recherche
peut-il nous aider à devenir plus heureux? Éternelle quête de l’insaisissable
bonheur? Le cherchons-nous au bon endroit? Le vieil aphorisme «le bonheur vient
de l’intérieur» serait-il vrai?
Photo : Ryan Yoon Studio
Extraits : Les
nouvelles solitudes. Le paradoxe de la communication moderne (2007) Marie-France
Hirigoyen* Poche Marabout, 2008
L’injonction
du bonheur – Dans l’ère de la séduction obligatoire, ce qui fait exister,
c’est aussi le regard de l’autre. [...] Que ce soit pour chercher un emploi
ou pour chercher l’âme sœur, il faut veiller à son image. Il faut être beau, en
forme, souriant, détendu, heureux... Ou, à défaut d’être heureux, il faut en
donner l’apparence, sous peine de passer pour un médiocre et un
laissé-pour-compte. Le bonheur est devenu une injonction de notre époque, comme
si ne pas être heureux était l’indice d’une maladie suspecte, et que le
malheur, quelle qu’en soit l’origine, correspondait à un échec personnel. Réussir
sa vie professionnelle avec le risque de perdre son emploi, réussir son couple
avec les ruptures qui vont immanquablement advenir, élever correctement des
enfants qui n’en font qu’à leur tête, tout cela est source de doute,
d’inquiétude, qu’il ne faut surtout pas montrer. Mais comment trouver un emploi
quand on n’a pas l’air suffisamment battant, comment rencontrer un partenaire
si on a l’air déprimé? Il faut feindre, se montrer accueillant quand on est
fatigué, sourire quand on a envie de râler. On développe ainsi un «faux self» adaptatif, qui amène les
personnes à perdre contact avec leurs véritables sentiments intérieurs et à
vivre une existence dépourvue d’authenticité. [...] Les
injonctions de notre époque – soyez beaux, riches et performants – ont rendu
insupportable l’échec et la privation. [...] Pour
faire face à ces contraintes et rester dans la compétition, beaucoup recourent
aux produits psychoactifs. Certains prennent des cocktails vitaminés au réveil
ou, si la journée s’annonce difficile, des excitants de plus longue durée;
puis, en rentrant le soir, quelque chose pour se détendre, et enfin un
somnifère pour dormir. On peut de cette façon s’installer dans la dépendance :
l’addiction est un moyen de lutter contre la dépression, mais elle permet aussi
d’éviter les conflits et de les remplacer par des comportements compulsifs. On
voit aussi fleurir les pathologies addictives, qui amènent à rechercher des
sensations fortes à travers l’alcool, le jeu, les drogues, le sexe ou certains
modes pervers de relations amoureuses. [...] Et à la moindre défaillance, on a
recours aux anxiolytiques ou aux antidépresseurs. (p. 153/156)
Banalisation
de la perversion et fragilité narcissique – …Dans un monde d’apparence, ce
qui importe, ce n’est pas ce que l’on est, mais ce qu’on donne à voir, ce ne
sont pas les conséquences lointaines de nos actes, mais les résultats immédiats
et apparents. C’est la raison majeure qui explique la banalisation de la
perversion : dans tous les domaines s’affirme la tendance à traiter l’autre
comme un objet dont on se sert tant qu’il est utile, et que l’on jette dès
qu’il ne convient plus. De fait,
nous assistons actuellement à une nette augmentation des pathologies
narcissiques, car ce type de personnalité est hyperadapté au monde moderne. Ces
changements de l’individu moyen sont le reflet des mutations induites par la
vie des entreprises et la guerre économique : conditionné par le mythe de l’Homo oeconomicus engagé dans la «lutte
pour la vie» contre les autres, il tend à être compulsif, toujours dans l’agir;
il manque d’intériorité et reste dans des relations ludiques, superficielles.
Ces individus cultivent cette superficialité qui les protège dans les relations
affectives et évitent tout engagement intime, ce qui les maintient dans une
insécurité affective dont ils se plaignent. Ils cherchent un sens à leur vie et
tentent à tout prix, même aux dépens de l’autre, à combler leur vide intérieur.
