Une recherche sur l’amitié révèle que 95 % des gens
croient que leurs sentiments envers leurs amis sont réciproques. Erreur :
en réalité, 47 % de nos «amis» ne nous aiment pas. Alex Pentland, chercheur en
science sociale informatique au MIT et co-auteur de l’étude, a remarqué que les
gens ne veulent pas savoir s’il y a réciprocité ou non parce cela pourrait contrarier
leur image de soi. Par ailleurs l’écart peut venir de la définition de
l’amitié qui varie sensiblement d’une personne à l’autre.
Illustration : Harold's planet
«C. qui
joue à séduire, qui donne trop à tout le monde et ne tient jamais. Qui a le
besoin d'acquérir, de gagner l'amour et l'amitié et qui est incapable de l'un
et de l'autre. Belle figure de roman et lamentable image d'ami.» ~ Albert Camus (Carnets I, Mai 1935 –
février 1942)
Il est vrai qu’aujourd’hui le mot «amis» couvre un
large éventail d’individus allant de la personne avec qui vous partagez une
part de votre jardin secret, jusqu’aux purs étrangers comme vos «fans» sur
Facebook.
«Traiter
les amis comme des investissements et des commodités pour rehausser son image,
est antithétique au concept même de l’amitié. L’important n’est pas ce que
l’autre peut faire pour vous, mais plutôt ce que vous devenez en présence l’un de
l’autre. La notion de passer du temps ensemble sans rien faire est un art qui
s’est perdu, maintenant remplacé par des volées de textes et de tweets. Les
gens veulent tellement maximiser l’efficacité de leurs relations qu’ils ne savent plus ce que signifie être un ami.» (Ronald Sharp, professeur d’anglais au Vassar College) Selon lui,
l’ami est une personne que vous prenez le temps de comprendre et qui
inversement prend le temps de vous comprendre.
«Notre temps étant limité, le nombre d’amis qu’on
peut avoir l’est aussi», explique le psychologue évolutionniste britannique
Robin I.M. Dunbar. «Le temps et le capital émotionnel que nous pouvons
partager est restreint, de sorte que nous ne pouvons pas entretenir plus de cinq
relations importantes ou intenses simultanément. Si quelqu’un affirme en avoir plus de cinq,
vous pouvez être pas mal certain que ce ne sont pas des amitiés de qualité.» Dunbar classe l’importance des amitiés de la façon
suivante :
- L’étage supérieur est constitué seulement d’une
ou deux personnes, par exemple le conjoint et le meilleur ami avec qui vous êtes
plus intime et interagissez quotidiennement.
- L’étage suivant peut accueillir tout au plus
quatre personnes avec qui vous partagez une grande affinité, de l'affection, des
intérêts communs; ces amitiés requièrent une attention hebdomadaire pour se
maintenir.
- À l’étage inférieur, se trouvent les amis fortuits
avec qui vous passez moins de temps. Les liens tendent à être moins profonds et
durables. Sans contact régulier, ils tombent facilement au rang des
connaissances – vous pouvez être friendly
avec eux, mais ce ne sont pas des amis.
Un article du New York Times rapportait que le
fait d'avoir trop de relations superficielles et non réciproques pouvait mener
à des problèmes physiques, voire à une dysfonction cérébrale. La psychiatre Amy
Banks, auteur de Wired To Connect: The
Surprising Link Between Brain Science and Strong, Healthy Relationships, a
noté que le nerf vague pouvait être négativement affecté par le sentiment d’isolement.
Maintenir ce nerf en bon état est indispensable «pour moduler notre réaction
instinctive de défense et/ou de fuite». En compagnie d’étrangers nous éprouvons
naturellement de l’anxiété de sorte que ce système entre alors en action; par
contre, en compagnie d’amis proches, nous nous sentons à l’aise et en sécurité.
Il est impossible de déterminer la sincérité d’un sentiment sur internet, ce ne
sont que des mots. Voilà pourquoi il vaut mieux mettre son temps et son énergie
à renforcer nos liens avec des gens réellement intéressés à être proches de
nous (en chair et en os); ainsi il y aura toujours quelqu'un que nous pourrons
appeler un «ami».
Faites le décompte de vos amis... Qui vous
manquerait? À qui manqueriez-vous? Qui vous donne du temps? À qui en donnez-vous?
Les amitiés sont comme les relations de couple : pour le meilleur ou le pire
dépendant des gens qu’on choisit.
(Source : différents articles au sujet de
cette étude; j’ai picoré dans le buffet comme on dit...)
Illustration : Harold's planet
Je me demande ce que penserait Camus des «amis»
Facebook...
«Chercher les contacts. Tous les contacts. Si je
veux écrire sur les hommes, comment m'écarter du paysage? Et si le ciel ou la
lumière m'attire, oublierai-je les yeux ou la voix de ceux que j'aime? À chaque
fois, on me donne les éléments d'une amitié, les morceaux d'une émotion, jamais
l'émotion, jamais l'amitié.
On va
voir un ami plus âgé pour lui dire tout. Du moins ce quelque chose qui étouffe.
Mais lui est pressé. On parle de tout et de rien. L'heure passe. Et me voici
plus seul et plus vide. Cette infirme sagesse que je tente de construire, quel
mot distrait d'un ami qui m'échappe viendra la détruire! «Non ridere, non lugere...»* et les doutes
sur moi-même et les autres.» ~ Albert
Camus (Carnets I, Mai 1935 – février 1942)
* «Ni rire, ni pleurer, mais comprendre». Ce qui
semble être une citation, nous vient du philosophe Baruch Spinoza : «Sedulo curavi, humanas actiones non
ridere, non lugere, neque detestari, sed intelligere» – j’ai mis tous mes soins à ne pas
tourner en dérision les actions des hommes, à ne pas pleurer sur elles, à ne
pas les détester, mais à en acquérir une connaissance vraie (trad. Émile
Saisset).
http://www.accordphilo.com/
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