22 septembre 2016

Colombes, fuyez!



C’était la Journée internationale de la paix hier. Hum.

La paix est-elle à vendre, comme l’eau, les terres...?
Bizarre, personne ne semble intéressé à l’acheter ou la voler...

J’ai quelque fois proposé que tous les belliqueux soient rassemblés une fois par an (ou plus souvent si nécessaire) pour s’entretuer à mains nues – dans un endroit isolé, loin de toute civilisation. L’idée est vieille comme la guerre. C’est dire! Et je suis persuadée que tous les gens qui ont le goût de vivre en paix y ont songé.

La morale de la fable d’Ésope et Abstémius Les Vautours en guerre entre eux et pacifiés par les Colombes était : «Les querelles entre méchants doivent être stimulées plutôt qu’apaisées, car tandis qu’ils se déchirent, ils laissent les honnêtes gens vivre en paix.» On aimerait bien...

La version de Jean de La Fontaine :

Les Vautours et les Pigeons

Mars autrefois mit tout l'air en émute.
Certain sujet fit naître la dispute
Chez les oiseaux, non ceux que le Printemps
Mène à sa cour, et qui, sous la feuillée,
Par leur exemple et leurs sons éclatants,
Font que Vénus est en nous réveillée;
Ni ceux encor que la mère d'Amour
Met à son char; mais le peuple vautour,
Au bec retors, à la tranchante serre,
Pour un chien mort se fit, dit-on, la guerre.
Il plut du sang : je n'exagère point.
Si je voulais conter de point en point
Tout le détail, je manquerais d'haleine.
Maint chef périt, maint héros expira;
Et sur son roc Prométhée espéra
De voir bientôt une fin à sa peine.
C'était plaisir d'observer leurs efforts;
C'était pitié de voir tomber les morts.
Valeur, adresse, et ruses, et surprises,
Tout s'employa. Les deux troupes, éprises
D'ardent courroux, n'épargnaient nuls moyens
De peupler l'air que respirent les ombres :
Tout élément remplit de citoyens
Le vaste enclos qu'ont les royaumes sombres.
Cette fureur mit la compassion
Dans les esprits d'une autre nation
Au col changeant, au coeur tendre et fidèle.
Elle employa sa médiation
Pour accorder une telle querelle :
Ambassadeurs par le peuple pigeon
Furent choisis, et si bien travaillèrent
Que les vautours plus ne se chamaillèrent.
Ils firent trêve; et la paix s'ensuivit.
Hélas! ce fut aux dépends de la race
À qui la leur aurait dû rendre grâce.
La gent maudite aussitôt poursuivit
Tous les pigeons, en fit ample carnage,
Et dépeupla les bourgades, les champs.
Peu de prudence eurent les pauvres gens,
D'accommoder un peuple si sauvage.

Tenez toujours divisés les méchants :
La sûreté du reste de la terre
Dépend de là. Semez entre eux la guerre,
Ou vous n'aurez avec eux nulle paix.
Ceci soit dit en passant : je me tais.

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En émute : en émeute, en émoi; maintenu pour la rime.

Ceux du Printemps : les rossignols

Les colombes sont les oiseaux de Vénus. La Fontaine a déjà utilisé cette expression dans La Colombe et le Fourmi «...Dès qu’il vit l’oiseau de Vénus».

Retors : crochu.

Sa peine pour avoir volé le feu des dieux? Avoir le foie rongé par un vautour.

Source : http://www.lafontaine.net/

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