[...] Nos
patients ne viennent donc plus avec des symptômes directement repérables, mais
plutôt pour se plaindre de la dureté du monde extérieur. Au lieu d’exprimer une
vraie interrogation sur l’origine de leur souffrance, ils nous demandent plutôt
de «réparer leur machine», afin qu’elle fonctionne mieux. Sur le plan
psychique, ils sont devenus insensibles, parlent d’un sentiment persistant de
vide qu’ils ne cherchent pas à analyser : ils attendent simplement que nous
trouvions des solutions à ce malaise – comme on demande à son médecin de
prescrire les médicaments stabilisateurs du diabète ou de l’hypertension. C’est la
fin de l’épaisseur, de la profondeur des sentiments. Tout est superficiel, à
fleur de peau. La moindre remarque entraîne des réactions épidermiques.
L’importance donnée à sa propre image entraîne une fragilité narcissique qui
amène certains à s’écrouler à la moindre critique d’un supérieur hiérarchique
ou d’un ami. De plus en plus de personnes se sentent mal comprises, rejetées,
et toute critique est vécue comme une agression. Ce sentiment de persécution
reflète bien la porosité des enveloppes corporelles et psychiques de ces
personnes : il témoigne qu’elles n’ont pas pu établir dans leur enfance des
barrières de protection leur garantissant un moi autonome : il leur faut donc
se protéger de toute intrusion du dehors et se différencier des autres. C’est sa
fragilité narcissique qui empêche un individu pervers de voir l’autre comme un
sujet et de compatir à sa souffrance. Et c’est aussi ce qui le pousse à
s’affirmer en harcelant les autres ou en leur pourrissant la vie. Même si tous
les individus narcissiques ne sont pas pervers, on constate bien une
banalisation des comportements pervers : on attache de moins de moins
d’importance à l’autre et on se déresponsabilise. En cas de problème, on ne se
remet pas en question, on en attribue la responsabilité à un tiers. [...] ...Selon
certains spécialistes, ce mode de fonctionnement serait la conséquence
d’expériences traumatiques, fruit non pas d’événements graves, mais plutôt de
traumas dans l’infraordinaire, le banal, le quotidien. Y
contribuent sans doute les frustrations éprouvées par celles et ceux qui
avaient cru aux promesses des politiques, des médias ou de la publicité,
donnant à croire qu’ils pourraient satisfaire l’ensemble de leurs désirs. Ces
frustré(e)s qui n’ont pas compris que, pour grandir et devenir autonome, il
fallait renoncer à la satisfaction de tous leurs désirs, se poseront ensuite en
victimes, et certain(e)s réclameront même en justice des compensations
financières pour réparation du dommage de n’avoir pas été comblé. [...] Partout
on parle d’estime de soi. [...] … Un vrai travail thérapeutique
devrait nous amener à nous accepter simplement comme des humains imparfaits et
fragiles, à admettre que nous ne sommes pas des surhommes. …Il faut du courage
pour oser accepter ses vulnérabilités, ses fragilités – et ne pas avoir peur de
la dépression éventuelle, pour mieux rebondir ensuite. Il faut accepter que
nous ne sommes que des individus «moyens» et que l’important est d’abord de
travailler à devenir quelqu’un de «bien». [...] Dans
notre époque de certitudes, les médias font souvent croire que la vie pourrait
être facile et sans souffrance. Mais il est impossible d’avoir une vie sans
anicroches ni difficultés. À rechercher en permanence le bonheur perpétuel, sans
aucune souffrance, on risque de se priver également de toute joie réelle. [...] Le fait
de douter et de se remettre en question, qui devrait être le signe d’une bonne
santé psychique, est de moins en moins considéré comme une valeur positive.
Est-ce à dire que toute interrogation propice à la réflexion et à la création,
éventuellement douloureuse, devrait être proscrite? On voit que le discours
dominant laisse aussi peu de place à la solitude choisie. Dans la
même ligne d’efficacité à moindre effort, les manuels de «développement
personnel» multiplient les conseils pour gérer ses émotions, pour améliorer sa
relation à autrui et «développer ses potentiels». Les sectes profitent
d’ailleurs de ce besoin de guide pour proposer toute une floraison de stages de
«reconstruction personnelle» ou de formation en pseudo-psychothérapie.
L’absence de repères rend en effet certains individus extrêmement manipulables
: leur identité est flottante et ces personnes fragiles sont en demande
d’assistance. Elles ont besoin d’être rassurées par une vérité absolue, ce qui
peut les amener à devenir la proie d’un groupe sectaire. Mais ce
narcissisme de l’inquiétude, loin d’être joyeux ou libérateur, est souvent
synonyme d’un repli sur soi face à la peur du monde : peur de l’autre, peur du
chômage, peur des agressions, peur de la maladie, peur de la vieillesse, mais
surtout peur de ne pas être «conforme». Lorsque l’estime de soi dépend d’abord
de l’admiration que l’on inspire à autrui, l’échec ou le vieillissement entraînent
tristesse et solitude. La tentation est grande de se replier sur soi-même ou de
chercher des compensations amoureuses. Dans cette dernière voie, les sites de
rencontres sur Internet, dont j’ai déjà évoqué le caractère illusoire (1), sont
devenus un recours presque obligé, dont le succès mérite le détour. (p.
156/163)
---
(1) Les
chimères du virtuel – La communication virtuelle nous éloigne encore plus
de la possibilité d’une rencontre qui impliquerait d’oser aller vers l’autre.
Chercher un autre sur Internet, c’est le narcissisme absolu, on reste face à
soi. Désormais, si un individu est trop insatisfait de sa vie, il peut
s’inventer une vie idéale totalement virtuelle, où il ne serait pas harcelé par
son patron, où il serait toujours beau et en bonne santé, bref, où il serait
enfin ce qu’on lui demande idéalement d’être. (p. 137/138)
* Marie-France
Hirigoyen est psychiatre, psychanalyste et victimologue. Elle s’est
spécialisée dans l’étude de toutes les formes de violence : familiale, perverse
et sexuelle. Elle est l’auteur du best-seller Le Harcèlement moral. La violence perverse au quotidien (1998), de Malaise dans le travail. Harcèlement moral,
démêler le vrai du faux (2001), et de Femmes
sous emprise. Les ressorts de la violence dans le couple (2005).
(Le portefeuille peut faire toute la différence, en effet...)
Oui,
le président désigné stresse beaucoup de monde, pas juste aux États-Unis. C’est épouvantable de
voir des misogynes et des racistes comme Stephen Bannon (un copié/collé de
Trump) et Mike Pence (un évangéliste plus blanc que blanc) à la Maison-Blanche.
Mais, «contre la stupidité, les dieux eux-mêmes luttent en vain» (Friedrich Schiller).
Le
sentiment d’impuissance peut inciter à boire plus d'alcool, à manger plus de
chocolat et de croustilles et à regarder plus de télé pour inhiber temporairement
le stress. Mais cela n’éliminera pas la cause – Trump ne sera sans doute pas destitué.
Cependant,
le rire peut être une excellente façon de gérer l’anxiété et d'évacuer la vapeur sans
prendre de poids (1).
«Se
prendre au sérieux est la cause de tous nos problèmes, du cancer à la
réincarnation.» ~ Steve Bhaerman
Dieu
merci, on trouve amplement matière à rire sur Internet.
Presidential Debate - Hillary vs Trump dance with
Putin Danseurs :
Hillary et Donald Accompagnateur :
Vladimir
Le rire
fait partie de notre quotidien. C’est très agréable et on dit que ça fait du
bien, mais savez-vous à quel point? Voici quelques faits reconnus du rire qui
témoignent de toute son utilité pour l’être humain.
BIENFAITS SUR LA SANTÉ PHYSIQUE
• Le
rire, comme l’exercice physique, implique plusieurs muscles, ce qui amène
vitalité et bien-être. C’est aussi un puissant relaxant musculaire, car il
diminue grandement les tensions.
• La
respiration saccadée associée au rire masse et décontracte les muscles environnants.
Il optimise les fonctions des organes de l’abdomen et du thorax. La sécrétion
des sucs régularise la digestion et freine l’acidité de l’estomac. Le rire
permet ainsi de combattre la constipation et favorise l’élimination du
cholestérol.
• Par
l’implication du système respiratoire, le rire contribue à nettoyer et à
libérer les voies respiratoires et les poumons. Il peut même améliorer les cas
d’emphysème et faire passer les crises d’asthme.
• Le rire
active la circulation sanguine, ce qui augmente l’apport en oxygène dans le
coeur, le cerveau et les muscles. Il permet ainsi de fortifier le coeur. Il
réduit aussi la tension artérielle en relâchant les vaisseaux sanguins.
• Le rire
active l’hypothalamus, dans le cerveau, qui sécrète alors des endorphines dans
le corps, ce qui crée une sensation de bien-être, réduit la douleur et lutte
contre l’inflammation.
• Le rire
renforce le système immunitaire en faisant diminuer le taux de cortisol et
accroître le taux d’anticorps dans le nez et les voies respiratoires. Cela
pourrait favoriser la résistance des personnes atteintes de cancer.
• Le rire
contribue à l’autorégulation du système biologique, ce qui aide à conserver un
bon état de santé.
BIENFAITS SUR LA SANTÉ MENTALE
• Par
l’oxygénation du cerveau et les hormones sécrétées, le rire génère une
sensation de plaisir, apaise les préoccupations et éveille le positivisme chez
la personne. Cela a un grand effet antidépresseur.
• Les
hormones sécrétées et la détente corporelle engendrée par le rire permettent de
réduire le stress en diminuant l’adrénaline et le cortisol.
• Le rire
réduit aussi l’insomnie, car il contribue au sommeil en libérant l’esprit et en
relâchant les tensions corporelles.
• Avec
l’oxygénation du cerveau par l’apport sanguin vers celui-ci, le rire combat la
fatigue, améliore l’attention, la vitesse d’exécution et stimule les fonctions
cognitives.
• Le rire
permet d’adopter une attitude plus positive et détendue face à l’apprentissage.
Il réduit la peur de l’échec ou de commettre une erreur, ce qui favorise la
participation à la recherche de solution. Il stimule aussi la créativité, la
mémoire et la capacité à faire des liens.
BIENFAITS SUR LES RELATIONS SOCIALES
• Le rire
permet d’augmenter la confiance en soi en combattant la timidité et permet de
se sentir mieux dans sa peau et donc, être de meilleure humeur.
• Savoir
rire de soi et de ses erreurs permet d’ailleurs d’être plus à l’aise
socialement.
• Le rire
permet de relâcher les inhibitions, ce qui encourage la sociabilité et la
communication. Les messages ont d’ailleurs un plus grand impact auprès de notre
interlocuteur avec l’humour.
• Le rire
peut permettre de voir la vie de manière plus optimiste et de dévoiler notre personnalité.
Il crée un sentiment de cohésion et permet l’ouverture aux autres. Il met les
gens à l’aise. • Le rire
est un langage simple et universel qui communique la joie et la paix, ce qui
favorise les relations d’amitié.
Document
fait par David Tétreault, interne en psychologie Juin 2014
Bob Walsh et son fidèle compositeur et harmoniciste Guy Bélanger. Photographe :
James Saint-Laurent (Voir.ca)
Le bluesman Bob
Walsh, décédé le 15 novembre (à 68 ans), s’ajoute à la liste impressionnante
de musiciens, compositeurs et interprètes disparus en 2016 – près d’une
trentaine depuis janvier! En tout cas, l’année
2016 nous aura endeuillés, et pas seulement dans le domaine culturel...
«Quand je
suis arrivé à Québec, sans connaître Québec, en arrivant à la porte Saint-Jean,
j’ai entendu une voix, qui m’a donné des frissons, qui m’a tout fait faire, qui
m’a ému … Plusieurs fois, durant mes années d’errance où je ne pouvais pas
entrer partout où il [Bob Walsh] jouait, je m’installais, sur le
trottoir devant les terrasses où il chantait. Il chantait son âme à chaque fois,
et je pleurais. Je pleurais régulièrement. À l’époque je jouais seulement du
piano. Si ça n’avait pas été de Bob, je n’aurais jamais essayé de chanter. Adieu mon vieux chum, mon grand frère. Une
partie de mon cœur vient de partir avec toi. Je t'aimerai toujours.» ~Dan
Bigras, chanteur, auteur-compositeur, musicien, acteur et réalisateur québécois
~~~
Il était une voix... un Québécois dont la
filiation musicale était aussi profondément enracinée dans les boues du
Mississippi que sur les berges du Saint-Laurent, sans parler de son bagage
hérité de la verte Érin. Pour les habitués de la vie nocturne de la Vieille
Capitale et d'un peu partout au Québec, le nom de Bob Walsh résume à lui seul
presque toute l'histoire du blues local depuis la fin des années soixante. Le
parcours musical du guitariste-chanteur remonte au moment où il rejoint son
premier orchestre de danse du nom de Blues Boys Band et se poursuit depuis lors
sous les formes les plus variées. Après un assez bref séjour au sein de ce
groupe, pendant lequel il découvre sans doute les fameuses intonations vocales
à la façon de «... monsieur Charles, monsieur King, monsieur Brown!», Bob
amorce une carrière en solo, ponctuée de diverses formes de partenariat au gré
des saisons, avant que le grand public daigne lui prêter attention.
Pourtant, la qualité d'interprétation et la voix
même de ce bluesman pas comme les autres sont à des lieux des poncifs du genre,
préférant la douceur subtile, façon Jimi Hendrix, à la projection vocale de
nombreux visages pâles s'attaquant à ce répertoire. D'ailleurs, il n'hésite pas
à inclure des chansons d'origine folk à ses spectacles, privilégiant l'attitude
à toute définition théorique quand vient le temps de situer son blues.
ANGEL (de Jimi Hendrix) par Bob Walsh sur l’album INSIDE I AM ALL BLUE
Paroles :
Angel
came down from heaven yesterday She
stayed with me just long enough to rescue me And
she told me a story yesterday, About
the sweet love between the moon and the deep blue sea And
then she spread her wings high over me She
said she’s gonna come back tomorrow
And
I said “fly on my sweet angel, Fly
on through the sky, Fly
on my sweet angel, Tomorrow
I’m gonna be by your side”
Sure
enough this morning came on to me Silver
wings silhouetted against the child’s sunrise And
my angel she said to me “Today
is the day for you to rise, Take
my hand, you’re gonna be my man, You’re
gonna fly” And
then she took me high over yonder
And
I said “fly on my sweet angel, Fly
on through the sky, Fly
on my sweet angel, Tomorrow
I'm gonna be by your side”
Songwriters:
Carnell, Paul Fricker, Robert Holm, Lucia Valentine, Dave
Hier soir, j’ai passé quelques heures à regarder
des vidéos de Leonard Cohen – sa voix calme me réconforte, me console.
«J’ai perdu mon chemin, j’ai oublié de t’invoquer.
Le cœur brut battait contre le monde et les larmes étaient pour ma victoire
perdue. Mais tu es là. Tu as toujours été là. Le monde est tout oublieux et le cœur
est une furie de directions, mais ton nom unifie le cœur et le monde est relevé
à sa place. Béni soit celui qui attend que se tourne vers lui le cœur du
voyageur.»
“I
lost my way, I forgot to call on your name. The raw heart beat against the
world, and the tears were for my lost victory. But you are here. You have
always been here. The world is all forgetting, and the heart is a rage of
directions, but your name unifies the heart, and the world is lifted into its
place. Blessed is the one who waits in the traveller’s heart for his turning.”
Source : Leonard Cohen, Book
of Mercy (poésie, prose et psaumes) 1984, trad. Jacques Vassal, 1985, Le Livre de miséricorde; Éditions Carrière-Michel Lafon (Publication
bilingue)
Les voisins du quartier portugais où résidait
Leonard durant ses séjours à Montréal et les gens qui fréquentaient le café du
coin ou le Parc du Portugal (aussi appelé Leonard’s
Park) ont tous dit à quel point il était simple, chaleureux, amical et respectueux.
Pas de «complexe de vedette». Pas besoin de garde du corps dans sa vie
ordinaire ni de forteresse autour de ses habitations – rarissime chez les gens
aussi célèbres que lui. La grandeur d’un individu est en effet directement proportionnelle
à sa simplicité et à son humilité.
Plusieurs personnes ont aussi mentionné sa
relation amicale avec un homme atteint de schizophrénie paranoïde, Philip Tétrault.
Le documentaire This Beggar’s Description,
réalisé pas son frère Pierre, raconte les hauts et les bas de la vie de Phil. Produit
par l’Office National du Film du Canada il a remporté en 2006 le prix C.B.C. Newsworld Award for Best Documentary
in the Independent Film and Video Festival.
Cet extrait du film, Picnic in the Park with Leonard Cohen, nous montre les deux amis en train de causer tout
bonnement. L’affection mutuelle et l’humour
sont au rendez-vous. Très touchant d’entendre Leonard lire un des poèmes de Phil
(aussi joueur de flute et peintre).
Dans un article du Guardian (2004), Amanda, la
fille de Phil, parle de la difficulté de vivre avec un parent schizophrène. Au
sujet de Leonard, elle dit : “I'm
not sure how he met Leonard Cohen but it was years ago in Montreal. Phil would
be doing a poetry reading and Leonard would happen by on the street and come
in. So they knew each other. He's been really nice to Phil over the years,
given him money. Phil gives him poetry.” https://www.theguardian.com/theobserver/2004/aug/22/features.magazine17
Je suis à plat, dans le déni. Deux terribles chocs
cette semaine. L’un extrêmement choquant,
l’autre profondément triste. Je rageais de voir un goujat haineux comme Donald
Trump à la Maison-Blanche. Aujourd’hui, je pleure un vétéran de l’amour, un ami, un humaniste, un homme au
talent hors du commun, une grande âme; selon les sources officielles, il est décédé le 7 novembre.
La poésie de Cohen a quelque
chose d’universel, d’intemporel. Dans tous les domaines de la vie, il
y a des êtres exceptionnels qui voient plus clair et plus loin que nous. Des
visionnaires, des sages, des héros. Ils vivent parmi nous, attentifs à ce qui
se passe, et ils proposent des rêves dans un monde où règnent
l’indifférence et la haine. Bien sûr, nous ne sommes pas comme eux,
mais nous pouvons nous inspirer des œuvres qu’ils laissent en héritage. Les
grands écrivains et poètes ont habituellement du vécu, et c’est sans doute ce qui leur permet de traduire les
sentiments et les émotions du commun des mortels. N'oublions pas son sens de l'humour car on a tendance à le classer parmi les poètes désespérés. Il était simplement lucide.
Ma perception de son oeuvre :
Toute notre dualité mise à nu Descente du Tabor aux enfers Psalmodiée à voix rauque
Tous nos regrets exhibés Les trahisons, les fuites, les deuils Les silences, les soupirs rendus
Tous nos espoirs murmurés Les amours, les retrouvailles Les promesses, la main sur le cœur
Toute notre vulnérabilité en sourdine Chaleur, douceur, tendresse Violon et guitare en bandoulière
Boudacool, 21.09.2014
Dans Livre
du constant désir (2007), Leonard écrivait :
FATIGUÉS (p. 132)
Nous sommes fatigués d’être blancs et nous sommes
fatigués d’être noirs, et nous allons cesser d’être blancs et nous allons
cesser dorénavant d’être noirs. Nous allons être des voix maintenant, des voix
désincarnées dans le ciel bleu, des harmonies plaisantes dans les cavités de
votre détresse. Et nous allons être ainsi jusqu’à ce que vous vous preniez en
mains, jusqu’à ce que vos souffrances s’apaisent, et que vous puissiez croire à
la parole de D--u qui vous a dit de tant de façons de vous aimer les uns les
autres, ou à tout le moins de ne pas torturer et assassiner au nom de quelque
stupide idée à vomir et qui fait que D--u se détourne de vous, en assombrissant
le cosmos d’une inconcevable tristesse. Nous sommes fatigués d’être blancs et
nous sommes fatigués d’être noirs, et nous allons cesser d’être blancs et nous
allons cesser dorénavant d’être noirs.
~~~ «Je crois que nous traversons une époque très dure.
Pas plus l'expérience littéraire que musicale ne sont parvenues à prendre le
pouls de cette crise. Nous sommes au milieu d'un déluge de dimension biblique,
à tel point que n'importe qui se cramponne à quelque chose qui flotte, une
caisse d'oranges vide, un morceau de bois... Et les gens persistent à se
définir eux mêmes comme libéraux ou conservateurs. Cela me semble une hérésie
totale.» (Propos rapportés par Javier
Ortiz, El Mundo, octobre 1998)
“Leonard Cohen Is Dead; Our World Is
Darker.” ~ Allan Showalter
http://cohencentric.com/Un site extrêmement bien documenté sur Leonard
Cohen. Vous y trouverez entre autres une vidéo récente préparée par Showalter à
l’occasion du Jour du Souvenir – Cohen récite In Flanders Fields.
Cohen préférait peut-être, avec raison, quitter ce
monde en perdition. Son dernier album You
Want It Darker retentit comme une mort annoncée (la sienne et peut-être la
nôtre), ainsi que son dernier message à Marianne l’été
dernier : «Nous sommes
arrivés au point où nous sommes si vieux, nos corps tombent en lambeaux, et je
pense que je te rejoindrai bientôt. Sache que je suis si près derrière toi, que
si tu tends la main tu peux atteindre la mienne. Et tu sais que j’ai toujours
aimé ta beauté et ta sagesse, et je n’ai pas besoin d’en dire plus parce que tu
sais tout cela. Je veux seulement te souhaiter un très beau voyage. Au revoir,
ma vieille amie. Mon amour éternel. Rendez-vous au bout du chemin.»
“So long [Leonard], it’s time that we began To laugh and cry and cry and laugh about
it all again.”
Je ne connais aucune bonne façon de dire adieu... c’est toujours difficile.
Traveling Light Words
by Leonard Cohen, Music by Patrick Leonard and Adam Cohen (You
Want It Darker)
Excerpt
I’m
traveling light It’s
au revoir My
once so bright My
fallen star
I’m
running late They’ll
close the bar I
used to play One
mean guitar
I
guess I’m just Somebody
who Has
given up On
the me and you I’m
not alone I’ve
met a few Traveling
light like We
used to do ...
Source des extraits suivants : Livre du constant désir, LEONARD COHEN Éditions de l’Hexagone, 2007 (Traduction :
Michel Garneau)
MISSION
(p.
76)
J’ai travaillé à mon travail J’ai dormi à mon sommeil Je suis mort à ma mort Et maintenant je peux m’en aller
Quitter ce qui est nécessité Et laisser ce qui est plein Besoin en l’Esprit Et besoin dans le trou
Amour, je suis tien Comme je l’ai toujours été De la moelle au pore Du constant désir à la peau
Maintenant que ma mission Arrive à sa fin : Priez que je sois pardonné Pour la vie que j’ai menée
J’ai poursuivi le Corps Il m’a pourchassé aussi Mon constant désir est un lieu Mon mourir une voile
LE GRAND
ÉVÉNEMENT (p.116)
Il va survenir très bientôt. Le grand événement qui mettra fin à l’horreur. Qui va mettre fin au malheur. Mardi prochain, au coucher du soleil, je vais jouer la Sonate à la lune à l’envers. Ça va renverser les effets de la folle plongée du
monde dans la souffrance depuis les derniers deux cents millions d’années. Quelle jolie nuit ce sera. Quel soupir de soulagement, quand les rouges-gorges séniles redeviendront rouge clair comme avant, et que les rossignols à
la retraite relèveront leurs queues poussiéreuses, et
témoigneront de la majesté de la création!
Je laisse la conclusion à son fils Adam Cohen : «Quand on
me demande combien de temps mon père va vivre, je réponds que dans 200 ans,
quelqu’un va chanter une chanson de Leonard Cohen. C’est pas ça, la vie?» ~ Adam Cohen (octobre 2016)